lundi 28 novembre 2011

[JDR] Le Hibours (adapté pour Pallas)



Illustration de Jeff Easley dans D&D Basic (VF 1982, p. B42)

Le Hibours (Owlbear) est une des chimères que D&D a inventées de toutes pièces (on dit que Gary Gygax l'a créé en regardant un petit jouet en plastique chinois). Il apparaît dès le Supplement I Greyhawk p.39 d'OD&D (AC 5 ; HD 5 ; dmg bec 1d8 + deux serres/griffes 1d8). Il est dit qu'il mesure 8 pieds (environ 2,50m, ce qui serait une taille normale d'un Ours brun, certains Ours Kodiaks et Ours Polaires atteignent 3m).

Voilà donc une version pour PALLAS: OwlQuest.

Hibours (Bubo arctos)
Les origines du Hibours du Bois aux Feux-Follets se perdent dans les Ténèbres. Certains disent que la Grande Sorcière aux Chiens s'amusa à faire grandir un Grand Duc pour l'accoupler à une Ourse, voire à la Grande Ourse dont on voit la Constellation. D'autres disent qu'il s'agirait d'un être mutant, issu d'un démon de fertilité (Capricephalus chaos ou "Hibroo") qui avait la capacité de se reproduire avec n'importe quoi. D'autres disent qu'il y a une source avec un Philtre d'amour dans la Forêt qui peut provoquer ces abominations. Une autre fable dit que c'est une magicienne souris qui a ainsi maudit un Grand Duc, ou bien une petite mage Chevêche qui lui a retiré ses ailes. Mais il y a d'autres histoires sur des êtres ursins dans la forêt, des "gobours" croquemitaine ou des "coloquours" (ours à tête de citrouille).

Le Hibours hiberne pendant une partie de l'hiver, mais il est prompt à s'éveiller.

FOR 25 CON 13 TAI 25 AGI 09 INT 12 POU 12 CHA 15
Points de vie 19 (38 si vous prenez l'Option sur les Points de Vie)
Armure : 4 points de fourrure et plumes

Compétences %
Bec 95% Dégâts 3d6
Griffes 75% Dégâts 3d6
Communication 60%, Connaissances du Monde 50%, Dissimulation 75%, Grimper 70%, Magie 36%, Perception 60%

Magie : Le Hibours connaît trois sorts, Silence, Plumes de Ténèbres et Extinction, plus un sort particulier : Fascination, qui permet de paralyser une victime qui croise son regard (jet de POU contre POU).

Sources :
Ce sont en gros les caractéristiques de l'Ours de Runequest III (à peu près identique dans Mongoose RQ) sans trop augmenter sa puissance, en dehors de l'Intelligence et de la Magie. Cela en fait un monstre terriblement puissant que même un groupe de Paladins armés ne pourrait pas espérer terrasser sans quelques ruses (les deux Hulottes ci-contre ont l'air de vouloir en découdre). On peut d'ailleurs négocier avec lui mais il ne se soucie pas des factions des divers Oiseaux Nocturnes, y compris ses lointains cousins, les Grands Ducs.

dimanche 27 novembre 2011

Pallas: Owlquest



Pallas est un jeu de rôle où on joue des chouettes.

Ou pour être plus précis, on joue surtout des Effraies (ci-contre) et des Hulottes d'environ 35cm-40cm de haut (à la rigueur aussi des petites Chevêches), mais rien n'interdit de jouer aussi des Hiboux (la différence tient surtout dans les aigrettes), notamment des Moyens Ducs et Hiboux des Marais qui sont environ de la même taille que les Hulottes.

A l'origine, j'ai pensé à jouer simplement des humains hsunchens Flari (peuple de Fronelia sur Glorantha, qui a le hibou comme totem et qui peut se transformer en plusieurs types de Grands-Ducs géants qu'on appelle aussi en anglais "eagle-owls") mais finalement je choisis plutôt un modèle à la Bunnies & Burrows et surtout le cycle de romans pour enfants Guardians of Ga'Hoole, avec des chouettes intelligentes dans un monde plus proche du nôtre.

J'ai choisi aussi une adaptation du système Basic très simplifiée et qui ne cherche d'ailleurs pas une compatibilité complète avec le vrai Runequest (sans quoi la petite taille des chouettes, TAI 1 ou 2, feraient qu'elles ne pourraient jamais faire de dégâts, même entre elles !).

  • Création de personnage

    Dans le monde de Pallas, nos héros Chevêches, Effraies, Hulottes portent souvent des noms descriptifs (Voit-Loin, Plume dorée, Ami-des-souris, etc.) ou bien un terme naturel désignant un végétal (Chèvre-feuille, Lys, etc.).

    Caractéristiques
    Il y a sept carac-téristiques. Ces chouettes sont résistantes : Force 2d6, CON-stitution 2d6+6 (mais une CON de 2d6 pour les Chevêches), TAIlle 1, Intelligence 2d6+6 (2d8 +6 pour les Chevêches Athene), Pouvoir 3d6 (2d6+6 pour les Chevêches), Agilité 3d6, Charisme 3d6. Si vous voulez pinailler, vous pouvez aussi dire que les Effraies ont un -1 en Force et un +1 en Pouvoir par rapport aux Hulottes qu'on voit ci-contre (mais elles disent que c'est de la discrimination anti-effraie).

    Les Points de vie sont égaux à (CONstitution+TAIlle)/2, arrondis au supérieur (OPTION : Si vous voulez vos héros chouettes un peu plus vaillants qu'avec 1-10 points de vie, ne divisez pas par deux).

    Une dernière caractéristique est le Prestige. On suppose qu'il commence à 2 seulement. A zéro, le personnage retombe dans l'obscurité anonyme. Le Prestige permet notamment de demander des "faveurs" à des Chouettes ou bien aussi à la déesse Pallas. On en gagne à chaque fois que son image s'améliore dans le Peuple des Chouettes. On peut dépenser un point de Prestige pour relancer un jet, ou bien pour acquérir certains biens.

    Compétences (Base en %) :
    Ailes : AGIlité x 4
    Bec : FORce x 4
    Communication : CHArisme x 3 + Intelligence
    Connaissances du Monde : INTelligence x 3
    Dissimulation (INTelligence + AGIlité)x2
    Griffes Base : (FORce + AGIlité)x2
    Magie : POUvoir x 2
    Perception : (INTelligence + POUvoir)x2

    Dégâts :
    Bec 1d2, Griffes 1d4 (+1d4 pour une Force supérieure à 12 mais cela n'arrive jamais dans le cas normal).
    Note : Certaines chouettes ont accès à de l'équipement, aux "Griffes de métal" créées par l'ancien artisan effraie Prométhée. Les Griffes font alors 1d6 points de dégât et les Heaumes ont une protection de 3 points globaux avec un Bec aiguisé qui fait 1d4 points au lieu d'1d2. Acquérir des Griffes ou un Heaume demandent chacun un point de Prestige.

    On ajoute à ces Bases de compétence 50 points d'expérience préliminaire (option : au lieu de 50 points, vous pouvez préférer INTelligence x 4 mais cela donne trop d'importance à cette seule caractéristique).
    Il n'y a pas de classes rigides mais un Chasseur mettra surtout en Griffes + Perception. Un Eclaireur mettra plus en Ailes et Perception (mais les célèbres Eclaireurs Prométhée qui vont chercher les braises pour le Feu des Effraies préfère mettre leurs points surtout en Ailes et en Griffes). Un Barde ou un Héraut négociateur mettra ses points surtout en Communication et un Sage en Connaissance.

    On peut augmenter ses compétences en trouvant un maître, en le persuadant (Communication) ou bien en dépensant un point de Prestige, ce qui donne +1d6%.

  • Combat
    Généralement, le premier à attaquer est celui qui a le meilleur score en Agilité. On ne peut faire qu'une action : se mouvoir, attaquer, se dérober pour fuir ou lancer un sortilège.

    Pour un combat en vol, il faut réussir un jet d'Ailes à chaque tour, avec une Marge supérieure à l'autre pour avoir l'Avantage. Celui qui a l'avantage peut décider d'attaquer, d'esquiver ou de tenter de s'enfuir. Ensuite, le combat se fait avec Bec ou Griffes.

    Les Paladins armés de Griffes et Heaumes de Prométhée sont sans doute très avantagés, mais la Magie peut aussi rééquilibrer les choses avec des sorts comme "Protection" ou bien "Griffes aiguës".


  • Magie
    Une chouette peut décider de devenir l'apprenti d'un shaman, un "Huant". Les Huants communiquent avec les esprits des ancêtres chouettes, avec les esprits de la forêt, les Dryades et les Skiai ("Ombres"), et avec le Grand Esprit aux Yeux de Chouette. Pour être admis comme Huant, il faut réussir un jet de Communication plus un jet de Magie. Le personnage peut apprendre alors un nombre de sortilèges de départ égal à (POUvoir - 10). On peut aussi apprendre un sort au choix pour un point de Prestige.

    Pour lancer un sort, la Chouette a besoin d'une action où elle peut avoir les yeux ouverts, sans être trop gênée dans son environnement (lancer un sort quand on se noie, avec le soleil en plein dans les yeux ou qu'on panique dans un incendie de forêt est donc à un malus au minimum -20%). Il faut réussir son jet de Magie pour lancer le sort et dépenser un point de magie (ou plus selon le sort). Si le jet échoue, le point de magie est quand même dépensé et il faut recommencer.

