dimanche 31 octobre 2010

In November, Embrace Imperfection

Zut, avec ma croyance ferme que le Futur n'arrivera jamais ou n'arrivera qu'à quelqu'un d'autre, nous en sommes déjà demain au fameux mois de Novembre (enfin du moins très bientôt en Nouvelle-Zélande) et je me suis engagé à participer pour la première fois au NaNoWriMo.

Cela paraissait plus facile quand je n'avais pas à penser à la fois à corriger mes copies, écrire mes corrigés et ce Machin qui doit servir seulement à débloquer le Second Roman.

Comme disait le site :
Tell everyone you know that you're writing a novel in November. This will pay big dividends in Week Two, when the only thing keeping you from quitting is the fear of looking pathetic in front of all the people who've had to hear about your novel for the past month. Seriously. Email them now about your awesome new book.

The looming specter of personal humiliation is a very reliable muse.

Soit.

En revanche, je ne copierai pas le machin ici. Cela aurait pour résultat de m'inhiber alors que le but est justement le contraire. Dans le cas improbable où je ne serai pas trop humilié par le résultat en Décembre, on pourra en reparler.

Pour les NaNoWriters parisiens, il y a une fête de lancée du roman avec rédaction toute la nuit de Minuit à 8 h du matin à La Cantine (où je ne me rendrai pas parce que je n'arrive plus vraiment à veiller).

Tout ce que je puis dire pour l'instant est que mon projet fait dans la facilité.
(1) Contrainte Bouilhet-Du Camp : Pas de fantasy - sauf dans le genre Scoubidoo. Pour moi, qui n'écris plus que des coquecigrues féériques et du sous-sous-sous-Tolkien depuis longtemps, c'est à peu près aussi rigide que d'interdire la lettre E.
(2) Pas d'auto-fiction, bien entendu.
(3) Ca se passera donc en Mitteleuropa. Parce que je n'ai aucune connexion avec le coin, que ça va me rendre encore plus difficile de trouver des noms pour les personnages, et que ça m'agace tout le temps, cette fascination française pour l'Europe centrale et la nostalgie pour toute la Kakanie habsbourgeoise.
(4) L'idée de départ est un plagiat éhonté d'Ismaïl Kadaré, Le dossier H, ce qui est encore plus difficile comme je ne l'ai même pas lu (j'ai commencé le Palais des rêves mais jamais fini). Ah, et je plagierai aussi un truc de The Rebel Angels de Robertson Davies, parce que j'espère que ça se verrait moins en France comme il est moins connu qu'au Canada.

En revanche, la rédaction du NaNoWriMo signifie qu'à partir de demain, je vais être sans doute nettement moins prolixe sur ce blog. Ou alors c'est vraiment que j'aurais abandonné et ce serait Mal.

Une dernière règle donné par l'équipe du NaNoWriMo que j'aime beaucoup, la règle de la Quantité au-dessus de la Qualité :
Do not edit as you go. Editing is for December. Think of November as an experiment in pure output. Even if it's hard at first, leave ugly prose and poorly written passages on the page to be cleaned up later. Your inner editor will be very grumpy about this, but your inner editor is a nitpicky jerk who foolishly believes that it is possible to write a brilliant first draft if you write it slowly enough. It isn't. Every book you've ever loved started out as a beautifully flawed first draft.

In November, embrace imperfection and see where it takes you.

[JDR] Breaking the Ice

Le jeu de rôle "indépendant" est censé être au jeu de rôle traditionnel ce que le cinéma dit indépendant serait aux grandes productions des studios hollywoodiens : un moyen d'exploration de voies moins fréquentées (même si rien n'interdit un jeu indépendant d'être tout aussi traditionnel à certains points de vue). L'expression française "jeu amateur" ne me semble pas avoir exactement les mêmes connotations. Le centre principal en est le forum du gourou Ron Edwards, TheForge mais il y a d'autres sites comme le forum Story Games, en français le forum Silentdrift et l'éditeur Indie Press Revolution.

Dans certains cas, on peut se demander si certaines tentatives de jeu très "pointues" sont encore des jeux de rôle - même si on peut toujours discuter des limites de la définition de ce terme vague. Ce sont parfois des sortes de jeux de société ou des exercices de style narratifs.

Dans le cas de Breaking the Ice: A Game about Love, for Two (2005) d'Emily Care-Boss, la dimension de jeu de rôle au sens habituel est encore facile à déceler.

BtI cherche à simuler l'ambiance des comédies romantiques et de la naissance d'une relation amoureuse. On joue donc la rencontre entre deux membres d'un couple et le but est de les mettre ensemble avant la fin des trois Rendez-vous (Dates). L'originalité est qu'il n'y a plus l'opposition statique entre un Narrateur et des Joueurs mais une alternance où chacun des deux participants est à tour de rôle le "Guide" de la scène et l'autre le "Joueur actif". Chaque joueur est donc un co-narrateur, qui peut décrire non seulement les actions de son personnages mais aussi des éléments du décor créé de manière collaborative.

Dans la tripartition des pôles du jeu de rôle détaillée par Ron Edwards du Ludisme (Résoudre une Situation) / Narrativisme (Développer un Personnage) / Simulationnisme (Explorer un Contexte), Breaking the Ice est donc avant tout narrativiste et même l'un des jeux les moins agonistiques qui soit (même si le mécanisme simule des conventions de la comédie romantique et qu'il y a un but ludiste clairement affirmé : augmenter le niveau d'Attirance entre les deux personnages).

Le mécanisme est très simple. A chaque scène, le Joueur actif décrit des actions de séduction de son personnage. Mais il peut aussi décrire des complications qui contribuent aussi paradoxalement (selon les clichés des rom-com) à renforcer la relation. Le Guide accorde un nombre de dés à six faces selon les efforts du Joueurs actif. On jette les dés et chaque 5 ou 6 est un succès. Obtenir trois succès donnent un bonus de +1 en Attirance mutuelle, 4 succès crée une Compatibilité (qui revient à peu près à un +2 en Attirance).

La création des deux personnages est un des aspects les plus amusants. Les joueurs sont censés inverser un des éléments de leur couple réel (par exemple, dans un couple hétérosexuel, la femme joue un homme, ou bien l'inversion peut être la classe sociale ou l'âge). Cet aspect pourrait faire craindre une sorte de psychothérapie de couple mais au contraire, je crois que la distance permet d'éviter de transmettre directement quelque chose des deux joueurs.

Chaque joueur choisit un mot pour son personnage (les règles conseillent une couleur mais je crains que cela ne devienne vite répétitif) et ensuite chacun alternativement fait une libre association qui part du mot de départ ou bien d'un des autres mots précédemment choisis.

Exemple de jeu
Nous avons décidé avec Armide de nous inspirer des rom-com "communautaristes" actuelles avec un peu de Bollywood. Armide joue Pablo (couleur : rouge), réfugié cubain aux USA devenu pompier, un séducteur "Qui A du Mal à S'Engager". Je joue Rati (couleur : rose), botaniste qui passe ses loisirs comme danseuse, mais qui n'a eu que des relations difficiles et cherche un engagement plus solide. Peut-être sommes-nous trop partis de leurs différences et contradictions, mais c'est aussi une convention.

La première Rencontre a lieu lorsque le pompier Pablo vient soigner Rati qui s'est blessée en dansant. Mais Armide choisit de compliquer la relation puisque Rati n'a pas eu le temps de saisir son nom. J'essaye de le recontacter mais nous compliquons encore l'histoire avec un quiproquo où un collègue de Pablo, Chris, se fait passer pour son sauveteur. Nous nous amusons bien à décrire ce genre d'intrigues mais le résultat ludique est implacable, malgré tous ces détails. Nous n'obtenons chacun qu'1 ou 2 succès bien que nous ne soyons pas particulièrement avares en accordant des jets de dés et des relances. L'Attirance reste donc à 0, ce qui est mauvais signe.

La seconde rencontre (que nous avons peut-être jouée trop rapidement après la mise en place des éléments) permet enfin à Pablo de recontacter Rati et elle l'invite à son spectacle de danse. L'Attirance monte seulement à 1.

Le troisième rendez-vous est celui où nous trichons collectivement pour accorder le plus de dés et faire monter la tension entre les personnages avec toutes les ficelles habituelles. Là encore cela donne assez peu de succès, l'Attirance est finalement restée à 2 avec en plus une Compatibilité montant à 1, ce qui est considéré comme un relatif échec. Nous n'avons pas osé vraiment tester avec des dés le passage à une option plus directement érotique dans leurs relations (puisque le modèle était les chorégraphies plus prudes et allusives de Bollywood).

La conclusion de notre partie test est que nous devrions peut-être mettre plus de scènes dans chaque Rendez-vous, ne serait-ce que pour gagner plus de dés et donc plus de succès et plus d'alchimie dans le Duo. Un des problèmes du Conflit que nous avions choisi sur la Difficulté à S'Engager (le gros cliché des films français) est qu'il s'adapte mieux à une plus longue durée, une comédie du Remariage (la Nouvelle Comédie classique dans l'analyse de Stanley Cavell, et la screwball comedy) qu'à une comédie des "Premières Rencontres" (qui fait plus penser aux clichés américains récents depuis Nora Ephron).

Un des charmes de Breaking the Ice est de pouvoir jouer à deux sans travail de préparation, au lieu de devoir réunir de nombreux joueurs et d'écrire un scénario. Emily Care-Boss a depuis écrit d'autres expériences qui poursuivent BtI : Shooting the Moon, où le duo joue des Rivaux ou Adversaires au lieu d'Amoureux, et Under my Skin, où on joue à plus de deux, des relations plus complexes, avec adultères ou échanges.

samedi 30 octobre 2010

Votez pour nous ou vous vous ferez manger par le Dragon

Le Péril Jaune est devenu une nouvelle arme de la droite pour critiquer tout système social : l'Occident décline parce que nous aurions trop de droits sociaux et si on protège les poids de l'Etat-Providence, on va se faire dévorer par l'Empire chinois, qui a la grande sagesse de ne pas avoir encore tous ces droits.

C'est une alliance objective entre le conservatisme occidental et le capitalisme dictatorial chinois. Une partie de la droite peut le vilipender mais ils cachent mal qu'ils admirent ce mélange d'enrichissement extrême et d'ordre strict. Le fond du conservatisme est l'idée que l'inégalité est naturelle, normale, inévitable, voire souhaitable, juste et conforme à un Ordre cosmique transcendant. A chaque critique du Dragon oriental, on peut lire en miroir une sorte d'envie mimétique : si seulement nous pouvions avoir aussi ici une stabilité militaire alliée à une oppression digne de notre propre Révolution industrielle. Eux au moins n'ont pas à faire des compromis avec des syndicats qui veulent protéger des acquis sociaux. Le Péril n'est plus un opposant externe au système capitaliste, comme pendant les 70 ans de dictatures communistes, mais tout un autre pôle négatif, interne à cet ordre des marchés, les griffes de la Bête sous la Main Invisible.

