vendredi 28 octobre 2011
Week-end des Chimériades
Comme déjà annoncé, je serai ce week-end au château de Buoux (Lubéron) pour les IIIe Chimériades, qui aura notamment la légende ludique Jonathan Tweet, co-créateur d'Ars Magica et D&D3, et l'auteur français Mathieu Gaborit, créateur des Crépusculaires (qui a donné le jeu Agone) et de la cité d'Abyme.
Add. Retour. C'était grandiose et plein d'énergie, mais là je suis épuisé. [Oh, et accessoirement, j'ai encore 56 copies à corriger avant mercredi, puisse Eurmal les emporter.] Mais je préfère quand même en parler tant que je m'en souviens encore.
Les Chimériades accueillent au moins 100-150 personnes au total (même si tout le monde ne reste pas pour dormir dans le château). Historiquement, le créateur de la convention Philippe Auribeau avait fait un stage chez Chaosium en 1994 (à l'époque de Multisim et Nephilim) et devint donc ami de Charlie Krank, qui a succédé à Greg Stafford à la tête de Chaosium. C'est ainsi qu'à l'image de la grande Convention allemande des Tentacles (devenue depuis The Kraken, au Schloss Neuhausen au nord-ouest du Brandebourg), l'équipe des Chimériades a été la première convention à inviter ainsi en province des auteurs internationaux comme Greg Stafford, le créateur de Glorantha.
Cette année, les Chimériades avaient aussi un jeu de rôle français en Preview, Les Chroniques de Féals (édité par Sans Détour, qui traduit désormais Call of Cthulhu).
Les Chroniques des Féals sont fondés sur une trilogie de Matthieu Gaborit (qui avait créé le jeu Ecryme et ensuite l'univers du jeu Agone). C'est un univers médiéval-fantastique où les Humains peuvent être liés à l'une des dix espèces de créatures mythiques : les Aspics, les Basilics, les Caladres, les Chimères, les Dragons, les Griffons, les Licornes, les Pégases, les Tarasques et les Phénix. Les plus initiés de chacun de ces sept Féals se métamorphosent progressivement ("Mimétisme") vers la forme de leur modèle, (un peu comme la Draconisation dans l'Empire des Amis des Wyrms ou le Sentier Immanent de Glorantha ou la possession par un Nephilim). Chaque créature représente de différente manière la force vitale (l'Onde) mais aussi la violence élémentaire (le Fiel) en lutte contre le Néant (la Pulsion de mort, l'Oubli).
Philippe Auribeau et sa compagne Camille Guirou, qui dirigeait les éditions Caravelle, ont ainsi discuté avec Gaborit et une équipe d'auteurs d'Agone à la première Chimériade (celle de 2007) de la possibilité de fonder un nouveau jeu de rôle sur cet univers. Et la boucle est ainsi bouclée puisqu'on pouvait jouer quatre ans après des "Chimériens" de Gaborit aux "Chimériades" alors que l'idée du jeu y était née.
Le Château de Buoux est vraiment superbe et son état d'inachèvement au XVIIe donne une impression de ruines très propre au jeu de rôle. En revanche, on est complètement isolé en plein Lubéron et les communications passent mal.
Le Château de Buoux
Le samedi a commencé avec une présentation des Chroniques des Féals. On a évoqué des questions d'ontologie (comment le Néant pouvait-il "agir" comme retour à l'anonyme uniformisation) et d'iconographie (comment l'artiste Nicolas Fructus l'avait représenté). Gaborit a fait remarquer que le défi était de faire encore un jeu de rôle "med-fan" dans un marché saturé par ce Genre archi-refait en espérant qu'il apporte quelque chose de nouveau. A première vue, les 10 créatures différentes qui pourraient servir de "splats" à Chroniques des Féals peuvent être plus attirants que les 9 familles de Dragons du jeu Prophecy par exemple.
Les éditions Sans détour, qui ont déjà adapté aussi en plus de Gaborit la bd Brigade Chimérique de Fabrice Colin, vont aussi faire Les Lames du Cardinal de Pierre Pével. Les Ludopathes montraient des extensions pour Shade.
L'autre invité vedette était Jonathan Tweet. Il a créé certains des premiers grands jeux narrativistes Ars Magica, Over the Edge, Everway et certaines révolutions de D&D3 (comme la Classe d'armure ascendante et la systématisation des Jets de Sauvegarde). Comme il a déjà expliqué là l'apport de RQ et ses propres critiques contre RQ et HQ, on peut y renvoyer. Il explique notamment comment son D&D3 s'inspirait de RQ mais voulait être encore plus uniforme que RQ (qui a deux systèmes différents, le jet sous un score et le jet d'opposition 50 + la différence entre les deux scores). Tweet ne travaille plus professionnellement dans le jeu de rôle mais a continué d'y jouer, faisant même plusieurs parties d'Over the Edge, dont une avec toute l'équipe du GROG (qui doit bientôt avoir son propre compte-rendu de la Convention d'ailleurs).
L'après-midi, deux Français Gloranthophiles émérites, Grégory Privat et Eric Vanel (qui est devenu un des illustrateurs officiels pour MoonDesign) ont organisé un grand "freeform"/wargame, Prax at War (où les militaires lunaires ont largement vaincu les autres factions). Le décidément prolifique Grégory Privat avait organisé une sorte de jeu d'Illuminati-Cthulhu, Cultes, pendant toute la Convention (chaque membre était une société secrète qui pouvait prendre le contrôle d'une autre société). Le lendemain, il a aussi fait jouer à son wargame Razzia où des Broos doivent remplir leurs objectifs en faisant subir à diverses bêtes... ce qu'ils sont programmés à faire.
La carte de Prax @ War
Les gagnants, dont Jonathan Tweet déguisé en Chef de la Tribu Bison, avec le personnage de la fille du Chef
Razzia dans le Marais des Hautes-Terres
J'ai pu jouer aux Ombres d'Esteren (le nouveau jeu français médiéval-horreur, très jolies cartes et un bon scénario), et pu enfin refaire du Heroquest sur Glorantha (mes premières parties de Heroquest depuis quatre ans, je crois, après notre excellente campagne de 60 parties en Kethaela).
Le jeu et tout l'univers de Glorantha sont en train d'être relancés une nouvelle fois.
Cette version des campagnes de HeroQuest, sous la direction éditoriale de Jeff Richard et Moon Design, promet d'être mieux illustrée, plus directement jouable et même plus extensive que ce qu'Issaries Inc avait pu produire pendant la période où le seul employé était Stephen Martin. Il me semble donc même qu'il y aura quelques révisions des anciens scénarios, et pour la première fois, la modernisation du vieux Pavis pour HeroQuest (avec une ambiance assez différente de la version RuneQuest).
Richard Illuminé par Notre Déesse Sédenya
Jeff Richard a aussi fait une conférence sur les changements à prévoir sur les Lunaires pour essayer de clarifier certaines contradictions sur les Sept Mères et leur rôle dans l'Empire (mais cela a vite dérivé vers d'autres sujets ésotériques classiques comme les Arkatis et la vraie nature de l'Autarcie Stygienne de Ralios - sa nouvelle "théorie" est en gros que l'Arkat qui est ressorti de Dorastor était, contrairement à ce qu'on pourrait croire, enfin la réconciliation accomplie des deux Illuminés terribles, un Arkat-Nysalor guéri sans Gbaji entre les deux).
J'ai rencontré Charlie Krank, lui ai parlé de mon affection pour l'Islande et il m'a donné généreusement le nouveau supplément au Basic System qui sort le mois prochain Mythic Iceland (écrit et signé par le Brésilien exilé en Islande, Pedro Ziviani). Cela crée une dette de potlatch assez difficile à compenser un jour. Il va vraiment falloir que j'utilise le Basic System maintenant pour tout jeu scandinave et que je délaisse le très joli jeu français Yggdrasil (qui se déroule plus en Suède d'ailleurs). Il va rejoindre les deux RQ Vikings (celui de Greg Stafford et celui de Pete Nash) et les autres. Cela devient un faisceau d'incitations à y jouer.
Encore tous mes remerciements à tous les Organisateurs. Si les Chimériades ont eu lieu en 2007, 2009 et 2011, j'imagine que la prochaine n'aura lieu qu'en 2013 ?
Oxfordisme
La Théorie Oxfordienne (la "théorie" selon laquelle c'est Edward de Vere (1550-1604), comte d'Oxford, qui a vraiment écrit les pièces de Shakespeare) est sans fondement mais au moins elle permet cette démolition excédée du film Anonymous (je lui pardonne même son invective gratuite en passant contre D&D).
jeudi 27 octobre 2011
Temporaliser l'espace
Le Foundational Question Institute (FQXi) a organisé en août dernier une série de conférence sur la nature du temps et le philosophe et physicien Tim Maudlin (NYU) y présente une explication très claire de sa propre réinterprétation mathématique des bases de la relativité. Dans ce que j'ai pu comprendre, il propose une nouvelle fondation basée sur la théorie des "Structures linéaires". Il construit ensuite les structures spatiales à partir des Structures linéaires au lieu de les construire à partir de la notion topologique d'(Espace) Ouvert. Il construit alors tout l'espace-temps relativiste à partir de cette primitive des Structures linéaires entre des évenements, ce qui lui permet son expression bergsonienne inversée si frappante : la relativité ne "spatialise pas le temps" en le réduisant à une ligne, elle "temporalise l'espace" (au sens où tout va être construit par cette notion de ligne qui servait pour l'ordre temporel et que la structure géométrique va émerger de cet ordre physique). Et il dit qu'en un sens nouveau, cela peut justifier certaines expressions newtoniennes sur la nature du Temps.