    Un sort temporaire n'a souvent qu'une durée de 10 Tours maximum. Un sort peut être cumulable et avoir plusieurs degrés (Guérison 1, 2, 3...).

    Option : Au lieu de choisir, le personnage peut recevoir 1d6 sorts en tirant à chaque fois sur la table des sorts ci-dessous (1d100 divisé par 4, arrondi à l'inférieur). Mais si aucun personnage n'a tiré le sort #11 Guérison, on le donne automatiquement.

    Liste des 25 Sortilèges communs des Chouettes
    (1) Bourrasque : Sort de deux points, un souffle de vent qui permet soit d'accélérer son propre vol (à condition de réussir un jet d'Ailes), soit de ralentir celui d'un adversaire. Spécial : n'a d'effet qu'un seul tour.
    (2) Coordination : Ce sort de deux points donne un +3 en Agilité (et donc +12% en Ailes et +6% en Griffes).
    (3) Détecter ennemi : ce sort d'un point signale de la direction d'un danger animé, comme un prédateur (fouine, belette, renard, chat) ou une chouette ennemie visible (il faut Seconde vue pour voir en plus des ennemis invisibles). Il ne détecte pas les pièges inanimés et ne peut pas deviner les intentions d'un ennemi qui n'entreprend actuellement rien.
    (4) Détecter proie : ce sort d'un point signale un animal comestible vivant, au sol ou sur un arbre, et donne donc +10% au jet de Griffes pour l'attraper.
    (5) Dissoudre la Magie : chaque point détruit un sort de puissance inférieure.
    (6) Envergure : chaque point de sort donne soudain +10% à sa compétence Aile et augmente la vitesse normale d'autant.
    (7) Extinction : ce sort de deux points éteint un incendie sur une surface de 100m2. Il peut aussi rendre le porteur temporairement ignifugé. Très populaire chez les forgerons et les éclaireurs de Prométhée.
    (8) Force : ce sort de deux points ajoute 5 points de FORce, ce qui fait +10% en Griffes et si le score de la caractéristique dépasse 12 cela donne +1d4 points de dégât aux attaques.
    (9) Gigantisme : ce sort de trois points double la TAI. Dans le cas normal, cela la fait passer à 2, soit la taille d'un hibou Grand Duc de 75 cm. Cela donne un bonus +4 en Charisme pour impressionner ou faire peur, un bonus +1d4 en dégâts, mais un lourd malus -20% pour Ailes, sauf si on jeté le sort de Force en même temps. On dit que certain connaîtrait des formes plus avancées du sort pour grandir encore plus.
    (10) Griffes aiguës : chaque point donne +5% à la compétence Griffe, plus 1 point de dégât.
    (11) Guérison : Chaque point de sort guérit 1d4 points de vie.
    Hululement sinistre : si la cible rate un combat Pouvoir contre Pouvoir sur la Table de Résistance, elle perd le moral et ne pourra plus attaquer.
    (12) Lien mental : ce sort d'un point permet de communiquer silencieusement avec quelqu'un, même si on ne le voit pas, et de voir par ses yeux.
    (13) Mauvais Oeil : ce sort de désintégration fait 1d3 points de dégât si la cible rate sa résistance Pouvoir contre Pouvoir.
    (14) Ombre : invoque une petite Ombre semi-intelligente, qui peut aider à cacher des objets. Si on la jette sur une proie dotée de vision, elle croit être dans les ténèbres et subit un effet semblable à celui d'une attaque de Hululement sinistre.
    (15) Parler avec les plantes : ce sort d'un point est rarement utilisé comme elles n'ont pas souvent quelque chose à dire mais certaines druides effraies discutent avec de vieux Arbres et leurs esprits-dryades (à condition qu'il n'y ait pas d'effraie prométhée à côté).
    (16) Plumes de ténèbres : permet de devenir soudain invisible. Ne fonctionne plus vraiment en journée.
    (17) Protection : Un point donne temporairement +4 en plus des Points de vie.
    (18) Ralentir : chaque point divise la vitesse par deux. Ralentir 3 est considéré comme un arrêt.
    (19) Seconde Vue : Ce sort permet de voir les esprits et l'Autre monde.
    (20) Sens radar : ce sort améliore encore l'ouïe déjà très sensible et permet de rivaliser avec l'écholocation des chiroptères. Il est annulé par le sort de Silence, et les chouettes préfèrent généralement le sort Voir dans le Noir.
    (21) Silence : Ce sort supprime tout son autour de la cible et est très utilisé par les Chouettes pour voler encore plus silencieusement ou bien quand elles luttent contre leurs ennemis chauve-souris.
    (23) Voir au loin : ce sort d'1 point permet de voir dix fois plus loin et comme s'il y avait une pleine lune. Il ajoute +40% en Perception.
    (24) Voir dans le Noir : ce sort augmente encore les capacités de nyctalopie des chouettes et leur permet de voir comme par une sorte d'Infravision, même dans le noir complet.
    (25) Voir le passé : ce sort d'un point (aussi appelé Rétrocognition) permet de voir des événements du passé concernant la cible du sort.

    On dit que certains Huants, en plus des esprits des Skiai ou des dryades des arbres (hamadryades, méliades des frênes, épiméliades des pommiers, etc.) communiquent aussi avec les Feux Follets, fantômes lumineux qui errent dans les bois et les marais. Le Grand Arbre sec des Feux Follets est le centre des Effraies de Prométhée. Les chouettes aiment aussi la lisière des prairies, où elles trouvent leurs proies et elles ont donc aussi appris à parler à d'autres êtres hors des forêts.

  • Le Monde des Bois des Chouettes

    Mythologie chouette
    Au commencement tout n'était que Ténèbres et c'était bon mais les Ténèbres avaient faim. Les Ténèbres ouvrirent un oeil et ce fut la Grande Déesse aux Yeux Glauques, qui occupe la lisière entre les Ténèbres et la Lumière. Elle ulula et créa ses enfants, les Rapaces nocturnes, les Yeux dans l'Obscurité, pour garder ces seuils entre la Forêt et la Plaine, entre le Jour et la Nuit, entre la Faim et le Songe.

    Nous sommes arrivés au Bois des Feux Follets en quittant le Ciel Enflammé et en fuyant les Enfers du monde du dessous et depuis nous sommes peuple élu de la Grande Déesse, nous nous nourrissons des petits animaux qui viennent de la terre et nous les rendons à la terre après les avoir sacrifiés sous les étoiles et la Lune. Il y eut d'abord Chevêche le petit, qui écouta les leçons de la Déesse et qui est l'ancêtre de bien des Bardes et des Philosophes, puis Effraie au visage de Lune ou de coeur, fidèle de la Dame Blanche, qui tira profit des Arts et qui vola le Feu aux cieux, Hulotte valeureuse qui accepta de défendre tout le groupe, Hibou qui partit vers la rivière et Grand-Duc immense qui prétendait régner sur toutes les tribus de la Déesse Pallas.

    La Louve à Trois Têtes qu'on appelle parfois Hécate, ou Enitharmon, vint s'initier auprès de la Grande Déesse sous la Lune. Elle apprit alors à dompter les Ombres et les démons de la nuit, les "stryges, et certains Huants et Effraies écoutèrent ses rituels. Nous fîmes alors un pacte de neutralité avec la Mère des Chiens pour qu'ils ne nous chassent plus.


    Mais on dit qu'un être monstrueux fut alors créé, un Hibou plus grand que tout Grand Duc, un Hibou plus grand encore que les grands Bipèdes, un Hibou qui ne vole pas et qui se terre dans une tanière dans le plus profond de la forêt, le "Hibours". Et on dit que la Nuit a d'autres enfants dangereux, des chauves-souris qui ne sont ni mortes ni vivantes, ou bien des Loups qui ont pour malédiction de parfois devenir des Humains.

    Au Premier Âge les Hulottes étaient le peuple dominant et les proies étaient nombreuses. Mais les Chevêches apprirent bien des choses aux Humains et certains Humains firent même des alliances avec eux pour qu'elles deviennent leurs Familiers. C'est pourquoi certaines Chevêches sont maintenant en alliance avec des mages humains, malgré tout le danger de trop communiquer avec ces Bipèdes non-ailés.

    Mais une Effraie qu'on appelle Prométhée le Porte-Feu ramassa des braises après le Grand Incendie de forêt. Il n'eut pas peur du Feu et réussit à garder allumée la Flamme avec l'aide d'esprits. Il forgea le premier métal au fond de l'Arbre-sec des Feux-Follets, là où murmurent les Ombres. Mais même Prométhée ne réussit pas à lier de manière permanente les Salamandres. C'est pourquoi la Flamme sacrée doit toujours être nourrie. C'est pourquoi les éclaireurs de Prométhée, les Fils du Phénix ou "Braisiers" doivent aller chercher des branches enflammées pour régénérer le Feu. Prométhée forgea les Serres et les Heaumes de fer des premiers Paladins, les guerriers des Effraies.

    Ce fut le Second Âge. Mais certaines des Effraies, les Paladins de Fer, dirent qu'elles devaient régner sur le monde et qu'elles étaient supérieures aux autres. Elles commencèrent contre le plus vieil ennemi, contre le peuple des Corbeaux puis contre celui des Chauves-Souris. Mais ensuite les Paladins de Fer attaquèrent les autres chouettes, massacrant les petites chevêches et leurs minuscules cousines les chevêchettes, et même les tribus des Hulottes qu'elles voulaient réduire en esclavage. C'est alors que certaines Effraies des Clochers eurent de la compassion et furent choqués par l'attitude de leurs tyrans, les Paladins de Fer. Les Effraies rebelles donnèrent aux autres certaines des armes forgées par Prométhée. Ils chassèrent, avec l'aide d'une armée de multiples tribus de Hulottes et même de Hiboux, les Tyrans exterminateurs loin de l'Arbre-sec et ils se cachent depuis dans quelques recoins.