C'est là qu'apparaît la figure du Docteur Fu Manchu, du Mandarin, du Professeur chinois qui servirait à prendre une perspective du Dehors pour mieux cimenter les clichés du Dedans, une sorte de Protocoles des Mandarins de Zhongguo. On rend plus convaincante une dénonciation en l'objectivant comme si elle interceptait le propos cynique de l'Ennemi lointain.

On connaît en français la fausse vidéo du "Professeur Kuing Yamang" ou "Mehlang Chang" où les sous-titres ont été remplacés par des propos sarkozystes de base contre les "parasites du service public" (dans la v.o. en réalité le professeur Wu Jianmin parle de banalités sur les défis "globaux").

Les Républicains américains (derrière une association bidon de plus "Citizens Against Government Waste" - ce qui est toujours très hypocrite quand on sait que ce sont eux qui ont augmenté le plus le déficit) ont utilisé un procédé analogue du Péril Jaune mais avec beaucoup plus de moyens en tournant une vraie vidéo où les Chinois de 2030 expliquent qu'ils ont pu supplanter les USA grâce au Plan de santé d'Obama ("Changez le futur, votez pour une hausse du déficit mais à condition qu'elle profite encore plus aux plus riches"). C'est d'un racisme direct mais il faut reconnaître que c'est bien fait (notamment le grand éclat de rire à la fin, très bonne manipulation des sentiments d'humiliation). On peut faire des propagandes très efficaces avec l'argent des nantis.

Le groupe taiwanais NMA (Next Media Animation) répond avec une parodie de la propagande qui joue sur cet imaginaire sinophobe.



[Si on retire ce Tiers chinois comme figure du ressentiment, le thème de la vidéo préventive venue du Futur dystopique à la Days of Future Past (ou Terminator) est à la mode depuis pas mal de temps. Du côté démocrate, l'association d'activistes MoveOn.org a aussi fait une vidéo où l'actrice Olivia Wilde (la Docteur "13" dans Doctor House) avertit que la Présidente Sarah Palin avait détruit la planète en déclarant la Guerre contre tout le monde. Ici, la vidéo marche mieux sur le réseau Facebook puisque la vidéo prend le visage de "l'Ami" auquel vous l'envoyez pour rappeler qu'il aurait dû aller voter. Ils avaient déjà utilisé le même genre de gag en 2008 et 2006 si je me souviens bien.]


  • Par ailleurs, je crois que si Mme Penchard restait au gouvernement, le Dragon envahirait aussitôt la Martinique. Nous ne pouvons pas prendre ce risque.

    A moins que Mme Penchard ne soit en réalité un agent secret de la Martinique qui faisait semblant de ne vouloir accaparer l'argent pour la Guadeloupe que pour mieux la discréditer ? Quel plan fourbe !
  • [JDR] [Modules] La "série B" (XII/XII)

    Le B12 Queen's Harvest (1989) conclut la série des modules de base D&D. Après la déception du B11 qui assimilait, comme souvent, module d'introduction et histoire un peu "basique", Carl Sargent approfondit enfin un peu plus son cadre de jeu dans ce domaine de Penhaligon.

    Après avoir sauvé le prêtre Aralic avant la Fête du Roi (festival que je n'ai pas retrouvé dans le calendrier du Karameikos), les personnages ont trouvé une lettre au mage Kavorquian qui l'avertissait du fait que la "Reine" préparait sa "moisson". Les aventuriers repartent donc au début simplement pour servir de facteurs. Mais Kavorquian Penhaligon, oncle de la dame Arteris Penhaligon, vient de mourir de causes apparemment naturelles et sa femme (qui n'est pas la Reine en question) l'aurait aussi quitté il y a longtemps. Un homme manchot qui se présente comme son fils, Lord Kaerin Penhaligon, reçoit la lettre et demande aux aventuriers de l'aider à reprendre possession de la demeure de son père (un peu comme dans le B9 on les engageait pour nettoyer le Château Caldwell).

    Toute équipe un peu paranoïaque doit se mettre à redouter un piège et le seul retournement est en fait que contre toute attente, il n'y a pas vraiment de retournement (alors qu'un personnage manchot est souvent un code narratif pour un traitre et que la veuve mentionnée pourrait faire penser qu'elle est la "Reine" dans la lettre). La Maison Penhaligon est un peu une occasion manquée car la famille n'a pas des personnages si originaux (surtout comparés à la famille démente des d'Ambreville dans le module Mark of Amber).

    Ce premier donjon sous la maison du mage n'est pas particulièrement marquant. Kavorquian a l'air d'avoir pratiqué des expériences sur des créatures qui semblent peu orthodoxes mais il n'y a pas vraiment de révélations en dehors de son journal qui explique enfin qui est la "Reine" du titre : la Dame Ilyana, demi-soeur illégitime de la Dame Arteris, qui amasse des troupes de mercenaires et de créatures humanoïdes dans le nord du domaine de Penhaligon et prépare une "moisson sanglante" pour conquérir le domaine de son père.

    Les aventuriers font ainsi la connaissance du Patriarche Sherlane, seigneur ecclesiastique de Threshold, qui va donc les introduire vers les intrigues politiques de tout le Grand Duché du Karameikos. La suite de l'aventure doit les envoyer vers des expéditions contre les troupes de la Reine et mener une guerilla d'attrition.

    SPOILER Un des objets intéressants du coin est l'Epée chaotique intelligente de la Reine-Guerrière Elendorath d'Haradraith (le nom sonne étrangement tolkienien). On n'a pas plus de détails sur cette Reine (même si certains fans de Mystara ont ensuite écrit des histoires non-officielles sur une "Reine-Vampire" du passé du Traladara). Carl Sargent aime bien ce genre d'Epée intelligente qui peut prendre le contrôle des personnages (le modèle classique étant bien sûr l'épée maléfique Noirrasoir dans le vieux module S2 White Plume Mountain, 1979). De même, dans la campagne Night Below, l'épée Tueuse d'Ailerons est Neutre-bonne mais obsédée par sa croisade contre les Kuo-Toa des abysses.


  • Bilan
    Le B12 montre bien l'évolution des modules D&D vers un arrière-fond plus développé - surtout par rapport au B2 qui était si déconnecté et si abstrait. Un défaut de cette approche est que les personnages ne partent plus en libre exploration (le fameux "bac à sable" qui permet aux joueurs d'aller en n'importe quel sens sans se sentir contraints par une intrigue du narrateur) ; ils se font désormais engager par des personnages secondaires, ce qui peut apparaître comme une convention plus dirigiste (le pire étant le B8 où les personnages peuvent vraiment avoir l'impression d'être des pions dans un jeu qui ne peut pas vraiment les intéresser).

    Le B12 est nettement moins riche que le B4 ou le B10 mais dans ce genre un peu étroit du module introductif, il a au moins l'avantage d'avoir quelques personnages non-joueurs un peu intéressants. Mais on est très loin de ce que Carl Sargent a pu faire dans son classique pour Warhammer, Power Behind the Throne.
  • vendredi 29 octobre 2010

    La promo Léon Blum, 35 après

    Via Bakchich et Daily Nord, la première apparition télévisée de Martine Aubry, alors âgée de 25 ans lors d'une interview de la promotion Léon Blum de l'ENA (promotion 1975, hélas connue pour son major qui suffirait à discréditer tout classement, Alain Minc).

    La vidéo est sur le site de l'INA et on y voit un reportage sur l'ENA qui rappelle que la critique de la reproduction sociale était discutée à l'époque. Chaque énarque dit son origine et le journaliste revient beaucoup sur le fait qu'un Enarque est un bourgeois parisien. Martine née Delors, "fille de haut-fonctionnaire" (40e seconde) est celle qui a fait la plus grande carrière politique, quel qu'ait pu être son rang de sortie (elle aurait choisi d'aller au Ministère du Travail, comme certains rebelles de la promotion Charles de Gaulle 1972 et comme des personnages du téléfilm L'école du pouvoir).

    Bernard Boucault "fils d'artisan", ancien préfet, est devenu l'actuel directeur de l'ENA en 2007. Michel Colin "fils d'expert comptable" a été directeur de cabinet de Christian Perret. Yves Lyon-Caen, "fils de professeur d'université" (fils de Gérard Lyon-Caen de la dynastie de juristes) a été dir-cab de Rocard en 1988-1990 mais est passé dans le privé (santé, agro-alimentaire, navires) après avoir été viré du Crédit National par Balladur. Isabelle Bouillot, "fille de directeur de société", a été conseillère économique sous Delors et est maintenant passée dans le privé dans un fonds d'investissement China Equity Fund. Bernard Bajolet, "fils d'ingénieur", est devenu diplomate et dirige le Conseil national du renseignement pour Sarkozy depuis 2008.

    Je ne sais si c'est un hasard sur les personnes interrogées mais beaucoup ont rejoint les gouvernements socialistes des années 80 pour ensuite pantoufler dans le privé, ce qui traduirait bien la trajectoire de toute une génération.


    retrouver ce média sur www.ina.fr



  • Par ailleurs, je crois que Mme Penchard (dont Elias m'apprend hélas qu'elle est "jugée courageuse" par l'Elysée) devrait avoir une carrière diplomatique loin des DOM-TOM.
  • mardi 26 octobre 2010

    Le nouveau maire de Toronto

    et rushlimbaughesque Rob Ford disait en public qu'il préférerait un bon "lynchage" à une réunion pour aider les sans-abris quand il était conseiller municipal du quartier ouest d'Etobicoke.

    Ca me rassure un peu. Il n'y a pas que nous qui élisons des Berlusconi.

  • Par ailleurs, je crois que Mme Penchard devrait chercher un autre mandat.
  • [JDR] [Modules] La "série B" (XI/XII)

    La série des modules "B" fut arrêtée pendant 3 ans de 1986 à 1989, mais TSR devait penser que les modules introductifs déjà édités n'étaient pas suffisants ou que les "B" pouvaient bien se vendre puisqu'ils confièrent à leur nouvel auteur venu du Royaume-Uni Carl Sargent deux "B" de plus, le B11 King's Festival et le B12 Queen's Harvest. C'étaient leurs dernières tentatives de faire vivre l'édition de base de Dungeons & Dragons (avec la Rules Cyclopedia publiée en 1991, peu de temps avant l'abandon total de cette édition au profit du seul AD&D). Carl Sargent (dont j'ai raconté le peu qu'on connaît de la vie énigmatique) est sans doute l'un des meilleurs auteurs de jeu de rôle de cette période avec le scénario Warhammer le Pouvoir derrière le Trône (et plus tard la réactualisation du monde de Greyhawk dans Grisfaucon: Sorti des Cendres).