La salle de conférence de FQXi sur ce bateau (le National Geographic Explorer qui naviguait entre Bergen et le centre Tycho Brahé de Copenhague) est vraiment très chouette.
Une version papier est dans Tim Maudlin, "Time, Topology and Physical Geometry", Aristotelian Society Supplementary Volume, Volume 84, Issue 1, pages 63–78, juin 2010.
Pour voir quelque chose de moins sérieux : pendant cette croisière scandinave de la conférence FXQi, Tim Maudlin s'est amusé à organiser une parodie de Débat avec le physicien Julian Barbour où chacun défend (avec des arguments intentionnellement inégaux) la théorie inverse de celle qu'il soutient (Barbour niant d'habitude la réalité ontologique du temps et Maudlin disant que tout émerge à partir du temps).
Un de mes regrets à Paris est que je n'ai jamais vu de bons cours accessible (à la fois historique et technique) sur l'Espace et le Temps alors que c'est souvent un cours de base en philosophie des sciences aux USA. Quand les mathématiciens le font, c'est d'habitude vite incompréhensible. Si je faisais encore de la philosophie (ce qui n'est plus le cas), ce serait sans doute un séminaire qui m'intéresserait.
[JDR] La série de Lendore de Len Lakofka (4)
(voir l'épisode précédent)
Le module L4 L'Engeance Diabolique
Le dernier module officiel L3 ne fut donc publié que 13 ans après le précédent, en 1999. Mais dix ans après, sur le site amateur Dragonsfoot, Len Lakofka proposa de livrer gratuitement une suite personnelle, baptisée le "L4 Devilspawn". Le module fut relu et illustré par des volontaires et montre bien l'esprit généreux de l'Old School Renaissance, sans doute son aspect le plus attirant.
Commençons par les éléments positifs. Il y a beaucoup de matières, 137 pages pour un scénario gratuit, plus un petit supplément The Lendore Isle Companion, de 27 pages. Ce dernier, sur lequel je reviens ensuite, contrairement à ce que son titre pourrait faire penser, a plus de compléments de règles et pas beaucoup d'informations sur le cadre général de l'île de Lendore. Mais il est indispensable si on veut vraiment jouer les Personnages-Joueurs pré-générés, qui ont presque tous un but à accomplir sur Lendore.
Les premiers scénarios étaient pour les niveaux 2-4 et celui-ci demeure à ces niveaux intermédiaires "3-5". Un des charmes de Lendore est que Lakofka semble résister à l'inflation des niveaux. Les plus hauts personnages du scénario ne dépassent pas le 9e Niveau (même si le personnage de Lakofka, Leomund, créé il y a 40 ans, est en train de devenir un demi-dieu du 19e niveau).
Curieusement, le module est explicitement écrit pour être la suite du L1 & L2 mais il prévoit que les joueurs vont jouer une nouvelle équipe d'aventuriers venus du Continent par navire. Cette nouvelle équipe est censée ensuite agir en parallèle avec la première équipe, devenue PNJ partis vers les mines du L3. J'imagine que ce système compliqué s'explique seulement parce que Lakofka ne voulait pas présumer que depuis 30 ans que les modules sont sortis (ou 10 ans depuis la parution du L3), il ne se seraient rien passé pour la première équipe. C'est donc ce qu'on appellerait dans les comics une "continuité rétroactive". Le L4 ajoute ou "révèle" une nouvelle histoire simultanée à la série L1-L2-L3. Mais si vous n'avez jamais joué les premiers modules, il serait plus simple de suivre son idée d'une expédition venue d'ailleurs depuis le début et de faire en sorte que le L3 conduise au L4.
Le problème de départ me semble être qu'il n'y a pas assez de "motivation", de "carotte et bâton" (Push and Pull) dans l'introduction pour une nouvelle équipe d'étrangers sans lien avec la région, sauf si on joue les PJ pré-générés qui ont tous une raison d'aller vers Tellar, une ville au nord de Restenford.
Les nouveaux PJ arrivent (au mois de "Closeporte", selon la traduction officielle de Patchwall, à peu près octobre) à Restenford qui vient d'être attaquée par un raid d'humanoïdes sept jours avant. L'ancienne équipe de PJ est partie enquêter sur les origines du raid (vers les "Caves Profondes des Nains" du L3). Pendant ce temps, la nouvelle équipe doit comprendre qu'elle doit remonter jusqu'à la ville de Grest au nord parce que le Seigneur Obestor de Grest est venu prêter main forte à Restenford (et qu'il a donc laissé son château dégarni).
Contrairement au scénario "Priestly Secrets" de Jason Peck dans Dungeon #71 (novembre 1998), qui se déroulait 5 ans après le L2, on n'a pas vraiment décrit l'évolution de Restenford puisque les événements du L2 sont censés être l'actualité récente.
La suite du module est donc surtout un voyage depuis Restenford jusqu'à Grest et Tellar (d'autres villes sont mentionnées, "Bralmton" dédiée au dieu Bralm, déesse du Travail industrieux et des Insectes et "Phaulkonville", dont le théonyme est évident). Il y a certes de nombreux PNJ mais cela reste un itinéraire dirigiste. Je ne veux pas trop gâcher la suite mais je vais la donner en rot13 [mais le site n'inverse pas les lettres accentuées], pour ceux qui voudraient vraiment savoir. En gros, cela ressemble beaucoup au L2, en moins subtil. Ha tebhcr q'ntragf qr Flehy (qérffr Fhry qrf zrafbatrf), raibléf cne yr znyésvdhr Qhp qr Xebgra, irhg cebsvgre qrf gebhoyrf qr Erfgrasbeq cbhe ceraqer yr pbageôyr qh Puâgrnh qr Terfg.
Le module décrit en détails les quelques villages de Grest, Tellar et Cobblethorpe (Bourgcailloux). Cela devient donc une suite de donjons à explorer. Il y a beaucoup de cartes (j'en compte plus de 20 pages !), toutes situées à la fin du module. Sans vouloir sembler trop proche de luddites réactionnaires, je comprends certaines objections : le logiciel Campaign Cartographer rend les cartes un peu trop "aseptisées" et pixelisées, comme un vieux jeu vidéo, malgré toute la "texture" des sols. Pour un jeu médiéval-fantastique, on a peut-être encore besoin de l'artisanat d'un bon cartographe manuel.
Toute cette description du lieu a beaucoup de charme, avec par exemple cette petite fille qui peut accompagner les PJs parce qu'elle veut devenir Paladin du Dieu Bahamut (le Roi des Dragons). Chez Len Lakofka, le créateur du panthéon suel, les Dieux jouent plus de rôle que dans un module D&D usuel. On perçoit un travail énorme dans la quantité de personnages non-joueurs. Mais le défaut de l'introduction continue à me gêner si on voulait créer ses propres personnages. Lakofka dit simplement qu'un bon Maître du Donjon saura pousser les PJs ou bien qu'il devrait "préférer aller à la pêche à la mouche".
Le Lendore Isle Companion
Lakofka a ajouté dans ce supplément (tout aussi gratuit que le module) quelques conseils de règles, une description du culte de Phyton (dieu de la nature), Akwamon (dieu des tempêtes marines et de la pêche), une nouvelle race des Dwogars (hybrides stériles de Nains et d'Ogres), quelques conseils sur la navigation dans le monde de Greyhawk, tout l'équipage d'un navire venu de Kéolande, le Chasseur de Requins. Le groupe des 8 personnages pré-générés comprend Garmel le Guerrier (adorateur de Phaulkon), Kurl et Ulof les Nains (Fortubo), Allaniar la Guerrière-Voleuse Elfe, Belltus le Prêtre de Phaulkon, Caerwin le Ranger (adorateur de Phaulkon), Baffin le Voleur (adorateur de Norebo, le dieu des jeux de hasard), Irena la Magicienne (adoratrice de Wee Jas, déesse de la magie et de la mort). La plupart des personnages ont des motivations précises pour aller refonder l'ancien Temple de Phaulkon à Tellar sur Lendore. Cela suppose donc une hiérarchie du Culte de Phaulkon capable de gérer des sanctuaires aussi lointains. Et s'il y a vraiment une ville nommée "Phaulkonville" sur Lendore (et le nom fait un peu double emploi avec Faucongris en français), on se demande pourquoi ils auraient besoin de faire venir des gens depuis aussi loin que la vallée de la Sheldomar.
[Sur le culte de Phaulkon, dieu ailé des Airs, des Oiseaux et des Archers, il y a une courte description du dieu par Len Lakofka dans Dragon Magazine n°87 (juillet 1984), p. 26, mais aussi une description du clergé plus développée dans Footprints n°6 (décembre 2005). Fils de Lendor, il est Chaotique Bon et est le père de Kord, le dieu des Batailles. Les prêtres archers peuvent appeler à l'aide divers oiseaux, dont des Aigles Géants. J'imaginais une sorte de Horus totémique mais l'iconographie dans Dragon Magazine montre plutôt un archer angélique.]
Le Chasseur de Requins doit faire tout un périple en venant de Kéolande (Gradsul et Gryrax) jusqu'à Porte-de-Fer (Irongate) puis les îles des Seigneurs des Mers (Sulward), avant d'arriver à l'île mystérieuse de Lendore et au petit port de Restenford. Le Kéolande, loin à l'ouest, a la particularité d'avoir encore une population d'origine suloise, ce qui fait un point commun avec l'autre extrémité du continent dans les îles (la majorité du centre étant les vieilles populations flannae ou bien les Etats oeridiens).
