lundi 30 avril 2012

Constance politique








  • Je lis en ce moment Tout s'allume de Gébé (1979). Cette "encéphalo-fiction" anticipe les slogans actuels de Stiegler sur une "neuropolitique" où il s'agit de se demander quelle part du Cerveau disponible on peut occuper. Une des choses étonnantes pour l'instant est que l'association de "prise de conscience" utopique est financée par des milliardaires philanthropes et désintéressés, je ne m'attendais pas à un tel mythe du mécène dans une bd de Gébé.

  • L'Extrême gauche est assez stable entre 2002 et 2012 (elle perd un point) :

      2002
    Daniel Gluckstein 0,47 % + Robert Hue 3,37% + Olivier Besancenot 4,25% + Arlette Laguiller 5,72% = 13,81%
    (Je ne compte pas JP Chevénement, 5,33%, comme extrême-gauche, et bien entendu encore moins Taubira)

      2007
    Gérard Schivardi 0,34% + José Bové 1,32% + Arlette Laguillier 1,33% + Marie-George Buffet 1,93% + Olivier Besancenot 4,08% = 9%
    (Je compte José Bové dans l'extrême gauche et non pas seulement l'écologie à l'époque, comme son mouvement s'appelait Collectif national d’initiative pour un rassemblement antilibéral de gauche)

      2012
    Nathalie Arthaud 0,56% + Philippe Poutou 1,15 % + Jean-Luc Mélenchon 11,10 % = 12,81%
    (Je ne compte pas Jacques Cheminade, l'obscur larouchiste à 0,25 %)

    Mélenchon a fait mieux que prévu au départ (même s'il a fait moins bien que certains sondages plus récents) mais cela semble en partie une revanche de l'aile gauche (du molletisme) sur le trotskisme de 2002 (où les trois trostkistes unis faisaient environ 10,5% et où le PCF était encore à 3%).

  • L'Extrême droite est assez stable entre 2002 et 2012 (elle perd 1,3 point, même après 5 ans de matraquage buissonien) :

      2002
    Bruno Mégret 2,34% + Jean-Marie Le Pen 16,86% = 19,2%
    (Je ne compte pas les Chasseurs)

      2012
    Marine Le Pen 17,9%
    Elle fait 0,1 point de plus que son père au second tour de 2002.

    Voir aussi le tableau des résultats du FN aux Présidentielles qui reste relativement stable depuis 1988, de 15% à 19%.

    NS se plaint de n'avoir droit qu'à un seul débat au lieu des trois qu'il avait tenté d'imposer. Mais il faut lui rappeler (comme le fait Humour de droite) que Jean-Marie Le Pen n'avait eu droit à aucun débat en 2002, lui.

  • Il existe un bon argument contre la "sarkophobie" : cette manière de croire que les problèmes des Français viendraient d'un mauvais génie qui "jouerait avec le feu", qui "attiserait les démons xénophobes" risque de simplifier son personnage et d'en faire un bouc-émissaire de nos défauts. En somme, la sarkophobie risque d'imiter en miroir ses propres gestes de caricature, en prenant simplement le démagogue ploutocrate neuilléen à la place du Rom, du Syndicaliste ou du Fonctionnaire.

    Ce que nous rejetons tant dans sa gesticulation si incohérente sur tous les sujets, c'est en partie notre propre manque de constance et le fait que nous redoutons de "mériter" (si cela avait un sens) à notre plus grande honte un tel "représentant" de nos travers.
  • [Alphabet d'Avril] Z comme Zénobie

    Zenobia (1999/2004) est un jeu de rôle gratuit par Paul "Zozer" / "Mithras" Elliott. Le jeu est fondé sur le Proche-Orient antique à l'époque de la reine Zénobie de Palmyre (240-vers 274 après JC) mais c'est une Antiquité parallèle qui laisse plus de liberté et plus de fantastique (alors que Paul Elliott a fait le choix inverse dans son autre jeu sur la Grèce hellénistique Warlords of Alexander, qui est plus historique et couvre à peu près la même période que le récent jeu français Oikouménè sur le IIIe siècle avant notre ère).

    La vraie Julia Aurelia Zenobia est une reine de la cité de Palmyre, oasis de Syrie (qui n'est autre que Tadmor dans 10 000 mais 660 ans après). Veuve de roi, prétendant descendre des anciennes dynasties grecques comme Cléopâtre (des historiens romains prétendent même qu'elle aurait voulu descendre de Didon de Carthage), elle tenta de profiter de la Crise du IIIe siècle et de l'affaiblissement du pouvoir romain pour déclarer l'indépendance de toute la partie orientale, de la Syrie à l'Egypte. Si elle l'avait emporté, son domaine aurait ainsi constitué une troisième force entre l'Empire romain d'Occident et l'Empire perse des Sassanides, quelques années avant que l'Empire ne finisse par diviser la Tétrarchie. Mais son aventure fut éphémère : elle conquiert l'Egypte en 269 mais dès 274, quand les Romains ne sont plus occupés par les guerres contre les Barbares germaniques, elle est vaincue et capturée par l'Empereur Aurélien (qui réussit d'ailleurs aussi ensuite à vaincre un autre Empire des Gaules indépendantes avant de mourir l'année suivante).

    Certains noms ont été très légèrement modifiés comme s'il s'agissait de ne pas offenser : on dit simplement "l'Oint" à la place du Christ, "Solymien" à la place de Juif, "Ionien" à la place de Grec. Il y a aussi une faune mythologique et fantastique. Nous sommes aux alentours de l'an 1015 après la Fondation de la Ville (donc vers 260, avant que la Guerre n'éclate vraiment entre Rome et l'Empire palmyrien) et on crée des aventuriers qui peuvent venir de toute la Méditerranée, que ce soit des Romains, des Egyptiens, des Nabatéens, des Juifs ou des Perses. Alors que Warlords of Alexander utilisait une version du BRP, les règles sont plus simples. On choisit surtout une culture et une occupation. Il n'y a que 5 caractéristiques sur 1d6 : Puissance, Destin (= Chance), Vitalité (à 2d6 + 10), Artisanat et Erudition. La création de personnage me paraît quand même un peu longue par rapport à la simplicité visée par le système.

    Les règles de combat semblent assez rapides. Chacun calcule 2d6 + score en Puissance + bonus spéciaux de l'arme et la différence entre les deux est les dégâts sur la Vitalité de celui qui a eu le plus petit score. Oui, c'est presque aussi simple que Fighting Fantasy. Il y a deux spécialisations (des sortes de "classes") qui ont des capacités spéciales : les Philosophes (qui sont plutôt des alchimistes fabriquant des potions) et les Mages (qui sont plus comme les magiciens des autres jeux).

    On peut jouer divers types d'aventures, que ce soit des Légionnaires gréco-syriens rejoignant la cause de Zénobie ou des aventuriers tentant de profiter du chaos pour piller d'ancienne tombes égyptiennes à la recherche du corps d'Alexandre le Grand. Un défaut est sans doute l'absence de carte. L'idée que les Philosophes néo-platoniciens comme le jeune Jamblique de Syrie soient des sortes de sorciers me fait rire et n'est pas vraiment si déplacée quand on regarde les écrits de "théurgie" de certains d'entre eux.

    Zenobia a eu plusieurs suppléments gratuits (sur la Grèce et l'Egypte) mais l'auteur a depuis repris son système pour un jeu plus "professionnel" baptisé 43 AD sur la vie des Légionnaires en (Grande-)Bretagne (donc deux siècles avant, sous l'Empereur Claude). Mais ma version de jeu favorite est un autre de ses jeux : Mercator, qui adapte assez directement le jeu de science-fiction Traveller en remplaçant l'espace par la Méditerranée.

    dimanche 29 avril 2012

    Ut pictura

    Tiens, d'après cette note, ce serait Arsène Houssaye qui aurait été le premier à populariser le terme de "réalisme" en esthétique en l'utilisant à l'origine (en 1846) pour la peinture hollandaise (décrite comme "une poésie réaliste") avant que Jules (Champ)fleury ne l'utilise pour la peinture de Courbet et pour la littérature.

    [Alphabet d'Avril] Y comme Yggdrasil

    Yggdrasil (2009) est encore un jeu du 7e Cercle comme Qin et il fait le choix de ne pas porter sur les Vikings en général mais sur un contexte de campagne bien plus précis : le Danemark et la Suède à l'époque de la célèbre saga de Hrólfr Kraki. Qin avait une chronologie historique assez précise alors qu'ici il a fallu concilier de nombreuses traditions sur cette période des Âges sombres quasi-myt autour du VIIe siècle. Le Danemark est régi par le cruel roi fratricide Fróði de la dynastie des Skjöldung et la Svíþjóð (Suède) est gouvernée par Egil puis Óttarr de la famille des Ynglings (ancêtres des rois norvégiens).

    Malgré ce contexte précis, il est possible d'inclure autant de mythe qu'on le désire, avec des voyages à travers les différents mondes sur l'Arbre de l'Yggdrasil, des Elfes aux Trolls. En revanche, si on veut jouer en Islande, on serait contraint de repousser à la colonisation et donc pas avant le VIIIe-IXe siècle, ce qui serait au-delà de la campagne officielle.

    Je n'ai pas encore testé cette campagne (trois parties déjà parues). Les règles (qui utilisent intelligemment les Runes) me semblent un peu compliquées (certaines critiques sur le GRoG reprochent notamment au combat de ne pas être assez "épique" par rapport à l'atmosphère désirée, sauf si vous êtes des Berserks).

