dimanche 30 janvier 2022

Victoire du PS

 

Mais au Portugal... 

Le Premier Ministre Antonio Costa (PS) aurait même augmenté sa majorité à 42% contre 36% en 2019, 32% en 2015). C'est un échec pour le Bloc de Gauche de Catarina Martins qui venait de retirer son soutien et qui avait fait déclencher cette élection législative anticipée du 30 janvier. Mais avec qui Costa va-t-il devoir faire sa nouvelle coalition si son aile gauche ne le soutenait plus ? CORR. Le PS obtient la majorité absolue même sans ses alliés. 

On peut rappeler les dates de la IIIe République portugaise. 

1974 Révolution des Oeillets par l'armée contre la dictature

1975 Election de l'Assemblée constituante (IIIe République) et victoire de la gauche. 

1976 Le Général Ramalho Eanes (centriste) gagne les élections présidentielles (pour 5 ans). Il est réélu en 1981. Le PS gagne les législatives et Mario Soares (1924-2017) devient Premier Ministre en coalition avec le centre. 

1978 Fin de la coalition, chute du gouvernement Soares. Majorité centre-droit (1978-1983). 

1983-1985 Le PS revient au pouvoir. Nouveau gouvernement Soares

1985-1995 Elections législatives anticipées et retour de la droite avec Anibal Cavaco Silva (né en 1939). Il sera réélu aux Législatives de 1987 et 1991

1986-1996 Mario Soares devient Président de la République et il sera réélu en 1991.  

1995-2002 Antonio Guterres (PS) devient Premier Ministre. 

1996-2006 Jorge Sampaio (PS) devient Président de la République. 1995-2002 est une brève période sans cohabitation (même si Soares, Guterres et Sampaio sont de vieux ennemis politiques). 

2002-2005 Retour de la droite (avec Barroso, Premier Ministre qui sera ensuite plus connu comme Président de la Commission européenne). 

2005-2011 José Socratés (né en 1957, PS) Premier Ministre. 

2006-2016 Anibal Cavaco Silva (droite) Président de la République. 

2011-2015 Pedro Passos Coelho (né en 1964, droite) Premier Ministre. 

2015- Antonio Costa (né en 1961, PS) Premier Ministre

2016- Marcelo Rebelo de Sousa (né en 1948, droite) Président de la République. 

Si on ne compte que les Législatives depuis 1976, sur 46 ans, la gauche a donc pour l'instant gouverné environ 24 ans au Portugal, en 76-78, 83-85, 1995-2002, 2005-2011, 2015-2022. 

Si on compte sur la même période en France, on obtiendrait 20 ans, 1981-1986, 1988-1993, 1997-2002, 2012-2017 (oui, à condition de compter encore le gouvernement Valls comme "de gauche" symboliquement pour simplifier). 

Add. 

Oh, Mme Hidalgo, on dit PS, pas "PSD", nom de la droite... 



Les mondes de la Couronne de Fer (10) Aventures de SpaceMaster (1e)

Voir la partie précédente (règles + Imperial Crisis)

Je regrettais de ne pas trouver d'index des mondes dans l'univers de SpaceMaster mais quelqu'un en a mis en ligne ce qui semble être un document interne d'ICE avec un vieil index inédit de 1988, dont j'ignore s'il est resté canonique dans les coordonnées. 

J'ai fait une erreur dans la première partie en oubliant de prendre en compte la courte aventure qui était incluse dans Future Law (p. 71-79) et devait sans doute servir de prélude à Imperial Crisis mais aussi à Lost Telepaths. Dans ce petit scénario, la Maison Colos prépare une attaque contre un clan mineur, les Nitio-Jairus sur Luria (Rho Perclarae IV, -18, 53, 21 d'après l'index) mais la Maison Jade-London a un plan pour discréditer les Colos en piratant leurs messages par Stations de Tachyons et en révélant leur agression illégale contre le clan mineur. Les Jade-London ont fait appel aux Devon, qui vont eux-mêmes se servir de contrebandiers venus du monde aquatique d'Hyperion IX (24, 44, 76). Les agents privés doivent attaquer une station de relais tachyon sur un planétoïde colosien, COL 72-II (7, 22, 9). Les PJ et PNJ proposés avaient déjà des backgrounds qui ne deviennent clairs qu'avec Imperial Crisis comme une pilote amazone du Clan Baburnica (Alexi Prime) ou un soldat voulant se venger des théocrates spheranx d'Hyperion. L'aventure a été reprise dans la 2e édition avec quelques légères modifications et de nouvelles illustrations (GM's Book p. 71-80). 

 Action on Akaisha Outstation (1985) est une aventure de 36 pages par Terry Amthor. Elle est un complément à l'aventure plus longue Imperial Crisis dans le même secteur. Elle décrit une station spatiale en "espace profond" appartenant à la Maison Devon. Les coordonnées d'Akaisha sont à environ +27, +34, +10, donc seulement à 6,5 années-lumière de Karoline (32, 30, 11), la capitale du Duché de Devon, soit une demi-journée en vaisseau, et à 0.75 année-lumière de Nym 3, un système binaire. Mais le texte dit qu'on est aux frontières des autres Domaines de Colos ou Jade-London

La station sert notamment de relais pour les canaux de tachyons qui permettent de communiquer à travers l'Empire Terrien mais je ne comprends pas bien en ce cas pourquoi avoir choisi de la mettre si proche de la capitale alors que la limite maximale pour les canaux de tachyons montent à environ 30 années-lumière. Ne serait-il pas plus cohérent de l'éloigner davantage pour combler un trou dans le réseau ? On va dire que le réseau des stations a dû se faire avant que la colonisation de Delta C ne soit bien accomplie. Il y a une autre station qui semble être relativement dans le coin sur la carte mais qui est en fait à 72 années-lumière d'Akaisha (donc cette fois trop loin) et qui n'appartient pas au Duché, Nepen Outstation (+28, +32, -62).  