Je me demande si je ne préfère presque pas ce préambule maritime de deux mois à l'aventure terrestre. On pourrait développer plus les escales mais les 8 personnages-joueurs sont censés s'embarquer à différentes villes sur l'itinéraire et apprendre à se connaître sur le Chasseur de Requins, pour découvrir qu'ils ont des buts communs sur Lendore.
Avec cette longue introduction de voyage à travers la Mer Azure et la Mer Oljatt, plus les 100 pages du L4, il y a de quoi mener une longue campagne lendorienne sans même avoir encore besoin du L5 annoncé par Lakofka, qui doit décrire le suzerain, le Duc de Kroten et sa cité.
Le dernier module officiel L3 ne fut donc publié que 13 ans après le précédent, en 1999. Mais dix ans après, sur le site amateur Dragonsfoot, Len Lakofka proposa de livrer gratuitement une suite personnelle, baptisée le "L4 Devilspawn". Le module fut relu et illustré par des volontaires et montre bien l'esprit généreux de l'Old School Renaissance, sans doute son aspect le plus attirant.
Commençons par les éléments positifs. Il y a beaucoup de matières, 137 pages pour un scénario gratuit, plus un petit supplément The Lendore Isle Companion, de 27 pages. Ce dernier, sur lequel je reviens ensuite, contrairement à ce que son titre pourrait faire penser, a plus de compléments de règles et pas beaucoup d'informations sur le cadre général de l'île de Lendore. Mais il est indispensable si on veut vraiment jouer les Personnages-Joueurs pré-générés, qui ont presque tous un but à accomplir sur Lendore.
Les premiers scénarios étaient pour les niveaux 2-4 et celui-ci demeure à ces niveaux intermédiaires "3-5". Un des charmes de Lendore est que Lakofka semble résister à l'inflation des niveaux. Les plus hauts personnages du scénario ne dépassent pas le 9e Niveau (même si le personnage de Lakofka, Leomund, créé il y a 40 ans, est en train de devenir un demi-dieu du 19e niveau).
Curieusement, le module est explicitement écrit pour être la suite du L1 & L2 mais il prévoit que les joueurs vont jouer une nouvelle équipe d'aventuriers venus du Continent par navire. Cette nouvelle équipe est censée ensuite agir en parallèle avec la première équipe, devenue PNJ partis vers les mines du L3. J'imagine que ce système compliqué s'explique seulement parce que Lakofka ne voulait pas présumer que depuis 30 ans que les modules sont sortis (ou 10 ans depuis la parution du L3), il ne se seraient rien passé pour la première équipe. C'est donc ce qu'on appellerait dans les comics une "continuité rétroactive". Le L4 ajoute ou "révèle" une nouvelle histoire simultanée à la série L1-L2-L3. Mais si vous n'avez jamais joué les premiers modules, il serait plus simple de suivre son idée d'une expédition venue d'ailleurs depuis le début et de faire en sorte que le L3 conduise au L4.
Le problème de départ me semble être qu'il n'y a pas assez de "motivation", de "carotte et bâton" (Push and Pull) dans l'introduction pour une nouvelle équipe d'étrangers sans lien avec la région, sauf si on joue les PJ pré-générés qui ont tous une raison d'aller vers Tellar, une ville au nord de Restenford.
Les nouveaux PJ arrivent (au mois de "Closeporte", selon la traduction officielle de Patchwall, à peu près octobre) à Restenford qui vient d'être attaquée par un raid d'humanoïdes sept jours avant. L'ancienne équipe de PJ est partie enquêter sur les origines du raid (vers les "Caves Profondes des Nains" du L3). Pendant ce temps, la nouvelle équipe doit comprendre qu'elle doit remonter jusqu'à la ville de Grest au nord parce que le Seigneur Obestor de Grest est venu prêter main forte à Restenford (et qu'il a donc laissé son château dégarni).
Contrairement au scénario "Priestly Secrets" de Jason Peck dans Dungeon #71 (novembre 1998), qui se déroulait 5 ans après le L2, on n'a pas vraiment décrit l'évolution de Restenford puisque les événements du L2 sont censés être l'actualité récente.
La suite du module est donc surtout un voyage depuis Restenford jusqu'à Grest et Tellar (d'autres villes sont mentionnées, "Bralmton" dédiée au dieu Bralm, déesse du Travail industrieux et des Insectes et "Phaulkonville", dont le théonyme est évident). Il y a certes de nombreux PNJ mais cela reste un itinéraire dirigiste. Je ne veux pas trop gâcher la suite mais je vais la donner en rot13 [mais le site n'inverse pas les lettres accentuées], pour ceux qui voudraient vraiment savoir. En gros, cela ressemble beaucoup au L2, en moins subtil. Ha tebhcr q'ntragf qr Flehy (qérffr Fhry qrf zrafbatrf), raibléf cne yr znyésvdhr Qhp qr Xebgra, irhg cebsvgre qrf gebhoyrf qr Erfgrasbeq cbhe ceraqer yr pbageôyr qh Puâgrnh qr Terfg.
Le module décrit en détails les quelques villages de Grest, Tellar et Cobblethorpe (Bourgcailloux). Cela devient donc une suite de donjons à explorer. Il y a beaucoup de cartes (j'en compte plus de 20 pages !), toutes situées à la fin du module. Sans vouloir sembler trop proche de luddites réactionnaires, je comprends certaines objections : le logiciel Campaign Cartographer rend les cartes un peu trop "aseptisées" et pixelisées, comme un vieux jeu vidéo, malgré toute la "texture" des sols. Pour un jeu médiéval-fantastique, on a peut-être encore besoin de l'artisanat d'un bon cartographe manuel.
Toute cette description du lieu a beaucoup de charme, avec par exemple cette petite fille qui peut accompagner les PJs parce qu'elle veut devenir Paladin du Dieu Bahamut (le Roi des Dragons). Chez Len Lakofka, le créateur du panthéon suel, les Dieux jouent plus de rôle que dans un module D&D usuel. On perçoit un travail énorme dans la quantité de personnages non-joueurs. Mais le défaut de l'introduction continue à me gêner si on voulait créer ses propres personnages. Lakofka dit simplement qu'un bon Maître du Donjon saura pousser les PJs ou bien qu'il devrait "préférer aller à la pêche à la mouche".
Lakofka a ajouté dans ce supplément (tout aussi gratuit que le module) quelques conseils de règles, une description du culte de Phyton (dieu de la nature), Akwamon (dieu des tempêtes marines et de la pêche), une nouvelle race des Dwogars (hybrides stériles de Nains et d'Ogres), quelques conseils sur la navigation dans le monde de Greyhawk, tout l'équipage d'un navire venu de Kéolande, le Chasseur de Requins. Le groupe des 8 personnages pré-générés comprend Garmel le Guerrier (adorateur de Phaulkon), Kurl et Ulof les Nains (Fortubo), Allaniar la Guerrière-Voleuse Elfe, Belltus le Prêtre de Phaulkon, Caerwin le Ranger (adorateur de Phaulkon), Baffin le Voleur (adorateur de Norebo, le dieu des jeux de hasard), Irena la Magicienne (adoratrice de Wee Jas, déesse de la magie et de la mort). La plupart des personnages ont des motivations précises pour aller refonder l'ancien Temple de Phaulkon à Tellar sur Lendore. Cela suppose donc une hiérarchie du Culte de Phaulkon capable de gérer des sanctuaires aussi lointains. Et s'il y a vraiment une ville nommée "Phaulkonville" sur Lendore (et le nom fait un peu double emploi avec Faucongris en français), on se demande pourquoi ils auraient besoin de faire venir des gens depuis aussi loin que la vallée de la Sheldomar.
[Sur le culte de Phaulkon, dieu ailé des Airs, des Oiseaux et des Archers, il y a une courte description du dieu par Len Lakofka dans Dragon Magazine n°87 (juillet 1984), p. 26, mais aussi une description du clergé plus développée dans Footprints n°6 (décembre 2005). Fils de Lendor, il est Chaotique Bon et est le père de Kord, le dieu des Batailles. Les prêtres archers peuvent appeler à l'aide divers oiseaux, dont des Aigles Géants. J'imaginais une sorte de Horus totémique mais l'iconographie dans Dragon Magazine montre plutôt un archer angélique.]
Le Chasseur de Requins doit faire tout un périple en venant de Kéolande (Gradsul et Gryrax) jusqu'à Porte-de-Fer (Irongate) puis les îles des Seigneurs des Mers (Sulward), avant d'arriver à l'île mystérieuse de Lendore et au petit port de Restenford. Le Kéolande, loin à l'ouest, a la particularité d'avoir encore une population d'origine suloise, ce qui fait un point commun avec l'autre extrémité du continent dans les îles (la majorité du centre étant les vieilles populations flannae ou bien les Etats oeridiens).
Je me demande si je ne préfère presque pas ce préambule maritime de deux mois à l'aventure terrestre. On pourrait développer plus les escales mais les 8 personnages-joueurs sont censés s'embarquer à différentes villes sur l'itinéraire et apprendre à se connaître sur le Chasseur de Requins, pour découvrir qu'ils ont des buts communs sur Lendore.