    Les Effraies ont depuis fait la paix avec les autres tribus de la Déesse mais le souvenir douloureux des Guerres n'a pas disparu. Certains associent même toutes les Effraies ou bien tous les forgerons dans le même sac que les tyrans qui montraient tant de violence avec leurs serres de métal. Certaines chouettes, y compris des Effraies, ont maintenant un rapport d'effroi face au don du feu. C'est pourquoi certains druides et certaines dryades parmi les Chouettes interdisent le Feu et voudraient éteindre la Flamme dans l'Arbre-Sec. C'est notre époque après les Guerres de Fer, le Troisième Âge.

    De nos jours, le nord du Bois est contrôlé par les Hulottes. Le clan des Amis-du-Goupil sont les plus rusés, et ils ont d'excellents Bardes. Un autre clan de Hulottes, les Amis-d'Ysengrin, est connu pour sa force et ils ont même gardé certaines armes de Prométhée datant des Guerres de Fer. Le clan du Vol Silencieux est mystérieux, ils disent surveiller d'autres esprits inconnus entre la Mort et la Vie. On dit qu'un Grand Duc vit aussi dans ce coin et les Hulottes l'évitent.

    A l'est du Bois se trouve la Tour des Humains, où certains Bipèdes discutent avec des émissaires Chevêches qu'on appelle les "Familiers". D'autres Chevêches, dont des Prêtres de Pallas, craignent que ces Mammifères Géants se servent mal de la Magie qu'ils pourraient apprendre. Le clan des Amis-du-Crapaud voudraient mettre fin à ces pactes avec les Mages humains. On dit que certains des Humains chassent les chouettes, non pour les manger mais pour en faire des talismans qu'ils accrochent sur leurs demeures de bois mort.

    A l'ouest se trouve l'Arbre-sec des Effraies, là où les Humains n'osent aller à cause des Feux-Follets. Il est tenu par les Gardiens de la Flamme qui ont lutté jadis contre les Paladins de Fer. Les Amis-des-Dryades se méfient des Gardiens du Feu. Un groupe de Corbeaux continuent de vivre dans ce coin et on dit qu'il y a des êtres plus mystérieux encore, dont des Chauves-souris qui furent autrefois transformés par les expériences des Paladins de Fer.

    Au sud se trouve les Hiboux du Marais. On dit qu'ils connaissent des magies exotiques inconnues des chouettes, et qu'ils peuvent même parler avec des Ondines, des esprits des eaux, et des Nymphes de la rivière. Le Clan du Nénuphar connaît même un moyen pour entrer dans l'Autre Monde.

  • Appendice légèrement plus réaliste

    Je n'ai pas encore vraiment cherché des données ornithologiques plus détaillées, mais il faudra peut-être ajouter un peu la chasse pour l'alimentation (les chouettes ont l'air de rapporter de grandes quantités de musaraignes et autres bestioles chaque nuit), la vie dans le nid, la portée (cela a l'air de tourner autour de 1d6+2 oeufs).

    Mais pour indication voici quelques informations sur les tailles réelles des chouettes.

    La Chevêchette fait 16cm.
    La Chevêche (Athene, ci-contre) fait 26cm.
    L'Effraie (Tyto) fait 35cm
    La Hulotte ou "Chat-huant" (Strix) fait 37-43cm.

    Dans les Hibous (la différence n'est que l'aigrette), le Petit Duc (Otus scops) fait 20cm (un peu entre la Chevêchette et la Chevêche). Le Moyen Duc (Asio) fait 35cm et le Hibou des Marais fait 38 cm. Le Grand Duc (Bubo) est immense, 70cm (TAI 2-3), et il lui arrive de manger d'autres petites hulottes (il y a en Laponie une cousine des Hulottes, la "Chouette grise lapone" Strix nebulosa / Lapinpöllö de près de 80 cm, encore plus grande que le Grand Duc).

    Pour entendre les différents cris de chouettes.

    Le Monde est surtout inspiré d'un mélange direct entre Runequest et les Guardians of Ga'Hoole (plus un peu de William Blake en passant).
  • [Comics] La nouvelle Wonder Woman



    Depuis septembre dernier, DC Comics a décidé de relancer ("rebooter") tout son univers fictif de superhéros. Cela a fini par me lasser complètement. Bien qu'ancien fan, je pense de plus en plus à sortir de ces pseudo-continuités qui ont besoin pour choquer le lecteur de tout redémarrer tous les ans. Il y a un point dans la fiction où cela devient difficile d'apprécier chaque histoire comme un conte sans aucun rapport avec les précédents.

    Mais dans le cas de Wonder Woman, pour ne parler que d'elle, il faut reconnaître qu'elle est redevenue un peu plus intéressante que ces dernières années. C'est Brian Azzarello au scénario et Cliff Chiang aux dessins, la même équipe que sur l'excellente série limitée de 2007 Doctor Thirteen: Architecture and Mortality.

  • Des dieux



  • Azzarello fait le même pari que d'autres scénaristes avant lui de tout recentrer sur la mythologie grecque. Dans le premier épisode, l'antagoniste principal n'est plus comme d'habitude les ennemis trop utilisés Arès ou Circé mais Héra qui passe tout son temps à chercher à éliminer les maîtresses et enfants illégitimes de son mari Zeus. Ceux qui connaissent le jeu de rôle récent Scion où on joue de tels "enfants" de divinités reconnaîtront la même atmosphère où on voit que depuis deux mille ans le Roi de l'Olympe n'a rien perdu de sa libido et continue d'essaimer sa semence à travers la planète.

    Cela le conduit à son retcon majeur, que je me permets de révéler comme il traîne depuis des semaines sur de nombreux sites (comme d'habitude, je vais quand même l'écrire en rotation de 13 caractères pour ceux qui voudraient lire les trois premiers numéros sans le voir écrit à l'avance) : Jbaqre Jbzna qépbhier dh'ryyr a'rfg cnf aé q'har cneguéabtraèfr qr fn zèer Uvccbylgn znvf dh'ryyr rfg ra eényvgé yn svyyr q'ha nzbhe rager Uvccbylgn rg Mrhf. Mais comme d'habitude, cela pourra vite être "retconné" et j'ai du mal à croire encore qu'une telle révision puisse tenir très longtemps chez DC Comics (surtout que qh grzcf qr yn irefvba qr Trbetr Crerm, Mrhf ninvg rffnlé qr féqhver Jbaqre Jbzna - Ha nhger qésnhg rfg dhr pryn ergver gbhg ha nfcrpg qh crefbaantr pbzzr "Cnaqber", har brhier negvsvpvryyr bh ha Tbyrz qr sézvavgé. ).

    Azzarello a d'autres idées intéressantes, qui, je pense, doivent venir des théories post-frazeriennes (en partie discréditées mais si suggestives) de Robert Graves sur le "Totémisme" il y a cent ans. Graves était un classiciste mais, comme toute l'école anthropologique britannique du début du XXe siècle, il avait pris conscience du fait que les Grecs anciens, malgré tout le "Miracle grec", pouvaient en partie être comparés à des découvertes plus récentes sur les autres peuples. Graves avait donc des interprétations parfois curieuses (comme lorsqu'il dit que le mythe d'Orphée est sans doute le déguisement d'un rituel autour de Totem Renard parce qu'il est dit que les Ménades qui tuèrent Orphée avait des peaux de renard). Azzarello relie plus nettement les Olympiens grecs à des sortes de Totems animaux. Héra n'a pas seulement pour attribut ou animal de compagnie le Paon aux yeux d'Argos, elle est ici la Déesse Paon, ce qui la rend plus inquiétante et inhumaine, et Hermès n'a plus des sandales ailées, il a littéralement des serres d'aigles à la place des pieds, comme s'il était identique à l'Aigle de Zeus. En revanche, la déesse Eris, Discorde (Strife), est ici, comme chez Homère, la fille de Hera et de Zeus, et non de la Nuit, comme chez Hésiode, et elle a des traits qui font plus penser à une Endless comme Désir ou Désespoir chez Neil Gaiman. Les histoires à venir vont aussi voir Wonder Woman lutter contre les deux frères de Zeus qui veulent reprendre le Trône, Poséidon et Hadès.

    Il est drôle que des scénaristes comme Greg Rucka ou Brian Azzarello, plutôt connus pour des histoires policières sombres, aient été si à l'aise en développant une atmosphère nettement moins réaliste pour ce personnage de Wonder Woman. Sans grand succès autre que critique cependant.

    Tout cela serait donc très bien - même si j'aimerais que cette malheureuse Hera ne soit pas autant réduite à une simple mégère unilatérale, même si c'est conforme à de nombreux mythes grecs si misogynes. Mais j'ai quand même un doute légitime.

  • De l'éternel retour du Même


  • Wonder Woman ne se vend jamais très bien, comme une forte majorité des lecteurs de comics sont des hommes qui veulent lire des histoires sur des superhéros masculins. DC Comics n'arrête jamais complètement le titre parce que le personnage a plus de notoriété publique que de lecteurs mais l'éditeur est toujours condamné à des trucs commerciaux, à le relancer périodiquement avec une "Nouvelle Direction" pour tenter d'attirer un nouveau public.