De nos jours, tous les jeux de rôle science-fiction développent une station spatiale et cela n'a plus rien d'original depuis les deux séries rivales Babylon 5 (1993-1999) et DS9 (1993-1999). Il y a eu par exemple Lighthouse (1998) pour Alternity Star*Drive. Certains jeux se centrent même sur une station comme Coriolis ou Oreste. Les stations spatiales sont aux jeux de rôle de SF ce que les villes sont aux jeux de rôle de fantasy. 

La station Akaisha, dirigée par Andaris Kleg, est sous co-tutelle partagée de la Maison Devon et de l'Imperium. Il y a environ 400 permanents (sans compter les 150 Robots) et sur ces membres, 90 sont des militaires des armées des deux puissances. La station a trois cafés dont un seul, La Folie de Magellan, est décrit avec une aventure d'espionnage à la Casablanca avec un agent devonien à aider (mais pourquoi ne demande-t-il pas simplement l'aide de l'administration de la station ?). 

Le second scénario tourne encore autour d'une relique des Anciens trouvée dans le coin. Il y en avait déjà une dans Imperial Crisis et une autre dans Lost Telepaths

Le troisième scénario est encore une fois avec de méchants Colosiens mais il s'agit cette fois de sauver un dignitaire colosien pour que les Dévoniens ne perdent pas la face s'il lui arrivait malheur dans la station.

Lost Telepaths: The Secret of House Kashmere (1986) est une aventure de 62 pages par Terry Amthor. Cela reprend et développe certains éléments d'Imperial Crisis et on voit bien comment les détails commencent à s'accumuler (la chronologie de l'Imperium par exemple commence à y être plus riche.  

On détaille un peu plus d'autres Grandes Maisons en plus des Devon et on les place mieux dans la carte : 

Carlisle (Aldebaran V, 6, 12, -39)

Colos (Gamma Vulpeculae "Orpheus", 4, 40, 14)

Jade-London (Alpha Volantis, "La Maraine", -19, 45, 3)

Si on appelle comme en trigonométrie "quadrants" quatre zones définies par ce système de coordonnées, on voit qu'à part les Jade-London (dans ce que j'appelle le Quadrant II), les Grandes Maisons sont toutes dans le Quadrant I (abcisses et ordonnées positives). 

Il y a deux cartes stellaires : la Maison Kashmere, coalition plus mineure que les Devons mais agressive et ambitieuse, et le secteur Mu Aquilae (34, 17, -56). 

La Communauté de Kashmere a la particularité d'avoir une aristocratie génétiquement modifiée (des Transhumains) avec un taux élevé de pouvoirs psioniques et cela commence à mettre les capacités psi au centre du jeu dans une certaine course à la puissance télépathique. Contrairement à ce que leur nom de "Kashmir" aurait pu faire penser, ils sont plus hellénocentrés qu'indiens ou pakistanais, ce qui est une occasion manquée d'explorer d'autres références alors que les noms grecs ont déjà été si utilisés dans notre propre système solaire. Leur centre est l'Olympe, système Astra (+47x, +9y, -49z), à 65 années-lumière de Delta C. La Communauté a 5 autres mondes principaux en plus d'Olympus, plus quelques fiefs coloniaux : Arcadia (4 Aquilae), Argo (Difda/Beta Ceti), Cygnus (69 Cygni), Oberon (Mu Aquilae), Sparte (Omega Draconis). Le Duc Kashmere (super-Transhumain de Type "XII") règne depuis l'Olympe avec la Baronne Europa Parménide (super-télépathe), les Barons Bennett d'Arcadia, Oreste d'Argo, Lombard de Cygnus, Demetrios d'Oberon, Kiefer de Sparte.  Les Transhumains d'Olympus sont des télépathes, ceux de Sparte des guerriers, ceux d'Argo des adaptations aquatiques. Certains des scénarios sont conçus pour qu'on puisse éventuellement jouer des agents secrets de Kashmere au lieu d'agents de Devon infiltrant Kashmere. 


The Cygnus Conspiracy (36 pages) est signé "Alexander Brooke Lindsay III" mais il est toujours de Terry Amthor. Le scénario présuppose en fait d'avoir Lost Telepaths (plus encore qu'Action on Akaisha Outstation ne nécessitait Imperial Crisis). 

Tara (décrit dans Lost Telepaths p. 27, KAS3, 35, 11, -40) est à côté de Cygnus (36, 12, -71). C'est un monde industriel pollué, dirigé par le Comte Janus-Braxton. Un des scénarios rappelle bien que l'ambiance recherchée est bien un mélange du space opera à la Dune mais aussi du cyberpunk à la Blade Runner puisqu'il s'agira aussi d'y retrouver des Réplicants en fuite. 

SpaceMaster Companion (1986) a surtout des règles mais a aussi un peu de background sur l'Empire. Vers le 113e siècle, la Démocratie Fédérée Terrestre avait commencé sa grande réunification des mondes humains à cause de la question du monopole de l'Andrium, une source d'énergie, mais elle sera remplacée par l'Imperium terrien au 117e siècle (le présent est au 122e siècle mais le nouveau calendrier dit 470). L'Empereur réside sur Terre, à Constantinople (et je pensais que Fading Suns était original avec son Novum Byzantium), avec l'aide des Cardinaux de la Dia Khovaria, une Eglise visiblement descendante des Catholiques romains, qui contrôle les communications à Tachyons et l'information en général dans leurs Réseaux de Données ("le Tabernacle"), des Sibylles de la Cour de justice intergalactique de Valhalla (Vega) et de la MERLOGH qui gère aussi la devise galactique, l'eLmonit (ça change du "crédit"). 

Il y a ce que je crois être une coquille p. 11 dans les coordonnées d'Alpha Volantis (la capitale des Jade-London) où abscisses et ordonnées ont été inversées. C'est -19, 45, 3 en fait d'après la carte stellaire, pas 45, -19, 3. 