Avec cette longue introduction de voyage à travers la Mer Azure et la Mer Oljatt, plus les 100 pages du L4, il y a de quoi mener une longue campagne lendorienne sans même avoir encore besoin du L5 annoncé par Lakofka, qui doit décrire le suzerain, le Duc de Kroten et sa cité.
mercredi 26 octobre 2011
силуэты
On peut reprocher ce qu'on veut aux Russes mais pas de ne pas aimer leurs Grands Ecrivains. Alexandre Pouchkine est à la fois le créateur des formes poétiques, le plus grand poète inégalable et le grand héros romantique. Il atteint un niveau d'affection qui n'aurait pas d'équivalents chez nous si on additionnait Ronsard, Victor Hugo et, disons, James Dean. On le voit en partie sur ces silhouettes de Pouchkine d'un livre de 1949.
दिवाली की शुभकामनाएं (Joyeux Divālī !)
Divālī ou Dīpāvalī ("la Rangée des Lampes") commence aujourd'hui 26 octobre 2011.
C'est la principale fête hindoue. C'est même le "Jour de l'An" dans certains anciens calendriers hindous (par exemple le Népal, au nord, et le Gujǎrāt, à l'ouest). L'année hindoue commence plutôt en mars dans la plupart des autres calendriers, et le Divālī a alors lieu à la fin du mois des Jumeaux Aśvin (Nāsatya et Dasra) et au début du mois de Kārtika (du dieu de la guerre Kārttikeya).
(J'ai déjà décrit les deux "cultes" pour Bhāratavarṣa les Aśvinau et Kārttikeya / Skanda)
La fête des Lampes dure 5 jours mais coïncide avec plusieurs célébrations à la fois. On y adore notamment les deux Héros Divins Rāma et Kṛṣṇa (les deux avatāra principaux de Viṣṇu), la Grande Déesse Lakṣmī (épouse de Viṣṇu et déesse de la Fortune) et le dieu Gaṇeśa, fils de Śiva et Pārvatī.
Le premier jour est la fête des Vaches, symbole de fécondité. Le second jour est le jour de Dhanvantari, le dieu de la Médecine et de la Santé. Le troisième jour est le plus important et le centre de tout le Divālī et a plusieurs associations, dont la cérémonie de Pūjā de Lakṣmī, où la Grande Déesse en personne doit descendre sur Terre. Lakṣmī, Déesse de la Prospérité et de la Chance, est alors associée à d'autres déesses comme Sarasvatī (Déesse de la Sagesse, femme de Brahma) ou Durgā (la Déesse Farouche, femme de Śiva), en plusieurs aspects de la Triade de la Grande Devī, la maîtresse de la "śakti" (énergie créatrice féminine).
Le 4e jour est la fête des Mariés et le 5e jour la fête des "frères et soeurs" (les frères doivent prendre soin de leur soeurs, en l'honneur de Yama, le premier défunt et le dieu de la Mort, et sa jumelle Yamī, la première endeuillée qui engendra le Temps pour apaiser son deuil).
La Fête annuelle du Divālī était tellement importante que même les non-Hindous y ont associé un lien symbolique.
Par exemple, pour le mouvement religieux des Jains (d'où sont sans doute extraits les Bouddhistes - les Jains sont encore quelques millions en Inde alors que le Bouddhisme y a disparu), c'est aussi la fête importante de l'année, l'anniversaire du jour où le Seigneur Vardhamāna Mahāvīra ("Le Grand Héros"), leur maître ascète du VIe siècle avant JC, aurait atteint le Mokṣa ("la Libération" spirituelle) [quelques années avant que le maître de l'école rivale, le Bouddha n'ait atteint le Nirvāṇa, l'Extinction du feu des Passions et des Illusions].
Add. Jolie photo (peut-être un peu photoshopée, j'imagine) de Jaipur pendant Diwali et ses feux d'artifice.
mardi 25 octobre 2011
[JDR] La série de Lendore de Len Lakofka (3)
(voir l'aventure précédente)
Le dernier module de la série "L" a l'histoire la plus étrange et est pourtant sans doute le plus "oubliable" de tous. Le Creux profond des Nains fut écrit par Len Lakofka en 1979 (pour la première édition d'AD&D) et jamais publié, restant vingt ans dans les archives de TSR. Mais à la fin d'AD&D deuxième édition, en 1999, il fut finalement inclus dans l'édition du 25e anniversaire de D&D, complété par l'équipe TSR de Ryan Dancey, Keith Strohm et Christopher Perkins. Le L3 a donc l'honneur d'être le "Dernier Module Officiel Publié pour AD&D 1e édition", mais Lakofka a été relativement déçu par le résultat de ce scénario, peu original et qui n'apporte quasiment rien à la série L, pas même une nouvelle carte de ces Collines de Lendore.
Lakofka signe pourtant une préface où il raconte comment il fut un des premiers "testeurs" du jeu Chainmail de Gary Gygax vers 1970 et l'un des relecteurs d'AD&D vers 1977.
Le scénario est tout simplement celui de la Moria dans le Seigneur des Anneaux. Il est donc difficile de faire plus "cliché" et prévisible. Je m'étonne même qu'on n'ait pas littéralement plagié ce Ur-Donjon plus souvent (on le voit directement imité dans le premier épisode du dessin animé Chroniques de Lodoss, mais les Japonais ont un rapport différent avec la copie).
Deux cents ans avant, un groupe de Nains dirigés par Khorliss Foesmiter avait creusé secrètement une mine de mithril (pardon, dans D&D on dit "mithral" pour éviter le procès des héritiers Tolkien) et ils avaient déterré "quelque chose". En l'occurrence, pas un Balrog mais un autel voué à un archi-diable, Baalzebul. Les Nains n'ont pas tous été éradiqués mais la plupart de ceux qui s'y trouvent sont maintenant des morts-vivants corrompus par Baalzabul.
Il n'y a rien à dire sur le L3. Il n'a rien de scandaleux mais c'est un donjon tout à fait banal, sans PNJ intéressant, à part peut-être une grande quantité d'armes magiques intelligentes (ce doit être l'effet des Forges de Mithril, heu, Mithral). On pourrait sans doute faire largement aussi bien sans beaucoup de travail. C'est une régression par rapport au L2 et même par rapport au L1, qui avait un charme particulier. Bizarre car Lakofka nous a habitués à mieux.
Si on voulait le sauver, il faudrait peut-être approfondir tout le thème d'une colonie de Dwurs dans un archipel dominé par les Elfes. Dans la campagne Lendorienne de Lakofka, ses joueurs ont interprété une série de héros nains venus du continent. Ils étaient nommés le Baron Dobfur des Collines Blemu, Grand Prêtre de Fortubo (dieu des Mines), ou Grimbold des Monts Glorioles, Guerrier voué aussi au dieu Fortubo (joué par Brian Nystul).
Le réseau des mines naines avait donc joué un rôle important qui était né "organiquement" de sa propre campagne quand Dobfur avait commencé à creuser la Colline aux Ossements du module L1. C'est peut-être la leçon de ce module. C'est une bonne règle de jeu de rôle que d'adapter légèrement le décor aux désirs et besoins spécifiques des héros. Peut-être même que Dobfur aurait pu entendre parler de ce Khorliss.
Mais si aucun de vos personnages n'est un Nain, cette mine naine tout près du village de pêcheurs paraît un peu arbitraire et hors de propos.
lundi 24 octobre 2011
[JDR] La série de Lendore de Len Lakofka (2)
(voir la première partie des aventures lendoréennes)
Le L1 fournissait un cadre de campagne avec le village de Restenford mais c'est avec le L2 The Assasin's Knot (écrit vers 1979 mais publié seulement en 1983) que Lakofka innove par rapport aux nombreux "donjons" de l'époque. Cette fois, un des PNJ importants du L1 est retrouvé assassiné sans qu'on puisse le ressusciter, il y a divers indices et fausses pistes qui pourraient accuser des innocents et les personnages doivent retrouver les vrais responsables avant qu'ils n'aient eu le temps de frapper à nouveau. On a donc à la fois un mystère, de vraies interactions avec des personnages non-joueurs et du suspense.
Le genre du "mystère" est difficile. La même année 1983, le jeu de science-fiction Traveller a aussi publié l'Adventure 11 Murder on Arcturus Station par J. Andrew Keith, une des premières tentatives, en dehors de Call of Cthulhu, pour fonder un scénario de jeu de rôle sur un mystère "Whodunnit". La version de Keith était plus ambitieuse puisque le vrai coupable doit être choisi à chaque fois par l'arbitre parmi les suspects, ce qui permettrait en théorie de rejouer cette même aventure plusieurs fois avec à chaque fois des résolutions différentes (il y a même des options pour surprendre les joueurs). Les instruments techniques de science-fiction sont en partie pris en compte.
Le module de Lakofka dans un monde médiéval-fantastique ne peut pas aussi bien se servir de la médecine scientifique et il est nécessairement nettement plus dirigiste. Certains "indices" peuvent certes être des red herrings implantés mais ils sont d'une évidence qui n'est pas très plausible, comme des cartes de visite laissés par les ennemis de Batman. Il faudrait d'ailleurs des joueurs vraiment jeunes ou peu conscients des conventions pour les croire sur parole. Les joueurs de jeu de rôle ont tellement tendance à se méfier de toute autorité dans un scénario qu'on pourrait presque plus les surprendre (comme dans le L1) avec l'idée que certaines autorités sont en fait plus bienveillantes qu'elles n'ont en l'air.