    Cela conduit toujours à ces oscillations lassantes tous les ans :
    (1) un scénariste arrive en disant qu'il va "retourner aux sources mythologiques" (par exemple George Perez en 1986, ou John Byrne qui joue même avec l'idée de faire de Wonder Woman une Déesse à part entière du Panthéon olympien, ou plus récemment Phil Jimenez qui avait ajouté d'autres panthéons pour rendre les Amazones moins grecques, ou bien Greg Rucka qui avait fait renverser Zeus par Athéna),
    puis (2) un autre scénariste arrive et détruit l'île des Amazones en disant qu'il veut rendre Wonder Woman plus accessible du public américain en la réinsérant dans un cadre plus réaliste (par exemple Allen Heinberg qui voulait jouer à en refaire un agent secret dans un style plus "Emma Peel" ou bien JM Straczynski qui essaye de prendre un peu plus de distance à l'égard de tout le mythe des Amazones), et (3) retour à (1).

    J'ai beau préférer un axe du premier type, je sais bien que DC Comics ne lui donne jamais sa chance très longtemps et que Wonder Woman changera à nouveau d'origines. Les Amazones se font déjà massacrer par la déesse Discorde dans le numéro 2 mais elles se feront encore génocider plusieurs fois avant la fin de la décennie avec de nouveaux scénaristes qui voudront faire "table rase" du travail précédent. Il n'y a que la planète Krypton de Superman qui doit se faire plus détruire que l'île de Themiscyra.

    Un autre aspect qui peut un peu rebuter ou au contraire attirer dans cette version est que le dessinateur Cliff Chiang veut rompre en partie avec une convention graphique "irréaliste" sur les Amazones. Les dessinateurs en faisaient des mmanequins selon nos canons esthétiques et ici elles deviennent des colosses épaisses comme des armoires et au look de Camionneuse, ce qui doit sans doute mieux convenir à ce que serait une société de Guerrières. Brian Azzarello rétablira d'ailleurs peut-être un jour le lien réel entre les Amazones et le brutal Arès, qui n'est pas l'opposition que l'on voit dans la plupart des histoires de Wonder Woman.

    Il reste à voir si Azzarello va réussir enfin - si on lui laisse un peu de temps - à créer autour de Wonder Woman un "ensemble", un "entourage" de personnages secondaires (Supporting Cast) qui puissent être intéressants sans non plus trop l'éclipser.

    George Perez n'y était pas vraiment arrivé avec Steve Trevor et Etta Candy, le couple des amis, ou avec Julia Kapatelis, la prof de grec ancien qui devient sa "confidente". John Byrne tenta à nouveau une sorte de "petit ami", le détective Mike Schorr, sans succès, et une confidente qui jouerait le rôle de Kapatelis, Helena Sandsmark (qui coucha d'ailleurs avec Zeus, elle aussi et est la mère de Wonder Girl II). Jimenez essaya un nouveau petit ami assez original, Trevor Barnes, mais il fut vite tué ensuite (le problème des amis masculins de WW est qu'ils souffrent toujours du syndrome de l'Homme Incompétent mis en danger par Wonder Woman mais qui ne peut rien faire sans elle). Rucka ajouta un ami plus mythique, un Minotaure, Ferdinand mais on l'a vite oublié (Byrne avait aussi utilisé le Centaure Chiron). Heinberg avait l'agent secret sarcastique Tom Tresser comme nouveau petit ami mais cela n'a pas pris. Gail Simone a vaguement essayé de l'humour en mettant tout un entourage de Gorilles albinos intelligents. Mais on n'a rien d'équivalent à Alfred pour Batman ou Lois Lane pour Superman depuis que Steve Trevor est devenu un simple mari de l'une de ses amies.

    Un dernier problème de Wonder Woman est que même si le cadre mythologique grec peut fasciner, on craint toujours que ce cadre ne soit finalement toujours plus intéressant que le personnage lui-même. C'est peut-être une raison pour laquelle ses histoires sont si peu mémorables : Wonder Woman a du mal à être développée pour elle-même. Elle semble toujours avoir besoin d'autres personnages plus humains pour pouvoir enfin "exister" un peu comme un simple prétexte. Elle alterne les phases où elle est simplement une sainte irréelle et celle où, pour lui trouver quelques défauts, les scénaristes en font une donneuse de leçons moralisantes. Mais en un sens, Superman a un peu le même problème dès qu'il n'a plus ses collègues et amis du Daily Planet pour l'ancrer dans l'humanité.

    samedi 26 novembre 2011

    L'ontologie de Ditko



    Le grand dessinateur des années 1960 Steve Ditko est tombé il y a des décennies sous la coupe de la secte "randienne" et il est devenu légendaire pour sa rigidité dogmatique totale (Rorschach représentant Ditko dans Watchmen et ce cartoon résume toute sa vision qu'on n'a même pas besoin de simplifier). L'un des crédos "Objectivistes" de la gourou (qui ne connaissait que très peu de choses en philosophie) est que tous les malheurs du monde viennent du refus de la Dialectique moderne d'accepter le Principe de Contradiction d'Aristote. Je ne suis pas très enthousiasmé par l'idée de douter du Principe de Contradiction non plus mais de cela, elle conclut que l'égoïsme forcené est la conclusion logique nécessaire de ce qu'elle appelle "l'aristotélisme". Bien entendu, l'aristotélisme n'est qu'une caricature, un simple mot dans lequel elle projette sa propre vision rudimentaire qu'elle appelle une "philosophie" (qui est en gros le réalisme direct en épistémologie et un libertarianisme amoral en éthique).

    Dans ce souvenir, le scénariste Jim Shooter demande à Ditko de dessiner un comic-book Dark Dominion (pas terrible par ailleurs), une histoire de science-fiction avec des dimensions différentes. Ditko va finalement claquer la porte dès le numéro #0 mais avec un argument métaphysique :


    Halfway through the book, Steve came to the office to see me. He gave me the pages he’d done and said he couldn’t do the rest of the story.

    “Why not?!’

    Because, he said, the story and the character were Platonic and he was Aristotelian.

    “You’re gonna have to explain that to me, Steve.”

    Simple. Plato believed in the world one can’t see as well as the world one can. Aristotle believed that what you see is what you get. Period.

    Dark Dominion was Platonic, and therefore, anathema.

    Que le co-créateur de Doctor Strange et ses "décors si insolites et grandioses" comme dirait Gotlib n'ait plus envie de dessiner une histoire avec des mondes "irréels" pourrait être une simple question de changement de "goût" mais ici Ditko en fait un choix "ontologique" fondamental. Le simple fait de représenter une histoire avec d'autres mondes serait un crime contre la réalité aristotélicienne et l'unicité absolue du réel, ce serait déjà se compromettre avec des arrière-mondes et risquer une duplication du monde...

    Il pousse très loin l'idée de mimesis mais, au lieu de faire uniquement du documentaire ou de l'auto-biographie, cela le conduit à des allégories plus pesant (voir celle citée plus haut) encore que toute la propagande évangéliste de Jack Chick.

    jeudi 24 novembre 2011

    Les couvertures de Runequest



    Akrasia et Gianni mentionnent tous les deux la nouvelle couverture annoncée pour ce qu'on appelle la "6e édition de Runequest", je voulais juste revoir un peu les différentes versions.

    La première édition est dessinée par Luise Perenne, qui fit les illustrations intérieures de RQ et qui n'était autre que l'épouse de Steve Perrin, le créateur du jeu.


    La version en couleurs montre mieux une "Rune de la Vie" sur la cuirasse de la guerrière si greco-romaine et je me demande à quel culte cela pourrait correspondre. Elle peut être une Lunaire initiée des Sept Mères, même si son armure dorée a un côté qui rappelle les Templiers solaires de Yelmalio (comme Rurik dans les règles).


    Ma première édition de RQ fut en fait l'adaptation britannique par Games Workshop de la 2e édition américaine. La guerrière y est à la fois plus dénudée (sans cuirasse, avec un simple bikini de maille plus mince encore que Red Sonja, dans la neige, qui plus est, avec une légère cape de fourrure) et un peu plus décharnée. Son épée scintillante suggère peut-être quelques sorts de Magie de Bataille comme Vivelame ou Lamedefeu (3d6 points de dégât, cela l'aide peut-être à se réchauffer).


    J'avais toujours cru que ce Saurien qui l'agresse était une forme de Dragonewt dans la Passe des Dragons mais j'apprends en faisant cette liste que c'était peut-être plutôt une forme d'homme-lézard plus générique (les "Slarges" de Griffin Island).

    Je passe sur la couverture de la 3e édition, version Avalon Hill. Mais au passage, le logo Avalon Hill n'était pas si générique et fut conservé par Oriflam.


    La version française par Hubert de Lartigue pour Oriflam avait l'intérêt de garder ces deux mêmes guerriers orlanthis à travers plusieurs suppléments, notamment Genertela et l'Ecran.

    Le logo de Mongoose était resté proche de la version Games Workshop de la 3e édition.


    Cela conduit à la nouvelle version par Design Mechanism (qu'ils appellent "6e" en comptant 4e pour Mongoose RQ et 5e pour ce que Mongoose appelait RunequestII, mais j'imagine qu'ils ne comptent pas ce qu'on appelle parfois le non-publié RQIV: Adventure in Glorantha). L'artiste est le Français Pascal Quidault, qui a aussi fait des couvertures pour Mongoose et Elric.