En plus des Carlisle, Colos, Devon, Jade, Kashmere, on ajoute 4 nouvelles Maisons, dans le Quadrant II, sauf la première qui serait dans ce que j'appelle le Quadrant III) : 

Augustus Hayes (Alpha Virginis, -23, -40, -55) Bizarrement, un autre système Spica (qui est censée être Alpha Virginis aussi) est mis en -16, -9, -35, ce qui confirme que la carte est imaginaire (Spica étant à environ 250 années-lumière de Sol). 

Hulugu (Regulus, -48, 31, 27)

Kubishev-Lloyd (Eta Pavonis, -10, 59, -13)

Moskava (61 Ursae Majoris, -24, 2, 32)

Le supplément décrit aussi d'autres organisations comme la Ligue des Marchands (la pègre d'Hyperion) ou la République d'Aquitaine (fondée hors de l'Imperium). Les vaisseaux décrits ressemblent plus à ceux de Star Trek. 

Beyond the Core: The Worlds of Frontier Zone Five (66 pages, 1987) n'a pas été écrit par Amthor mais par Tod Foley.  Ils décrivent plusieurs mondes de cette "Zone 5". Dans la carte stellaire de SpaceMaster, le point le plus lointain dans les ordonnées positives était Capella (14, 61, 2) et là on est au-delà de Megan 34 (17, 65, 19). Il faut noter que cette fois l'auteur a pensé à mettre un tableau des distances entre les mondes et que c'est aussi la première apparition d'une carte plus vaste de l'Empire qui sera ensuite comprise dans la 2e édition. 



La Zone 5 (il y a 24 zones coniques autour de l'Empire) est une "Marche" avec des territoires dépendant de l'Empire. Le Clan mineur Detzeer (alliés de la Maison Devon, venus du système Taj V, "Daryi" dans la Zone 6) contrôle Megan 34 ("Mirada", planète désertique), Tegarra (monde en ruines mais avec des réfugiés psis) et Dalos 40 ("Idyllis", planète de vacances). Le Clan mineur Vyrtza (Humanoïdes de classe III de Belandrul 104 (Theran) dans  la Zone de Frontière 4) possède 5 systèmes dont Procol 70 (Kalgarr, petit planétoïde industriel). Les autres cultures sont par exemple les Chacrae de la planète glacée Darrian, les Ketiens (Transhumains guerriers - l'index a tort d'en faire des vassaux des Vyrtza, ce n'est pas dit dans le supplément) et surtout de mystérieux Psions sur Tegarra. Il y a quelques espèces non-humaines comme les M'weum (des bovins à fourrure bleus, à trois pattes et deux mains) sur Tegarra et une espèce plus mystérieuse (et à nouveau très startrekienne) sur Drir

Les trois aventures ne m'emballent pas mais la 3e a quelque chose d'assez original en 1987 avec son réseau virtuel. Je ne suis pas toujours sûr de voir ce que le statut de "Frontière" (ou même le contexte général de SpaceMaster) apporte de spécifique pour ces aventures, en dehors de quelques humanoïdes génétiquement modifiés. 

Tales from Deep Space (36 pages, 1988) par le même auteur Tod Foley ajoute 5 aventures de plus qui seraient censées se passer plus ou moins dans les zones de Frontière si on croit la carte à la fin mais en réalité les références restent complètement vagues et sans lien précis avec la Zone de Frontière 5. Le supplément mentionne la publication de la 2e édition. 

Pour conclure, ces suppléments de la 1e édition n'avaient pas encore réussi à créer un univers aussi dense que les Marches Spinward de Traveller, même si certains mondes étaient mieux développés. Il resterait beaucoup de boulot au MJ pour créer les autres mondes non-décrits dans les environs (surtout que les vaisseaux de SpaceMaster sont assez rapides). Le mieux pour les MJ est de prendre soit la paire Imperial Crisis + Akaisha (Domaine Devon) ou alors Lost Telepaths+Cygnus (Domaine Kashmere). Les deux autres, Beyond the Core et Tales from Deep Space me semblent nettement plus secondaires. 

samedi 29 janvier 2022

The Known World (Ur-Mystara)

On avait évoqué il y a 7 ans les origines et la carte originelle du monde de Mystara dans la campagne D&D de Tom Moldvay & Lawrence Schick (grâce à Bill Wilkerson), le "Monde Connu". Via le forum Piazza, on trouve maintenant de nombreuses notes scannées de la campagne de l'époque en 1973-1979 à Kent State University, Ohio (avec le continent d'Imirrhos) et c'est assez éblouissant pour les fans de l'histoire du jeu de rôle. Ces notes de 1979 sont tellement riches qu'on croirait presque qu'ils avaient conçu un nouveau jeu de rôle et pas seulement un supplément pour D&D (avec pas mal d'oeuvres mélangées, comme les romans de Barsoom & Pellucidar et une influence claire d'Arduin aussi) même si on n'est quand même pas au niveau d'originalité d'Empire of Petal Throne

C'est ce que j'admire le plus dans la "Vieille Ecole", cet enthousiasme visible où ils pouvaient consacrer des heures à créer non pas six ou sept pays mais 25 origines différentes. 

Ce nom d'Imirrhos fut ensuite réutilisé deux fois par Tom Moldvay : dans un wargame (Revolt on Antares) et dans un scénario de son jeu de rôle Lords of Creation

(carte refaite par James Mishler)

Les noms de pays ont souvent été réutilisés tels quels pour Mystara et on retrouve même certains détails qui ne seront pas changés en dehors de la carte. Le Royaume de Gorrlewin (futures Principautés de Glantri, mais qui ne garderont rien de "gallois") est déjà une magiocratie et cache ainsi un secret, qui deviendra la "Radiance" dans Mystara. Certains détails changent : leur Karameikos était plus la ploutocratie de Darokin et Minrothad était une matriarchie. 

En revanche, ils n'ont pas du tout conservé le panthéon (p. 76-83 dans le document composé par Shannon Appelcline). Les dieux sont souvent par paire d'opposés, comme les deux dieux de la Guerre. 