    Quand le jeu est sorti, j'avais regretté que la Scandinavie ait été déjà plus souvent traitée que la Chine, mais le résultat final me paraît globalement supérieur dans la description de l'arrière-fond à tous les autres jeux.

    samedi 28 avril 2012

    Epée & Escrime & Estoc & Errol & Esperluette


    Juste un lien tiré de Metafilter : les duels à l'épée d'Errol Flynn mis bout à bout (Captain Blood, Sea Hawk, Robin Hood, Don Juan et le Capitaine Hawke de Against All Flags).

    [Alphabet d'Avril] X comme...

    Xénophon !

    Quand Jeff Grubb a fait le même Abécédaire l'an dernier, il avait proposé par défaut pour le X Xerxès, un jeu fictif sur les intrigues à la Cour Achéménide et la Seconde Guerre médique.  Il y a certes quelques jeux réels commençant par un X comme X-Plorers, qui adapte le vieux D&D pour la science-fiction (mais Stars Without Number semble plus développé sur ce terrain), mais il se trouve que nous avons en français un jeu gratuit réel adaptant (très librement) l'Anabase de Xénophon :  X Mille, pardon 10 000 de Kobayashi (qui est aussi l'auteur d'autres jeux indépendants comme Tranchons & Traquons).

    L'ambiance de 10 000 est plus mythique que dans la vraie Anabase. Comme dans l'expédition historique de 400 avant notre ère, vous jouez des héros grecs qui doivent sauver la troupe de mercenaires perdue en plein milieu de l'Empire perse. La troupe réelle des Hoplites allait de Mésopotamie vers la Mer Noire (Trapezus/Trébizonde), ici il faut continuer avec le trésor de Babylone jusqu'à Byzance pour être sauvé et on rencontrera des créatures mythologiques tout en étant poursuivis par la colère des Dieux (les mercenaires ont tué l'Oracle), par des spectres et des démons zoroastriens. Les exemples admettent même des mercenaires amazones parmi les Μύριοι.

    Le jeu de 62 pages ne fait pas que donner un système mais aussi toute la campagne, avec plusieurs itinéraires possibles en plusieurs "Chants" : au lieu d'aller directement vers le Kurdistan puis le nord de l'Anatolie on peut aussi décider de passer par le sud et par la côte de l'Asie mineure (avec ses cités ioniennes). Ces autres itinéraires permettent de retirer une impression d'excessive linéarité mais on ne comprend pas bien alors pourquoi les 10 000 ne rentreraient pas alors directement par la mer depuis la Phénicie (à moins de dire que les Perses ne bloquent ensuite cette voie).



    Le système des règles est inspiré des jeux indies actuels : on répartit des dés à six faces entre 12 Voies (Archer, Athlète, Artisan, Artiste, Cavalier, Chasseur, Hoplite, Marin, Médecin, Philosophe, Stratège, Voleur) et on ajoute des bonus liés aux cités d'origine plus quelques "Traits" individualisant (trois dés-bonus). Le Héros se choisit aussi un Destin tragique, comme "Devenir fou". On résout une action en lançant le nombre de dés et chaque score supérieur à 3 est un succès, on compare ensuite les succès du joueur et ceux de l'Oracle (le MJ). Le groupe a aussi un "pool" appelé les Dés d'Excellence qu'il peut ajouter pour mieux réussir une action (l'Oracle peut lui aussi rendre l'action plus difficile par des Dés de Destin). Les personnages ont aussi le choix entre prier les Dieux (pour obtenir des faveurs particulières) et gagner un Dé d'Excellence. Chacun doit aussi penser à la conclusion : la quantité de mercenaires qui survivent à chaque Chant dépend du nombre de dés d'Excellence qui restent (contre les Dés de Destin dans le pool de l'Oracle).  Il y a donc des sortes de conditions de victoire : on pourra compter le total de survivants à la fin à Byzance lorsque arrive le fameux moment de "Θάλαττα! θάλαττα!"

    Le jeu propose aussi des variantes où on pourrait aussi bien adapter le Battlestar Galactica poursuivi par les Cylons à la place de l'Anabase des 10 000 de Xénophon, ce qui est en effet une analogie intéressante.

    vendredi 27 avril 2012

    [Alphabet d'Avril] W comme World-Tree


    Publié il y a 12 ans, World-Tree de Bard & Victoria Bloom est l'un des univers les plus exotiques du jeu de rôle.

    Ce n'est pas seulement le fait que l'univers entier soit un arbre gigantesque et qu'on construise des cités sur d'énormes branches de plusieurs kilomètres, ni le fait que le métal ou la pierre soit très rare et que tous doivent user d'artefacts organiques (végétaux ou animaux), comme dans Animonde. Ce ne sont pas non plus les huit espèces intelligentes (les "Premiers"), dont certaines ne sont que des animaux anthropoïdes (canidés, ursidés, insectidés, loutres & ratons laveurs), il y a aussi des pieuvres sylvestres à sept tentacules, qui peuvent léviter et aiment porter des petits chapeaux mous, de petits dragons et une espèce de panthères non-anthropomorphes (sans mains, elles doivent utiliser une forme de télékinésie).

    La vraie originalité dans l'histoire du jeu était que les Blooms étaient partis d'un monde de fantasy fait spécifiquement pour rendre raison des clichés du jeu de rôle. Au lieu de simuler une "réalité fictive", ils ont construit ce monde sur les contraintes ludiques. Par exemple, ils expliquent que la plupart des maladies ne sont pas très amusantes à jouer et donc un des mystères de l'Arbre-Monde est que les 8 espèces jouables (et seulement elles) sont immunisées aux maladies. Les Points de Vie (qu'on retrouve dans tant de jeux) ont une réalité tangible et matérielle dans l'Arbre-Monde : c'est vraiment une "énergie vitale" quantifiable qui peut se vider ou s'épuiser brutalement, ou régénérer le corps vivant tant qu'elle n'est pas réduite à zéro. L'opposition espèce jouable/non-jouable est aussi une donnée objective de l'univers, avec des règles différentes pour les espèces "non-joueurs". C'est d'ailleurs le seul univers de jeu de rôle que je connaisse où les personnages eux-mêmes doivent être conscients de toutes ces conventions habituelles des règles.

    C'est un univers très fantastique où la Magie est littéralement quotidienne et où tout le monde en connaît au moins certaines formes à la place de la technologie (un peu comme dans le joli jeu de Julien Dorvennes Palimpseste/Terres suspendues). Les règles et la magie de World Tree sont inspirées d'Ars Magica (comme le récent Novarium) mais chacun des 7 Verbes (Connaître, Contrôler, Créer, Détruire, Guérir, Muter, Soutenir) et des 12 Noms (Air, Âme, Corps, Eau, Espace, Feu, Illusion, Intellect, Magie, Matière, Temps, Végétaux) sont aussi des Dieux qu'on peut adorer. Chaque espèce a un lien plus particulier avec l'un des Dieux créateurs des Verbes (par exemple les Insectes avec la Création et les Pieuvres avec la Destruction). Ce n'est que par la Magie de Matière qu'on peut produire un peu de substance non-organique durable dans ce monde hylozoïste. Une des surprises de cet univers est que le plus terrible adversaire est en fait le cruel Dieu de l'Espace, baptisé "Ici", qui règne sur la Téléportation et les Portes dimensionnelles et a la forme d'un insecte creux et percé de multiples trous.

    Je vais conclure avec la litanie habituelle de mes jeux favoris : il n'eut guère de succès ou en tout cas, autant que je sache, aucun supplément publié (en dehors d'un roman sur les espèces d'insectes et un scénario en ligne). Si vous voulez un univers dépaysant, sans aucun être humain et aux lois physiques très divergentes du nôtre, World-Tree va encore plus loin que Shards par exemple.

    Miroirs & Idolâtrie


    Zak a un joli message sur la culture de l'amateur et son basculement dans le Narcissisme contemporain du "Fan(atique)" égotiste :

    "[T]o enthusiastically like something someone made--a book, a movie, a record, a game--means you are appreciating something that isn't you. It isn't even your family. It isn't anything that will contribute directly to the success of your genetic material on the planet.

    Per se, a person who is wholeheartedly aesthetically appreciating a phenomenon of the outside world is getting out of their own everyday concerns (essential to being able to imagine the suffering of other people) and appreciating that a human unlike them did something worth doing (ditto essential).

    (...)

    In any fan, it can go:

    The art is good.
    I appreciate the art.
    I appreciate the art because it is like me, it is the product of people like me, for people like me.
    The art is therefore good because it is like me.
    And I am good because I like it.
    The art is good because it appeals to me or is related to me.
    Therefore: if you are good, you will like this. If you are bad, you won't.
    Therefore: if it is not aimed at me, it is not good.

    Now every single great piece of art ever has probably benefitted from this dangerous but emotionally undeniable reaction. Sometimes you hear a song and it is you." 

    Cette forme d'idolâtrie narcissique est un risque de tout art et de toute critique depuis qu'on y mêle des considérations d'expressivité du sujet.