    Ce RQ6 ne sera pas directement lié à Glorantha, même s'ils pourront ensuite relier le système avec le monde.

    Et Gianni cite aussi la couverture d'Aeon, une autre version de RQ, avec une couverture antique assez proche de celle de Luise Perenne (mais avec un centaure à la place du Saurien).

    dimanche 20 novembre 2011

    Apologétiques



  • Le dernier numéro hors-série de Philosophie Magazine est consacré à René Girard. Le numéro est très clair et il a au moins l'avantage d'avoir aussi quelques critiques au milieu des hagiographies et des superlatifs sur Girard (même si ces critiques n'ont pas le temps d'aller assez loin).

    Autant que je comprenne l'argument apologétique de Girard, qui plaît tant à Jean-Pierre Dupuy, on a la structure suivante :
    (1) Désir mimétique : tout individu humain désire non seulement l'objet mais plus profondément imiter ce que désirent d'autres êtres humains et entrer ainsi en compétition avec d'autres humains.
    (2) Bouc-émissaire et sacrifice : toute société est prise dans une surenchère de violence mimétique et y met fin par l'institution de Bouc-émissaire sur lequel se déchaîne la violence pour souder le groupe. C'est donc en quelque sorte l'inverse du désir mimétique : je ne désire plus aimer pour rivaliser avec le désir des autres mais je désire haïr pour m'associer avec la haine des autres. Ensuite, le bouc-émissaire peut être sacralisé, on peut admettre rétroactivement son statut de victime innocente pour mieux l'adorer, mais peu importe ce statut après coup, il reste nécessaire de le tuer.
    (3) Ce mécanisme du bouc-émissaire ne peut plus fonctionner si la société en prenait conscience donc il est dans l'intérêt de la société qu'on n'examine pas les causes réelles du sacrifice, sans quoi on revient vers la violence. Donc une société par elle-même ne peut pas critiquer ce mécanisme fondamental.
    (4) Or le Christianisme (et dans une certaine mesure déjà certains livres juifs comme Job) met fin au mécanisme du Bouc-émissaire en disant que le Dieu absolument bon s'est offert lui-même en sacrifice dans son innocence complète, pour nous racheter non pas seulement de la dette de nos péchés mais de toute la relation de violence sacrificielle du Bouc-émissaire. Le Christ ne serait alors pas un Bouc-émissaire mais l'intervention miraculeuse pour nous libérer de la malédiction des Bouc-émissaires (et j'imagine que c'est même une justification catholique du mystère de l'Eucharistie où l'Hostie doit nous délivrer de l'hostilité envers nos boucs-émissaires).
    (5) ????
    (6) PROFIT!!!

    (5) Donc si les sociétés se déchristianisent, elles seraient condamnées à revenir vers une violence sacrificielle et des boucs-émissaires. Donc le Christianisme bien interprété ne serait pas une Religion parmi d'autres mais la seule foi possible sur laquelle fonder une anthropologie qui ne cherche pas à violenter un bouc-émissaire.

    (1) n'est pas très original (c'est dans Kojève commentant Hegel) mais Girard a eu l'originalité de le généraliser dans la critique littéraire. Je ne sais d'ailleurs pas si (1) est vraiment si utile pour passer à (2).
    (2) vient notamment de James Frazer mais Girard l'a transformé en une sorte d'universel anthropologique quasi-fatal. Cela le conduit à refuser toute la thèse de Mauss où les sociétés instaurent du sacré et du sacrifice pour permettre une relation d'échange générale et non pas seulement pour mettre fin à la violence (on donne aux Dieux pour pousser le groupe à donner, et non pas seulement pour forcer les Dieux à nous rendre service).
    (3) me paraît peu plausible, mais surtout je ne vois pas vraiment comment cela est censé nous conduire à (4) si ce n'est par une sorte de prémisse (3bis) :
    "Il serait impossible à comprendre de manière rationnelle qu'on puisse dépasser ce cycle "Victimisation/Ressentiment/Bouc-émissaire" s'il n'y a pas un miracle".
    Cette affirmation 3bis fait ici tout le travail apologétique de Girard.
    (4) est le "Nietzschéisme Inversé" ou "Nietzschéisme chrétien" de René Girard : les religions sont du ressentiment mais le Christianisme serait justement le dépassement du ressentiment. Il me semble parfois peu convaincant qu'on ne trouve pas directement ce ressentiment dans la théologie de la rédemption (où l'Agneau porte nos péchés et fait que nous sommes désormais endettés d'une manière infinie envers lui). Girard prétend souvent être plus "scientifique" et "réfutable" que Freud mais on voit mal comment vérifier sa thèse. Si on lui donne un exemple de Chrétien défendant une thèse manifestement "sacrificielle" de la Crucifixion ou bien tombant lui-même dans un déchaînement de bouc-émissaire, comme le vieil anti-judaïsme chrétien, il pourra toujours répondre que c'est un mauvais Chrétien qui n'a pas compris le miracle qui devait mettre fin aux sacrifices et boucs-émissaires.

    Mais mon argument contre (3bis), et donc contre la conclusion (4)-(5), est banal à pleurer.

    Les sociétés ont substitué de plus en plus des animaux puis des oblations à la victime sacrificielle. Loin d'être un "Miracle" mystérieux ou une preuve d'une Révélation, c'est un processus rationnel où la violence archaïque semble bien être de plus en plus remarquée et critiquée. L'archaïsme ne semble pas être une malédiction éternelle ou fatale de la condition humaine, malgré toutes les résurgences qu'on peut signaler ici ou là, ou bien les usages constants des boucs-émissaires chez tous les démagogues. On voit par exemple ce processus de critique dès le mythe grec de Prométhée, où il critique l'institution même du Sacrifice dans la version d'Hésiode dans les Travaux et les Jours et finit en victime innocente (même si certains textes voient en lui un Trickster qui le mérite tout en nous sauvant). Les Tragiques grecs prendront de plus en plus la position de Prométhée.

    Je ne sais si le Christianisme est vraiment l'anti-Bouc-émissaire, mais je doute que ce soit le seul moyen d'empêcher ce mécanisme (ni même un moment transitoire mais absolument nécessaire pour y arriver).

    L'apologétique girardienne ne peut donc convaincre que ceux qui sont déjà persuadés. Le succès américain de Girard va se cristalliser sur ce malentendu religieux.


  • Jon Elster mentionne très souvent un argument de Tocqueville qui est le suivant :
    (1) Sous l'Ancien Régime, les mariages d'amour étaient très instables et finissaient souvent moins bien que les mariages arrangés. On en concluait donc alors que c'était un argument en faveur des mariages arrangés et que la norme dominante était donc correcte.
    (2) Mais dans une société où les mariages arrangés sont majoritaires, les mariages d'amour vont attirer des individus particuliers au caractère assez trempé pour refuser les normes, et qui risquent donc de former des couples particuliers d'individus plus rebelles que la moyenne.
    (3) Donc on a confondu par une mauvaise induction un contexte social contingent et une loi sociale. Les mariages d'amour pourraient être aussi solides que les mariages arrangés maintenant qu'ils sont devenus la norme au XIXe siècle.

    J'ai souvent eu l'impression qu'on faisait la même erreur quand on dit que la diffusion de l'Athéisme moderne va nécessairement et essentiellement avec une "Anomie" destructrice, vers un repli individualiste ou vers le Nihilisme moral.
    On peut à la rigueur admettre que cela a été le cas depuis le déclin des religions organisées, mais ce n'est pas nécessairement un argument contre la sécularisation. Une fois que l'athéisme devient majoritaire, il ne va plus nécessairement fonctionner de la même manière chez les individus. (Cf. aussi cet article sur le fait que l'image des athées dépend de leur quantité) La crainte du nihilisme n'aurait été qu'une phase avant un athéisme "pacifié" où l'individu pourrait retrouver un principe d'organisation morale et sociale plus rationnel, sans avoir besoin de la béquille d'un Juge Omniscient fictif pour que les agents respectent certaines règles.

    Le problème serait si on a l'évolution inverse, si ce n'était pas une phase passagère. On entend de plus en plus des nostalgiques défendre le Mariage arrangé contre le Mariage d'amour qui conduirait à l'instabilité du contrat individuel et à la mort de la famille. On entend aussi les mêmes défendre la Communauté traditionnelle contre l'Individualisme. On entend enfin une sorte d'argument à la Leo Strauss : "bien sûr que Dieu n'existe pas, mais il ne fallait pas le dire, il n'y a qu'une minorité infime qui pourrait vivre moralement sans cette fiction nécessaire."

    J'aurais plutôt tendance à croire que cette anomie et ce nihilisme moderne pourraient arriver même dans une société religieuse. Les communautés religieuses charitables peuvent limiter les manques de solidarité mais une société pourrait produire à la fois anomie et fanatisme (cf. la "théologie de la prospérité" de certains évangélistes conservateurs).

    Mais même si on pouvait décréter qu'il faut dé-séculariser la société au nom d'une contrainte anthropologique supposée, je ne pense pas que ce serait souhaitable. Comment pourrait-on continuer à dire que les religions sont certes fausses mais qu'elles doivent être maintenues et qu'on doit faire semblant d'y croire en raison de leur utilité sociale. On vivrait alors dans une double conscience ou une hypocrisie qui se détruirait elle-même. Un individu et même une société peuvent certes s'engager pour un temps dans cette voie de l'Illusionnisme (faisons semblant d'y croire de crainte des effets collectifs de la vérité) mais j'ai du mal à imaginer que ce soit possible à long terme.