Un second problème, plus facile à résoudre, est que le village voisin où vivent les suspects s'appelle "Garrotten". Un nom d'arme de meurtre "étire trop la crédibilité", comme on dirait en franglais. Pourquoi pas le village Avecunchandelier-danslabibliothèque ? Il suffit de décréter qu'il s'appelle toujours de son nom d'origine "Lake Farmin" et que "Garrotten" n'est qu'un surnom informel utilisé par exemple à l'intérieur d'une Guilde des Assassins dédiée au dieu suel Pyrémius (dieu des poisons et des assassinats, jamais cité explicitement dans le scénario mais il y a pourtant un prêtre). Une rumeur pourrait même faire croire en un premier temps que c'est Restenford qui est le centre "Garrotten" de cette Guilde ! Cela renforcerait les rumeurs désobligeantes sur le Baron Grellus de Restenford, si "chaotique".
De toute manière, l'idée même de toute une organisation criminelle prospérant uniquement sur l'assassinat dans un si petit village de pêcheurs ne tient pas debout. Le scénario dit même que les meurtres ont fourni un "boom" économique pour la communauté, ce qui commence à susciter des interrogations même des habitants. Ces assassins, qui ne sont certes qu'une douzaine pour ne pas trop écraser un groupe de personnages, devraient être plus près d'un réseau d'autres villes ou bien abriter d'autres activités criminelles.
Pour un village de pêcheurs près de la mer, on imaginerait simplement la contrebande (cliché qui justifierait de lier ce village aux thèmes de la série des modules U de Saltmarsh), voire la piraterie si on voulait le lier aux "Seigneurs des Îles" au sud-ouest de l'archipel des Embruns. On pourrait même imaginer que les Assassins et les Contrebandiers ne sont pas tous alliés, ce qui compliquerait l'enquête si les Contrebandiers dissimulent des éléments tout en étant innocents des meurtres. Mais cela ferait entrer "le Grand Large" dans l'histoire. Cela changerait complètement l'atmosphère du scénario, qui a l'air si refermé sur un petit endroit isolé avec des enjeux complètement "locaux" (même les pires criminels du module ne veulent tout au plus que gagner du pouvoir à Restenford, pas déstabiliser toute la région). Les Brigands des rencontres aléatoires pourraient aussi être liés à ces organisations de Pyremius.
Le scénario compris dans Dungeon #71, "Priestly Secrets" de Jason Peck, révèle d'ailleurs que quelques siècles avant, Restenford avait accueilli des Pirates et que leurs catacombes se situent encore sous le village.
On échappe d'ailleurs dans ce L2 à ce qui devint ensuite un cliché habituel des histoires oerthiennes : il n'y a aucun lien dans le scénario avec la Confrérie Ecarlate, la société secrète des assassins suels néo-nazis cachés dans leur jungle d'Amérique du Sud. Si vous en avez assez que la Confrérie Ecarlate soit derrière tous les complots du monde de Greyhawk, c'est une bonne nouvelle. Si vous trouvez les enjeux trop restreints, les vrais Maîtres de "Garrotten" peuvent avoir un contact avec un Moine-Assassin émissaire du "Grand Oncle" de la Confrérie. Après tout, les Lendoréens sont d'origine suel et la Confrérie a pour projet de restaurer la supériorité de l'ancien Imperium Sulois, les Humains de Lendore fourniraient donc des alliés naturels à la secte raciste, qui hait aussi les Elfes qui règnent sur les îles des Embruns.
Il aurait été aussi pratique qu'il y ait quelques autres hameaux dans le coin en dehors des deux seuls Restenford et Lake Farmin, car sans cela il n'y a pas beaucoup de suspense sur le lieu. Je comprends bien que D&D ait besoin d'une impression de Frontière peu habitée mais, sans avoir un tissu urbain dense, on peut avoir mieux que le "Village des Victimes" et "Coupable-ville". Les deux bourgs dépendent d'ailleurs de la ville de Kroten, plus dans les terres, et le nouveau module (non-officiel mais écrit par Lakofka) "L4" mentionne quelques autres villages du coin : l'auberge de Zerman's Crossing (sans rapport avec les lieux nommés "Kelman" dans le coin, Bois de Kelman ou Collines de Kelman), les villages de Grest, Tellar, Cobblethorpe (Bourgpavé) autour de la Forêt de Kroten et des monts Trollheim.
Dans la carte, comme l'échelle doit être la même que dans le L1, un hexagone fait environ 1/3 mile, soit environ 500 mètres.
Je ne comprends pas le plan de la route sinueuse entre Restenford et Garrotten.
"Garroten"/Lac Fermage serait à environ 20 km à vol d'oiseau au sud-ouest de Restenford, le long de la même côte, mais la route qui passe entre les Collines des Cailloux, les Bosquets Printaniers, la Forêt Morte et la Forêt Gesex doit faire au moins le double de la distance, en passant par le nord et en contraignant donc à faire un arrêt.
Il faut croire soit (1) que la route a été construite à une époque où il y avait un site intéressant du côté des Collines de Kelman, dans le défilé autour des Collines des Cailloux (peut-être un ancien temple ou une mine abandonnée, liée aux Ruines de la Colline aux Ossements ?) ou bien (2) que la route au bord de mer au sud de la Forêt de Kelman était considérée comme trop dangereuse à l'époque. Le module prévoit surtout des Loups, un "Worg" et des tribus de Gnolls dans le coin (il y a aussi des rats géants et des araignées).
Ce module L2 a de nombreux personnages non-joueurs à développer, entre l'Aubergiste aux capacités étranges ou le Barde-espion, qui sont tous les deux aussi complexes qu'un personnage joueur. Si on corrige quelques clichés (avec des indices plus subtiles et en cherchant à améliorer les motivations des coupables), il y a de quoi former une aventure assez mémorable.
Dans ce genre, le cadre du module B6 La Société Voilée (qui jouait aussi sur un assassinat et sur des fausses pistes) a l'avantage d'être une vraie métropole avec la cité de Specularum, capitale du Grand-Duché de Karameikos, alors qu'ici on n'a qu'un étrange village isolé dans ce Lake Farmin. Si vous voulez vous perdre dans une aventure urbaine, le B6 pourrait être meilleur (à condition d'avoir d'abord détaillé l'arrière-fond de Specularum et d'avoir fait beaucoup de boulot pour combler les vides). Le L2 joue plutôt sur la paranoïa dans une petite communauté bizarre où on sent vite qu'on cache certaines choses.
Un Superman pour chaque saison
Notre époque ne sait plus gérer le mythe de Superman. Le Boy Scout nous ennuie dès l'enfance passée. On a déjà évoqué que tous les comic books allaient dans la direction de la "Batmanification" (ou la Dirty Harrysation, qui est à peu près le même mythe). C'est une projection plus adolescente de "l'Individu rebelle" contre l'ordre civil corrompu.
On peut reprocher bien des choses à Grant Morrison (par exemple le fait qu'il ne sache pas toujours écrire des histoires originales et bien construites) mais certainement pas de ne pas avoir médité sur ce qui constitue le mythe de Superman et sur l'élément stable qui perdure à travers les différentes versions passagères. Il y a même consacré un livre entier narcissique, Supergods: Our World in the Age of the Superhero, où il prend au pied de la lettre l'idée vague d'un ersatz de religion dans notre époque post-religieuse. Pour lui, ce n'est pas une métaphore ou une expression : Morrison croit vraiment, littéralement - du moins en un sens de "croire" - que Superman et John Lennon sont (plus ou moins déjà ou bientôt) des "Divinités" au même titre qu'Apollon, Kṛṣṇa, Jésus ou Allah.
Le problème du personnage est qu'il semble voué, en raison de sa quasi-omnipotence, à un état tellement surhumain qu'il en deviendrait inhumain ou inintéressant. Ce serait le processus de "DoctorManhattanisation", vers un état de bodhisattva de détachement, comme Grant Morrison l'avait proposé dans son projet Superman de l'An 2000. Cela finirait de détruire le personnage et c'est la fonction de son entourage de mortels que de l'ancrer dans une communauté humaine de Sympathie pour éviter cette déshumanisation (la famille Kent, Smallville, Lois Lane, etc.). L'extraterrestre tombé du ciel ne pourrait plus aimer l'Humanité s'il n'aimait quelques proches particuliers.
Pour ce x-ième redémarrage de 2011, Grant Morrison a choisi une nouvelle stratégie, de surfer sur la vague de la Crise économique actuelle et sur tout notre mécontentement indigné à la OWS en insistant sur un trait oublié du Superman de 1938 : un agitateur populiste anti-oligarchie (dans les années 30, en plein New Deal, il faisait de la propagande démocrate de gauche contre les ploutocrates). C'est ce qu'on appelle être "topical" (et Marvel Comics le faisait bien mieux que DC Comics dans les années 60 en traitant les mouvements étudiants contre le Vietnam ou en formant le héros Black Panther).
Le problème est alors d'éviter de glisser de l'agitateur vers le cliché du Rebelle que l'industrie des médias de masse a transformé en simple marchandise depuis quarante ans. Cela tomberait dans le mouvement général de tous les comic-books, la "Batmanification" (voire pire, la Punisherisation ou la Dexterisation). Les personnages principaux des années 2000 (comme les anti-héros des années 1900 avec Arsène Lupin) sont généralement ceux qui auraient été des criminels d'il y a une trentaine d'années. Ce n'est pas un hasard si les fans actuels salivent plus devant le psychopathe sadique Rorschach, le démoniaque Spawn ou plus récemment le Joker, Batman ayant été dépassé dans le processus du Héros Sombre. Notre culture ou nos médias n'aiment plus les Héros (sauf à la rigueur dans leur hubris), et plus même les Victimes Innocentes, les Martyrs ou les Bouc-émissaires, mais les Bourreaux (pour le miroir "complexe", atrocement "sublime" de nos propres pulsions les plus perverses et détestées : nous aurions plus d'empathie pour l'immoraliste dans son vertige de culpabilité et de fantasme de puissance).