Bleskuta le Destructeur : Mal

Cyrullia le/la Guérisseur.se : Bien

Demyuritas : Arts, Beauté

Golod : Mort

Karnawen : Chaos

Manturin : Equilibre

Marly l'Inquisiteur : Justice et vengeance

Morilirom : Ordre

Phafra : Transcendance

Rasan Korya : Individualisme

Rilifloham : Nature

Sedjima : Connaissance

Slarsken Obel : Evolution

Sog-Morthoth : Dévolution

Temanamat : Vie

Thakta Tylden : Guerre, Chaos

Tholtanooma : Guerre, Loi 

L'alignement "Dévolution" (de Sog-Morthoth contre la sélection naturelle de Slarsken Obel) était un gag sur le groupe de rock Devo qui s'était justement formé en 1973 dans la même Université de Kent State (et le nom du groupe était déjà une référence à une blague locale des étudiants de l'Ohio). 

jeudi 27 janvier 2022

Le panthéon de Thylea (Odyssey of the Dragonlords)

Malgré tout mon vif intérêt pour la mythologie grecque, je crois que les jeux de rôle inspirés de ce thème commencent à être en trop grand nombre et que D&D notamment n'a plus besoin d'autres univers dérivés de ce contexte - autant reprendre la vraie mythologie peut-être. Mais le thème doit être encore à la mode et la campagne Odyssey of the Dragonlords a une présentation très réussie. Donc voici après Theros ou Tylestel , la mythologie de Thylea (qui fait l'objet d'un foulancement en français par Arkhane Asylum en ce moment, voir aussi sur RolisteTV la présentation de la VO). 

Au début vivaient les quatre Titans primordiaux : Thylea (Gaia mais liée à un Arbre Immense), Kentimane (un Hécatonchire, mari de Gaia, en gros... l'Homme Vert ?) et ensuite leurs deux enfants, les Titans jumeaux, Sydon (Okeanos ou tout simplement Poseidon, mais sous ses aspects les plus violents) et Lutheria (mélange de Nyx, Tartaros, Morphée, Perséphone, Hécate, mère des Fées, soeur jumelle et épouse de Sydon). Sydon et Lutheria, la Mer et la Mort, semaient la destruction avec leurs monstres. 

Puis vinrent les cinq Dieux qui luttèrent contre les Titans Jumeaux avec l'aide des Seigneurs-Dragons, la Déesse Mytros, déesse de l'aurore (mélange d'Eos, d'Athéna et d'Asclepios), qui épousa Volkan, dieu de la forge (Hephaïstos) et ils eurent trois enfants : Vallus, déesse de la sagesse (Athéna), Kyrah, déesse de la musique (mélange d'Apollon et d'Hermès ou Dionysos) et Pythor, dieu de la guerre (Chaotique Bon, des aspects d'Athéna plus qu'Arès). La Cité de Mytros est un équivalent d'Athènes et l'Aresia serait Sparte (le choix du nom est curieux si Arès n'existe pas dans ce monde). 

Je suis étonné par le faible nombre de dieux choisis et par le fait de centrer le jeu sur de Bons Dragons métalliques, ce qui paraît un peu plaqué sur le thème grec. C'est en gros un mélange entre les Argonautes et Dragonlance

Un détail qui m'a fait rire est que le Philosophe est une sous-classe du Magicien (avec une spécialisation assez faible : les sceptiques ont des bonus pour échapper aux illusions, les épicuriens et, dans une moindre mesure, les stoïciens peuvent se soigner, les sophistes ont des bonus en Persuasion - tout le monde va prendre épicurien, non ?). 

mercredi 26 janvier 2022

Onomastique haïtienne

Quand on lit l'histoire de Haïti à la fin du XIXe, début XXe, on a l'impression d'une République encore plus marquée par Plutarque ou toute l'histoire ancienne que toute notre Révolution française : 

Le Président à vie Lysius Salomon (1815-1888) a dans son gouvernement le ministre des finances Callisthène Fouchard (1840-1915) et comme consul diplomatique Tullus Rousseau. Le Secrétaire à la Guerre, le Général Tirésias Augustin-Simon Sam (1835-1916) aura ensuite comme successeur Séide Thélémaque. (...)

Après la crise cardiaque du Président Florvil Hyppolite (président de 1889 à 1896), le pouvoir est confié temporairement à un Conseil de transition qui comprend le Général Tirésias Augustin-Simon Sam, le Général Tancrède Auguste (1856-1913), le même Callisthène Fouchard, le juriste Solon Ménos (1859-1918) et un certain Thimoclès Labidou, Ministre de l'Instruction publique. 

Tirésias Simon-Sam fut élu par le Sénat pour un mandat de 7 ans en 1896. Un de ses ministres des Travaux Publics s'appelle Démosthène Césarion. Mais en début 1902, la guerre civile entre les troupes d'Anténor Firmin (1850-1911) et le Général Pierre Nord Alexis conduisirent à sa chute. Le Général Nord Alexis prend le pouvoir jusqu'en 1908 où il veut se faire proclamer Roi de Haïti (parce qu'il avait épousé une nièce de l'ancien Roi Henri Ier). Ce couronnement déclenche une nouvelle révolution. 

En 1911, le Général Cincinnatus Leconte arrive au pouvoir mais le Palais Présidentiel subit un attentat à la bombe où il meurt avec une partie de ses proches (une théorie dit que la bombe ne fut mise que pour dissimuler les circonstances réelles de son assassinat). Un des membres du conseil de transition s'appelle Tertullien Guibaud. Après la brève présidence de Tancrède Auguste et de Michel Oreste (1859-1918), c'est le Général Edmond Polynice (1865-1915) et Oreste Zamor (1861-1915) qui deviendront Présidents (un des Ministres de la Guerre s'appelle Horatius Philippe). 

La dualité être et connaître

Quelques notes naïves et peu claires, à bâtons rompus. Le prétexte est en lisant le petit article d'apologie de l'Idéalisme hégélien par Robert Pippin. Il y donne son interprétation un peu déflationiste de l'hégélianisme, où Kant est compris avant tout comme un accomplissement de la Pensée de la pensée et où la Raison n'a plus rien d'autre qu'elle-même à saisir. 