    Il y a peut-être des mythes qui sont des cercles vertueux. Des croyances deviendraient prophéties auto-réalisatrices. Le fait de croire en la relative non-violence de la majorité de nos semblables, y compris des groupes lointains, a pu progressivement réduire certaines violences entre groupes. Dans certains dilemmes du Prisonnier, le fait de croire par avance avec confiance (mais sans naïveté) qu'une majorité va préférer une stratégie altruiste renforce la probabilité que la stratégie soit efficace (et réciproquement la défiance envers ses semblables s'auto-entretient). Sans ces croyances et conventions, on n'expliquerait pas la rareté de la violence.

    Mais la plupart des religions ne sont pas que des croyances sociales ou "pragmatiques" de ce type (comme "le rituel peut vous pousser à être plus organisés ou plus charitables"), elles ont aussi des croyances théoriques, qui sont manifestement des désirs sans aucun fondement (il y a un être absolument bon et omnipotent qui nous surveille, par exemple). Et dans ce cas, la croyance n'est pas auto-réalisatrice, elle n'est que mystificatrice.
  • Origine du mythe et mensonge de l'origine



    Une question naïve que je me suis posée enfant était de savoir comment on finissait par croire aux mythes.

    Pour qu'il y ait mythe, il faut qu'il efface sa propre origine réelle. Comme dit Hume, le seul miracle est qu'on puisse croire à ces merveilles. Comment expliquer cette crédulité volontaire ? Comment comprendre le fait que cela puisse tenir si bien et diriger les vies de civilisations entières pendant des siècles ? On admet bien que les auditeurs du mythe puissent être trompés, séduits et avoir envie d'y croire, mais l'inventeur du mythe oubliait-il aussi qu'il l'avait fabriqué et était-il victime de sa "mauvaise foi" ? Avait-il besoin d'être en partie dérangé mentalement pour confondre la belle fiction qu'il créait et une réalité transcendante ? Ou bien est-ce une sorte de geste inévitable où nous nous prenons toujours au jeu de l'illusion de ce que nous avons nous-mêmes institué ?

    Dès que le temps passe et dès qu'il y a une histoire, le fait "historique" ou "social" a une tendance à être transformé en fait "éternel" et "naturel" (même si depuis le XIXe siècle, on a un mythe inverse qui tend à traiter toute chose comme historique ou sociale, y compris peut-être ce qui ne le serait pas). Nous avons une sorte de pulsion à refouler des fondations historiques pour en faire une origine sacrée.

  • Les Washitaw et l'Autochtonie




  • Soner Du parle sur son blog sur le mythe de Mu (une Atlantide du Pacifique fabriquée à partir d'erreurs de traduction) du mouvement Washitaw, un groupuscule d'une centaine de personnes, qui prétend que les Noirs africains ont découvert l'Amérique avant les autres peuples et seraient les premiers ancêtres des peuples "autochtones".

    Les USA et d'autres colonies de peuplement récentes ont ceci de fascinant qu'elles peuvent plus facilement se souvenir de leurs origines. Elles ont conscience du fait qu'elles n'ont pas une origine "immémoriale" qui "irait de soi". Elles se souviennent des violences qui ont encore des témoignages historiques (même si elles essayent ensuite de les oublier - d'où, peut-être, le refoulement actuel du Western). C'est pourquoi il peut y avoir des mouvements philosophiquement si radicaux et étranges, des anti-fédéralistes, des "Posse Comitatus" qui demandent l'indépendance au niveau du "comté", et même des individus ultra-libertariens qui déclarent leur "Souveraineté" absolue inaliénable.

    Dans les pays européens, nous avons plus tendance pour l'instant à prendre comme un fait évident l'existence de l'Etat ou de la société. Les Américains ne sont pas une nation si jeune que cela mais ils croient l'être. Ils arrivent à voir dans les institutions une sorte de convention contingente ou même de fiction abstraite. Malgré toute la religiosité si profonde des USA (qui devrait donc les attacher à une tradition conservatrice et moins "radicale"), ils ont une intuition d'une communauté qui a besoin de se fonder sur "l'imaginaire" (pour parler dans les termes un peu vagues de Cornelius Castoriadis). Cet imaginaire peut être assez sobre, comme tous les mythes patriotiques. Ce peut être celui des Pèlerins et Pères Fondateurs, mais aussi la fétichisation de la lettre figée de la Constitution.

    Une des religions les plus dynamiques est le Mormonisme (6 millions d'Etats-Uniens, environ 2%, et déjà plus d'1 million de Mexicains). Le Mormonisme n'existe que depuis environ 150 ans. Contrairement à bien d'autres délires religieux plus anciens, il repose sur des croyances directement réfutables comme le mythe que les Indiens d'Amérique descendent de tribus juives (sans parler de l'idée moins directement réfutable que Jésus après sa Résurrection est allé vivre dans le Missouri).

    Une des raisons du succès (en dehors de leur prosélytisme enthousiaste) est sans doute que c'est le vrai Christianisme autochtone américain, synthèse d'imaginaire du Proche-Orient et de celui de la colonisation de l'Amérique. Joseph Smith était un escroc habile dans sa manière de prétendre recevoir une Révélation antique (égyptienne et hébraïque) qui se reliait à un passé fantastique de l'Amérique.

    [En passant, le Mormonisme semble parfois occuper une place disproportionnée dans la science-fiction, la fantasy ou dans le jeu de rôle : Sandy Petersen, le créateur de Call of Cthulhu, comme le co-créateur de Dragonlance Tracy Hickman sont des Mormons pratiquants, et j'ai rencontré un célèbre Runequestien britannique qui s'était converti au Mormonisme.]

    Le mouvement Washitaw appartient au même genre de mythogénèse que le Mormonisme. Les Noirs américains ont un besoin de créer un mythe ancestral face aux autres communautés. Même en dehors des inventions africanocentristes, ils ont pu par exemple créer des traditions "panafricaines" purement américaines (Kwanzaa, imitation du seder juif - comme les Américains ont toujours une rivalité mimétique sur le concept même de Peuple élu). L'idée de s'approprier l'autochtonie prouve que tout est possible dans les croyances : le pouvoir colonial européen nous a fait subir la violence de l'esclavage en nous conduisant ici mais en fait nous étions déjà là bien avant vous et même avant beaucoup de tribus amérindiennes d'origine asiatique.

  • Le Noble Mensonge





  • Cela fait penser au célèbre passage dans La République III, 414b de Platon sur le "Noble Mensonge" ou "Fable Phénicienne" de l'Autochtonie. Il consiste à faire croire aux citoyens de la Cité Idéale qu'ils ne sont pas des colons, qu'ils sont nés de la Terre comme les Spartoï nés des dents de dragon du mythe de Cadmos et qu'ils ont toujours vécu de toute éternité sur ce sol.

    [Hannah Arendt a prétendu dans son article "Vérité et politique" que le texte grec signifiait qu'il s'agissait d'une fiction ironique et non d'un mensonge mais cela paraît peu fondé et je garde donc la traduction habituelle.]

    [Sur la "Fable phénicienne" de Cadmos de la fondation de Thèbes, voir aussi ce qu'en disait Hobbes comme condition d'une anthropologie. Hobbes est un faux rationaliste qui affirme dans le Léviathan qu'il ne faut pas utiliser de métaphores mais qui est parfois saturé de comparaisons mythiques, ne serait-ce que dans le titre du livre ou bien les derniers chapitres dans la IVe Partie où il dit que le Pape catholique est en fait "Obéron, le Roi des Fées"... ]

    Τίς ἂν οὖν ἡμῖν, ἦν δ’ ἐγώ, μηχανὴ γένοιτο τῶν ψευδῶν τῶν ἐν δέοντι γιγνομένων, ὧν δὴ νῦν ἐλέγομεν, γενναῖόν τι ἓν ψευδομένους πεῖσαι μάλιστα μὲν καὶ αὐτοὺς τοὺς ἄρχοντας, εἰ δὲ μή, τὴν ἄλλην πόλιν;

    "Maintenant comment inventer ces mensonges nécessaires qu'il serait bon, comme nous l'avons reconnu, de persuader par une heureuse tromperie, surtout aux magistrats eux-mêmes, ou du moins aux autres citoyens ?"

    Le terme même de "Noble" est ironique en un sens. Le Mythe est ici décrit comme "Noble, Bien Né, Conforme à sa Naissance" (γενναῖος) justement parce qu'il s'agit d'un Mensonge sur la bonne naissance. Pour Socrate, les citoyens doivent croire que la Cité a une naissance naturelle et non historique, et c'est en cela que le Noble Mensonge est celui où les "bien-nés" oublient l'origine de leur Noblesse pour qu'elle soit prise pour naturelle et essentielle. Ce "Noble Mythe" est donc le mythe par excellence, en tant que tout mythe doit oublier qu'il a commencé comme un récit fictif.

    Mais en même temps, Aristoclès-Platon fils d'Ariston, bien qu'aristocrate hostile à la démocratie, dit bien que la naissance naturelle ne dirigera plus la vie dans la Cité Belle-et-Bonne. La vertu n'est pas innée (cf. Ménon). Il faudra sélectionner les dirigeants par leur mérite et c'est pourquoi les enfants seront éduqués en commun.