Le critique Timothy O'Neil, qui a eu plusieurs séries intéressantes récemment sur Cerebus, revient justement sur ce point dans son blog :
Morrison's new Action Comics gives us yet another variation on the same long-standing and frankly exhausting "Superman vs. the Government" storyline that appears to have been the defining aspect of the Superman mythos for at least fifteen years. The idea of placing Superman in a position of antagonism with the government has never been interesting because it has always been predicated on a severe misunderstanding of the character's strengths. Superman works because Superman is good: he is the ultimate incorruptible and uncorrupted samaritan. Frank Miller's horrendous misreading of the character places him in the position of a government stooge unable to perceive the differences between law and justice, and placing Superman into overt conflict with the government is a similar kind of error. Superman isn't apolitical, he isn't an apologist for the government, and he's no-one's patsy: what he is is someone who never bows to any authority he doesn't respect, and who stands for moral justice even against the greatest possible opposition. Placing him in opposition to the government doesn't work because there's nowhere that storyline can go except around and around a circle: we know Superman is right because he's Superman, but we also know that for that very reason Superman can't very well decapitate the US government and exile the Secretary of Defense to the Phantom Zone. Playing up this antagonism as a source of perpetual conflict turns Superman into just another iteration of the Hulk, smashing up billions of dollars of military hardware every other issue because he's "misunderstood." (...)
Trying to change the character in order to make him more marketable to different demographics misses the point entirely. He's good: everything else that gets heaped around that - and this includes every periodic attempt to make him a thuggish "badass" - is just bullshit.
Une vieille parodie du Punisher par Grant Morrison dans Doom Patrol #45.
dimanche 23 octobre 2011
[JDR] La série de Lendore de Len Lakofka (1)
Parmi les auteurs qui ont été présents à l'origine du jeu de rôle, Lenard Lakofka, membre du club de wargame de la région, fut l'un des premiers joueurs des campagnes de Donjons & Dragons de Gary Gygax aux alentours de 1969-1970. Len Lakofka jouait un certain "Leomund", magicien humain qui donna son nom à certains sorts d'AD&D comme "La Hutte Minuscule de Leomund" (ce qui devint aussi le titre de la colonne de conseils de Lakofka dans Dragon Magazine). Lakofka a récemment donné les caractéristiques de Leomund dans Oerth Journal n°10, p. 84 (c'est désormais un Mage 19e Niveau et Clerc de Lendor 5e Niveau).
Mais Lakofka n'était pas que joueur et il organisa sa propre campagne (et ses joueurs comprenaient les frères Nystul). Il créa son propre univers de "Lendore" et lorsque Gygax décida de publier son propre univers de Greyhawk, il annexa à la fois le Blackmoor de Dave Arneson (qu'il réduisit à une baronnie au nord) et le Lendore de Lakofka (dont il fit une simple petite île à l'orient). Contrairement à Arneson, qui quitta TSR et proposa son Blackmoor à d'autres éditeurs comme Judge Guild, Lakofka resta un collaborateur durable de TSR jusqu'au départ de Gygax. Il dit d'ailleurs qu'il dut modifier ses propres cartes de campagne rétroactivement pour se réadapter à la version officielle, où la cartographe de Greyhawk, Darlene Pekul, avait transformé son croquis (mais il continue à écrire que la fameuse carte doit être considérée comme une création fautive dans le jeu).
En gros, voici le Lendore "officiel" actuel :
L'Archipel des Îles des Embruns (Spindrift Isles) se situe au sud-est du Grand Royaume d'Ærdie, entre les "Seigneurie des Îles" au sud et les "Baronnies de la Mer" au nord. Au nord de l'archipel, les îles mystérieuses sont peuplées par des seigneurs elfiques isolés, dirigés par le Conseil des Cinq.
[Une version officielle plus récente, après le départ de Lakofka, parle d'une sorte de théocratie elfique dédiée à la déesse Sehanine Arc-de-Lune, parèdre de Corellon Larethian. Ils auraient commencé à interdire tout contact avec les autres races. Cela en fait l'un des seuls havres olve subsistant sur "Taerre", en dehors du Royaume de Célène au centre du continent.]
La grande île de Lendore est (était en tout cas) au contraire avec une population humaine (au moins 20,000, avec une proportion exceptionnelle de hulfs, des "demi-elfes"). Ces humains sont en majorité des colons descendant de l'antique peuple des Suels (les Suels ou "Suloise" sont en gros les Melnibonéens de Greyhawk, une culture d'anciens humains corrompus de l'Extrême Occident avec des aspects d'Aryens racistes au teint pâle). Lakofka devint d'ailleurs dès lors l'expert en question "suloise" et les divinités qu'il créa furent incorporées comme une des options parmi les dieux adorés par les Humains (les panthéons œridiens et suels).
Le nom de Lendore est celui de Lendor, l'ancien Dieu dirigeant du panthéon Sulois, le dieu neutre de l'Eternité et de l'Ennui (avant que les Suels ne basculent vers des dieux bien plus maléfiques comme Wee Jas ou Syrul), mais d'après le texte de Gygax, ce serait ici le nom d'un homonyme, un Archimage Suel qui aurait conduit son peuple ici à la destruction de l'Imperium Suel dans les "Catastrophes Jumelles". Lakofka a écrit dans Oerth Journal que son personnage de Leomund, Archimage et Clerc de Lendor, aurait voyagé dans le Temps avec son sablier "chronomantique", la Matrice de Lendor, pour organiser ce sauvetage. Leomund aurait été en partie confondu avec ce fondateur mythique dans un paradoxe temporel (il prétend même avoir été membre du Conseil des Cinq).
L'île de Lendore est dirigée par un "Conseil des Sept" à Loreltarma (orthographié à tort Lo Reltarma sur la carte), avec une structure féodale sous cette oligarchie, mais semble inféodée aux seigneurs elfes du Conseil des Cinq (ce qui inverserait la relation traditionnelle dans ce monde toujours dominé par les Humains).
Lakofka proposa à Gygax une série de modules dès 1979, qui devint la série "L". le L1 The Secret of Bone Hill (Niveau 2-4) ne parut qu'en 1981 et la suite, L2 The Assassin's Knot qu'en 1983. Le L3 Deep Dwarven Dwelve fut en partie perdu et ne parut qu'en 1999 pour l'édition du 25e anniversaire de D&D.
Le L1 ne décrit absolument pas l'île de Lendore mais donne seulement une petite région autour du port de pêcheurs de Restenford (Repos-le-Gué).
Une meilleure version de la carte du village a été donnée dans un scénario dans Dungeon Magazine #71 (novembre 1998), qui se déroule 5 ans après les événements du L1/L2.
La population est humaine mais il semble y avoir un peu plus de Magiciens dans l'aristocratie que sur le continent : Andrella la jeune fille du Baron Grellus de Restenford est une apprentie magicienne, et Arness la Bourgmestre du village voisin de Lac Fermage (Lake Farmin) est aussi une magicienne accomplie. Le monde devient donc plus "fantastique" que "pseudo-médiéval" en tenant compte des conventions propres à D&D.
Je trouve en fait ce module L1 meilleur que le célèbre B2 pour une introduction. Il fournit à la fois un village d'accueil, Restenford, plus intéressant que le Château aux Confins du Pays, et plusieurs zones de danger à explorer aux alentours, comme la "Colline aux Ossements". La partie Donjon n'est certes pas nettement plus originale que ceux de la série "B" (que j'ai indexés là).
Mais contrairement au B2, il y a quelques PNJ un peu décrits, même si les PNJ plus détaillés viendront plutôt dans le L2. Le Baron Grellus de Restenford me paraît un peu plus intéressant que le Châtelain anonyme du B2. La région compte aussi Faldelac, Grand-Prêtre de Norebo, Dieu de la Chance et des Jeux de hasard, et Qualton, Grand Chanoine de l'Abbaye du dieu Phaulkon (dieu des airs et des oiseaux). Fairwind, la femme du Baron est une prêtresse mais son culte n'est pas précisé (son nom me ferait penser à Phaulkon ou Osprem). Le village de Lac Fermage a des cultes d'Osprem (au "Balbuzard de Mer", déesse de la mer), de Xerbo (dieu de la navigation), de Kord (dieu de la force) mais aussi sans doute des dieux suel plus sombres comme Syrul ou Pyrémius. [Dans son récent Lendore Isles Companion, Lakofka a ajouté encore un fils d'Osprem et Xerbo, "Akwaman", le dieu des tempêtes maritimes] Il y a aussi une famille de Druides demi-elfes (dédiés à Phyton et au "Obad-hai") ; le Druide Almax et l'Archimage Pelltar sont deux des principaux conseillers du Baron Grellus.
Dans la revue gratuite old-school Footprints n°5, Lakofka a raconté comment ce module s'était déroulé dans sa campagne. Les personnages avaient vaincu les forces de la Colline aux Ossements et ensuite fondé une nouvelle Abbaye au dieu Phaulkon et une mine dédiée au dieu Fortubo (dieu des Mineurs et des Nains), ce qui avait conduit à une grande alliance avec les Nains de Portail-de-Fer (Irongate). La religion semblait jouer un rôle plus important dans sa campagne que d'habitude dans D&D.