Esse et cognoscere, ens et cognitum

Une des premières choses qu'on apprend en philosophie est le fait de se méfier et de ne surtout pas utiliser des termes comme "idéalisme" et "réalisme" qu'on voulait vous faire apprendre dans les vieux lexiques comme le Lalande (ou dans des manuels marxistes qui changeaient "réalisme" en "réalisme matérialiste"). Ces mots du jargon philosophique ont été inventés au Siècle des Lumières par les Wolffiens de la Schulphilosophie pour classifier les systèmes mais la distinction devient vite obscure et confuse avant même que Kant ne vienne tout compliquer en disant qu'il était un réaliste empirique et un idéaliste transcendantal

On commence l'histoire de la philosophie en disant que le réalisme est le fait d'admettre quelque chose au-delà de nos pensées (res extra mentem) et que l'idéalisme serait le fait que ce qui existe réellement n'est que des pensées et les objets de nos pensées. Voir aussi Dummett sur la définition ("logique") du réalisme. (les Wolffiens pensant sans doute plus à l'Immatérialisme empiriste de Berkeley pour qui il n'existe que Dieu, des sujets éprouvants et des expériences éprouvées). 

Mais ensuite, cela se complique. Platon dit que la vraie réalité absolue et éternelle est les Idées universelles en soi indépendantes de mon âme particulière mais qui ne sont que de purs objets et porteurs de ce qui est pensable (la matière n'étant peut-être tout au plus qu'une singularisation contingente de ces réalités, du moins dans l'interprétation scolaire (néo-)platonicienne). Et là, on vous dit que Platon est le père de l'idéalisme occidental (puisqu'il dit que la réalité est plus mentale qu'opaque à l'esprit, plus de la pensée que du réceptacle matériel) et le plus pur des réalistes (puisque ces Idées sont éternelles et absolues, indépendantes de ma pensée individuelle). Oui, d'accord, c'est alors un réaliste spiritualiste et non un idéaliste spiritualiste (ce qui ne serait représenté par personne avant des formes récentes de phénoménisme puisque chez Berkeley, Malebranche ou chez Leibniz, le réalisme spiritualiste réapparaît dans l'Esprit divin qui coordonne toutes les idées dans les sujets). 

Une des choses qui me rendaient hélas trop hégélien dans ma jeunesse et qui me faisait croire à un grand Méta-Récit Mythique de la Métaphysique était le fait que le commencement inaugural de toute la philosophie semblait en effet partir de cette question que l'idéalisme allemand va réciter ensuite (car le Romantisme de Hegel fut bien sur ce point une obsession sur la question du commencement). Dans son poème obscur, Parménide d'Elée énonce : 

.. τὸ γὰρ αὐτὸ νοεῖν ἐστίν τε καὶ εἶναι. (...)
Χρὴ τὸ λέγειν τε νοεῖν τ' ἐὸν ἔμμεναι·
... c'est le même, le fait d'être et le fait de saisir [l'être],  (...)
Il faut que le fait de parler soit à la fois la saisie et ce qui est

Dire que l'être (ou l'étant) est la même chose que l'acte de penser semble bien être la définition de l'idéalisme (la pensée est adéquate pour saisir tout, tout est pensable, tout est fait pour être pensé) mais cela peut aussi être déjà du réalisme spiritualiste. (ce qui est existe est une réalité faite pour être de la pensée). Et de nombreux commentateurs de Hegel à Heidegger y voient un programme ou destin de toute la métaphysique occidentale, qui serait distinct de "l'idéalisme" indien qui affirmait que mon âme individuelle est en fait une avec l'absolu créateur (et on trouve de vieux textes simplistes opposant un réalisme occidental à un idéalisme oriental). 

Raison et expérience

Kant a inventé son grand récit où la philosophie se serait perdue dans un conflit insoluble entre les excès des rationalistes et des empiristes, entre le réalisme des idées-rationnelles et le réalisme des idées-expériences et qu'il fallait qu'il arrive pour poser son idéalisme transcendantal où les idées-rationnelles n'étaient plus que des conditions a priori sans réalité objective pour légiférer sur les expériences possibles, pour fixer un idéal moral absolu (indépendant de toute certitude de sa réalisation empirique) et la mathématisation newtonienne (où l'expérience est donnée dans la certitude scientifique par une forme a priori mais donnée hors de tout concept de notre raison, dans l'espace-temps). Kant justifiait un grand réordonnement des classifications wolffiennes pour être un accomplissement et instauration de la métaphysique de la raison. On passait de l'immanentisme de la métaphysique de Spinoza (où toute transcendance est illusion) à des conditions hors de toute expérience comme des sortes d'illusions nécessaires. La différence entre le fictionalisme de Hume (où la Raison est inerte) et cette métaphysique de la raison était que la raison devait engendrer dans le vide des concepts purs à déployer. 

Pour les empiristes, Kant n'était qu'un rationaliste qui voulait réintroduire en cachette le cheval de Troie de la métaphysique rationaliste par son idéal pratique (et en effet, il redonne des "preuves" morales de la liberté et de l'existence du Souverain Bien). Pour les idéalistes allemands comme Hegel, Kant n'était qu'un empiriste modéré qui tentait de borner le scepticisme de Hume par une forme plus compliquée que Locke. Et Husserl commente plus tard que c'est bien l'empirisme radical de Hume qui va instaurer la révolution de l'idéalisme transcendantal (la contradiction apparente et le conflit d'interprétation entre phénoménisme sceptique et naturalisme déterministe n'étant qu'un reflet de cette révolution ?). Et pour les Kantiens, le projet hégélien n'était qu'une tentative vaine de restaurer la métaphysique dogmatique comme théologie contre les limites de la raison humaine. L'interprétation de Robert Pippin pour sauver Hegel cherche à réinsérer la métaphysique de Hegel comme accomplissement du projet critique de Kant, comme moderne et non pas réactionnaire (si la révolution critique a voulu montrer que la raison philosophante ne peut rien saisir qu'elle-même, cela donne une philosophie qui étudie une logique interne de toute détermination de pensée). 