    On ne ment donc pas seulement aux citoyens pour qu'ils soient attachés à leur Cité. On mentira peut-être aussi pour qu'ils puissent oublier leurs anciens mensonges sur leurs familles aristocratiques. L'égalité de l'autochtonie, une même origine commune du même sol permet d'accepter la nouvelle norme rationnelle de la Justice. Le mythe est ici un pharmakon, en tant que vaccin ou mithridatisation contre le poison mensonger (cf. République 459b : le Gardien médecin doit savoir user du faux comme remède).

    C'est donc aussi un Noble Mensonge contre (les fils des) Nobles pour qu'ils ne finissent pas en arrogants tyrans à la Alcibiade qui voudraient usurper le pouvoir aux Gardiens.

    C'est un mythe de "l'enracinement" mais avec une idéologie inversée, pour que les rejetons des anciens patriciens n'aient pas de ressentiment de classe envers les Hommes nouveaux qui seraient jugés "déracinés". D'habitude, l'enracinement cherche à entretenir la rancoeur des privilégiés : nous, les dirigeants, sommes de Bonne origine, notre origine est notre Bien Privé inaliénable, et il y a donc ceux qui viennent d'ailleurs, et de basse extraction. Chez Platon, c'est l'inverse, le Noble Mensonge sert à rappeler une unité commune et une égalité fondamentale de tous les citoyens, à partir de laquelle les distinctions sociales des classes et la Noblesse réelle doivent dépendre de vertus des individus et non pas seulement des hasards de leur naissance.

    vendredi 18 novembre 2011

    Le jeu de la BCE



    Vous pouvez l'essayez et il est assez tristement réaliste et significatif dans sa simulation de son statut. Quand Matthew Yglesias y joue, il découvre qu'on peut y gagner en maintenant une politique de déflation, même si cela ruine le continent économiquement (et qu'à l'inverse toute politique inflationniste même si elle était efficace du point de vue de la croissance est considérée comme un échec).

    La version américaine où vous jouez le Directeur de la Réserve fédérale a le droit de tenir compte du chômage et de la croissance.

    Le coût du "Présentéisme"




    Le sous-ministre de la droite sociale faisait l'éloge du modèle allemand. Via un commentaire du Monde, le Spiegel a eu cet été cette étude selon laquelle les employés malades qui viennent travailler quand même coûteraient au total plus cher à l'entreprise que ceux qui restent chez eux. C'est ce qu'ils appellent "Präsentismus", une assiduité excessive pire que l'absentéisme.


    Il y a quelque chose de morbide à vouloir à la fois nuire à l'équité, à la santé publique et à la compétitivité. Même un abruti comme Lefebvre n'avait encore osé parler que de "télétravail", pas de "responsabiliser" les gens à venir travailler.

    Il va peut-être falloir créer une rubrique La Liberté c'est la Mort.


    Antoine Caron, Triomphe de la mort, Musée d'Histoire de la Médecine

    jeudi 17 novembre 2011

    Ca leur apprendra



    L'ajout d'un jour supplémentaire de Taxe sur les malades (ou bien dans certaines entreprises selon les branches, de soutien aux employeurs pour qu'ils puissent payer moins leurs employés malades ?) a été proposé par un député d'Alsace, mais sa propre Région ne sera pas concernée grâce à un droit social plus généreux. Ah, les autres Régions n'avaient qu'à bien voter aux régionales de 2010 (ou alors se faire envahir par les Prussiens aussi). Chacun ses Carences et on s'habituera aussi aux "Franchises médicales".

    Via Imaginos, le ministre censé représenter l'aile "sociale" de l'UMP, le cacique de l'ENA Laurent Wauquiez dit qu'il ne s'agit pas du tout de punir les malades pour leur maladie mais de les "responsabiliser" dans leur maladie, pour des jours d'arrêts maladies même avec certificat médical.
    Le sujet sur ce délai de carence, ce n'est pas la fraude, c'est la responsabilisation. On comprend bien que si jamais, quand vous tombez malade, cela n'a aucun impact sur votre indemnité et votre salaire, ce n'est pas très responsabilisant.
    Un vrai citoyen responsable de toutes ces régions déresponsabilisées devrait montrer l'exemple et rester travailler en heures sup tant qu'il ne connaît pas de karōshi.

    Il dit aussi que les malades doivent se rendre compte qu'ils coûtent de l'argent à la Sécurité sociale. Autrement dit, qu'ils doivent se rendre compte à quoi sert la Sécurité sociale ?

    Dans le même genre Justice sociale et solidarité dans l'effort, j'aime bien aussi ce que raconte le Canard d'hier : la TVA sur toute restauration (y compris d'entreprise ou cantine scolaire) monte de +2 points mais la taxe spéciale de +4% sur les hôtels de luxe qui était annoncée sera finalement retirée, parce que le lobby des hôtels de luxe doit être préservé en temps de crise.

    mardi 15 novembre 2011

    Références



    Luc Chatel, Ministre de l'éducation, dit que le candidat principal de l'opposition lui fait penser au Roi Babar alors qu'il préfère voir en son propre champion, le Président actuel, Asterix (ce qui paraît un peu de la discrimination "tailliste").

    Je n'ai pas vérifié mais j'imagine que tout le monde a déjà eu la même idée. Si on aime Asterix, le Président actuel fait plutôt penser à d'autres personnages de Goscinny. Non seulement Iznogoud ou Joe Dalton, mais aussi dans Asterix même.


    (A la décharge de Chatel, quand Malraux avait affirmé dans Les Chênes qu'on abat que De Gaulle se comparait dans ses conversations à Tintin, on trouvait cela plus charmant.)

    dimanche 13 novembre 2011

    [JDR] Cadres, Personnages & Récits



    Un défaut bien connu du monde de Glorantha est que la quantité de matériel accumulé devient tellement énorme qu'il risque de devenir inaccessible aux nouveaux joueurs (voire aux anciens). Glorantha ne serait plus qu'un univers fictif qui n'intéresserait que des Meneurs de jeu explorant les textes ésotériques de Greg Stafford et une poignée du "Public Captif" des fanatiques fidèles de la secte. (Voir Imaginos pour sa distinction entre jeu "immersif" dans un monde et monde "submersif/dispersif")

    Ron Edwards, l'ancien animateur principal de "la Forge", montre un renversement auquel je n'aurais pas pensé dans son nouvel article "Setting and Emergent Stories".

    Edwards avait distingué dans plusieurs articles sur la théorie du jeu de rôle le Narrativisme (on joue pour construire un récit) du Simulationnisme (on joue pour représenter par des règles une réalité cohérente) et le Ludisme (on joue pour résoudre des défis ou des oppositions).

    Ici, Edwards opppose les jeux à Récit préalable (Story Before) et les jeux à Récit maintenant (Story Now; si on voulait plus jargonner on pourrait dire "prodiégèse" et "endodiégèse" ?). Les jeux à Récit préalable font l'objet d'une préparation par le Meneur (il doit écrire le cadre + le scénario) pour insérer le personnage-joueur dans ce Récit pré-construit. Les jeux à monde complexe peuvent donc souvent pousser à ces jeux à Récit préalable, le Narrateur assimile le cadre complexe et tente de le faire apprécier aux joueurs pour qu'ils s'y "immergent".

    Au contraire, Ron Edwards fait remarquer que le jeu Heroquest, malgré toute la complexité de Glorantha, pousse plutôt vers un "jeu à Récit maintenant".

    Par exemple, le Meneur de Jeu n'a aucune histoire "préalable" ou de projet de départ en dehors d'un accord sur le lieu. On ne part que d'un cadre très local, les joueurs créent non seulement leur personnage puis le groupe social de ce cadre particulier avec certains des éléments de départ (par exemple avec le récent Générateur de Clan de Sartar). Ensuite le MJ doit s'adapter de manière plus "coopérative" ou interactive pour faire émerger un Récit à partir de ces éléments au cours même du jeu. La connaissance du cadre général peut aider le MJ à inventer plus de détails mais l'idée est plutôt que les personnages transforment le cadre, au lieu de s'y insérer.

    [L'exemple (dont j'avais parlé cet été) de la campagne de la Dernière Flotte de Lowell Francis où les joueurs ont créé entièrement l'univers en cours de jeu, ou bien celui du jeu de SF récent Diaspora, montrent bien comment cela peut fonctionner.]

    Un effet est que les clichés du jeu de rôle changent. Au lieu d'un rassemblement hétéroclite d'individus isolés venus de tout le cadre général (des "Aventuriers"), on a des personnages reliés entre eux par un cadre local (clan, village, culte, etc.). Or Glorantha, par son relatif "conservatisme" (presque toutes les sociétés émergent à peine de catastrophes qui les ont "repliées" les unes sur les autres), favorise de plus en plus des groupes plus "cohérents" ou de solidarités organiques, à la place des équipes-Zoos "tokenist" de la fantasy avec des races venues des quatre coins du monde.

    J'y vois plusieurs avantages. Glorantha a la réputation d'être un monde où le MJ s'amuse plus que la plupart des joueurs, puisque le plaisir geek de "recherche" pour entrer dans le monde semble supérieur à la perplexité du joueur moyen qui n'aurait pas fait ces efforts.

    De plus, quand je suis joueur, j'ai aussi envie de pouvoir un peu co-créer au lieu d'être un consommateur/spectateur passif du MJ (et cela depuis au moins qu'Ars Magica m'a fait comprendre ce mode de jeu).

    L'idée que le monde Glorantha, le symbole même d'un cadre fictif incroyablement développé, puisse au contraire mieux se prêter à un jeu moins préparé, plus "Récit Maintenant" grâce au système Heroquest est paradoxale mais vraiment intéressante.