Le module L1 est encore assez simple mais si on l'enrichit en lisant aussi la suite immédiate du L2 on a un contexte de départ isolé mais original et qui n'a pas si mal vieilli (et c'est assez rare pour les produits TSR des années 1980). Un léger défaut est que l'île entière ne sera jamais décrite. Même la suite, le module non-officiel L4 ne décrit que le Duché de Kroten, suzerain plus dans les terres par rapport à Restenford. La capitale de Loreltarma, par exemple, est encore complètement à créer par soi-même, autant que je sache. Mais cela peut aussi être un avantage. Je ne pense pas par exemple qu'on ait très envie de suivre la nouvelle version officielle où les Humains auraient été expulsés par les Elfes.
vendredi 21 octobre 2011
Byzantiner
Une discussion sur Slate [en] sur l'origine du terme "byzantin" utilisé en politique pour déprécier une administration complexe.
Il semblerait que l'adjectif utilisé au sens de quelque chose d'inutilement complexe vienne de Jules Michelet (Le Peuple, 1846, p. 222 "il la retient, la répète ; pour la comprendre, cette épineuse formule, byzantine et scolastique, c'est ce que la férule, les coups et les fouets n'obtiendront jamais de lui "). Les Goncourt utilisent de même en 1870 le verbe "byzantiner" (et non "byzantiniser", comme je l'aurais écrit avec suffixe dépréciatif) pour tenir des propos oiseux ou vides.
mercredi 19 octobre 2011
[JDR] Capsule brève : Fabled Lands RPG
Les "Terres Fabuleuses" sont d'abord apparues il y a 15 ans dans des livres-jeux de David Morris et Jamie Thomson, arrivés à la fin de la vague des livres dont-vous-êtes-le-héros. L'originalité de cette série était le modèle non-linéaire du "Bac à sable", c'est-à-dire sans quête obligatoire préétablie et avec une (illusion de) liberté à l'intérieur de l'univers et des différents volumes.
Puis depuis cette année, Harkuna, le monde des Fabled Lands est revenu dans un jeu en ligne et maintenant un jeu de rôle sur table. Je vais me concentrer sur ce dernier, qui est disponible par exemple sur RapideJDR pour moins de 8€.
Les Terres fabuleuses tentent de ne pas trop reprendre le modèle habituel de Tolkien et D&D, mais semblent quand même assez traditionnelles. C'est en gros un monde médiéval fantastique, mais c'est plus décalé que ne l'était Legend, le monde des mêmes auteurs pour Dragon Warriors, avec un mélange d'inspirations historiques diverses juxtaposées. En dehors des monstres et de quelques Fées mystérieuses non-jouables, il n'y a que des "êtres humains", même si certaines "races" humaines sont assez exotiques, avec des "Bleus" à l'ouest ou des "Dorés". On a aussi l'option, comme dans Ars Magica, d'avoir un peu de sang féérique dans ses ancêtres.
Le continent nord d'Harkuna a sur sa côte orientale la République de Sokara. Sokara est un pays un peu "arthurien", avec ses Ordres de Chevaliers. Mais l'histoire récente a été révolutionnaire. Le Général et "Lord Protecteur" Marlock (Cromwell ?) vient de renverser le Roi et cherche à éliminer les derniers prétendants. Cette Guerre civile est peu manichéenne, comme le Roi était réellement un Tyran et que Marlock semble aussi ambigu qu'un Napoléon. Sokara lutte encore contre des créatures semi-bestiales à sa frontière, dont des Hommes-Scorpions. Les Steppes orientales ont aussi des Vers des Sables (comme dans Dune ou certains déserts de Tékumel). La cité commerciale de Port-Jaune est décrite plus en détails (p. 113-143) et est le contexte par défaut.
Vers l'orient, dans la Mer des Murmures (où des voix rendent fous les marins) se trouve l'île des Druides, avec sa cité dans les arbres, qui pratique une religion archaïque de la Déesse Lacuna prohibée sur le continent. Plus à l'est l'archipel d'Akatsurai est en gros un Japon médiéval et au-delà de cela le Sokara commence déjà à explorer au sud-est le "Royaume Interdit" avec sa Cité des Nuées.
A l'ouest de Sokara, les cités d'or de Golnir sont une oligarchie ploutocratique. Sur la rive occidentale, l'Uttaku est plus originale avec sa minorité à la peau bleue et son aristocratie qui porte des Masques de bois coloré (car leur "Roi Sans Visage" n'a pas de traits faciaux). Les Bleus sont des réfugiés qui adorent le dieu Ebron. Les anciens prêtres d'Uttaku possédaient naguère tout un réseau de Portails de Téléportation à travers le monde.
Au sud du continent, l'île des Sorciers abrite les différents collèges des arts thaumaturgiques (un peu comme dans Terremer de Le Guin) et le continent d'Ankon Konu (le mot français "Inconnu") est en gros une Amérique pré-colombienne (la République de Sokara est donc proche à la fois de Samouraïs à l'est et de Chevaliers-Serpents-à-Plumes au sud).
A l'extrême occident, au-delà de la Mer des Echasses et de la Cité de Carapace (bâtie sur une Tortue Géante), le continent d'Atticala a l'air d'être une sorte d'Atlantide avec ses cités-Etats exotiques plus antiques que le continent d'Harkuna.
La mythologie est pour l'instant très simple. Le dieu principal du continent est Elnir (une sorte de Zeus, Roi des Dieux et des Tempêtes, mais plus hénothéiste qu'un panthéon habituel). Lacuna (Artemis) est la déesse chasseresse des Druides et des Voyageurs, et son culte de la nature est persecuté par l'Eglise patriarcale et les Ordres chevaleresques d'Elnir. Alvir et sa soeur Valmir, les jumeaux tumultueux, sont les divinités des Océans et leurs disputes sont les séismes et tsunamis qui ravagent les archipels orientaux. Molhern est le dieu des connaissances et des techniques. Sig est le dieu fripon des Voleurs. Tyrnai est le dieu des Guerriers. Il y a aussi quelques dieux plus maléfiques mais au culte autorisé comme Maka, déesse des maladies et de la famine, et Nagil, dieu de la mort.
J'ai voulu lire Fabled Lands surtout à cause de cet univers, qui semblait avoir un charme britannique un peu à part, comme de nombreuses créations de Dave Morris (aussi créateur de Dragon Warriors) ou Gary Chalk (la série Lone Wolf qui suscite tant de nostalgie en France). Mais de ce point de vue, je suis un peu déçu par le livre de base, qui ne donne qu'une vingtaine de pages sur Harkuna (si je ne compte pas la cité de Port-Jaune et les PNJ) et cela n'est pas assez pour en dégager l'originalité. Pour l'instant, certaines régions entières (comme Chrysopraïs, une sorte d'Inde au sud-ouest) n'ont pas une seule ligne d'explication. L'éditeur Greywoods annonce 12 suppléments pour détailler chaque région et a sorti le premier le mois dernier, Sokara. Le supplément sur Sokara m'a paru encore assez plat. Certains lieux dont on ne connaît que le nom sont en revanche assez attirant. J'aimerais en savoir plus, par exemple, sur des noms mystérieux comme la "Cité Ambulante", surtout comme elle peut être un des lieux de naissance quand on crée un personnage.
Le système est simple et assez proche de celui des livres-jeux eux-mêmes. Cela rappelle aussi Traveller : on doit dépasser un score de difficulté (par exemple 8) sur 2d6 + une caractéristique. Il y a 8 caractéristiques tirées sur 1d6, qui ressemble parfois plutôt à des secteurs de compétences : Muscle, Intelligence, Charisme, Combat, Magie, Sainteté, "Eclaireur", "Voleur". Les 30 compétences sont d'ailleurs des spécialisations ou des avantages dans ces caractéristiques. L'Endurance est une caractéristique à part, tirée avec 1d6+6 mais qui augmente progressivement d'un dé par Niveau, comme les points de coup de D&D. Il y a 8 Professions, correspondant aux 8 caractéristiques, mais elles ouvrent la voie à des compétences et capacités distinctes : Barbare, Druide, Troubadour, Guerrier, Magicien, Prêtre, Voyageur (Wayfarer) et Filou (Rogue). Le Niveau dans la Profession ("Rang") représente non seulement l'expérience (et les points de vie) mais aussi la "célébrité" ou la gloire du personnage.
La création des personnages a de petits détails amusants comme le lieu de naissance, des dons particuliers, des traits de caractère ou une liste de noms harkuniens.
Curieusement pour un jeu aussi simple, le combat est alourdi par des options tactiques.
Le Druide, le Magicien, le Prêtre et le Troubadour peuvent apprendre des sorts dans certains des nombreux Collèges (Aéromancie, Astromancie, Divination, Electromancie, Enchantement, Geomancie, Herboristerie, Hydromancie, Illusion, Magie de Bataille, Magie de Soins, Nécromancie, Pyromancie, Telepathie, Thériologie, Transport et Transmutation). L'Île des Sorciers a comme Collèges principaux Carminry (les Soins), Fortuity (Chance) et Fulgur (Pyromancie /Electromancie).
Le livre se termine avec un scénario, ce qui est une bonne idée même si le scénario d'introduction est toujours aussi simple que d'habitude dans ces cas-là.
En conclusion, je reste encore un peu sceptique, comme je n'ai pas encore testé le jeu et surtout comme je n'ai pas joué avec la série des livres. Mais je pense que je continuerais à trouver les autres volumes de la série sur l'univers (notamment Uttaku, qui, en dehors de son nom qui sonne trop comme "otaku", pourrait être prometteur), même si le premier tome sur Sokara ne m'a pas encore complètement enthousiasmé. Les règles sont simples mais chaque personnage non-joueur prend un peu plus de temps comme ils doivent avoir un "stat block" d'une douzaine de caractéristiques. Cela reste plus rapide que bien des jeux issus du d20.
mardi 18 octobre 2011
Comment vendre la démocratie "participative"
D'après le blog Vivre en Islande, il faudrait vraiment relativiser le changement qu'aurait représenté la démocratie participative récente en Islande.