    C'est un problème aggravé dans les carnets personnels, où on n'a pas d'éditeur et où on se dit qu'on n'a contraint personne à perdre son temps à venir vous lire. Le biais est alors "l'épanchement de l'expression". Il est inévitable de penser qu'on aime X ou Y par simple nostalgie ou association personnelle mais il devient plus gênant qu'on se contente de constater ces préférences personnelles en exposant son histoire individuelle, ses réactions de "contrarianisme" ou parler de sa Génération au lieu de chercher d'autres critères plus "universalisables". On cartographie alors des réseaux d'idiosyncrasies et des effets générationnels des industries des loisirs au lieu de cultiver des raisons à discuter ou à critiquer. (Et d'ailleurs le blog que vous êtes en train de lire est très souvent coupable de ce vice, que ce soit sur les comics ou les jeux de rôle.)

    La procuration vote à droite


    Il y eut un nombre important de procurations pour le 22 avril dernier en raison des vacances et j'imaginais que cela avait pu favoriser la participation. Certaines personnes qui auraient pu décider de s'abstenir le jour-même avaient dû faire le choix réfléchi par anticipation de remplir une demande de procuration auprès d'un tiers ou de leur parti favori. Les paranoïaques comme moi qui s'imaginaient que le Gouvernement faisait tout pour faire baisser la participation (des "Vrais" ou des "faux" actifs) auraient donc eu tort de penser que les vacances allait avantager le vote des retraités.

    Mais Baptiste Coulmont montre qu'en tout cas à Paris la procuration allait plutôt vers Sarkozy. L'explication proposée est que les arrondissements les plus "favorisés" sont aussi ceux où les habitants auront le plus l'habitude de ce genre de démarches administratives en mairie. Ce sont peut-être aussi ceux qui prennent le plus de congés.

    jeudi 26 avril 2012

    [Alphabet d'Avril] V comme Villains & Vigilantes



    Comme j'ai déjà fait un long article sur ce jeu (aussi résumé là), je ne vais pas reprendre à nouveau le descriptif de ce jeu. Voir aussi le message par Jeff Grubb quand il faisait le même Alphabet en avril 2011.

    V&V est le vieux jeu "Old School" pour le superhéros mais sa qualité principale repose sur les dessins de Jeff Dee et la quantité impressionnante de scénarios (dont certains par Bill Willingham, le futur créateur de Fables).

    Retour d'Amsterdam


    Passé quelques jours aux Pays-Bas (je n'ose dire Hollande, de peur de paraître envoyer des messages subliminaux).

    Une chose importante : N'y prenez pas la City Card.

    Elle est plutôt chère (environ 50 euros pour 48h, la carte transport ne coûte environ que 15 euros pour cette durée et chaque musée 10-15 euros de plus) mais surtout elle ne couvre pas le (génial) Rijksmuseum. J'ai du mal à imaginer une Carte Musées de Paris qui n'inclurait pas le Louvre. (Il y a aussi la Museum Card annuelle qui contient le Rijksmuseum mais il faudrait 10 visites en musée pour la rentabiliser). En revanche, l'avantage est qu'elle permet éventuellement de ressortir plusieurs fois du Musée Van Gogh ou du Musée historique d'Amsterdam. J'en reviens avec un bouquin sur la Compagnie des Indes Orientales (V.O.C., Vereenigde Oost-Indische Compagnie) et je viens d'apprendre que les 2/3 des équipages ne revenaient pas au bercail (certains survivaient mais désertaient ou restaient en Indonésie), ce qui est un taux que je n'aurais jamais imaginé.

    Maintenant, je vais avoir au moins trois lettres de retard dans l'Alphabet d'Avril.

    dimanche 22 avril 2012

    [Alphabet d'avril] U comme Ultime Epreuve

    L'Ultime Epreuve (janvier 1983) de Fabrice Cayla fut le premier jeu de rôle français (je recopie en partie la note Wikipedia que j'avais écrite en 2004). De même que le premier jeu suédois Drakar och Demoner (1982) avait été la traduction du BRP/Magic World de Steve Perrin, L'Ultime Epreuve était très clairement une adaptation/simplification de Runequest, comme le sera ensuite Rêve de Dragon. Le paysage rôludique français sera donc d'emblée plus marqué par le BRP ou par le simulationnisme de Légendes que par D&D.

    UE , "Jeu d'Epopée fantastique", a repris les caractéristiques de RQ (sauf la Taille) sur 3d6 et il y a seulement 9 compétences en pourcentages (appelés "Talents") : Attaque, Tir, Capacités Physiques, Manipulation, Discrétion, Détection, Influence, Connaissance, Magie). Elles sont calculées directement à partir des caractéristiques (Par exemple : l'Attaque au contact est à Force + Dex + Constitution, le Tir à seulement Dex + Pouvoir, l'Influence est à Intelligence + 2x Charisme). MEGA 1e édition reprendra quasiment le même système avec plus de caractéristiques. La création est ultra-rapide et sans Classe de personnage mais ne laisse donc que peu de choix (même le choix du Peuple dépend des caractéristiques). On remarque que, contrairement à RQ2, la Magie est une compétence et il y a assez peu de chances que les personnages aient des sortilèges dès la création du personnage (il fallait un score Intelligence + Pouvoir au moins à 30%). Curieusement, malgré la caractéristique Pouvoir, UE avait gardé l'idée qu'un Sort ne se lance qu'un certain nombre de fois par jour. On pouvait ensuite entraîner ses caractéristiques et ses compétences en payant des Ecoles comme la "Guilde des Espions" (et il y avait même un examen de sortie à passer), et c'est donc le choix de ces Ecoles qui pouvait finir par former une sorte de "Classe", même s'il était possible de demeurer polyvalent.

    Oui, c'est un peu "simpliste" et propre à un jeu d'initiation en 45 pages (ce qui était clairement le but). Fabrice Cayla a aussi traduit Tunnels & Trolls en français et il ne devait pas apprécier les jeux trop compliqués (même si les règles avancées, les Chroniques de Linaïs de 1985 ajoutent plus de mini-systèmes simulationnistes sans pour autant assez approfondir l'univers).



    L'autre ressemblance avec RQ était un univers intégré dans la boite de base, le Monde de Linaïs (parfois orthographié Lynaïs, mais à ne pas confondre avec le continent de Lyn et sa cité principale). Tous les personnages sont des Humains mais ces Humains sont eux-mêmes divisés en six Peuples (correspondant en gros aux six caractéristiques, avec des bonus/malus). Les six cultures de Lyn comprennent le Peuple des Forêts (qui correspondent en gros à des Elfes), le Peuple des Montagnes (les Nains), plus quelques autres (Peuple des Marins, Peuple des Brigands-Voyageurs, Peuple des cités de Lynn et les mystiques Peuples des Monolithes). Ainsi, on a une fusion simple des jeux humanocentriques de Sword & Sorcery à la Conan et des conventions tolkieniennes.

    Comme l'indique le titre, le jeu a aussi assigné un but, des conditions de victoire (un peu comme D&D BECMI a aussi des conditions de victoire : on doit y devenir un Immortel, et dans L'Oeil Noir, on était censé devoir partir vers l'intérieur du Monde de l'Aventurie pour y devenir Maîtres d'Armes). Dans UE, les Seigneurs de la Destruction ont envahi Lynn et les Seigneurs de l'Equilibre se sont réfugiés hors d'atteinte (mais les scénarios ne décrivent pas vraiment un univers qui semble "occupé" ou sous le contrôle de ces Seigneurs de l'Entropie). On ne nous donne que le nom d'une Déesse de l'Equilibre, Elynaïs, et il est précisé qu'elle est associée au Jade (Chroniques, p. 12). Les aventuriers sont "en formation" pour passer la Porte de l'Ultime Epreuve et rejoindre les Seigneurs de l'Equilibre. C'était une fin assez décevante où dès que votre personnage devenait suffisamment puissant avec de très hauts scores dans ses caractéristiques et compétences, il était censé partir vers le Portail et passer un test complètement aléatoire (du genre périr ou gagner). Il devait ensuite être remplacé, qu'il ait été tué ou qu'il ait réussi à franchir le Portail. Le système fut plus développé dans Les Chroniques de Linaïs avec une sorte de mini-jeu pour régler l'Epreuve mais cela demeurait décevant. J'imagine qu'un bon Meneur de jeu devait avoir l'idée de développer ces "Seigneurs de l'Equilibre" et créer une campagne à la place de ces jets de dés.

    Les règles additionnelles dans Les Chroniques de Linaïs avaient le défaut d'inverser un peu le jeu. L'Ultime épreuve est très simple et intuitif alors que les règles supplémentaires semblent parfois trop hétéroclites et moins systématisées. On est passé d'une simplification extrême du BRP à une sorte de "jeu à la FGU", avec des bonus très divers. Le monde de Linaïs est un peu plus détaillé mais Cayla n'a toujours pas précisé la religion (à part pour dire que les Nains du Peuple des Montagne sont athées), comme les magiciens n'ont pas vraiment besoin de Cultes. De ce côté, Linaïs diffère grandement de Glorantha.

    samedi 21 avril 2012

    Bruit de Jérémiade geignante prévisible


    Veuillez me pardonner pour ce message inutile et ennuyeux, mais tant pis, il faut que je répète la même chose que des millions de personnes ont déjà dû mettre sur leur blog :

    Je déteste la nouvelle présentation de Blogger qui a changé l'implémentation du HTML et qui m'oblige à ajouter des sauts de paragraphes. Je déteste la nouvelle présentation de GMail, qui me donne la nausée. Je déteste la nouvelle présentation de Google+, qui me fait penser à un hopital. 