    Pourtant, les derniers feux de la série "B" ne sont pas particulièrement originaux après la bonne surprise du B10. Carl Sargent donne beaucoup de conseils au Maître du Donjon débutant sur ses 36 pages (comment répartir les points d'expérience, ne pas trop suivre les dés pour les apparition des Monstres errants ou les jets de Bravoure des monstres) mais il choisit de toute évidence d'écrire un Donjon ultra-classique et simple.

    Le B11 est le premier module à être édité après la série des "Atlas"/Chroniques, les Gazetteers (commencée en 1987) qui décrivent le "Monde Connu" de Mystara. Cette même année 1989, Carl Sargent lui-même a écrit le très bon Gazetteer 13: The Shadow Elves. Mais on ne peut pas dire que le module exploite particulièrement ce nouveau contexte approfondi en dehors d'une page de résumé du contexte.

    L'histoire se passe dans le Grand Duché de Karameikos, à Stallanford près de la ville de Penhaligon. Ce petit domaine au nom si arthurien (dirigé par la Dame Arteris Penhaligon) n'était pas tellement décrit mais j'imagine que c'est à cause du B11 que TSR mit ensuite un cycle de romans dans ce lieu (la Trilogie de Penhaligon signée "D.J. Heinrich" en 1992). Hélas, les romans ont été écrits par quelqu'un (je ne sais si Heinrich est un pseudonyme de plusieurs auteurs) qui ne connaît pas bien les Gazetteers et ils ne paraissent que moyennement compatibles avec l'impression de Far West inexploré de la région - au contraire, dans les romans, il s'agit d'un centre avec même son propre Ordre de Chevalerie, "l'Ordre des Trois Soleils" (sans doute en imitation d'Ogier le Danois dans Trois Coeurs, Trois Lions).

    Les personnages arrivent au moment de la Fête du Roi (nommée ainsi en l'honneur de l'antique Roi Halav, l'Immortel protecteur du Traladara - dont on parle plus dans le B10 et le Gazeteer 1). Cette Fête ne me semble pas décrite dans le calendrier du Gazetteer 1. Un Prêtre local (dont il n'est pas dit s'il est Traldar ou Thyatien) se fait enlever par des Orcs (qui veulent simplement une réserve de sorts de Soins). Les aventuriers doivent donc vite suivre les traces et aller sauver le Prêtre, ce qui suppose donc une expédition éclair vers de petites cavernes, où on ne pourra pas vraiment négocier avec ces Orcs. C'est un peu une sorte de B2 ou B5 miniature mais cela n'ajoute rien de très nouveau. Il y a quelques pré-tirés anonymes avec quelques conseils pour joueurs débutants mais en dehors de cela, le module ne donne pas particulièrement envie de le jouer.

    Les personnages peuvent trouver une lettre au mage "Kavorquian" (allusion à Kevorkian ? j'ignore si on en parlait déjà en 1989) qui parle d'une "moisson de mort" pour une "Reine", ce qui doit donc conduire au dernier scénario, le B12 Queen's Harvest.

    Le B11 n'a rien de mauvais si on n'avait pas déjà le B2. Tel quel, je le trouve en fait plus simple encore que son ancêtre, et on a un peu l'impression que Carl Sargent - qui devait se consacrer surtout à cette période à la rédaction de Greyhawk ou à la grosse campagne The Night Below - s'est contenté d'un scénario de commande, très élémentaire.

    mercredi 20 octobre 2010

    [JDR] Paquet de jeux pour MSF

    Le site Web de diffusion directe RPG Drive-Thru propose de nombreux jeux et suppléments pour 25$ (€18) qui seront envoyés à Médecins Sans Frontières pour l'aide au Pakistan.

    Le paquet de PDF comprend notamment l'énorme jeu de science-fiction Starblazer, Exalted (2e édition) et le nouveau jeu de superhéros Icons.

    L'idéologie permet d'économiser des arguments

    Mon argumentaire sur le débat sur les retraites n'est pas du tout élaboré.

    Il peut se résumer en une simple "inférence vers la meilleure explication" :
    Par expérience répétée, nous savons que M. Woerth et M. Badinguet sont des menteurs systématiques. Donc nous n'avons aucun crédit à leur accorder, on ne peut donc pas les croire sur parole lorsqu'ils disent que leur réforme est
    (1) absolument et objectivement nécessaire et inévitable pour des raisons démographiques (2) juste (3) faite pour sauver le régime par répartition.
    Même lorsqu'ils citent le C.O.R. c'est généralement de manière très partiale et mensongère.

    Je n'ai jamais eu l'occasion d'être marxiste mais le gouvernement actuel me rend plus ouvert à croire n'importe quelle interprétation presque strictement "économiste". La politique de Badinguet sur tous les points semble être de trouver un problème et de systématiquement l'aggraver sans jamais rien résoudre, en songeant en priorité à son intérêt politique à court terme puis à l'intérêt financier de ses amis ou de la classe dirigeante dont il assure le ministère (les rares fois où le premier l'emporte sur le second est lorsqu'il fait semblant de taper sur les banques ou les Golden parachutes après avoir lu une étude d'opinion).

    C'est la même chose ici : paraître réformateur et moderne (intérêt politique de court terme), faire faire quelques économies budgétaire pour payer plus d'inégalité sociale, préparer le passage vers la capitalisation pour soutenir Axa et d'autres grands groupes (intérêt financier oligarchique, ce qui est aussi un intérêt politique sur le moyen terme). Certes, une partie de l'individu doit croire qu'il n'y a pas d'incompatibilité entre ces intérêts particuliers qui lui importent et une action de la Main Invisible qui pourrait aussi être utile collectivement, mais je crois qu'il est assez irresponsable et dangereux pour que cela ne soit pas du tout essentiel dans sa manière de décider (les exagérations de cet été ont encore une fois démontré qu'il était prêt à dire tout et n'importe quoi).

    Et donc je vais seulement croire Gérard Filoche tant qu'on ne me prouvera pas le contraire.

    On pourrait certes m'objecter que si le Président Lionel Jospin en 2002 ou la Présidente Ségolène Royal aujourd'hui allongeait la durée de cotisations de manière assez similaire, je ne m'indignerais pas. C'est probable en effet, car j'imagine que le contexte politique ne serait pas le même et que j'espère qu'il y aurait d'autres politiques qui tenteraient de protéger et conserver un Etat-Providence que M. Badinguet veut détruire.

    Aux USA actuellement, la date pour atteindre une retraite pleine était aussi 65 ans et vient de passer à 66, plus tard 67. Comme le fait remarquer Dean Baker, le fossé n'est pas si énorme avec la date de l'âge "à taux plein" français (65 ans pour l'instant) mais les chroniqueurs des deux côtés de l'Atlantique ne le disent pas souvent. Il est vrai que les Américains sont nettement plus nombreux à continuer de travailler après 65 ans parce qu'ils n'auraient pas de retraite décente même "à taux plein", les systèmes de capitalisation (qui étaient encore peu nombreux avant la période Reagan, moins de 12% et maintenant 63% des salariés) étant souvent bien plus aléatoires (les plans 401k et les fonds de pension ayant été été ruinés par la crise financière alors que le système par répartition conservait un rendement plus stable).

  • Par ailleurs, je crois que le nouveau Premier Ministre pressenti Serge Gainsbourg pourrait se passer de l'expertise de Mme Penchard.
  • mardi 19 octobre 2010

    [JDR] [Modules] La "série B" (X/XII)

    Le B10 Night's Dark Terror (mars 1986) est écrit par Jim Bambra, Graeme Morris et Phil Gallagher, trois Britanniques qui travaillaient pour TSR-UK (qui avait déjà édité le Fiend Folio en 1981 et les modules de la série "UK" - Bambra et Gallaghar participeront aussi à Warhammer FRP). L'idée du B10 est d'être le module de transition entre la boîte Basic (Niveau 1-3) et la boîte Expert (Niveau 4-14) et donc conduire graduellement des Donjons vers une intrigue en extérieur (cela explique aussi l'autre nom, le "BX" pour eXpert). Ce BX me paraît d'ailleurs plus intéressant dans ce cadre que le célèbre X1 The Isle of Dread de Cook & Moldvay parce qu'il explore tout le Grand Duché de Karameikos au lieu d'une simple île inconnue.

    Le B10 est impressionnant, deux fois plus long que d'habitude si on compte les pages de cartographie. Il s'agit d'une mini-campagne et non pas seulement d'un long scénario. Le module joue un rôle essentiel dans l'histoire de D&D puisque c'est lui qui va vraiment créer l'histoire du Grand Duché de Karameikos, en décrivant l'opposition entre les Traldars et les Thyatiens ou les origines secrètes de la Vallée Perdue des Hutaakiens. A ma connaissance, dans la boite Expert de 1980 (p. X60), le Karameikos semblait être une colonisation d'une "Terra Nullius" (ou un Far West plein de créatures goblinoïdes) alors que c'est ici un pays peuplé d'Humains Traldars (du moins surtout au nord) dominés par les colons Thyatiens (la relation étant à peu près celle des Saxons avec les Normands ou bien des Slaves avec les Chevaliers Teutoniques). Il est toujours précisé que le Duc Stefan Karameikos ne contrôle guère que sa capitale dans le Duché et que la majorité du territoire est encore sauvage et inexplorée (ce qui paraît très peu crédible si on se dit que les Traldars vivent là depuis des siècles et que l'Empire de Thyatis est vraiment très proche à l'est : un peu comme si Byzance n'avait toujours pas sillonné les Balkans à l'époque médiévale).

    Il y a un petit écart entre le B10 et ce que propose l'anthologie B1-9 (que je voyais comme une sorte de "Prequel" du B10) car le B10 suppose que les aventuriers ne connaissent pas encore bien la région de Threshold (proche de la Vallée Perdue) et qu'ils vont la découvrir progressivement. Le scénario déconseille donc qu'ils viennent de l'endroit. Ils sont censés commencer plus au sud, à Kelven, dans l'est du Karameikos et aller dans la Forêt de Dymrak pour protéger un tout petit hameau traldar (une douzaine de personnes) face à un siège de Gobelins (ambiance Sept Samourais). Au lieu de piller une ruine, ils vont donc servir d'éclaireurs dans la Forêt de Dymrak et de défenseurs pour la famille de Pyotr.