    Au contraire, la présentation classique de Runequest conduisait plus à un jeu simulationniste où on pourrait créer des personnages sans aucun lien préalable en dehors des histoires qui se construiraient. Le vieux supplément Genertela: Crucible of Hero Wars proposait même (de manière "simulationniste") de créer un personnage en tirant complètement au sort la région d'origine, ce qui aurait favorisé les groupes hétéroclites d'Aventuriers plus exotiques. La "philosophie" des deux systèmes de règles, Runequest et Heroquest, seraient alors assez opposées, malgré le monde commun.

    Mais RuneQuest avait aussi créé dans ce même supplément ces très ingénieux textes, "Ce Que Mon Père m'a Dit", introductions subjectives qui permettaient à chaque joueur d'entrer directement dans un seul point de vue limité sur Glorantha. Comme le disait Jonathan Tweet, les "Ce Que Mon Père m'a Dit" ont aussi introduit une sorte d'Ironie dans le jeu de rôle puisque chaque joueur devait apprendre en cours de jeu que les croyances de son personnage étaient en fait des perspectives limitées qu'il devait éventuellement dépasser. Le contexte ne servait pas à enfermer le personnage mais à l'intégrer dans un point de départ à enrichir ensuite.

    Mais la présentation par Ron Edwards insiste sur le fait que les joueurs se construisent un passé, des relations communes, des raisons pour être ensemble et une "Amorce" de complication (ce qu'Edwards appelle "Kicker" et "Bangs") pour lancer le premier scénario.

    Il serait intéressant de comparer cet article à celui de Zak Sabbath. Zak y défendait que les jeux de rôle Do It Yourself seraient plus "existentialistes" grâce à l'absence de préparation sur les personnages (les personnages sont définis par leurs oeuvres en cours de jeu et non par un cadre social pré-existant, ils sont fondamentalement des pages blanches qui se font eux-mêmes par leurs choix).

    C'est ici une opposition entre deux idées sur le récit : le "Récit Maintenant" de Ron Edwards émerge de la préparation des personnages, alors que dans "l'existentialisme" de Zak Sabbath, le Récit est directement la construction graduelle de ces personnages à partir de choix et improvisations dans le jeu. Les deux modèles "Story Now" et "Do It Yourself" sont aussi centrés sur le Récit et sur le Personnage, mais n'ont donc pas le même ordre d'élaboration : chez Edwards, les joueurs vont du Personnage au Récit (en réduisant le Récit préalable à l'arrière-fond créé pour chaque personnage) alors que chez Zak Sabbath, les joueurs vont de leurs choix vers le Récit du Personnage (en minimisant encore plus tout background préalable).

    Ils n'ont pas non plus les mêmes proportion de "simulationnisme" et de "ludisme", puisque Zak aime des exercices d'improvisation d'imagination, fondés sur des tables aléatoires, alors que le modèle principal de la Forge préfère souvent parler de "négociations" entre les participants (ce qui rend parfois leurs jeux si peu "intuitifs" d'un point de vue simulationniste habituel).

    samedi 12 novembre 2011

    Frank Miller ne joue pas seulement un rôle d'abruti



    Ou alors il le joue vraiment très bien.

    Qu'il désapprouve le mouvement actuel qui critique l'oligarchie financière est bien entendu son droit. L'ennui est ici que son argument (que ces protestataires feraient mieux de se soucier du seul vrai problème qui serait toujours Al-Qaeda) prouve que sa dernière bd si médiocre et raciste, Holy Terror, n'était pas une plaisanterie de second degré.

    Il demande sérieusement que tout sens critique soit mis de côté tant qu'il y aura un conflit dans le Moyen-Orient ?

    jeudi 10 novembre 2011

    [JDR] L'échelle de Glorantha



    Le monde de Glorantha de Greg Stafford est le meilleur monde de fantasy jamais créé pour ses mythes (pour sa linguistique, ce doit plutôt être Tékumel et pour jouer ce doit être celui que vous avez créé vous-mêmes avec vos joueurs). Mais en même temps, la rançon de cette richesse mythique est que le monde est quasiment conçu pour faire l'objet de versions contradictoires.

    Cela est plutôt bon pour le Maximum Game Fun quand les contradictions produisent des conflits ou des récits. C'est plus gênant pour la géographie physique du monde. Or les cartes ont parfois été d'une échelle hésitante au point que, selon les sources, les distances peuvent aller du simple au double. Deux cartes à échelle différente ne se recoupent pas toujours (et je n'ose même pas regarder si la version sous licence de Mongoose avait pu demeurer cohérente).

    [Ce problème d'échelle a d'ailleurs affecté d'autres mondes fictifs du jeu de rôle : le monde des Wilderlands of High Fantasy de Bob Bledsaw, comme je le disais chez Snorri, avait à l'origine des hexagones de 5 lieues (un peu moins de 25 kilomètres) mais, par suite d'une erreur, la carte publiée avait une échelle officielle avec des hexagones de 5 miles (donc 8 kilomètres, soit trois fois moins). Cela explique la version Majestic Wilderlands de Rob Conley, qui a été multipliée par 2,5.]

    Un autre problème est que Glorantha est relativement "petite". Tout le continent nord de Genertela, qui pourrait faire penser à peu près à toute la masse de l'Eurasie (ce qui devrait tourner facilement autour de 9600 km si je prends la distance Brest-Shanghai) ne serait tout au plus égal qu'à la largeur des 48 Etats-Unis contigus d'Amérique (soit environ 4000 km).


    Certains ont donc proposé de prendre une dimension plus grande pour accroître les distances et le mystère sur Genertela. Graham Robinson (et d'autres) avait parlé de multiplier par trois et cela me paraissait plutôt une bonne idée.

    Tout dépend de ce qu'on estime être l'Empire lunaire par exemple. Il est une entité multi-nationale et évoque en nous l'Empire perse de Cyrus, voire d'Alexandre, l'Empire romain ou même le Califat abasside qui auraient des tailles supérieures à 2000 km de long.

    En réalité, selon la détermination officielle par Jeff Richard, l'Empire lunaire, si enclavé le long du Fleuve Oslir, est plutôt un équivalent de l'Assyrie, de l'Empire babylonien de Nabuchodonosor ou bien, disons, de l'Empire de Charlemagne. Son extension ne dépasse pas 1000km.

    Toute la Passe des Dragons, Sartar plus Heort est à peu l'équivalent de l'Angleterre (seulement l'Angleterre, pas toute la Grande-Bretagne). Le Royaume de Sartar tout seul est à peu près grand comme la Suisse, ce qui correspond assez bien à ce qu'on peut imaginer.

    La distance entre Charme (Glamour, la capitale de l'Empire) et le poste le plus avancé de Lointaine (Furthest, capitale de la province de Tarsh) est de 690km, soit environ la distance entre Paris et Toulon (ou bien Turin-Naples ou Baghdad-Téhéran).

    Cela me paraît un peu petit. Pour avoir un vrai grand Empire, il faudrait donc remonter plutôt au Second Âge avec le Troisième Conseil ou l'Empire des Mers et des Terres de Jrustela. Même l'Empire néo-babylonien de Nabuchodonosor, limité au Croissant Fertile, va environ d'Antioche à Ur, ce qui représente quand même 1200km de long.

    Certes, si on ne va qu'à 35km par jour, 690km représente quand même 19 jours, mais l'Empire doit avoir des communications bien plus rapides que cela (voire quasi-instantanée) grâce à sa magie et des suppléments parlaient de messagers allant dix fois plus vite.

    Une campagne incompétente



    Dire que Rick Perry, le Gouverneur du Texas, était donné favori des candidats républicains il y a encore quelques semaines. On le savait déjà parfois ivrogne et de son propre aveu très peu informé mais là, il a un blocage manifeste et n'arrive même pas à compter jusqu'à 3.



    A force de vouloir ressembler à Saint Ronald Reagan, Perry imite bien sa phase Alzheimer finale. La troisième "agence" fédérale du Gouvernement que Perry voulait supprimer (en plus de l'Education et du Commerce) était celle de l'Energie, ce qui est d'autant plus amusant pour l'Homme du Pétrole, pour que cette compétence ne dépende plus que du Texas.

    Sur l'Education, Perry sait que ne l'attacher qu'aux Etats est une position gagnante pour la base Tea Party qui ne doit guère vouloir garder que deux fonctions régaliennes comme (1) tuer des Mexicains au (2) tuer à l'étranger. Le Texas de Perry a d'ailleurs donné l'exemple dans la croisade teahadiste contre l'Education, étant en 2008 44e sur 50 dans le financement de l'Education et soutenant l'idée que chaque Etat pourrait décider d'enseigner ou pas la théorie scientifique de l'évolution dans les écoles publiques.

    Le Département du Commerce date de 1903 (sous le Président Theodore Roosevelt), l'Education et l'Energie en revanche ne datent sous leur forme unifiée que de Jimmy Carter (le libertarien Ron Paul veut supprimer deux Départements en plus, le Logement & Développement Urbain et même le Département de l'Intérieur, qui remonte au onzième président, James Polk, en 1849 !).

    Le Mormon Mitt Romney a vraiment de la chance avec ses concurrents, entre la nullité du charismatique Perry et les harcèlements sexuels de Herman Cain. La base républicaine ne l'aime pas et juge qu'il a été trop modéré dans le passé. Mais cela signifie probablement qu'il voudra donner encore plus de gages aux éléments les plus conservateurs s'il ne veut pas connaître la même révolte de l'aile droite contre lui que Bush Père en 1992.