    Voilà, désolé, ce ne doit être que de la néophobie ridicule, on s'habitue et on criera de même au prochain changement, et personnellement, je suis navré quand je lis le même genre de messages de quelqu'un. Mais tant pis.

    [Alphabet d'Avril] T comme Tales of Gargentihr



    Tales of Gargentihr (1994) de Richard Cooper et Alastair Cowan est un jeu de rôle britannique dans un univers de science fantasy qui n'eut hélas aucun supplément mais qui réussit à décrire tout un univers original dans son gros livre de base de 344 pages.

    Quand j'ai dit "science + fantasy" (comme Jorune ou Tékumel), c'est vague et ce n'est qu'une manière de dire que le jeu tente une combinaison qu'on ne peut pas qualifier de "médiéval-fantastique". Gargentihr serait du "Renaissance fantastique" (au niveau XVIIe siècle) mais avec certains aspects plus Steampunk (voire presque Cyberpunk) qui en ferait plutôt du "Victorien fantastique". Les personnages jouent des humains d'un autre continent (les Karro) qui ont colonisé depuis un siècle un Nouveau Monde, l'Agasha. Les colons ont bâti la "Nouvelle République de Gevuria" et asservit les humains indigènes, les Ha'esh (qui font un peu plus penser à des peuples du Moyen-Orient qu'à des Indiens). Il y a aussi de nombreux autres non-humains intelligents en dehors des colonies. Mais ce Nouveau Monde et ses secrets sont encore à explorer et comme les continents de Gargentihr dérivent assez vite sur la surface, les colons sont désormais isolés de leur ancienne métropole qui s'est trop éloignée. Leur Nouvelle République est loin d'être utopique, entre l'oppression des indigènes, une forme d'Inquisition obscurantiste, la déshumanisation dans certaines Cités et une pollution industrielle naissante, même s'il y a aussi un espoir nouveau dans le progrès scientifique et de nouveaux idéaux politiques.

    ToG a été influencé par le jeu de science-fiction Traveller. On détermine les études et les carrières suivies, ainsi que les cités que les personnages ont dû visiter pour leurs études (car les lieux ont des spécialisations professionnelles dans le parcours de la formation). Chaque personnage a passé six cycles d'apprentissage dans des branches qu'il a choisies. Ce système de "Sentier de Vie" (Lifepath) donne une des meilleures insertion du personnage dans l'arrière-fond puisqu'on connaît dès la création quelles régions des colonies il a pu déjà découvrir.

    Le Nouveau Monde confronte en effet la science et la magie. L'Eglise lutte contre les nouveaux Instituts des Sciences. Des formes d'énergies magiques électrisent les cieux de l'Agasha et les indigènes Ha'esh savaient les manier. Mais certains des colons Karro attrapent une forme de maladie spectrale qui risque de les faire disparaître dans un autre plan. Mais ce mal les rend plus susceptibles d'utiliser la magie, à condition d'un traitement et d'une greffe de parties artificielles : c'est la Kyromancie, qui a un lourd prix à payer. Les Kyromanciens se servent de ce mal qui les ronge pour glisser vers un autre plan, les "Contrées Obscures", le temps de manipuler ces forces. Les Kyromanciens ressemblent à des Cyborgs déshumanisés, à Darth Vader et à des Pestiférés déclarés hérétiques par l'Eglise, et ce doit être une influence de la mode cyberpunk des années 1990.

    Tous les personnages appartiennent à une Société d'aventuriers, la Clondis. C'est un mélange de Société Royale de Géographie et de Franc-Maçonnerie aufklärer, avec un petit côté plus "chevaleresque" (et le récent Pathfinder a eu le même concept avec sa Société des Eclaireurs qui donne son nom au jeu). La Clondis est organisée en petites cellules ou loges d'aventuriers recrutés dans toutes les professions et elle accepte même les indigènes. Elle sert à fournir à la fois des bases (les "Clon-halls") à travers les colonies et des missions pour les personnages. C'est un bon mécanisme de "Patron" pour le jeu de rôle et j'aime bien le fait que la Clondis a l'air d'être en réalité plus "éthique" qu'on pourrait le croire (même s'ils recrutent aussi des voleurs). Ils ne cherchent pas seulement à s'enrichir ou à découvrir des connaissances nouvelles, et croient aussi qu'ils doivent contribuer à émanciper la société de la Nouvelle République de Gevuria. Les membres de la Clondis se considèrent avant tout comme des chevaliers (ou disons, des rōnins) liés par un code de l'honneur, pas seulement comme des Conquistadors et des pilleurs de tombeaux indigènes, et pour l'instant la Société a plutôt une bonne image extérieure d'Organisation Non-Gouvernementale, malgré ses manipulations et ses buts politiques inavoués. On peut engager les membres comme des sortes de "détectives" ou "mercenaires", mais ils se soucient de leur "Kai", qui est en gros l'équivalent de l'Honneur ou du Bien-être spirituel, à la fois le Karma et la Santé mentale (encore un aspect où le monde est directement intégré dans le système).

    Phil Masters et Madcat (qui crée un personnage complet) reprochent au jeu d'avoir trop multiplié les néologismes et on est parfois en effet dans le même effet que dans Jorune de ce point de vue - il est dommage qu'ils n'aient pas pu mettre de Glossaire.

    Le jeu de rôle est ainsi fait que tous ces beaux nouveaux mondes ne pourront jamais trouver de publics suffisants. Il y a une prime aux premiers univers qui ont été là dès l'origine et Gargentihr ou Jorune ne pourront hélas jamais rivaliser avec Greyhawk, malgré tout le charme et la sincérité visible de cet univers. L'absence de suppléments publiés est souvent regrettée mais ne devrait pas empêcher d'y jouer. ToG est assez suffisamment complet tel quel (même si j'aimerais bien trouver un jour la mythique "2e édition" qui serait sortie confidentiellement vers 1998).

    vendredi 20 avril 2012

    [Alphabet d'Avril] S comme Superworld



    Décidément, mon Abécédaire Jeu de rôle ne cherchera pas l'équilibre puisque Superworld (1984) est simplement l'hybride par Steve Perrin de son Runequest et du célèbre jeu de superhéros Champions. J'en avais fait vers 2004 une brève critique (sous le pseudonyme Anacharsis) sur le GRoG que je me permets donc d'auto-plagier en partie ici.

    On crée un personnage avec les sept caractéristiques normales du Basic Roleplay (tirées aux dés) puis on choisit une profession, qui donne des compétences de base (par exemple celles d'un Journaliste ou Scientifique).

    Ensuite, on en tire des Points de création de personnage (appelés Hero points). Ces points (qui tournaient autour de 90) vont servir à transformer votre personnage de base en un superhéros, à modifier les caractéristiques normales, à acheter des superpouvoirs (avec des avantages et désavantages) ou des compétences supplémentaires.

    Les compétences ont des chances de base bien plus élevées que dans Runequest et ne coûtent pas très cher (un seul point achète généralement un +5% ou un multiple d'une caractéristique - j'ai repris ce modèle pour Owlquest) et on peut donc vite créer un personnage hypercompétent. Le calcul des désavantages me paraît plus simple que dans Champions.

    Cette idée de Superworld de séparer deux phases, de création du personnage "normal" et du superhéros a le défaut de mieux marcher pour un humain qui aurait été "changé", comme Peter Parker mordu par une araignée radioactive ou l'univers de Wild Cards où tout le monde a été muté par un Virus extraterrestre (ces romans furent à l'origine tirés d'une campagne de Superworld de GRR Martin). Si vous voulez créer un Dieu asgardien, un extraterrestre ou un robot, cette convention du jeu paraît trop artificielle (même si cela n'empêche bien entendu pas de le faire).


    Les pouvoirs me paraissent souvent plus clairs et plus simples que dans Champions. Le pouvoir de Projection d'Energie est l'un des plus "génerique" en comprenant de nombreux autres aspects. Vous devez seulement préciser quelle sorte d'énergie (cinétique, électrique etc.) et quel effet cela a. Cela peut être aussi bien un Bouclier que vous jetez, un Marteau volant, un rayon électrique, un rayon de glace et vous avez droit à un Effet spécial gratuit qui individualise votre Projection.

    Par exemple si "l'Energie" est un ouragan, cela vous donne l'effet spécial de contrôler ce vent et de produire un effet télékinésique pour soulever des objets. Si l'Energie est un rayon de glace, l'Effet spécial a pour résultat une structure qui peut servir de Mur ou de rampe, etc.. Cela simplifie beaucoup la création de pouvoirs.

    Il y a quelques déséquilibres qui sont réglés dans le Superworld Companion. Le Pouvoir Resistance est trop puissant et conduit vite à une quasi-invulnérabilité. Les Arts Martiaux sont assez terrifiants et si jamais un personnage allie Superforce et Arts Martiaux, il commence à avoir des dégâts physiques monstrueux.

    Superworld (tiré de World of Wonders) fut hélas, je crois, un échec commercial qui ruina Chaosium en 1984, au moment où la compagnie décida de sous-traiter Runequest chez Avalon Hill - ce qui explique qu'aujourd'hui Chaosium se soit reconcentré uniquement sur Call of Cthulhu. Sandy Petersen (le créateur de ce dernier jeu) s'amuse dans la boite à faire une aventure lovecraftienne mais comme il le fait remarquer, le superhéros est son propre genre à part qui ne peut pas se mélanger avec l'horreur - l'horreur y est plus feinte que dans des scénarios où on joue un humain normal impuissant.