    La Forêt de Dymrak a une ambiance féérique et abrite aussi un territoire d'Elfes Vyalia. L'absence de tunnels souterrains n'empêche pas qu'on doit pouvoir se retrouver à peu près dans ce cadre extérieur, même s'il faut des qualités d'improvisation pour que les multiples rencontres ne se ressemblent pas. Les chevaux sont particulièrement développés pour bien insister sur la sortie hors de la spéléologie habituelle. La rivière de la Volaga est aussi un personnage secondaire intéressant (les auteurs britanniques connaissent-ils déjà le Reik qui jouera un rôle important dans la Campagne impériale de Warhammer ?).

    La deuxième étape va être de trouver les dangereux employeurs de toutes ces hordes de gobelins, une société secrète d'esclavagistes (comme dans les modules de la série "A") et des ruines qui doivent conduire progressivement vers Threshold puis vers la Vallée Perdue.

    J'ai un peu abusé des SPOILERS dans cette rétrospective des modules de la série "B" mais je ne voudrais pas le faire ici car le B10 garde plus d'intérêt dans ses révélations et retournements que la plupart des autres. Tout ce que je peux dire est que le Gazetteer 1 : The Grand Duchy of Karameikos (1987) permet d'ajouter quelques fausses pistes pour intoxiquer les joueurs et augmenter leur surprise dans la découverte du secret de la Vallée Perdue. Rien que pour ce scénario, il est important que D&D ait choisi de donner une forme de hyènes à sa race de "Gnolls" (les Hutaakiens deviennent moins bizarres avec leur air d'Anubis si on prend compte des autres races de canidés comme les Lupins de "Renardie" qui vivent bien plus à l'ouest du Monde Connu, mais le X2 suppose qu'on en trouve aussi dans la région).

    Le module laisse planer la menace du Baron von Hendricks mais il n'y a aucun détail pour l'instant. En fait, ce danger reste ouvert dans toute campagne, aucun scénario publié n'avait (à ma connaissance) réglé son compte à ce Nemesis des personnages. La guerre finale contre la "Baronnie de l'Aigle Noir" avait été proposée en 1984 comme illustration des règles de guerre dans la boîte Companion de Frank Metzner, on suppose donc que les personnages ne pourraiten pas l'affronter avant d'avoir atteint ces Niveaux 15-25 de la haute aristocratie.

    Le B10 est le meilleur module de la série "B", encore meilleur que le B4, plus subtil qu'il n'en a l'air au début et sans doute assez long à développer. Il faudra vraiment bien dialoguer et discuter pour réussir à dissiper les mystères et secrets du Karameikos. La fin peut enfin avoir une conséquence d'importance puisque les personnages deviendraient parmi les seuls à connaître l'histoire ancienne réelle du territoire, mais cette révélation ne déséquilibre pourtant pas le jeu.

    Kanthologie

    Kant est sans doute l'un des plus grands philosophes de l'histoire par sa capacité à synthétiser et ordonner de nombreux problèmes à la fois. Le premier des contemporains fut aussi un scolastique et ce qu'on apprend à admirer est la structure de cette architecture. L'ennui est que ses solutions sont ensuite souvent moins plausibles qu'on pourrait l'espérer.

    Ce blog (à la présentation très peu lisible) énumère quelques thèses morales de Kant qui sont toutes assez clairement répugnantes dans sa tentative de rationaliser le Droit romain ou la morale traditionnelle, comme son sexisme (l'épouse est possédée comme un bien meuble et n'a donc aucun droit au divorce, ni à quelque droit politique puisqu'elle doit servir d'instrument au mari) et son attachement aux préjugés patriarcaux de son temps (tout enfant né hors mariage doit pouvoir être tué à la naissance puisqu'il n'a pas été conçu dans une relation reconnue par la loi civile).

    Quand on est enseignant, on cite souvent ce qu'il y a de plus fort chez Kant (par exemple sa critique de tout esclavage, mais Locke ou Rousseau l'avaient déjà dit) mais on observe un silence gêné devant ses âneries en morale (ou même parfois en esthétique quand il dit que la musique n'est pas vraiment de l'art car elle n'est qu'un arrangement agréale de sons).

    Or la philosophie théorique peut commettre des erreurs locales sans que cela contredise l'ensemble d'une théorie (les erreurs astronomiques de Platon ne touchent pas directement sa théorie de la connaissance en général) mais on peut émettre des doutes sur de nombreux aspects de la doctrine kantienne quand on voit les conséquences étranges qu'il croit pouvoir en dériver.

    Bien sûr, on pourrait alors dire que sa thèse fondamentale de l'égale dignité des êtres rationnels est ce qui reste d'important même si Kant n'était pas assez rigoureux pour en tenir assez compte dès qu'il parlait des femmes ou bien des races humaines où ses préjugés dominaient cette thèse. 

    lundi 18 octobre 2010

    [JDR] [Modules] La "série B" (IX/XII)

    Le B9 Castle Caldwell and Beyond (1985) par "Harry W. Nuckols" (pseudonyme d'un auteur inconnu, un certain Ron Charulsky) réunit 5 petits scénarios, plus ou moins connectés et de difficulté croissante pour les Niveaux 1-3.

    Le B9 est peut-être encore mieux adapté que d'autres à des personnages débutants, et même (ce qui est différent) à des joueurs débutants.

    Le premier scénario, "Vider le Château Caldwell" (4 pages) a l'une des histoires les plus basiques qui soit : un homme a acheté un Château empli de monstres (quelques gobelins, kobolds mais aussi quelques humains) et il engage les personnages comme "exterminateurs". L'avantage de ce prétexte (on travaille pour le propriétaire du Donjon au lieu de le cambrioler) est que les personnages ont une carte du Château dès le début et n'ont pas à la dessiner au fur et à mesure (ce blog propose d'ailleurs une autre carte). On comprend que l'anthologie B1-9 In Search of Adventure (1987) ait choisi cette courte aventure comme vraie introduction de toute la série, c'est une sorte de simplification du B1, B2 ou du B5 (le Château, rebaptisé "Old Antiles", est situé juste à côté de la commune de Threshold en Karameikos).

    Le deuxième "Les Oubliettes de la Terreur" (5 pages), propose d'explorer le sous-sol du Château Caldwell, cette fois sans carte. La difficulté est donc légèrement supérieure (surtout avec les méandres où une salle peut vous téléporter ailleurs). Même dans cette aventure, on trouve un mort-vivant Wight (assez dangereux s'il n'y a pas de Clerc).

    La troisième aventure, "L'enlèvement de la princesse Sylvia" se passe dans un vague monde médiéval de contes de fée avec des noms assez réels et européens. La princesse Sylvia (que j'imagine être celle sur la couverture du module dessinée par Clyde Caldwell - l'illustrateur a aussi dû donner son nom au Château du scénario précédent) était fiancée au Prince Frederick d'un royaume voisin et a eté kidnappée par des gobelins. Les personnages sont recrutés par le Roi pour la retrouver. L'aventure est la seule à ne pas avoir été reprise dans l'anthologie B1-9.

    La quatrième aventure, "La Grande évasion" commence en supposant que les personnages ont été capturés par des gobelins d'un pays voisin, qu'on leur a retiré leurs armes mais aussi leurs Livres de Sort et tout leur équipement (y compris tout matériel pour dessiner une carte, cette fois !). En un sens, il vaut mieux que cela arrive quand vos personnages sont encore de bas niveau et qu'ils ne regretteront pas trop de grands objets magiques (même s'ils ont une chance de les retrouver pendant l'évasion). Il faudrait vraiment conseiller au Maître du Donjon de ne l'utiliser que dans une condition où les personnages ont été réellement battus et faits prisonniers. La plupart des joueurs auront du mal à accepter d'être plongés de force in medias res sans avoir pu essayer d'éviter d'être capturés.

    L'anthologie B1-9 de Jeff Grubb a profondément transformé cette 4e aventure en précisant qu'ils étaient victimes d'un piège organisé par une Baronnie de Karameikos et non par un pays voisin. Cette Baronnie (qui va être le centre du module B/X Night's Dark Terror) est choisie comme une ligne directrice de l'anthologie si les joueurs explorent cette piste.

    La dernière aventure du B9 "Le Sanctuaire d'Elwyn" envoie les aventuriers dans un Temple du culte monothéiste de "Namyats" où l'un des membres corrompus nommé Elwyn aurait volé la relique sacrée de la Cloche de Platine. Elwyn est en réalité une Prêtresse (6e Niveau) et elle mentionne à un moment qu'elle en appelle à un certain "Leptar".

    Dans l'anthologie B1-9, le nom de ce dieu "Namyats" fut changé en "Chardastes". Une rumeur dit que certains craignaient que des parents ou des critiques ne voient en "Namyats" (qui ressemble à une sorte de figure christique) un anagramme de "My Satan" (la capacité des Américains à trouver des apophénies satanistes dans n'importe quoi, comme pour le "backmasking", rappelle que c'est une société saturée de signes).

    Elwyn fut ensuite connectée avec un Temple du Chaos qui se trouvait près du Château-Fort du Gouverneur au nord-est du Karameikos (pour relier ce B9 au B2).


    Cela me conduit d'ailleurs à survoler un peu toute cette anthologie B1-9 In Search of Adventure qui compile une partie des neuf premiers modules de la série Basic.

    Le super-module fut écrit en 1987 et il est conçu par l'éditeur Jeff Grubb (qui a écrit aussi en 1995 un très bon remake du X2, Mark of Amber)  de toute évidence rétroactivement pour servir d'introduction au B/X Night's Dark Terror comme si toutes les aventures des neuf premiers modules devaient avoir pour but ce scénario un peu plus avancé (l'ennui est que si les aventuriers finissaient vraiment tous les 9 premiers scénarios, ils deviendraient sans doute trop puissants pour le B10). 

    On peut ici se servir du synopsis fait par James Landry qui a analysé aussi toute la série "B". Le super-module B1-9 commence dans le village de Threshold (Seuil) dans le Grand Duché de Karameikos, dirigé par le Patriarche religieux Sherlane Halaran (dont la fille, la légendaire Aleena fut tuée dans un scénario en solo de la Boîte Expert, puis ressuscitée pour le Gazeteer 1: The Grand Duchy of Karameikos).

    Les aventuriers commencent par nettoyer le Château Caldwell (B9), puis ils peuvent soit être envoyés vers le Rocher (B8), passer par les Cavernes de Quasqueton (B1) avant de s'évader d'une prison du Baron Hendricks (B9 + annonce du B10). Les scénarios B1 et B2 sont très abrégés, comme le B8.

    Une autre possibilité est qu'ils partent enquêter sur Elwyn (B9), ce qui les conduit aux Cavernes du Chaos (B2) et vers le Hâvre de la Princesse d'Argent (B3). Au retour ils peuvent passer par la Colline près de "Fort de Gui" (B5).