En passant, je me suis souvent demandé par quelle sensibilité au sentier l'Angleterre et l'Allemagne se sont ainsi si séparés sur la question du langage. Locke et Berkeley (peut-être comme Roger Bacon) consacrent une grande partie de leur épistémologie à des questions de sémantique, bien avant la philosophie analytique (Condillac et les Idéologues sont des philosophes lockiens et donc plus analytiques). Kant ou Hegel ne s'en préoccupent pas tellement au contraire. Mais malgré toute l'obsession sur la sémantique et le tournant linguistique, la question même du langage n'étant depuis Locke qu'un fait à étudier comme une condition de l'épistémologie et non de la réalité (de même pour le psychologisme de Hume qui part d'une facticité de lois psychologiques d'association). 

Métaphysique et épistémologie

Richard Rorty expliquait dans l'Homme spéculaire une version simplifiée du Grand Récit en disant que la philosophie était dans l'ensemble une évolution de la métaphysique (Platon, Aristote) vers l'épistémologie (Locke, Kant) et que c'est avec l'empirisme de Locke plus encore qu'avec le réalisme substantialiste de Descartes, Spinoza ou Leibniz que cette révolution épistémologique avait eu lieu : la question de la fondation de notre science humaine devait primer sur la question ontologique de partir des grands êtres (Dieu ou l'Âme du Monde) comme objets et principes de la science. La philosophie contemporaine avait été une critique de la métaphysique et les Positivistes, les Néo-Kantiens ou les Phénoménologues étaient tous une incarnation de cette priorité de l'épistémologie. Le vérificationnisme qui dit qu'un sens n'est qu'une procédure de vérification fait dépendre tout concept d'abord d'actions réalisables et non plus de présuppositions de réalités. 

Cela ressemble un peu à une caractérisation par Fichte de l'histoire de la philosophie, le réalisme consiste à dire que c'est la métaphysique qui doit trancher des questions épistémologiques alors que l'idéalisme dit que c'est notre épistémologie (de sujet) qui doit trancher les questions métaphysiques. Mais Fichte compliquait la question pragmatique en projetant aussi la dualité théorique / pratique : le réalisme est le rapport théorique (je dois me représenter la réalité objective à laquelle je veux que mes représentations soient adéquates) et l'idéalisme un rapport pratique et éthique (je voudrais que mes représentations idéales deviennent la réalité). La chose en soi est une norme pour le progrès théorique mais au-contraire quelque chose à dépasser pour le progrès pratique. 

Ou pour parler plus précisément dans l'interprétation de l'empirisme "holiste" (l'épistémologie "naturalisée") de Quine : ce n'est pas la priorité de l'épistémologie mais l'absence de toute philosophie première de surplomb et de toute priorité dans les sciences qui devaient toutes être capables potentiellement de modifier les réseaux de nos schèmes conceptuels : l'épistémologie devait devenir une science parmi d'autres, de la psychologie évolutionniste et plus de la philosophie, pour évincer enfin ses derniers présupposés méthodologiques de fondation métaphysique. 

On peut douter de ce Grand Récit de Rorty, même avant que la philosophie analytique n'ait refait son retour métaphysique avec la philosophie de la psychologie (Philosophy of Mind). Partir des Idées en soi n'était-il pas depuis toujours aussi une question "épistémologique" ? Devait-on vraiment subordonner la question de la science chez Platon à la question de l'Un et des Idées ? De même chez Aristote, il paraissait difficile de désolidariser la réflexion sur les substances composées ou non de la fondation d'une "physique" du changement. L'Acte Pur de la pensée de la pensée était aussi pensé comme une condition du devenir (la cause finale de toute potentialité). 

Scepticisme

A la place de métaphysique et épistémologie, on peut aussi réactiver le couple réalisme et scepticisme. Le réalisme réapparaît toujours face à l'insatisfaction face au scepticisme et le scepticisme doit à son tour se nourrir en réaction au dogmatisme du réalisme. Hegel voyait Kant comme un certain type de sceptique (la classification de Kant comme "intuitionnisme" en morale par la philosophie analytique me paraît discutable comme la Loi morale fait bien l'objet d'une analyse a priori de la forme même de la législation, contre le calcul empirique du conséquentialisme ; il est certes "intuitionniste" en philosophie des mathématiques par sa théorie de la construction synthétique dans l'espace-temps). Le réalisme spéculatif récent défendait le retour d'une métaphysique (contre une domination d'un "corrélationnisme" de la phénoménologie) mais en parlant de contingence et de "finitude radicale" mais on voit mal comment cela ne finit pas ensuite par repartir d'une base finie, limitée et relative. 

On parle récemment dans le Naturalisme psychologiste d'un "méta-scepticisme". Ce serait un scepticisme non plus seulement sur les données épistémologiques des sciences, comme d'habitude, mais sur la méthodologie même de la philosophie comme analyse conceptuelle ou connaissance a priori. Selon eux, dès nos réactions aux expériences de pensées censés réarranger et étendre nos schèmes conceptuels au-delà de nos préjugés, nous ignorerions nos propres présupposés. C'est donc une forme d'empirisme poussé contre la méthode, où même les résultats des analyses a priori sont douteux à cause de cadres conventionnels inaperçus. 

Mais insister sur une métaphysique réaliste tout en parlant de la finitude radicale des individus réels ne devrait-il pas conduire vers une forme de scepticisme ? On serait alors en quelque sorte "réaliste" du point de vue d'une méta-philosophie au sens où il y a une réalité au-delà des problèmes philosophiques qui ne seraient que des représentations contingentes d'une tradition, mais on serait sceptique sur le contenu de ce que les différentes philosophies pourraient tenter de produire. Une méta-philosophie "éclectique pragmatique" que nous utilisons souvent par défaut dans notre discours consensuel est la chose la plus répandue mais revient, elle, à un scepticisme méta-philosophique. 

dimanche 23 janvier 2022

Jean-Claude Mézières (1938-2022)

Mézières fut un astre important dans la sf française. En dehors de Laureline & Valérian, un de mes plus vieux souvenirs de sf est la couverture que Mézières fit pour Le Vagabond des Etoiles de Heinlein. 