    J'ai fait une de mes plus longues campagnes avec Superworld en 1985-1986, en créant mon propre univers. Les joueurs étaient membres d'une énorme équipe recouvrant les deux côtes des USA ("Les Invincibles"). Ce mégagroupe (20 membres si je me souviens bien, avec de mémoire Cérébra, MadMan, Equinox, Proton, Cybergirl, Captain Gadget, Baseballer, Hydro...) ressemblait à ce que sont devenus les Vengeurs, si ce n'est qu'ils étaient dirigés par un sorcier, Green Knight (qui était simplement le double positif du Doctor Doom). La création de Personnages Non-Joueurs y était très agréable et je comprends que GRR Martin ait dit qu'il avait vite créé un classeur immense de personnages à reprendre pour sa série Wild Cards.

    L'an dernier (lors de l'Alphabet d'Avril sur les superhéros), j'avais recopié les caractéristiques de Cyclope pour Superworld.

    jeudi 19 avril 2012

    [Alphabet d'Avril] R comme RuneQuest



    Pourquoi RuneQuest demeure-t-il plus de 25 ans après mon jeu favori ? Il y a bien sûr des raisons accidentelles, comme vos premiers jeux vous marqueront toujours davantage. Je crois qu'inconsciemment, je compare toujours tous les jeux à RuneQuest, même si j'admets que HeroQuest est plus rapide, plus souple, plus léger.

    Quelques raisons moins subjectives pour lesquelles RQ est si important dans l'histoire du jeu de rôle :

    (1) RQ a un monde intégré, Glorantha de Greg Stafford, avec la mythologie fictive la plus élaborée jamais créée, et a eu la bonne idée d'inclure une région plus précise (la Passe des Dragons avec la jolie carte par William Church).


    (2) RQ (même s'il a conservé en gros les caractéristiques sur 3d6 de D&D) a abandonné les classes et les niveaux de D&D et ce fut donc avec Traveller l'année précédente le premier grand jeu de ce qu'on appelle la "Seconde Génération". Il a un système uniforme et très intuitif de résolution, avec tout exprimé sous forme de pourcentages [même si cela revenait à peu au même qu'un système sur 20]. Gygax avait inventé ce système seulement pour les compétences de Voleur (alors qu'il utilisait des systèmes contradictoires pour les divers combats ou les jets de sauvegarde) mais Steve Perrin eut l'idée géniale de le généraliser à toutes les actions, y compris le combat (avec jet d'attaque/jet de parade). Du point de vue de l'évolution morphologique du jeu de rôle hors du système des classes, RQ est un jeu où on est tous des Voleurs de D&D qui cherchent à devenir aussi des Clercs (Prêtres Runiques) ou des Paladins (Seigneurs Runiques) !

    (Le grand designer Jonathan Tweet dirait plutôt dans son éloge de RQ que Prêtre et Seigneur (qui variaient d'ailleurs selon le Culte) correspondraient aux "Classes de Prestige" de D&D3. Il dit avoir eu une évolution où il fut d'abord un fan absolu de RQ avant de critiquer certains aspects. Pour lui, les jets d'opposition ne sont pas optimaux dans RQ. Il critique ce système du jet "vers le bas" et sa préférence pour les systèmes dé + bonus "vers le haut". Elevé au RQ et à Légendes celtiques, je trouve toujours le jet vers le bas plus "naturel" alors que la plupart des joueurs élevé à D&D ou à RoleMaster ont l'intuition inverse. )

    (3) RQ abandonne les "Points de Coup qui enflent" avec la progression du personnage (certes, Tunnels & Trolls l'avait presque fait aussi mais avait du coup créé un système où toutes les caractéristiques enflent). La seule chose qui peut progresser dans le personnage pour le rendre moins fragile (en dehors de l'équipement) est donc ses capacités, son pourcentage en Parade ou en Esquive. RQ est donc plus "grim & gritty" que D&D : un personnage reste plus fragile et donc plus prudent. Comme le montrait un exemple célèbre dans les règles, même un héros peut toujours potentiellement se faire tuer d'un coup par une réussite critique d'un ennemi plus faible.

    Certains peuvent considérer cela comme un défaut de RQ : c'est un jeu plus simulationniste (tout en étant très jouable) que "héroïque" et il faut donc le modifier pour le rendre plus "épique". Les tables des échecs critiques donnent aussi sans doute trop de probabilité que votre personnage finisse par s'estropier lui-même au bout de nombreux combats.

    (4) RQ est l'un des premiers jeux à intégrer directement des caractéristiques complètes (et non pas seulement pour le combat) pour toutes les créatures, ce qui les rend non seulement plus approfondies mais permet même aux joueurs de les incarner (Monsters! Monsters!, le supplément de Tunnels & Trolls doit être le premier à faire cela en donnant une liste complète des caractéristiques pour ses créatures).

    Le plus grand défaut de RQ pour moi ne reposait pas vraiment sur la fragilité des personnages mais sur l'importance de l'argent. Comme tous les Sortilèges ou l'entraînement des compétences demandent de l'argent, RQ avait une tendance à demeurer encore plus centré sur la quête financière que D&D. L'argent remplace les "Points d'Expérience". Là dessus, j'aurais du mal à y revenir aujourd'hui tel quel et je me suis habitué au fait dans Heroquest qu'on ne se soucie plus vraiment des fonds que vous avez accumulés.

    L'autre défaut était la création de personnage. Elle n'était pas si longue (en dehors des petits bonus dérivés des caractéristiques) mais le système de base créait des personnages assez faibles et peu individualisés. Une option (sans doute inspirée de Traveller) proposait aux personnages un peu d'expérience préliminaire dans divers métiers à 18-25 ans pour gagner quelques compétences (comme si on n'apprenait strictement rien avant). C'est un point faible du jeu qui demeura d'ailleurs encore en partie dans la 3e édition (où on part de la classe sociale de naissance avant le métier) et les versions récentes de Mongoose RuneQuest ont progressé un peu sur cette création, en introduisant des tables d'événements aléatoires.

    mercredi 18 avril 2012

    [Alphabet d'Avril] Q comme Qin

    Qin (2005) est un jeu français sur les Sept Royaumes Combattants qui entraîne les personnages vers la fondation du premier empire historique de toute la Chine par celui qui se fera appeler ensuite Qín Shǐ Huángdì (né en 259 avant JC). On est donc à ce qui correspondrait en Europe à l'époque hellénistique où la République romaine doit affronter les premières Guerres Puniques contre Carthage, et une époque où la Chine va devenir la Chine. L'Epoque des Sept Royaumes Combattants (Chu, Han, Qi, Qin, Wei, Yan et Zhao) est une période pré-bouddhiste et principalement taoïste (même s'il vient d'y avoir une efflorescence de philosophies diverses depuis la désintégration de l'Empire des Zhōu). C'est un des aspects fascinants que de jouer l'aurore de ce système impérial et la campagne a su donner son importance à tout le Légalisme dans l'administration. Les auteurs ont depuis développé une extension Shaolin & Wudang dans une Chine plus reconnaissable, pour jouer deux mille ans après, au XVIIIe siècle après la chute des Ming.

    Comme je n'y ai jamais joué et n'ai fait que lire la campagne, je ne peux hélas pas dire si le système fonctionne bien à l'usage. Mais il est certain que l'idée semble propice à créer une atmosphère puisqu'on tire à chaque fois un d10 Yin et un d10 Yang et que l'action est la soustraction des deux (donc entre 0 et 9, avec une cloche sur 0). Je me suis même acheté des d10 aux chiffres chinois uniquement pour une campagne Qin mais il faut encore que j'en repeigne un en Noir pour avoir le dé Yin.

    mardi 17 avril 2012

    Céder aux gazouillis

    Je suis faible et j'ai donc fini par créer un twitter. Je crains que je me contente encore longtemps de retweeter (et comme d'habitude, surtout mon syndrome de T.O.S., Trouble Obsessionnel Sarkophobe) comme la forme brève est difficile.

    [Alphabet d'Avril] P comme Providence

    Providence (1997) par Lucien Soulban part d'une idée excellente : mêler à la fois les conventions des comics de superhéros et des mondes de fantasy. Ce n'est pas un mélange si courant comme les superhéros supposent d'habitude un monde plus "prosaïque" pour qu'il y ait plus de contraste entre les héros et les autres.

    La Verticalité
    Le monde de Providence a comme première originalité que par défaut les humanoïdes "normaux" avaient des ailes (soit à plumes, soit au moins à membranes) et volent (ou pour certains, planent). On les regroupe par un nom de totem désignant la forme des ailes, semblables à des Anges ou à des Démons : Aigles, Faucons, Cygnes, Corbeaux ou bien Dragons, Chauve-souris, Gargouilles... Un personnage sans ailes obtient immédiatement le désavantage Anormal & Discriminé, on les appelle les Déchus : il y a tout un prolétariat opprimé de "rampants" mutants sans ailes. La métaphore de la verticalité sociale est donc particulièrement valorisée : l'aristocratie surplombe littéralement les serfs et tout le monde a en partie intériorisé une idéologie où le non-volant est essentiellement inférieur (un peu comme dans le comic Hawkworld).