    La troisième possibilité paraît la plus riche et la plus difficile : ils sont envoyés comme messagers par un marchand elfe vers Selenica en République de Darokin, ce qui les conduit au village sylvestre de Rahasia (B7) et en revenant ils se perdent dans le désert d'Ylaruam, devant la Cité perdue (B4).

    Dans les trois options, ils finiront par être assez renommés pour partir vers la capitale de Specularum pour déjouer les plans de la Société Voilée (B6).

    Pour conclure, le B9 n'est pas particulièrement original mais il a le mérite de paraître un peu plus facile et progressif dans ses scénarios que les autres modules.

    dimanche 17 octobre 2010

    Allons-y

    Rien de mieux qu'un extra-terrestre britannique comme le Docteur (Qui ?) pour rendre exotique la plus anodine des phrases.

    [JDR] [Modules] La "série B" (VIII/XII)

    Le B8 Journey to the Rock par un certain Michael Malone (dont j'ignore s'il est la même personne que l'auteur de tv soap opera du même nom) date encore de cette année "faste" 1984 où D&D se mettait à publier énormément de modules pour profiter de la mode. Le scénario n'a pas été prévu de toute évidence pour être bien intégré avec la continuité dans le Monde Connu de Mystara (il y a quelques conseils pour le faire p. 30 mais par la suite les Gazetteers n'essayeront même pas et négligeront cette aventure qui n'était faite que pour un jeu de compétition en convention).

    La couverture est dessinée par Larry Elmore, qui devient cette année-là très influent sur toute l'esthétique de D&D en étant le designer graphique de la série Dragonlance.

    Le Sorcier Lirdrium Arkayz recrute par des intermédiaires les aventuriers en plein coeur d'une forêt (nommée "le Foyer Silvestre"...) dans son Manoir (nommé Le Manoir) pour aller vers un rocher (nommé le Rocher, je ne suis pas le seul à avoir du mal à former des noms propres).

    Il ne précise pas ce qu'il veut hormis "le secret du Rocher", mais leur dit qu'ils pourront garder tout ce qu'ils trouveront. En réalité, Arkayz a un MacGuffin précis en tête et il n'ignore pas ce que serait le "secret" du Rocher. Je ne comprends pas vraiment pourquoi il le cache aux personnages qui risquent de trouver cela bien flou et donc de devenir très soupçonneux vis-à-vis de ce jeu de dissimulation. La seule explication est que l'auteur du module veut qu'il y ait une énigme dans ce scénario fait pour être un jeu de compétition.

    Le scénario se prétend très ouvert en disant que les aventuriers ont une liberté complète en extérieur, 3 chemins différents pour aller vers le Rocher. L'ennui est qu'on ne voit aucune raison pour ne pas prendre la route la plus directe, les deux autres allongeant inutilement le chemin en passant par des ruines mystérieuses de toute une Cité morte nommée Tuma (dans laquelle ils ne peuvent pas entrer tant qu'ils ne seront pas passés par le Rocher). On comprend que l'anthologie B1-9 ait simplement retiré toute ces options qui occupent beaucoup de pages inutiles (quand même 14 sur les 32 - le module est bien plus bref qu'il n'en a l'air). En revanche, un des chemins inutiles ne prendrait sa signification qu'après coup s'ils revenaient du Rocher (mais ils ne sont pas censés jouer ce retour car Arkayz les reteléporterait chez lui dès qu'ils trouvent le MacGuffin).

    Le module a de nombreux problèmes d'écriture. Il y a toute une histoire d'arrière-fond mais le Maître du Donjon risque d'être le seul à la connaître comme elle intéressera plus de puissants Personnages non-joueurs (l'employeur Arkayz) que les personnages de bas niveau. Il est un peu curieux que l'héroïque Arkayz (qui ne peut certes pas entrer dans le Rocher lui-même parce que c'est MAGIQUE) recrute des débutants pour une quête qui est censée mettre en jeu toute sa Cité de Tuma capturée, voire le destin de tout le Multivers. A la fin, les aventuriers vont être un peu frustrés d'avoir simplement servis à chercher une clef et de voir le PNJ la prendre pour aller vers la vraie quête importante. C'est le risque de ce qu'on appelle parfois la "Déprotagonisation" (ou "syndrome Elminster") : les joueurs ne sont plus que des instruments secondaires dans une histoire dont ils sont des spectateurs lointains. On pourra dire que c'est propre aux scénarios de Niveau 1-3 mais les autres avaient pourtant tous évité ce danger.

    Localisation
    Le module dit qu'on peut mettre toute l'histoire soit dans le Grand-Duché de Karameikos ("sur la rivière au nord-ouest de Wereskalot ou dans les Montagnes Cruth au nord-ouest de Seuil (Threshold)") ou bien dans la République de Darokin ("au nord du Lac Amsorak").  L'anthologie B1-9 In Search of Adventure (1987) va donc suivre ces indications et mettre le Rocher un peu au nord de Seuil. Mais toute l'histoire de la cité de Tuma, ville extra-dimensionnelle de Magiciens liés au combat contre le Chaos, continue de poser problème si on veut la mettre de force dans le Monde Connu.  Le monde de Mystara est certes habitué aux cités de Magiciens (Alphatia et Glantri) mais Tuma détonne un peu dans le petit Karameikos si provincial. Les fans de Mystara sont connus pour être un peu obsédés par les modifications qui tentent de tout rendre cohérent mais le B8 ne semble pas trop les intéresser (même si cette carte de la région de Seuil/Valbourg comprend le Rocher et Tuma au nord).

    Les noms des habitants de Tuma me font un peu penser à des Nains : "Lirdrium Arkayz", " Alcidaxes" (certes, celui-là est plus Thyatien) ou "Belkazar".

    Puis qu'on parle de noms et que j'ai donné à chaque fois les listes de personnages de Personnages Pré-tirés, voici la liste des noms ici : Hargarth Stonehand (Nain 2e), Katanya (Guerrière 1e), Medriev (Elfe 2e), Peldor Homeheart (Halfling 1e), Viviel (Voleuse 3e), Volshalla (Clerc 2e), Wolkenz (Guerrier 2e), Yilil-Aylen (Magicien 2e). Dans leur long sketch sur ce module, les deux comiques de WTF, D&D!? ironisent sur ces noms mais c'est parce qu'il n'y a pas beaucoup de choses drôles à dire sur ce scénario. Les Personnages (tous Loyaux ou Neutres) ont l'originalité d'avoir une  ébauche de courte description de leur caractère (avec des banalités : Medriev l'elfe n'aime pas les Nains, Hargarth le Nain est susceptible, etc) et pas seulement des caractéristiques.

    Au final, ce module prouve qu'une aventure peut être en grande partie en extérieur tout en étant l'un des modules les plus linéaires et un des plus plats de la série B. A part la jolie carte, je ne vois pas ce que vous ne pourriez pas faire vous-même assez facilement.

    samedi 16 octobre 2010

    Quota d'écriture

    Je suis content de ne pas avoir choisi (ou plutôt pas eu le courage) de me mettre au jeu de rôle plus sérieusement. Mongoose (une des rares compagnies de jeu de rôle qui emploient des rédacteurs "à plein temps" plutôt que des "freelancers") exige par contrat une production moyenne de 4000 mots par jour. Cela se verrait parfois dans le style de certains des suppléments qu'ils éditent. J'aime beaucoup les univers que Mongoose a choisi de développer mais il faut reconnaître que la compagnie a parfois des oeuvres assez inégales dans sa stratégie d'occupation du marché.

    Le National Novel Writing Month demande un court roman de 50,000 mots rédigé en 30 jours (soit 1666 mots par jour, 40% du rythme de Mongoose), et ce n'est pas complètement aisé, mais écrire un ensemble de descriptions (dans un monde que vous n'avez pas créé et où il vous faut donc faire des recherches pour rester compatible avec les autres sources) et tracer de nouvelles règles me paraît encore plus difficile que d'écrire quelques pages de fiction.

    J'ai envie de tenter le NaNoWriMo (en français) cette année. Je ne me fais aucune illusion sur ma capacité à être écrivain (c'est même l'une des rares illusions que je n'ai pas cultivées) et un seul mois paraît un peu ridicule, mais il y aurait quand même quelque chose de grisant à avoir cela derrière soi et parler ensuite de son second roman. La célèbre "Loi de Sturgeon" dit que 90% de ce qu'on écrit est des fadaises, des clichés et sans intérêt mais on peut espérer qu'avec suffisamment de tentatives on puisse atteindre les 10% de son potentiel.

  • Par ailleurs, je ne crois pas que je trouverais chaque jour 4000 nouvelles manières de dire qu'il serait bien que Mme Penchard ne soit pas reconduite dans ses fonctions, même si M. Woerth doit effectivement la dépasser en arrogance et en mépris.
  • jeudi 14 octobre 2010

    [JDR] [Modules] La "série B" (VII/XII)

    1984 doit être à peu près le sommet de popularité de D&D aux USA, avec le dessin animé à la télévision et TSR produisant une foule de suppléments. Le module B7 Rahasia (1984) est un peu curieux car il n'était pas du tout conçu pour être situé dans le Monde connu développé pour D&D depuis 1982. Il est écrit par Tracy Hickman et son épouse Laura Hickman. Tracy Hickman (qui va devenir l'auteur principal avec Margaret Weis de la célèbre campagne Dragonlance cette même année 1984) est Mormon et il avait été envoyé, comme tout jeune "Saint des Derniers Jours" à 18 ans, en campagne de prosélytisme pour son culte vers un pays en voie de développement. Il avait vécu en Indonésie dans les années 70 et le module a l'originalité d'utiliser quelques mots d'Indonésien comme langue fictive pour ses Elfes ("Rahasia", nom d'une Elfe, veut dire "secret" en Bahasa Indonesia) et de donner un air en général assez oriental à toute l'histoire. Hickman a souvent repris une atmosphère historique exotique dans ses modules, que ce soit l'Egypte avec I3-I5 Desert of Desolation ou la Transylvanie gothique avec le célèbre I6 Ravenloft.

    Les Hickman avaient publié le scénario Rahasia dès 1979 de manière indépendante en Utah et quand ils furent engagés par TSR, ils réadaptèrent leur module en le mélangeant avec un autre scénario utilisé par la Role-Playing Game Association (la liaison est relativement convaincante).

    Les aventuriers arrivent dans un village elfe dans la jungle, Kota-Hutan ("Ville de la Forêt" en indonésien). Ils font la connaissance de la jeune Elfe Rahasia qui leur raconte toute l'histoire. Un prêtre humain d'un culte inconnu nommé le Rahib ("le Moine") a pris le contrôle d'un Temple elfe et des Siswa ("étudiants") qui y travaillent. Le père et le fiancé de Rahasia, ainsi que deux amies, Silva et Merisa, furent aussi capturés. Le Rahib menace de les tuer si Rahasia ne se livre pas et il va donc falloir tenter de libérer le Temple occupé.