Cette couverture de Mézières pour un obscur roman de Gerrold, Starhunt, 1972, ferait un joli écran de jeu de science fiction. 


Add. 

Via Judge d'Arkham



mardi 18 janvier 2022

Les mondes de la Couronne de Fer (9) l'Empire terrien de SpaceMaster

(Voir l'épisode précédent : Gryphon World)

En 1985, 3 ans après MERP, les auteurs de I.C.E. lancèrent leur jeu de rôle de science-fiction, SpaceMaster, une adaptation de RoleMaster. Ces auteurs étaient surtout Kevin Barrett (qui fit aussi le wargame de sf dans le même univers, Silent Death) et  le regretté Terry Amthor

Comme je l'ai déjà indiqué, Kulthea, le monde médiévale fantastique de RoleMaster, est une planète isolée dans l'univers de SpaceMaster : Ceril VII (+35X, +20Y, +80Z) dans le domaine de la Maison Devon. Un des secrets est que Kulthea/Ceril est le lieu d'origine des Grands Anciens humanoïdes qui ont répandu la forme de vie humanoïde dans tout l'univers. Il existe quelques espèces intelligentes non-humanoïdes mais elles sont rares et peu développées. 



Il était une fois les espaces

Le jeu de base était censé être relativement dénué d'arrière-fond mais il y avait déjà un début d'univers de space opera qui sera développé dans la première aventure Imperial Crisis: House Devon in Turmoil, avec une influence claire de Dune (les tribunaux utilisent des psis nommées les Sibylles de Vérité). Ce n'est guère étonnant comme Shadow World, le monde de fantasy, avait déjà sa Guilde des Navigateurs. Cet univers va être approfondi peu à peu dans les aventures, dans le SpaceMaster Companion (1986) et surtout dans la seconde édition du jeu. 

Un défaut est la pauvreté en informations sur les mondes par rapport aux listes de caractéristiques des mondes dans Traveller. Les cartes stellaires, peu denses, ont aussi une tendance à être lacunaires avec de nouveaux systèmes qui apparaissent selon les scénarios (un peu comme dans ceux de Star*Drive). 

Les règles de la première édition étaient divisées en deux livrets vendus séparément, Future Law (personnages, etc.) et Tech Law (vaisseau spatial surtout mais aussi construction de robots ou d'androïdes). 

Les vaisseaux indiqués dans Tech Law p. 23-24 vont à une douzaine d'années-lumières par jour. On peut reprendre ici la comparaison avec les autres jeux de sf dans ma review de SpaceQuest : ceux de Traveller ne dépassent généralement pas 7 ou 13 années-lumière par semaine et ceux de Space Opera font plutôt du 1 année-lumière/heure

Cette vitesse explique peut-être pourquoi les systèmes (dans la carte 3D) sont plus éloignés les uns des autres que ceux de Traveller. Un voyage de 100 années-lumières ne prend que dix jours dans SpaceMaster et plutôt dix semaines dans Traveller

Je soupçonne par quelques indices (tout en ayant la flemme de confirmer) que cette carte n'est pas censée avoir la fiabilité scientifique de celles d'Universe ou 2300 AD mais les noms font assez vraisemblables et je ne demande guère mieux pour la suspension of disbelief. La description paraît plus vivante que les atlas du jeu Space Opera

La carte est parfois difficilement utilisable à cause de l'axe des Z où ils ont laissé des nombres trop élevés, ce qui crée donc des illusions de proximité. Ceril VII a l'air d'être à côté de Delta Cassiopieiae mais elle est en fait à 70 années-lumière. 

Dans Traveller, rien ne va plus vite qu'un vaisseau et donc l'information va par la Poste. Dans l'Empire terrien de SpaceMaster, il existe en plus des vaisseaux des canaux de tachyons mais ils n'ont qu'une portée de 30 (Tech Law p. 4) ou 50 années-lumière (par la suite) et ont donc besoin de stations de relais. Il est amusant de constater qu'au début, ce n'est qu'un détail qui va devenir un point central par la suite quand toutes ces stations de tachyons seront organisées par la "Dia Khovaria" (l'Eglise qui contrôle ce réseau de télécommunication, l'analogue dans SpaceMaster à la fois de la Guilde des Navigateurs et des Bene Gesserit, ou peut-être les Cyclans de Dumarest, voir SpaceMaster 2, GM's Book p. 46-47).  

(Xéno)biologie

SpaceMaster avait de nombreuses espèces jouables mais presque toutes dérivées de l'Humanité. 

Il y avait les Humains terriens, les Xéno-Humains (humains nés dans des environnements d'autres planètes), les humanoïdes (dérives génétiques des Humains), les Transhumains (humains modifiés par eugénisme), néo-humains (mutant supérieurs), les réplicants (humains formés par génie génétique dans des fonctions précises) et les androïdes. 

Chacun de ces hominidés sont divisés en fonctions spécialisées : les Transhumains de type I sont des guerriers, de type II des techniciens, de type III des Mentats, de type IV des Télépathes. L'Empire terrien peut persécuter les androïdes et réplicants mais il a l'air habitué à utiliser des pouvoirs Psi. 

Future Law décrivait quelques exemples de cultures humanoïdes (p. 22-24). 

Les Spheranxes sont des xéno-humains xénophobes et tyrannisés par une théocratie communiste exilée sur le monde aquatique Hyperion IX (+24, +44, +76, qui abrite aussi d'autres cultures dont la puissante Mafia hypérienne, cf. Imperial Crisis p. 25, p. 60). Les Spheranxes ne sont pas vraiment une parodie des Fremen, leurs leaders leur mettent des puces pour les détruire s'ils désobéissent ou si l'Imperium surveillait de trop près leurs affaires. 

Les Mesheshas sont un exemple des tribus de xéno-humains primitifs dans les jungles de Saiph (+19, +31, -47, donc à 124 années-lumière d'Hypérion). Il y a beaucoup d'autres exemples par la suite. 