    Le Grand Enfermement
    La seconde particularité de Providence est que c'était à l'origine un Monde-Prison, un monde creux avec un soleil interne, ce qui pourrait faire penser à une sorte d'Enfer souterrain. Cette idée d'une univers-prison le rapproche un peu de Oathbound. Il y a des milliers d'années, des peuples rebelles furent capturés et tous exilés par une porte dimensionnelle vers "Providence" avec un groupe de Gardiens, des Geôliers (Wardens) qui se retrouvèrent malgré eux enfermés avec leurs prisonniers sans moyen de reprendre contact avec leur monde d'origine.

    La Liberté et ses ambiguïtés
    Les Cités-Etats actuels descendent de ces différentes prisons sur les terres de Providence. Certaines Cités se sont libérées de leurs Gardiens ou plutôt certains des Gardiens qui détenaient le pouvoir ont fini par réformer le système en comprenant qu'ils devraient vivre pour toujours avec leurs captifs. Ces Cités, autour du royaume d'Astre-Cri (Cry-Star) on formé l'Alliance des Rois. Elles n'ont plus la même oppression sous les Geôliers mais elles conservent quand même toute une hiérarchie de castes sociales entre les "Purs" (les ailés) et les autres (même si certains prêtres, y compris dans les hautes castes, critiquaient tout ce système).

    L'inégalité des Dons naturels
    Ce qui vient de tout basculer est que certains des enfants, qu'on appelle les "Doués", naissent parfois (dans toutes les castes) avec des mutations nouvelles qui peuvent donner de nouveaux superpouvoirs innés, distincts de l'ancienne Magie qui demandait qu'on l'apprenne. On a créé de multiples Guildes et sociétés regroupant certains de ces superpouvoirs par les mêmes talents (comme par exemple les "Percussionnistes", des soldats mutants à superforce qui se servent souvent d'immenses marteaux). Mais en dehors de ces Guildes reconnues, cela a fait apparaître des mouvements plus clandestins, des Chevaliers du Peuple, des héros masqués qui se regroupent en petits cercles pour échapper à cet ordre social étouffant. Ces Chevaliers du Peuple, mélange de Robins des Bois et des X-Men, ne défendent pas seulement leur Caste dominante ou leur propre force, comme les chevaliers ou brigands habituels, mais aussi plus d'égalité politique et sociale dans l'Alliance des Rois et parfois la libération contre les dernières colonies pénitentiaires des anciens Gardiens, comme la sinistre forteresse de Gémis-Os (Bone-Wail). Ils reprochent en effet à l'Alliance des Rois d'être prête à négocier avec ces camps de concentration et de ne plus avoir le courage de réformer profondément les inégalités ethniques et sociales dans les Cités.

    Il y a d'autres secrets sur Providence. Par exemple, d'autres êtres furent enfermés à l'intérieur de ce Monde-Prison avant les exilés (comme les terribles "Corbeaux Blancs") et ce sont souvent des ennemis acharnés des peuples civilisés. La Nature elle-même de ce Monde Creux est d'ailleurs aussi le plus terrible danger.

    Le Crépuscule du Soleil intérieur
    Là où Providence me semblait avoir commis une erreur du point de vue des conventions des superhéros était dans l'idée que le Monde est mourant. Providence va commencer à détruire ses habitants et de plus en plus de gens commencent à voir que qu'il arrive à sa fin. Les Cités vont être submergées par les eaux, les volcans vont finir par tout détruire. Les personnages sont censés donner un peu d'espoir à ces majorités opprimées mais cette ambiance d'apocalypse proche rend l'ambiance un peu sinistre. Les héros risquent de se sentir assez impuissants. Ils peuvent espérer lutter contre les geôliers, contre les injustices ou contre les monstres, mais pas contre cette entropie globale. Certes, on pourrait imaginer une campagne où ils finissent par trouver une Porte dimensionnelle pour que la population puisse s'enfuir. Mais en termes de jeu, est-ce une bonne idée qu'un cadre de jeu autodestructeur dont le but est de le quitter ?

    En dehors de cela, Providence est vraiment une jolie réussite et une des meilleures idées de jeu de rôle. J'atténuerais son côté sombre et désespéré pour donner plus d'optimisme, mais c'est aussi une question de goût, je crois être plutôt dans la minorité par rapport aux préférences des années 1990. Par certains aspects, il peut aussi rappeler le joli jeu de science fiction français Shaan (1996), où on jouait des indigènes et des humains alliés sur une planète contre l'administration coloniale. Les deux ont des métaphores politiques claires. Shaan joue bien sûr aussi sur une opposition technologique entre les colons et les indigènes (dotés de magie), alors que Providence joue sur l'opposition sociale et ethnique avec la métaphore des ailes et des mutations.

    dimanche 15 avril 2012

    [Alphabet d'Avril] O comme Oráculo


    Après Hellas et Mythic Greece, cet Alphabet du mois d'avril aura été très "hellénocentrique". Commençons par l'élément que je préfère dans ce vieux jeu espagnol Oráculo (1992), le fait que le Meneur de jeu s'appelle "La Moire". L'idée du Destin est centrale puisque les personnages de ce jeu mythologique doivent commencer par aller à l'Oracle de Delphes pour apprendre leur Destin sous la forme d'une énigme à interpréter. Cette idée du titre est fascinante.

    Mais cela montre immédiatement la conception de ce jeu dans ses limites assez strictes. Le jeu est très encadré et plus orienté vers des débutants puisqu'il précise souvent les mini-systèmes et l'ordre de petites aventures. Ces systèmes ressemblent presque à des jeux de société autour des "Jeux Olympiques" ou des "Concours de poésie". Cette idée a peut-être en partie été redécouverte par le récent jeu indépendant Agôn.

    En dehors de cela, il est vrai qu'Oráculo n'a, je crois, pas très bonne réputation dans les milieux hispanophones (ce blog se demande même si ce fut l'un des pires jeux espagnols), contrairement à l'autre jeu le plus célèbre de JOC, Aquelarre.

    Oráculo a mal vieilli. Du point de vue du design, c'est un ensemble de systèmes qui rappelle plutôt le début des années 1980. C'est un jeu avec six Classes : le Colon, l'Amazone, le Guerrier (il est parfois précisé "spartiate"), l'Asclépiade (et non pas l'ascète comme dit l'entrée sur le Grog), la Sibylle et l'Athlète.

    On ne tire pas ses caractéristiques : elles sont déterminées au départ par la Classe (même si elles peuvent s'améliorer ensuite) et vont toutes de 6 à 15. Autant dire que ce jeu ne sait pas vraiment personnaliser deux persos débutants s'ils sont de la même Classe. Les personnages ont une douzaine de caractéristiques : Intelligence, Sagesse, Habilité, Force, Agilité, Rapidité, Constitution, Charisme, Intuition, Apparence, Prestige. Une d'elles, l'Attitude (Actitud) a l'air d'être en gros "le Moral", ainsi que le soutien aux autres personnages.

    Chaque personnage se choisit son Dieu protecteur. Le plus risible dans le jeu est les caractéristiques longues et détaillées de tous les dieux, avec des scores pires que dans Deities & Demi-Gods. Athéna, par exemple, a une Sagesse de 900, ce qui paraît un peu dénué de sens si votre personnage a une Sagesse de 10. Mais je suis de mauvaise foi, car Mythic Greece avait commis la même erreur de tout vouloir quantifier pour que Diomède puisse tenter d'attaquer Aphrodite (Iliade V).

    Il y a en plus des "Points de Vie" et des "Points de Santé" (ainsi qu'un système de Points d'Héroïsme, qui sert aussi à l'expérience). Les personnages acquièrent en plus des Langues et des compétences, avec une liste assez peu adaptée à l'aventure (Commerce, Sciences, Arts, Histoire, Techniques militaires). Les Niveaux montent jusqu'à 10 et le système d'expérience est assez différent avec deux types de points d'expérience. On a d'abord les points d'Héroïsme jusqu'au niveau 8 où on doit passer à une nouvelle échelle avec des "points mythiques".

    La présentation des règles énumère des cas particuliers de manière parfois rigide et sans assez de détails. La règle sur l'Amour (p. 64-65) précise de manière bizarre qu'il faudra attendre des Règles avancées pour l'option d'amours non-hétérosexuelles, comme si le jeu devait avoir un système différent pour l'homosexualité. On tombe amoureux selon l'Apparence ou la Constitution (sauf l'Amazone qui a droit à d'autres critères) et le jeu offre un "intérêt" à s'amouracher : on peut y gagner des points d'Attitude...

    Il y a quand même un cas prévu assez fascinant, si un des personnages meurt (et si aucun dieu ou aucun Asclépiade n'a pu intervenir pour le sauver). Le groupe de haut niveau peut faire appel à la Sibylle (peut-être avec un peu d'Asphodèle - même s'il n'y a aucune règle pour en trouver) pour descendre dans l'Hadès pour le récupérer. Hélas, il n'y a aucun détail dans ce qui aurait pu être une source de jeu plus intéressant ou même un début de "Quête Héroïque".

    Avec 130 pages, Oráculo, qui précise parfois tant de mini-systèmes, paraît parfois très incomplet. Par exemple, la pauvre Sibylle n'a pas le droit à beaucoup de précision sur ses sortilèges, ce qui rend la Classe inutilisable, comme un Magicien de D&D sans aucun système de magie.