    [Je me suis demandé si ce Moine maléfique étranger (et lubrique) qui venait corrompre les innocents dans la jungle pouvait être une allusion ou une culpabilité plus ou moins consciente du Missionnaire Tracy Hickman sur sa propre activité évangélisatrice en Indonésie mais c'est sans doute de la surinterprétation. Quand on connaît l'intolérance mormonne, il doit plutôt s'agir d'une transposition des autres missionnaires...]

    Les personnages des joueurs ne semblent pas vraiment attendre d'autre récompense que la gratitude de Rahasia (en dehors du butin éventuel, bien sûr). Il est dommage que cette dernière ne soit pas plus détaillée (il est juste dit qu'elle est vraiment, vraiment très belle, même pour une PNJ elfe). Si elle venait à accompagner les personnages-joueurs, elle pourrait quand même connaître un sortilège en tant qu'Elfe ? Cela pourrait augmenter le suspense au cas où ils se font capturer. 

    Le résultat me paraît un peu hésitant, un Donjon assez traditionnel sur bien des points mais avec une subtilité supplémentaire car les personnages doivent être plus prudents dans leurs combats. SPOILER En effet, des elfes hostiles peuvent être des innocents sous le charme du Rahib, qu'il ne faudrait pas tuer (techniquement, ce Clerc du 5e Niveau ne peut pas les enchanter - il s'agit donc d'une de ses alliées, Solorena) mais à l'inverse des complices du Rahib peuvent se faire passer pour ses victimes. Il y a quelques indices à trouver que je trouve absurdes (ou qu'en tout cas je n'aurais pas pensé à prendre pour des indices sérieux, comme des mots de passe à collectionner dans des endroits saugrenus).

    L'anthologie B1-9 (1987) recopie toute l'aventure comme 8e chapitre et tente donc de situer cette histoire de jungle indonésienne dans le monde mosaïque de Mystara. C'est moyennement convaincant et c'est le problème général du Monde Connu de D&D que d'être bâti sur ces aventures hétéroclites qu'on tente ensuite de réunir. Les personnages sont recrutés par un marchand elfe en Karameikos au village de Seuil (Threshold, la traduction française l'a appelé "Valbourg") pour apporter un message à Selenica, cité à l'est de la la République de Darokin, tout près de la grande forêt elfique d'Alfheim, au nord des Altan Tepes et du Château-Fort aux Confins du Pays du B2. Il n'est pas dit précisément où la forêt de Kota-Hutan est située mais ce ne sont pas des Callarii de Karameikos. Peut-être des influences ylaris ? C'est en revenant de leur voyage chez les Elfes en Darokin en longeant le désert d'Ylaruam qu'ils sont censés tomber sur la cité perdue du B4. Le Gazetteer 5: Alfheim (1988) de Steve Perrin n'utilise pas, il me semble, l'idée d'une culture indonésienne chez ses Elfes (Perrin imite plus directement le module tolkienien de haut niveau CM7 Tree of Life (1986) et le comic-book Elfquest). Les Elfes de Mystara ont des cultures très bariolées, entre ces Elfes indonésiens et les Elfes hispanophones de Belcadiz plus à l'ouest dans les Principautés de Glantri.

    A la fin, les Hickman décrivent 8 personnages pré-tirés avec des noms indonésiens : Benar ("Vrai", Guerrier Niv 3), Jujur ("Honnête", Voleur Niv 3), Kepala ("Tête", Guerrier Niv 2), Sunggu (?, Voleur Niv 2),  Bechak (?, Guerrier Niv 2), Sinar ("Rayon", Magicien Niv 3), Mati ("Mort", Magicien Niv 2), Suchi ("Saint", Clerc Niveau 3).

    Rahasia est un module honnête mais il ne m'a pas particulièrement donné envie de le jouer (je ne trouve pas que le Rahib soit un vilain si intéressant comme on comprend mal ses motivations), sauf peut-être pour tous ces dilemmes moraux d'un Donjon empli d'innocents sous contrôle. Mais il y a un risque que les joueurs ne se rendent pas bien compte de ce point (même si Rahasia les prévient au début) et qu'ils se lancent dans le Hack'n Slay habituel avec une sorte de morale utilitariste simple : on ne fait pas d'omelette sans casser des oeufs, mieux vaut quelques "dégâts collatéraux", quelques Siswa tués, que de laisser la menace de ce chef religieux dangereux. Décidément, cela rendrait ce module très métaphorique.

    mercredi 13 octobre 2010

    [JDR] [Modules] La "série B" (VI/XII)

    B6 The Veiled Society (1984) est écrit par David "Zeb" Cook, qui avait édité les règles de D&D Expert et écrit de nombreux modules célèbres comme le A1: Slave Pits of the Undercity (1980), I1: Dwellers of the Forbidden City (1981), X1: The Isle of Dread (1981), X4: Master of the Desert Nomads (1983) et X5: Temple of Death (1983).

    Le B6 est très bref (moins de 20 pages contre 36 d'habitude, beaucoup de place est pris pour des plans et figures de carton à monter) mais c'est la première aventure urbaine (mon genre favori) pour la série "B" et l'une des premières tout court pour D&D. Toute l'action se déroule en effet dans la ville de Specularum, capitale du Grand Duché de Karameikos et c'est donc l'une des premières descriptions de ce pays (qui était à peine esquissé dans les règles Expert et le X1).

    Il y a d'ailleurs quelques petits problèmes de continuité pour les maniaques de cohérence qui se délectent de l'histoire du Monde Connu de Mystara. La carte de Specularum n'est pas assez détaillée (ne cherchez pas le module comme une source sur cette ville) mais est différente de celle qui sera donnée ensuite dans le Gazetteer 1 The Grand Duchy of Karameikos (1987) d'Aaron Allston : dans le B6 (et le X1), la baie est seulement maritime au sud alors que le Gazetteer 1 trace une baie fluviale le long de la rivière Volaga à l'est et qu'on est donc encore un peu en amont de l'embouchure sur la Mer de la Terreur. Allston avait dû changer la carte de la capitale pour tenir mieux compte de la carte de tout le territoire, j'imagine. Le port est ouvert dans le B6, bien fermé ensuite. 



    Le texte de David Cook semble aussi laisser penser que le Grand Duc de Karameikos, Stéphane III, n'est pas vraiment le premier Duc alors qu'Allston (sans doute à cause du B10) dira ensuite que le Duc Stéphane actuel est le premier gouverneur suzerain de ce territoire (Stéphane "III" renvoyant seulement à sa dynastie thyatienne) et il n'est arrivé qu'il y a seulement trente ans. D'autres aventures de Cook seront aussi annulées pour manque de cohérence avec le reste. Toute l'action du X4-X5 avec les invasions des déserts de l'Ouest qui déstabilisent tout le continent sera rétroactivement placée deux siècles dans le futur par rapport au temps normal de la campagne. En 1984, David Cook a aussi publié une courte aventure avec l'écran du Maître du Donjon, le AC2 Combat Shield and Mini-Adventure où il dit (d'après cette conversation) qu'un ancien Duc Stéphane (qu'on imagine donc ancêtre du Stéphane III actuel) avait fini sa vie comme ermite dans le coin quelques décennies avant, ce qui n'est pas vraiment compatible avec la version officielle d'Aaron Allston puisque le Karameikos vient à peine de commencer à être colonisé par l'aristocratie thyatienne depuis une génération.

    David Cook a clairement choisi comme modèle pour Specularum une sorte de Roumanie fantastique quand on voit les noms, qui mélangent grec (Theodosios, Dimitrios), roumain (Anton Torenescu) et slave (avec peut-être une goutte de hongrois).

    L'aventure est un module de jeu de rôle qui abandonne les conventions Old School (un Lieu et aucune histoire sauf celle qui sera forgée par les joueurs) pour construire une intrigue "policière" où les personnages devront enquêter sur un meurtre, une manipulation et éviter les fausses pistes et les pièges sur les divers accusés potentiels entre les trois Maisons principales des Radu, des Torenescu et des Vorloi, et la "Société Voilée", organisation criminelle secrète.

    Mais il est difficile de construire une vraie intrigue criminelle et ici, elle redevient un peu linéaire assez vite malgré ces fausses pistes (la linéarité est un risque dès qu'il y a une histoire). Il suffit de chercher les indices, ce qui est certes anachronique dans un monde médiéval, mais il est inévitable de jouer à Sherlock Holmes même sans méthode moderne ou sans "police scientifique". Cela doit conduire assez directement aux coupables. Mais dans mon expérience de narrateur, les joueurs sont capables parfois de se compliquer la vie par eux-mêmes sans qu'on ait besoin d'une histoire trop retorse.

    Une différence majeure avec les autres scénarios est que les personnages pourraient se retrouver à la fin avec de puissants ennemis dans les élites de Karameikos alors que les modules se terminent généralement par l'élimination de quelques monstres inhumains.

    L'aventure a été reprise comme le 10e et dernier chapitre (donc la plus difficile) de l'anthologie B1-9 In Search of Adventure (1987) mais avec la nouvelle carte de Specularum du Gazetteer 1.

    Le B6 change de manière agréable le rythme des aventures de la série B. Ce n'est pas seulement un Donjon. Mais il semble quand même moins riche directement que les Donjons de la Cité Perdue dans le B4. Tel quel, le module est un peu maigre mais il y aura plus de pistes sur les dissensions entre les Maisons de Specularum dans les synopsis d'aventures proposées dans le Gazetteer 1 de 1987 par Aaron Allston, qui semble donc indispensable pour bien le jouer

    mardi 12 octobre 2010

    Temps libre

    Entendu d'une personne dans la rue qui était manifestement sans domicile et sans doute sans emploi pendant une manifestation contre la suppression des deux premières années de retraite et contre le report à 67 ans pour avoir droit au taux plein : "Pffff, regarde-les, tout ça pour 2 ans !"

    Ce qui fait penser au fait que c'étaient les retraités qui soutenaient le plus le projet du Chef de l'Etat de lutter contre les 35 heures hebdomadaires (et j'imagine qu'ils soutiennent actuellement plus le report de l'âge légal que la moyenne, même si je n'ai pas vu de chiffres).

    Par ailleurs, je crois que Mme Penchard (que j'ai trop oubliée ces jours-ci) devrait avoir plus de temps libre elle aussi.

    lundi 11 octobre 2010

    Des chats, des souris & des lapins

  • Ca y est, Icare va publier dans les jours qui viennent le jeu de rôle français Cats!: La mascarade par Tlön.