Riposte secondaire
L'étiquette #toiaussiparticipealaconventionump dévore déjà un tiers de vos 120 caractères sur Twitter mais cela donne par exemple :
@jdebauve :
Les sénateurs de gauche mettent sous tutelle les milliardaires pr empêcher le financement de l'@ump #toiaussiparticipealaconventionump
Le trop discret Eric Woerth est aussi revenu pour cette Convention pour dire que cela fait longtemps qu'il ronge son frein, mais qu'il est heureux qu'on lui redonne enfin la parole car il a plein d'idées.
Mais hélas, la majorité présidentielle vient déjà de rattraper son temps de parole de ces derniers temps pendant les Primaires. On parle en effet déjà beaucoup du Mouvement Populaire rien qu'avec les affaires Squarcini-Guéant, Takieddine-Bazire-Gaubert-Copé, Hortefeux, Karachi, Djouhri, Woerth-De Maistre-De Sérigny-Bettencourt, Procureur Courroye, Lagarde-Tapie, Wildenstein, François Pérol, Martigny (Pleyel) ou Servier.
Mais promis, Woerth ou Besson, dès que vous aurez réécrit le programme de gouvernement de Le Maire ou Wauquiez, n'hésitez pas à en parler.
Tiens, via, la conseillère de communication de l'UMP conseillait hier Ben Ali, maintenant Abdoulaye Wade et peut-être bientôt aussi Paul Biya.
dimanche 16 octobre 2011
Habemus Flanby !
(titre volé là)
Toujours via les gazouillis #primaires : en décembre 2010 (du temps où les sondages sacraient encore Strauss-Kahn), Royal était à 19% et Hollande à 3%. En moins d'un an, il est passé d'outsider comme Baylet à une avance large.
Toujours via les gazouillis #primaires : en décembre 2010 (du temps où les sondages sacraient encore Strauss-Kahn), Royal était à 19% et Hollande à 3%. En moins d'un an, il est passé d'outsider comme Baylet à une avance large.
samedi 15 octobre 2011
[JDR] Vie monastique
Dans D&D, la classe des Moines était plus fondée sur les arts martiaux orientaux que sur l'ascèse occidentale. Le Moine pouvait éviter toutes les armes de jet s'il réussissait un jet de sauvegarde. Cela explique cette carte postale D&D sur le site d'OwlKing.
vendredi 14 octobre 2011
[comics] Les 1% fictifs répondent aux 99%
"I don't blame Wall Street. I blame Superman".
Le nouveau Superman par Grant Morrison, qui revient à ses origines de Démocrate "populiste" du New Deal doit en effet les irriter.
Add.
Batman, dans un altruisme digne des Gracques, pourrait aussi rejoindre les 99% (au moment où BHO rejoint le mouvement OccupyUganda).
jeudi 13 octobre 2011
[JDR] Population vers 2100
Les projections démographiques sur le futur sont très incertaines mais si on se limite à 2100, l'ONU donne à peu près cette table de répartition de la population humaine. Les projections d'explosion démographique pour l'Afrique (notamment le Burkina Faso, le Malawi, le Nigéria, la RDC, la Tanzanie, la Zambie) sont un peu surprenantes :
Lancer un d100 :
01-35 Afrique
36-82 Asie
dont
36-45 Chine
45-59 Inde
60-61 Pakistan
62-63 Indonésie
64-65 Philippines + Malaisie
66 Afghanistan
83-89 Europe
90-94 Amérique latine et Caraïbes
95-100 Amérique du nord et Océanie
mercredi 12 octobre 2011
Royal, vraie arbitre ?
On a beaucoup dit que Montebourg était "l'arbitre" (le "Faiseur de Roi") du second tour des primaires avec ses 17,2%.
Mais on peut supposer au contraire que le choix de Royal (6,9%) de soutenir Hollande peut être plus important que le choix éventuel de Montebourg (ou a fortiori que l'aile "droite" de Valls et Baylet).
Ils peuvent donc moins se soucier de ses appels de vote, quelles que soient les concessions verbales éventuelles d'un des deux candidats à la "VIe République" ou au "statut juridique du président de la République".
Par ailleurs, la gauche du Parti, l'ancienne motion "C" du Congrès de Reims (qui était soutenue à la fois par le NPS de Hamon, Emmanuelli et Mélenchon) avait déjà eu 18,52% du vote des militants au Congrès de Reims de 2008 (certes, sur une base moindre).
Elle ne semble pas dire que Hollande serait le meilleur candidat.
Elle dit plutôt qu'il a été premier au premier tour et qu'il convient donc simplement d'élargir son avance sur Aubry. L'argument revient presque à prédire (sans enthousiasme) que Hollande va gagner et qu'il vaut donc mieux s'adapter au fait, pour que sa victoire et sa légitimité soit la plus nette possible et qu'il puisse être mieux lancé contre Sarkozy.
Mais si suffisamment de militants sont convaincus par son argument "légitimiste", il va gagner parce que nous croyons qu'il va gagner.
Les sondages d'opinion infirment complètement mon commentaire.
D'après ce sondage Le Figaro-OpinionWay (oui, je sais), Hollande gagnerait de peu, à 53% contre 47%. C'est d'ailleurs dans la marge d'erreur et Aubry pourrait encore l'emporter.
D'après leurs questions faites le 12-13 octobre, donc en théorie après la prise de position de Ségolène Royal en faveur de Hollande, contrairement à tout ce que j'avais dit, la base de Royal ne se rapporterait pas plus vers Hollande (31% des 7%) que celle de Montebourg (37% des 17%).
65% (!) des Ségolénistes iraient même vers Aubry et continueraient à refuser Hollande malgré la consigne de vote. Si on peut croire un sondage OpinionWay, ses derniers électeurs sont donc très peu "disciplinés".
"Violence is the last refuge of the incompetent"
(Isaac Asimov, "Foundation", 1942)
Le célèbre cycle de Fondation d'Asimov paraît difficile à adapter au cinéma. C'est une histoire lente, sur des milliers d'années et sans beaucoup de hauts faits spectaculaires habituels de space opera. Des Encyclopédistes protégeant les connaissances pour optimiser l'histoire de l'Humanité ne sont pas à première vue très "cinématographiques".
Mais il semble que l'adaptation va se faire :
Dante Harper, an untested but popular film adaptation writer, has been hired to pen Sony's upcoming adaptation of the first novel of Isaac Asimov’s Foundation series.
Bon, soit, ne faisons pas de procès d'intention, peut-être qu'on peut quand même espérer que...
Foundation is being directed by Roland Emmerich who announced last year that the film would be 3D and contains lots of CGI elements.
Désolé de mettre du Star Wars, mais je ne vois rien de plus adapté.
Pourquoi pas Michael Bay pendant qu'ils y sont ?
mardi 11 octobre 2011
Une 1% contre 53%
D'abord il y a eu le mouvement "We are the 99%". Leur l'idéologie était confuse mais ils disaient en gros qu'une large part des Américains voyaient leurs conditions de vie et leur protection de santé se dégrader alors que les 1% de la Finance s'enrichissaient. Puis les Républicains ont répondu par "We Are the 53%", disant que les 53% de contribuables refusaient encore une hausse générale des impôts (même si elle portait essentiellement sur les 1%), parce qu'ils ne sont pas des "parasites" comme ces 47% qui ne payent que des impôts indirects. Et ils préféraient encore mourir sans couverture médicale que de voir les plus riches amputés d'une part de leur liberté d'entreprendre.
Je crois que je préfère encore ce sentiment de "culpabilité" d'une 1% exprimé au second degré (qu'on va sans doute qualifier de "bobo") à ces idiots utiles de la ploutocratie.
dimanche 9 octobre 2011
Ca vire vite
Jean-Marie Le Guen (ancien strauss-kahnien et soutien de François Hollande), ce soir :
"Mais nous avons toujours été pour le protectionnisme européen."
Si Arnaud Montebourg monte au-dessus d'un sixième des voix, Aubry et Hollande vont bientôt reprendre l'expression de "Démondialisation".
C'est encore plus ouvert que prévu pour le second tour, sauf si des électeurs prennent peur et se disent qu'il faut voter "utile" au second tour parce que Hollande serait plus "rassurant" contre Badinguet.
C'est impressionnant que Royal ait pu faire 60% des militants en novembre 2006 (sur 180,000 voix), a presque failli conquérir le Parti (à 49,96% !) en novembre 2008 et tombe à 7% dans des primaires "ouvertes" en octobre 2011 (sur deux millions). Elle avait parlé de "mener à d'autres victoires" au soir du 6 mai 2007 mais elle a fini par diviser tout son propre camp, où il ne lui reste plus guère ce soir que le loyal Jean-Louis Bianco. Elle vient de reconnaître des "résultats très décevants" et son ancien porte-parole Montebourg a presque trois fois plus de voix qu'elle. Malgré un discours toujours similaire, elle a perdu son aura de nouveauté ou de rupture démocratique de 2006.
[RPG] Shadow Books of the Ashen Library (II)
This is a sequel to the 10 books from the Limen Ghost-Library we saw last time. I've just read the fascinating "Book" entry in the Dungeon Alphabet and I wanted to add new volumes to the collection.