    Il n'y eut qu'une extension, le scénario Atlántida (1995), qui entraîne vers la "Nouvelle Atlantide", fondée en ce XIe siècle avant JC par des descendants de Poséidon mélangés avec des divinités aztèques (en partie imaginaires comme "Atlanteo"). Les aventuriers vont accompagner une nef atlante pour aller explorer les ruines amazones de "Mirina" (par une coïncidence, j'avais aussi utilisé la même Myrina dans mes propres campagnes grecques).


    Ce post recense d'autres aventures publiées dans le magazine de jeu de rôle Lider.

    samedi 14 avril 2012

    [Alphabet d'Avril] N comme Nobilis


    Nobilis permet de jouer sur une Terre parallèle des incarnations humaines de concepts abstraits (que ce soit la "Justice", "la Mondialisation" ou bien "Linux"), et il est légendaire pour son originalité déroutante. Au lieu d'avoir comme d'habitude un personnage limité, vous êtes d'emblée relativement omnipotent dans votre domaine (bien que je ne sache pas trop ce que fait le Nobilis de Linux à part produire des mascottes de manchots).

    Pour une raison inconnue (qui doit venir du comic Sandman), le seul Tabou qui pèse sur les Nobilis est qu'ils n'ont pas le droit d'aimer des Mortels (sinon des Choses Terribles Peuvent Leur Arriver pour les châtier). Je ne sais pas si cela s'appliquerait au Nobilis de l'Amour ou au Nobilis des Comédies romantiques.

    C'était un très beau jeu dans la première et la seconde édition, la troisième, en revanche, a un nouveau style anime que je n'apprécie pas vraiment.

    Les lecteurs de ce blog savent que je suis un snob prétentieux qui aime une intellectualisation abusive mais hélas, je fais partie des hoi polloi qui ne comprennent pas vraiment comment appliquer ce jeu. Peut-être que si j'avais l'expérience d'Amber (autre jeu sans dé aux personnages quasi-omnipotents que je n'ai jamais essayé), j'arriverais à mieux le saisir. Je n'ai été que joueur d'une partie (où j'avais un PJ pré-généré, le Nobilis des Fils et des Dés à Coudre, je ne me souviens plus) et je n'arrivais pas vraiment à imaginer ce que je devais faire pour favoriser ma sphère de spécialité. Mais c'est plus une déficience de mon imagination que du jeu lui-même. Le jeu tente d'ailleurs de répondre à la question "Que fait-on ?". Il y a des adversaires et des conflits face à ces êtres divins. Mais ces Tourmenteurs (Excrucians) qui luttent contre les Nobilis ne me paraissent pas plus intéressants que de simples démons.

    [Par ailleurs, j'ai déjà fait une recension d'un autre jeu où on joue des dieux (et qui commençait aussi par un "N"), New Gods of Mankind. On y interprète un nouveau panthéon adoré par des tribus humaines dans un monde de fantasy, où les dieux des peuples anciens sont déjà là avant l'arrivée de ces nouveaux-venus. Contrairement aux autres mondes, les humains ne sont pas du tout une espèce dominante et il semble clair qu'ils sont appelés à le devenir en luttant contre les quatre civilisations, les Gnomes, les Sylphes, les Salamandres et les Ondines.]

    vendredi 13 avril 2012

    Bar rôludiste parisien

    Je n'irai pas ce soir (ça vient de commencer) mais il y a une soirée entre Rôludistes (organisée par la FFJDR) ce soir à la Cabane auvergnate (l'enseigne aux Trois Râteaux) :

    Venez découvrir l’endroit ce vendredi 13 avril au 44 rue Grégoire de Tours, métro Odéon, à Paris à partir de 19h pour les professionnels et éditeurs qui veulent découvrir ce lieu (pouvant être privatisé pour des évènements spéciaux comme des lancements de nouveaux jeux ou des moments d’échanges et de rencontres) et à partir de 22h pour tous, afin de fêter dignement l’évènement !

    [Alphabet d'Avril] M comme Mutant City Blues

    Mutant City Blues (2009) de Robin Laws est un jeu d'enquête policière et de superhéros. Dans un futur très proche, des humains mutants sont apparus. Vous jouez des membres de l'Unité d'Investigation Criminelle Augmentée, les Mutants-Policiers, qui sont généralement envoyés sur les crimes concernant d'autres Mutants. On n'est pas exactement dans la même ambiance de Top Ten (la série d'Alan Moore dans une ville où tous les habitants de la ville avaient des superpouvoirs). Les pouvoirs sont ici rares et relativement discrets, toutes les conventions des comics ne sont pas respectées.

    L'idée géniale de Robin Laws est le Diagramme de Quade (disponible en PDF là) qui précise quels pouvoirs paranormaux des Mutants sont les plus compatibles entre eux et quels problèmes mentaux ou physiques ils entraînent. Par exemple, un personnage qui a la Télépathie a des chances d'avoir des obsessions sexuelles (j'imagine qu'il veut contrôler autrui) et un personnage qui a la Télékinésie a des chances de développer une forme acquise du spectre de l'Autisme (parce qu'il différenciera moins bien un processus physique et un processus intentionnel). Un personnage avec des capacités de Guérison ou Régénération risque de se prendre pour un Messie. Une enquête va donc souvent consister à essayer de déduire de l'usage de pouvoirs ceux qui sont les plus proches de ceux du coupable, par exemple, puisque tous les pouvoirs ne sont pas nécessairement proches les uns des autres.

    En dehors de cette Loi, le monde est peu décrit. Laws donne quelques conseils pour placer sa campagne dans une ville américaine (ou canadienne), avec son propre Commissariat de super-policiers. De ce côté, je pense que les jeux français COPS (qui décrit en détails une Los Angeles future) ou bien Berlin XVII doivent avoir un cadre d'arrière-fond plus solide.

    Le système de jeu est Gumshoe, conçu par Laws pour l'enquête. On crée l'équipe entière des PJ pour être certain que le groupe ait toutes les compétences nécessaires pour trouver les informations nécessaires. L'idée des "investigations" est donc plutôt de savoir qui cherche comment et non pas s'il va trouver, puisque Laws voulait éviter des situations dans Call of Cthulhu où un personnage peut se trouver bloqué par un mauvais jet de dé dans les compétences Spot Hidden Object ou en Library Use.

    jeudi 12 avril 2012

    οὐαί σοι πόλις ἧς ὁ βασιλεύς σου νεώτερος



    J'imagine que tout le monde a déjà lu cette interview de l'ex-directrice d'Areva qui en dit long sur la nullité du système de Badinguet :

    Il avait commis cinq erreurs graves. La première, c'est d'avoir voulu fusionner Areva et Alstom pour le compte de Bouygues. Il ne l'a finalement pas fait, mais le suspense a duré un an et demi et a suffi à brouiller l'image de notre stratégie et à provoquer la sortie de Siemens, une catastrophe économique et un impair géopolitique... Deuxième erreur, avoir créé, avec la commission Roussely, une opération détestable pour l'image internationale de la filière nucléaire française. Pendant ce temps, notre augmentation de capital était à nouveau suspendue. Troisièmement, la nomination de Proglio. Quatrième erreur, il a laissé s'organiser un système de clan, de bandes et de prébendes. Ce système a fait la promotion d'un nucléaire bas de gamme à l'international et proposé de transférer nos droits de propriété intellectuelle mondiaux aux... Chinois, et de vendre du nucléaire à des pays où ce n'est pas raisonnable.

    A qui précisément?

    Par exemple au colonel Kadhafi. Nous jouions à fronts renversés: moi, qui aurais dû pousser à la vente, je m'y opposais vigoureusement, et l'Etat, censé être plus responsable, soutenait cette folie. Imaginez, si on l'avait fait, de quoi nous aurions l'air maintenant ! La vente de nucléaire s'accompagne de la création d'une autorité de sûreté capable d'arrêter la centrale en cas de problème. Or, dans un tel régime, un président de l'autorité de sûreté qui n'obéit pas est au mieux jeté en prison, au pire exécuté ! Pourtant, quelle insistance ! A l'été 2010, j'ai encore eu, à l'Elysée, une séance à ce sujet avec Claude Guéant et Henri Proglio...

    Dans un pays normal, j'imagine que cette déclaration suffirait à faire une affaire d'Etat. En France, on va le mentionner comme si de rien n'était.

    Nuit de Youri !



    C'est le 51e anniversaire du Premier Être Humain hors de notre Atmosphère terrestre (voir aussi en 2011 et en 2009).

    Планета есть колыбель разума, но нельзя вечно жить в колыбели

    Si cela se trouve, un jour la commémoration de ce type d'événement historique aura plus d'influence que des fêtes dédiées à des événements fictifs ou liés à des gourous charismatiques surévalués.

    [Alphabet d'Avril] L comme Légendes celtiques


    Légendes celtiques (1984), le deuxième jeu de rôle français (après l'Ultime Epreuve) fut sans doute l'un des plus complexes et ultra-simulationnistes jamais créés (même si comparé à Aftermath! de FGU il reste jouable).

    Le système universel de base (qui évoque un peu celui de Bushido ou Daredevils) est pourtant très simple : toutes les caractéristiques et compétences sont sur 20 et pour réussir il faut faire moins que son score avec un succès proportionnel à la différence entre le dé et le score (Marge de Réussite). Le goût actuel depuis le succès du système d20 de 2000 est de mettre des seuils potentiellement infinis "vers le haut" (faire beaucoup) alors que le système Légendes est limité vers le bas (quelqu'un qui a un score de 12 n'aura jamais de Marge de réussite supérieure à 11 et ne pourra espérer mieux que sa réussite critique de 01). Mais rien n'interdirait de faire du "open-ended" vers le bas.