    Comme je l'avais déjà expliqué, le Cats! français est plus une parodie des jeux comme Vampire ou Nephilim. Les chats y ont des pouvoirs paranormaux et doivent lutter contre des organisations humaines (comme les Templiers, comme dans Nephilim) qui cherchent à savoir quels êtres mystérieux les manipulent.

    Un des gros avantages du Cats! français par rapport au Cat écrit par John Wick est que ce dernier n'a pas d'aventure et un univers bien plus vague. En revanche, le Cat américain a une atmosphère plus conte de fée et moins fantasy urbaine semi-réaliste. Je crois que je reprendrais les aventures du jeu français mais en rendant l'atmosphère un peu moins sombre en s'inspirant du second.

    Le jeu de rôle zoomorphe est aussi représenté récemment par Mouse Guard (2008) où on joue une civilisation médiévale de souris capables de saisir de petits objets (d'après la bd de David Petersen et les règles de Burning Wheel).




  • Warren Spector avait créé avec Greg Costikyan le jeu de rôle Toon (où on jouait des héros de dessin animé comme Wile Coyote) en 1984 et il est devenu depuis un designer de jeux informatiques.

    L'univers de Toon a pu en partie motiver l'idée de ressusciter pour un jeu sur console le personnage de dessin animé oublié Oswald le Lapin Chanceux. Ou du moins, si ce n'est pas Spector qui a eu l'idée, cela tombait bien que ce soit lui qui développe ce projet.

    Oswald n'est pas un Poochie remis rétroactivement. Walt Disney utilisait Oswald dans ses premiers dessins animés en 1927-1928 (quand il travaillait encore pour Universal) et Disney n'a créé Mickey qu'en 1928 quand on l'a viré d'Oswald. Oswald est donc Mickey avant Mickey, le Mickey qui aurait pu être. La corporation Disney en a finalement récupéré les droits 80 ans plus tard en 2006 (c'est là bien sûr la vraie raison pour laquelle on a droit à une histoire expliquant son retour dans le Disneyvers, juste pour avoir une IP à mettre sur des T-Shirts).

    Oswald Lapin est révélé comme le demi-frère oublié de Mickey Mouse (cela doit expliquer enfin les oreilles). Mickey l'a supplanté comme le personnage le plus célèbre de cartoon et Oswald a été exilé comme seigneur des Limbes où vont les créations de dessin animé oubliées.

    (En passant, chez les rivaux de Disney à la Time-Warner, Tiny Toons avait déjà eu un épisode "Fields of Honey" (1990) où Babs Bunny ressuscitait Honey, la compagne de Bosko, une star contemporaine d'Oswald de 1928. Mais en réalité, Oswald, Bosko ou Mickey ne sont tous que des plagiats de Felix le Chat (1919), qui serait avec son corps d'encre noire le vrai archétype de tous ces personnages animés et qui fut bien plus populaires qu'eux jusqu'à son déclin dans les années 20.

    Le retour d'Oswald utilise aussi cette idée d'un corps d'encre en réintroduisant dans ces Limbes le Phantom Blot (la Machia Nera dans Topolino), un vieil ennemi de Mickey (apparu en 1939).
  • Pris dans la Toile

    Il est devenu à la mode de critiquer l'essayiste dilletante Malcolm Gladwell pour le côté superficiel de ses analyses paradoxales. Il aime parfois des slogans dans l'air du temps et je l'aurais cru évangéliste des "Nouveaux Médias" dans un enthousiasme futurologique à la Töffler.

    Mais il a au contraire suffisamment d'esprit de contradiction pour dénoncer l'idéologie de la connexion dans la Toile numérique, disant que le plus grand nombre de ces connexions devient inversement proportionnel avec l'intensité de l'action qu'on est prêts à entreprendre réellement avec ses "liens". La connaissance diffuse ne sert plus à agir mais à rendre l'action elle-même plus diffuse :

    It is simply a form of organizing which favors the weak-tie connections that give us access to information over the strong-tie connections that help us persevere in the face of danger. It shifts our energies from organizations that promote strategic and disciplined activity and toward those which promote resilience and adaptability.

    It makes it easier for activists to express themselves, and harder for that expression to have any impact.

    The instruments of social media are well suited to making the existing social order more efficient. They are not a natural enemy of the status quo.

    Le paradoxe est en fait assez banal (le critique Neil Postman le disait il y a 20 ans). Gladwell décrit quelques cas concrets d'organisation (droits civiques, mouvements en Moldavie) et son argument paraît assez plausible (notamment quand il dit qu'on n'imagine pas des amis gauchistes se radicaliser dans les années 70 vers les Brigades rouges en utilisant Facebook, qui est fait pour un consensus assez mou où vous communiquez aussi avec de simples connaissances voire des membres de votre famille).

    Mais le problème est que c'est justement le style particulier de Gladwell que de faire passer n'importe quelle conclusion ou cliché comme une sorte de truisme refoulé mais "inévitable".

    On peut ne pas partager l'évangélisme naïf sur certains réseaux un peu vides comme Twitter (utile pour dire ce qu'a déchiré votre chat aujourd'hui) sans penser qu'un groupe de militants plus proches et actifs pourrait quand même se servir d'outils techniques équivalents.

    [JDR] [Modules] La "série B" (V/XII)

    B5 Horror on the Hill (1983) est écrit par Douglas Niles (qui venait de publier en 1982 le N1 Against the Cult of the Reptile God, scénario d'introduction à AD&D dans le monde de Greyhawk, et le X3 Curse of Xanathon, Niveau 5-7, qui se déroule dans le Vestland au nord d'Ylaruam).

    Après la bonne surprise du B4, ce B5 est décevant, un retour très traditionnel aux mêmes éléments que dans le B2. Les aventuriers arrivent au "Fort de Guido" (un nom vraiment raté au passage) et se rendent compte qu'il y a un Monastère abandonné sur une Colline remplie de Hobgobelins aux alentours.

    L'emplacement officiel (notamment d'après l'anthologie B1-9) serait par exemple dans le Karameikos, en amont de la Baronnie de Kelvin, sur la rivière "Shrill", quelque part sur la rivière Hillfollow ou Shutturgal (donc peut-être du côté du domaine de Penhaligon (où se déroule une trilogie de romans puis la série des modules B11-B12).

    Une nouvelle fois, le scénario me paraît assez difficile pour des personnages débutants sans tricher. Les rencontres aléatoires sont nombreuses sur la Colline et je pense que les petits groupes débutants devraient être recréés plusieurs fois ("Total Party Kill") pour l'achever (les modules Old School sont un peu comme des jeux vidéo de plate-forme, on était supposé mourir plusieurs fois et les refaire jusqu'à ce qu'on arrive à les finir...). Chose un peu rare pour un scénario de Niveau Basic, il y a même dans les profondeurs un (jeune) Dragon rouge (7 Dés de coup - il y en avait un dans le B3 mais les personnages n'étaient pas censés vraiment l'affronter, je pense). Les joueurs débutants peuvent être frustrés quand ils doivent attendre plusieurs scénarios de D&D avant d'avoir enfin droit à un Dragon. Il n'est pas jusqu'au-boutiste et il est bien précisé qu'il est prêt à se rendre aux aventuriers s'il perd trop de points de vie.

    La carte est bien plus labyrinthique que celle du B2 et je crois que le module pourrait prendre plus de temps à finir.

    Il y a quand même quelques occasions pour dialoguer avec des personnages "neutres", bien plus que dans le B2 (dont certains personnages que je ne citerai pas mais que n'importe quel joueur un peu paranoïaque prendrait pour un piège transparent). Il y a par exemple aussi un groupe d'humains un peu dérangés qui pourraient les aider.

    L'anthologie B1-9 In Search of Adventure (1987) a repris seulement une partie du scénario dans le 7e chapitre ("The Hobgoblin King"). Il est précisé que le Maître du donjon n'a pas à pousser trop les joueurs à traverser la rivière pour explorer la Colline. Si les joueurs décident de ne pas s'intéresser à toute l'affaire, ils devront simplement apprendre ensuite les conséquences et le Fort de Guido serait conquis par les Hobgobelins assez vite.

    Le B5 est un peu banal mais quand même légèrement supérieur au B2 (en partie parce qu'il a aussi plus de place pour les aventures et moins de conseils pour les débutants). Il n'a pas la même réputation légendaire simplement parce qu'il n'a pas eu la chance d'être inclus dans les règles et qu'il n'a donc pas été autant joué. Il est vrai qu'on est aussi 4 ans après et que même le Dungeoncrawling suppose maintenant plus d'interactions avec les personnages-non-joueurs.

    dimanche 10 octobre 2010

    Happy 101010 (42)



    Douglas Adams explains why he is not a wishy-washy agnostic.

    [JDR] [Modules] Proper Names are Poetry in the Raw

    Je me plaignais l'autre jour du choix de laisser tous les personnages anonymes dans le module B2 (même les toponymes demeuraient très génériques et abstraits, mais j'ai plus d'indulgence sur ce point). Bat in the Attic fait remarquer qu'une nouvelle édition du B2 pour D&D 4 appelle Le Château "Restwell Keep" ("Fort Bonrepos"), ce qui sonne vraiment comme une maison de retraite et plus comme une forteresse liminaire entre la civilisation et le chaos.

    Je n'aime pas vraiment forger des noms propres en improvisant (parce que les sonorités sont souvent moches) mais je viens de tomber sur une idée très simple et brillante : prendre simplement un catalogue IKEA pour générer les noms. Et franchement, les noms suédois comme dans cette liste conviennent très bien pour un module de D&D, même si un amateur reconnaît des rideaux ou des fers à repasser (ex. : Bläddra, Dvala, Ektorp, Glittra, Hedra, Hemnes, Hokus, Kelig Groda, Kivik, Korall Rev, Nandor, Skimra, Solros, Stryka, Tindra).

    [JDR] [Modules] La "série B" (IV/XII)

    Le jeu de rôle réussit bien à systématiser les divers types d'intrigue. Dans D&D Basic Set (p. B53 dans l'édition française), Tom Moldvay avait réduit dix cas avec une petite table aléatoire de génération de scénario (lancer 1d10) :
    1 Explorer l'inconnu (ex.: B1, B3)
    2 Reconnaître un avant-poste du Chaos (ex. : B2)
    3 Réoccuper des ruines
    4 Détruire un Mal ancien
    5 Visiter un Temple abandonné
    6 Accomplir une Quête pour chercher une relique
    7 Echapper aux ennemis
    8 Sauver des prisonniers
    9 Utiliser un Portail magique
    10 Découvrir une Race perdue.
    Je ne sais pas si on pourrait faire correspondre un module B à chacune de ces catégories d'intrigues mais le B4 est assez clairement le cas 10, l'exploration d'une ancienne "Race perdue".

