vendredi 10 décembre 2021

Wonder Woman Historia - The Amazons

 Wonder Woman Historia: The Amazons, Book One (Kelly Sue DeConnick & Phil Jimenez), Interdit aux moins de 17 ans (!)

Cette série limitée sur les origines des Amazones est sans doute le meilleur titre jamais réalisé par DC sur Wonder Woman. Oui, meilleur que The Hiketeia. Certes quand même pas meilleur que Promethea si on la considère comme une version alternative de WW par Alan Moore. 

Pourquoi est-ce si réussi ? 

Phil Jimenez (qui fut aussi le scénariste et dessinateur de WW en 2000-2003) a souvent été sous-estimé comme un sous-George Pérez (en peut-être un peu plus rigide parfois dans ses anatomies) parce que c'était ainsi qu'il se présentait lui-même comme le continuateur ou le porteur de flammes de ce style de comics américain. Mais ici, il a ajouté une influence plus complexe encore qui me rappelle d'ailleurs le psychédélisme druilletien qu'a fait Liam Sharp sur Green Lantern ces dernières années ou ses jeux sur les graphismes celtiques à la Jim Fitzpatrick dans la série limitée The Brave & the Bold: Batman & Wonder Woman

George Pérez adorait dessiner les Olympiens mais en dehors de quelques perspectives Escheresques sur l'Olympe, ils demeuraient très anthropomorphiques et Jimenez a souvent été fidèle à ce modèle. Mais ici, peut-être en partie inspirés par les réinventions "totémiques" par Brian Azzarello & Cliff Chiang il y a une douzaine d'années) la scénariste Kelly Sue DeConnick et lui ont choisi des représentations bien plus inhumaines des Olympiens qui feraient passer les Célestes de Kirby pour de simples cosmonautes. Ils deviennent des formes transcendantes plus "sublimes" ou effrayantes. 

Voici par exemple, rien que pour prendre les premières pages au début, les Déesses Hestia, Artemis, Hécate, Aphrodite et Athéna


(cliquez pour voir en entier)

Aphrodite en Vénus de Willendorf ruisselle du sang d'Ouranos, la géométrie des Trois Têtes de Hécate est déjà non-euclidienne et Athéna a rarement été aussi inquiétante en panoplie spectrale désincarnée, une égide sans visage. 

Mais c'est sans doute Héra en déesse recouverte des Yeux d'Argos et de Plumes de Paon qui est la plus réussie. 


Les Amazones des mythes semblaient plutôt adorer le sauvage Arès. La version de William Moulton Marston quand il a créé Wonder Woman en 1940 (en utilisant ses fantasmes érotiques sado-masochistes sur le bondage et le pouvoir féminin) avait inversé les Amazones en fidèles d'Aphrodite, "guerrières de l'amour" (et Mars devenait leur principal adversaire au contraire). 
George Pérez avait retiré tout ce culte de Vénus dans sa version, en faisant des Amazones les adoratrices des Déesses grecques en général et Phil Jimenez était allé encore plus loin Wonder Woman, vol. 2, #164–188 (2001–2003) en changeant leur panthéon en celui de Déesses de plusieurs mythologies mondiales à la fois, Athéna mais aussi Ishtar, Isis, Neith, Sekhmet ou d'autres. 

Ici, DeConnick privilégie Héra à la place d'Athéna mais c'est comme figure de la Royauté féminine, de la Shakti, comme La Déesse et contre-pouvoir à Zeus (qui devient ici un étrange Zeus-Ammon bélier qui ne cesse d'osciller entre ses diverses métamorphoses en Taureau, en Aigle ou en Cygne). 




Pérez avait commencé sa version de WW en disant que Hippolyte n'avait pas créé le souffle de vie de la Pandore-Diana mais que les enveloppes des Amazones gardaient les âmes des femmes persécutées et assassinées par l'histoire du Patriarcat. Ici, l'idée est développée avec des tribus d'Amazones différenciées selon les diverses déesses et des âmes de petites filles dans les Limbes de Héra. Et c'est la première fois qu'on développe autant les Amazones pour qu'elles ne servent pas seulement d'arrière-fond pour Diana. 

Je n'avais pas vraiment apprécié la bd de sexploitation à la Tarantino dans l'Amazone d'Oracle n°9. Mais ici le thème de la violence patriarcale me paraît globalement mieux fait, même si c'est avec la même amertume et la même cruauté. C'est sans doute une des meilleures bd sur l'Antiquité que j'ai lues depuis la fabuleuse déconstruction du mythe spartiate dans Three (2014) de Kieron Gillen ou la dramatisation de la guerre de Troie dans Age of Bronze

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