    Mais la création de personnage est une des plus interminables. Il n'y a "que" 7 caractéristiques de base (Force, Rapidité, Coordination, Endurance, Volonté, Intelligence, Santé d'esprit + une caractéristique Aura - Charisme - tirée à part pour qu'elle ne soit pas trop sacrifiée, j'imagine ?) mais avec en plus 8 "Dons" ou aptitudes générales (Combat, Magie, Art, Communication, Perception, Mécanique, Nature, Foi) et de nombreuses caractéristiques dérivées (notamment Souffle, Fatigue, qui va déterminer aussi les scores variables des caractéristiques et compétences selon l'état de fatigue). Chaque Compétence est achetée à part avec un score proportionnel à celui de plusieurs Caractéristiques et Dons (cf. le tableau dans Casus Belli n°20).

    Le pire de tout cela était la Magie, qui me paraissait vraiment lourde à gérer sans la simplifier. Un détail dont je me souviens est que le Mage pouvait avoir besoin d'ingrédients et parfois d'une marmite, il mettait longtemps à préparer son Sort, s'épuisait physiquement, avait un temps limité ensuite pour le lancer, mais il avait une chance qu'un autre Mage lui capte son Sortilège (s'il le connaissait aussi) et puisse lui prendre l'énergie magique contre lui (page AE30) ! Je crois que nous avions renoncé aux ingrédients.

    Et malgré tout cela, j'ai un excellent souvenir très nostalgique de Légendes comme ce fut le premier où j'ai joué en campagne (je l'ai raconté là). Je ne peux pas regarder ces dessins de Lefko, avec ses clins d'oeil à Asterix, sans émotion (même si les dessins sexy de Didier Guiserix dans Légendes celtiques et Légendes des Mille et Une Nuits, étaient encore meilleurs). Qu'est devenu ce "Lefko" ? Il a dû changer de pseudonyme, je ne retrouve hélas aucune trace de lui (je vois un homonyme sur Internet dans un atelier de dessinateurs mais je crois qu'il est trop jeune pour être le même).

    C'était une équipe de Nancy qui avait créé ce jeu (Stéphane Daudier, Marc Deladerriere, Philippe Mercier, Jean-Marc Montel, Guillaume Rohmer) et c'était une gloire locale en Lorraine quand j'y vivais. Nous avons joué la première campagne officielle du Trèfle Noir, avec les tribus imaginaires de la Saône, les "Ostrites" avec les "Sénètes" contre les "Atrénates". Un ami avait proposé qu'on retranspose en Lorraine (chez les "Leuques" si je me souviens bien), mais cela nous paraissait trop prosaïque. La campagne proposait d'aller de plus en plus vers l'Irlande plus mythique (alors que la Gaule gardait quelque chose de plus "pseudo-historique") et j'ai donc préféré relancer une campagne ensuite directement en Irlande (où j'ai été un meneur de jeu de 14 ans atrocement mauvais et dirigiste, d'ailleurs, tant je confondais jeu et narration d'une histoire). La campagne s'est terminée hélas sans vraie conclusion, avec un des personnages devenu muet (à cause d'une Marmite Magique de Résurrection) et marié avec une Être de l'Autre Monde.

    Vicariance



    MGK cherche le co-listier républicain pour Mitt Romney et a quelques propositions. Kcarab Amabo me paraît intéressant (c'est un repeat gag de 2008).

    On dit que cela va être Paul Ryan (Représentant ploutocratique du Wisconsin). Si jamais Romney prend Rand Paul (Sénateur du Kentucky), on aurait vraiment la preuve que la candidature du Prétendument Intègre Ron Paul (le libertarien dingue qui n'attaquait à chaque fois que les autres candidats) a volontairement épargné le financier pour obtenir une place pour son fiston. Mais franchement, a-t-il vraiment besoin d'un co-listier dont le prénom honore l'une des pires pseudo-intellectuels de l'histoire ? Pourquoi pas Calliclès Paul ?

    Edit : Oh, ok, pardon, je vois que Rand(al) Paul n'est pas nommé pour l'autre tarée, même s'il s'en réclame aujourd'hui (tout en se disant aussi chrétien, ce qui est idiot et contradictoire).

    mercredi 11 avril 2012

    [Alphabet d'Avril] K comme K.A.B.A.L.

    Je voulais être positif dans ce mois d'avril mais je dois reconnaître que K.A.B.A.L. (1980) d'Ernest Hams, n'est pas vraiment un de ces joyaux oubliés des débuts du jeu de rôle (comme semble l'être par exemple Melanda). Je ne le trouve d'ailleurs pas sur le GROG. L'acronyme du nom du jeu n'est déjà pas très clair : Knights And Beserkers And Legerdemain. Non, je n'ai trouvé aucune règle particulière sur les Berserks.

    En fait, KABAL est un modèle intermédiaire entre les vieux jeux de Première Génération comme D&D et la Seconde Génération comme RuneQuest. Il y a un début de système uniforme avec des pourcentages mais des calculs exagérément compliqués pour y arriver et des traces rémanentes d'un système de Classes (même s'il est vrai que les personnages peuvent être un peu plus polyvalents que dans D&D).

    Il y a 8 caractéristiques tirées avec 6d20 (donc avec une moyenne de 60-66) : Force, Dextérité, Endurance (les Points de coup sont la moyenne de Force et Endurance), Sagesse, Capacité psychique, Dissimulation, Tir (Marksmanship) et Charisme. Chaque caractéristique a un "Facteur" qui est sa Racine carrée (donc entre 7 et 8 en moyenne, avec un maximum théorique de 10,95).

    Le jeu se vante de ne pas avoir de "Classes rigides" mais donne ensuite ses 5 classes : Guerrier, Voleur, Tireur d'élite (oui, on est dans un jeu médiéval-fantastique, je ne sais pas pourquoi il n'a pas appelé cela "Archer"), Magicien et Prêtre-Shaolin (trace de la folie kung fu des années 70). Le Magicien fait office de Clerc et a les Sorts de soins.

    Mais grâce aux caractéristiques, tous les personnages peuvent éventuellement se cacher sans être Voleurs ou tirer à l'arc sans être Tireurs d'élite. Les Classes sont des bonus de spécialisation plus que des compétences exclusives. Le Guerrier a une meilleur défense (on ne peut l'attaquer que toutes les X secondes avec X = son Niveau). Le Voleur multiplie son score de Dissimulation par son Niveau. Donc en moyenne, un Voleur moyen du Niveau 2 a déjà 120-132% en Dissimulation (j'imagine qu'on prévoit de gros malus éventuels)... Le Prêtre-Shaolin (qui est le Moine de D&D et non un Clerc) a tous les avantages du Guerrier et du Voleur à la fois. Toute personne qui a un bon score en Capacité psychique peut espérer lire des parchemins mais le Magicien aura des bonus importants pour lancer ces sorts lui-même.

    En plus du Niveau, les personnages peuvent dépenser leurs points d'expérience pour s'acheter des Compétences (qui ne sont pas toutes liées aux Classes) et des Sortilèges. La Compétence n'a pas elle-même de score et on lui assigne un 80% ou 120% si on la prend deux fois (l'auteur n'aime pas les bas scores).

    Les combats sont curieux. Vous vous rappelez du "Facteur" (la racine carrée de la caractéristique). Si A attaque B, la chance de A est égale à son Facteur de Dextérité divisé par la somme de son Facteur et de celui de B, le tout multiplié par cent. Donc un humain normal avec un Facteur de 8 attaquant quelqu'un avec un Facteur de 7 a 800/15 = 53% et B aura ensuite 46% de chance de le toucher. Il y a aussi une chance d'avoir un échec critique (un "Oops") où généralement on perd son arme. [Par certains aspects, ce système me rappelle un peu Adventures in Fantasy (1979) d'Arneson.]

    Les dégâts d'une arme de contact sont égaux au Facteur de Force multiplié par une Base de l'arme puis multiplié par un tirage de pourcentage. Ensuite on détermine la localisation des coups et la diminution de ce pourcentage par l'effet de l'armure. Par exemple, notre humain moyen qui a un Facteur de 7 a une épée large 11, et il obtient 53% : cela fait 53% de 77 = 40 points de dégâts (en supposant qu'il n'y a pas d'armure). Oui, il peut donc faire entre 7 (1%) et 77 points (100%) de dégâts... Dans certaines zones localisées (poitrine), on retire ensuite un pourcentage égal à la moitié des dégâts pour savoir s'il y a eu hémorragie interne (Internal Damage). Donc ici, avec 40 points, il aurait quand même 20% de probabilité de périr.

    Dans la préface, l'auteur dit qu'il a créé ce jeu pour rendre le jeu de rôle plus rapide (p. 3).

    Pour être plus positif, KABAL se voulait assez générique et il y eut en même temps un jeu "tactique" d'espionnage : M.I.S.S.I.O.N. qui dans la description de Kim a l'air assez original pour l'époque :
    It includes a secret base design system where the GM spends a fixed budget of money on guard dogs, steel doors, laser eyes, guards, etc. The PC's then attempt to break into the installation and get to the protected secret.
    Cette idée d'un "budget" tactique pour le MJ rappelle un peu RUNE RPG de Robin Laws.