    B4 The Lost City (1982) est à nouveau écrit par Tom Moldvay (qui avait déjà rédigé les X1, X2 et en partie B3). Il est censé se dérouler quelque part dans le Désert Alasiyen, le grand Désert des Emirats d'Ylaruam au nord de Karameikos (un des problèmes de la géographie du Monde connu est que cette zone aride est plus au nord qu'une zone tempérée, comme si on avait la péninsule arabe entre notre Bulgarie et les steppes nordiques, mais l'explication est magique : les ancêtres "Egyptiens" - Nithiens - des Ylaris ont été détruits par un cataclysme qui a créé ce désert anormal). Le supplément Gazeteer 2 Emirates of Ylaruam (1987) de Ken Rolston précise que c'est dans "la Vallée de la mort", quelque part entre les villes de Parsa et Sulba. 

    La Cité perdue sur laquelle doivent "tomber" les aventuriers après une tempête de sable est l'antique Cynidicea, une sorte d'ancienne Palmyre perdue dans les ruines désertiques (et d'ailleurs ses anciens Rois et ses habitants ont des noms orientaux ou hellenistiques, Alexandre et Zénobie - donc une ancienne colonie de Thyatis ?). L'ancienne capitale a perdu sa gloire et a été oubliée de tous. Les habitants descendent d'êtres humains qui se sont installés dans les anciens bassins et les citernes qui leur fournissent leur eau sous le sol. Ils sont devenus asservis à d'étranges drogues hallucinogènes qui les maintiennent dans un état de somnolence rêveuse. Ils ont muté dans une ville souterraine sans lumière, ce qui en fait de pâles albinos qui ne sont pas entièrement conscients de ce qui leur est arrivé (ils sont donc un peu aux humains ce que les Drows et Svartalfen sont aux Elfes, ou ils sont un peu Melnibonéens perdus dans leur Cité qui Rêve).

    La Cité n'a pas été entièrement décrite dans le module (curieusement, une rumeur dit qu'une traduction espagnole du module, La Ciudad Perdida, aurait ajouté une carte de la ville, mais j'ignore si c'est confirmé). Les plans sont seulement ceux d'une grande Pyramide centrale avec des niveaux qui descendent dans les abysses et les secrets de la Cité et il est conseillé au Maître du Donjon de développer par lui-même le reste de la ville cachée.

    Pour une fois, la Cité de Cynidicea a droit à une Religion développée. D&D (contrairement à son grand-frère AD&D et le monde de Greyhawk) avait réussi à toujours éviter la question des Dieux. Les Clercs étaient souvent membres d'une mystérieuse Eglise ou au moins d'un "Ordre" mais les Dieux n'étaient pas mentionnés nommément [Cette négligence du religieux ira encore plus loin après Moldvay, dans la version de Frank Metzner, qui était un ancien Trotskyste et qui laïcisa complètement les Clercs en disant que ces zélés fidèles pouvaient aussi se dévouer à n'importe quelle cause ou principe moral, voire à leur "Alignement", même si ce concept n'était pas du tout personnalisé : on pouvait donc en théorie être "Clerc" dédié à "la Justice" sans aucun culte religieux, sans aucun rituel et sans aucune mythologie. Les Immortels de D&D sont d'anciens mortels divinisés mais ils ne sont pas la source des sorts de Clercs, qui seraient seulement des sortes de "techniques" issues de leur méditation ou de leur ascèse morale. C'est un peu curieux quand on est habitué au "théocentrisme" de jeux comme Runequest.]

    Les dieux de Cynidicea sont Gorm (Dieu de la Guerre, du Tonnerre et de la Justice, en gros donc Thor+Tyr), Usamigaras (Dieu des Messagers, des Voleurs et des Guérisseurs,  en gros Hermès ?), Madarua (Déesse du cycle de la vie et de la mort, des saisons, adorée par des Vierges Guerrières, je ne vois pas trop.... Ishtar ??) et enfin Zargon (plus un monstre qu'un vrai dieu, un Grand Ancien cthulhuoïde maléfique adoré par une majorité de Cynidicéens corrompus dans les sous-sols de la Cité). Gorm est Loyal, Usamigaras et Madarua sont Neutres mais tous les cultes se détestent et auraient du mal à s'allier même contre les adorateurs de Zargon qui les ont supplantés et qui ont conduit la Cité à son déclin et son splendide isolement.Les différentes sectes portent des Masques et des tenues de différentes couleurs, ce qui me fait agréablement penser aux religions de Tékumel.

    Je n'ai pas toujours compris dans les vieux modules comment des personnages humains venus de l'extérieur pouvaient faire jouer une faction du Donjon contre une autre. Par exemple dans le célèbre module D3 Vault of the Drow (1978) par Gary Gygax, les personnages arrivent dans la cité elfe noire d'Erelhei-Cinlu et ils sont censés essayer de comprendre le fonctionnement des différentes factions et Maisons, et l'opposition entre les Drows qui adorent Lolth, Déesse des Araignées, et ceux qui veulent pactiser avec le Mal Elémentaire. Mais un groupe multi-racial d'humains, de nains et d'elfes aurait sans doute beaucoup de mal à pouvoir bien infiltrer cette matriarchie paranoïaque, raciste et haineuse.  Il faut vraiment de la suspension of disbelief pour croire qu'ils pourraient entrer aisément comme mercenaires dans une des Maisons de ces créatures maléfiques.

    Dans Cynidicea en revanche, comme il s'agit d'humains introvertis, oubliés et décadents et pas de Drows impérialistes, on peut imaginer que le groupe réussisse à trouver (ou sortir de leur léthargie) quelques Cynidicéens qui ne soient pas trop drogués ou trop vendus à Zargon et qu'ils puissent ainsi s'allier à certaines factions (notamment les prêtres de Gorm ou bien les valkyries de Madarua, qui pourraient être convaincus). C'est en fait le premier module de la série B où la négociation avec des alliés paraît vraiment indispensable alors que ce n'était qu'une option dans les précédents.

    La Pyramide de Cynidicea est hantée et a même quelques dangereux spectres (Wights de 3 dés de vie, qui peuvent drainer un Niveau). C'est dangereux pour un scénario de bas niveau. Moldvay semble d'ailleurs un peu négliger le seuil du niveau et il faut donc supposer que les personnages sont déjà au Niveau 3 (surtout face au dieu Zargon lui-même, qui est un danger vraiment inquiétant si l'équipe n'est pas solide et avec des alliés). La courte version reprise dans l'anthologie B1-9 In Search of Adventure de Jeff Grubb met d'ailleurs l'aventure vers la fin (9e chapitre), ce qui confirme sa difficulté par rapport à d'autres modules B. 

    Le module est Old school en cela qu'il est "un Lieu plus qu'une Intrigue préétablie" pour reprendre ce qu'en disait Grognardia. Mais ici Old School ne se limite plus seulement à l'exploration et au dungeon-crawling. La Cité Perdue est vraiment un site pour toute une campagne où les personnages pourraient passer des mois de jeu avant de réussir enfin à comprendre et peut-être à sauver ces étranges Cynidicéens. Tom Moldvay a d'ailleurs intégré de nombreuses pistes à la fin pour des personnages qui voudraient rester un peu dans la Cité (non seulement détrôner les prêtres de Zargon mais restaurer un dernier descendant pas trop dégénéré d'Alexandre et Zénobie).

    Il faudrait peut-être plus travailler les motivations pour s'assurer que les joueurs aient envie de sauver ces Lotophages abrutis qui les attaquent, sans quoi ils risquent de vouloir s'enfuir vite avec un peu de butin. Par exemple, il serait peut-être mieux qu'ils cherchent l'ancienne Cynidicea grâce à quelque carte ou un livre (écrit par un mage-messager d'Usamigaras par exemple) ou bien pour chercher le Tombeau du Roi Alexandre, au lieu de tomber dessus par inadvertance après une tempête de sable. L'ennui est qu'il faut vraiment que la Cité ait été oubliée pour justifier que personne ne l'ait retrouvée avant les aventuriers. 

    Avec le B4, Tom Moldvay a parcouru de nombreuses inspirations des Pulps (Philotomy et Maliszewski parlent d'une "Trilogie Pulp"). Le X1 The Isle of Dread mélangeait des Pirates et une sorte d'Afrique à la Edgar Rice Burroughs ou à la King Kong (que va imiter aussi Gary Gygax dans son module plutôt raté WG6 Isle of the Ape, 1985). Le X2 Château d'Ambreville reprenait directement les oeuvres de Clark Ashton Smith dans sa province imaginaire de l'Averoigne. La Cité Perdue fait penser - comme le fait remarquer par exemple à la ville maudite de Xuchotil dans la nouvelle du cycle de Conan le Cimmérien, Red Nails (1936) de Robert Howard (différentes factions en guerre dans les ruines), mais avec une touche de mythe lovecraftien pour la créature traitée comme un dieu.

    Dans le magazine Dungeon #142 (janvier 2007), le "Return to the Lost City: Masque of Dreams" de Matthew Conklin III (couverture de James Ryman, illustrations intérieures du talentueux Michael William Kaluta), les personnages découvrent quelques années après la redécouverte de Cynidicea qu'une aristocrate ylarie corrompue a réduit en esclavage quelques Cynidicéens albinos et les a emportés pour un Carnaval dans son oasis. Kaluta est parfait pour illustrer ce genre d'atmosphère de Bal Masqué décadent avec des albinos diaphanes. Un nouveau complot de Zargon réapparaît, ce qui doit conduire à revenir vers la Vallée de la Mort. Ce scénario ne redécrit pas la Cité Oubliée mais a ajouté de nombreuses scènes dans le désert aux alentours, dont un petit "Cimetière de Dragons".

    De tous les modules B jusqu'à présent, ce B4 de 1982 me paraît le meilleur et il est clair qu'il a bien vieilli et a gardé un intérêt qui n'est pas qu'historique. On peut vraiment y construire des histoires et avoir des interactions avec les habitants. Auparavant, ces interactions ne servaient qu'avant le Donjon pour gagner des informations, que ce soit dans le Château-fort du B2 ou avec le colporteur dans le B3 de Wells. Ici, on ne peut pas deviner qui parmi ces humains sous champignons narcotiques pourraient être de futurs alliés précieux ou des fous servant une divinité monstrueuse. Le fait qu'ils soient humains rend cela plus facile que dans le D3 (1978) déjà mentionné, la pyramide aztéque de C1 The Hidden Shrine of Tamoachan (1980) ou le I1 Dwellers of the Forbidden City (1981) où il faut entrer dans une cité amazonienne pleine de Yuan-Ti (hommes-serpents).

    Mais comme d'habitude, il faudra un peu de travail pour dessiner toute la Cité et mettre dès le début quelques personnages qui permettent aux joueurs de s'attacher à ces ruines.