Delta Cassiopeiae (+32, +30, +11), système de Karoline, la capitale de cette région,  est à 59 années-lumière de Saiph et à 88,5 années-lumière d'Hypérion

Future Law et SpaceMaster Companion ajoute quelques espèces extraterrestres mais la zone de départ, la Maison Devon est exclusivement humanoïde (en dehors de ces mystérieux robots Ramas) : 

Les Adanakees sont des sortes d'amphibiens qui ressemblent à des grenouilles sans yeux. Ils sont hyper-individualistes et sans gouvernement. Ils n'ont pas encore l'hyperpropulsion. 

Les Aoemarans de Zosma VI (-45, 21, -25, à 83,5 a.l; de Delta Cassiopeiae) sont de petits protoplasmes translucides télépathes qui forment des symbioses avec des créatures d'autres espèces en entrant dans leur organisme. Ils accompagnent leur support et lui donnent en échange des capacités de régénération. Le SpaceMaster Companion p. 51 conseille de les utiliser comme un PJ en symbiose avec un autre PJ, et pas comme de simples familiers PNJ. Cela fait bien sûr penser aux Trills dans Star Trek

Les Ghediens sont des félinoïdes velus qui semblent avoir été des androïdes conçus par un peuple inconnus. Ils sont très bien intégrés dans l'Empire terrien. 

Les Olze sont des créatures immenses (5-10m3) et incompréhensibles vivant en symbiose avec des structures cristallines qu'ils utilisent pour leurs technologies. Là encore, cela me paraît assez "star trekien". 

Les Triloptères (décrits dans le Companion) sont des créatures à trois consciences et trois tentacules. Ils servent la Maison Jade-London de l'Empire et sont de bons techniciens malgré leurs problèmes d'attention et une certaine lâcheté. Ils font un peu penser aux Marionnettistes de Pierson mais surtout aux Trilax de SpaceQuest

Les Xiomara Ramas sont des robots intelligents de différentes formes et aux constructeurs inconnus qui habitent Mintaka VII (+21, +15, +20, à 20,5 années-lumière de Delta C.). 

La première aventure

Imperial Crisis: House Devon in Turmoil (64 pages, 1985) est indispensable pour entrer dans les détails de l'univers (tout comme Spinward Marches avait été la vraie première description de l'Imperium de Traveller). Mais c'est un cadre un peu rapide, avec plusieurs aventures qui se concentrent uniquement sur une poignée de systèmes dans la zone de la Maison Devon, le Secteur Delta C

Nous sommes en l'An 470 de l'Empire, environ 9000 ans dans le futur, mais cela ne fait que 1500 ans que l'Humanité dispose de l'hyperpropulsion et surtout des communications en tachyons. 

L'Empire, qui a succédé à l'ancienne Fédération démocratique, règne depuis la Terre (Sol est toujours utilisée comme le point d'origine des coordonnées) mais les anciennes Méga-Corporations Colos, Devon, Hulugu, Jade-London, Kashmere sont devenues des Maisons de Seigneurs héréditaires dans la grande Bourse interstellaire (le MERLOGH, qui est donc la C.H.O.A.M.). 

Il existe d'autres juridictions au-dessus de l'Empire Terrien comme la Cour Galactique de l'Humanité sur Vega. Vega est à la fois le siège de la MERLOGH, de la Cour Galactique et de la Police (Vega IV, "Valhalla", +3, -20, +17, à environ 26 a.l. (tiens, presque la distance réelle) de la Terre et à 58 a.l. de Delta Cassiopeiae). 

Delta Cassiopieiae VI aussi appelé juste Delta C, Karoline, la capitale des Devons, est à 45 a.l. de la Terre (alors que nous savons que la vraie Delta Cassiopeiae (Ruchbah) est plutôt à 99 années-lumières). La langue locale est un mélange du standard impérial et de Mandarin, comme les premiers colons étaient en majorité chinois (les Yung). On passera sur un détail où l'auteur semble confondre Chine et Japon et dit que les Yungs ont des écoles de Ninjas

La Maison Devon est dirigée par le vieux Lord Yama Pythagore III Devon. Traditionnellement, Devon, qui commença comme une compagnie d'électronique, est allié des Jade-London et violemment opposée aux Colos, au point que les directeurs Devon sont souvent assassinés par des agents colosiens. Les Ducs de Devon ne sont pas aussi idéalisés que les Atréides mais Colos fait penser aux Harkonnens. (de même que Fading Suns a ses Hawkwood et ses Decados). Comme dans Traveller, l'univers est très décentralisé et le contrôle des Seigneurs Devon est relativement distant sur leurs planètes. Une originalité est que l'Empire n'a pas l'air de trop redouter un risque de soulèvement ou de trahison de la part des Devons. 

Mais en plus des complots prévisibles des Colos, ce livre donne 4 aventures et développe aussi d'autres pistes dont une crise interne causée par plusieurs opposants, dont deux clans en théorie vassaux des Devons, plus des inquiétudes de l'Imperium lui-même qui surveille le domaine. Pour suivre tous ces conflits, il faut utiliser les cartes. Les mondes ne sont pas bien indexés et c'est à vous de les retrouver sur les cartes. 



J'en redonne quelques-uns que j'ai trouvés : 

Alexie Prime (7 Aurigae, 30X, 28Y, 37Z) est un monde froid. Les membres du Clan Baburnica ont une oligarchie et gynocratie sexiste mais ont juré vassalité aux Devons, pour l'instant. p. 25

Ceril VII (+35X, +20Y, +80Z) est Kulthea, le Shadow World. Les PJs sont censés juste savoir que c'est un monde primitif où les agents des Devons n'ont jamais réussi à s'implanter. Mais l'extérieur sait qu'il y a des traces de la civilisation qui a essaimé dans toute la galaxie. 

Dev 7 (27, 19, -1) ne contient que des Mines d'astéroïdes. p. 23

Midden II ("Planète de Greamann", Sigma Cassiopeiae, 27, 32, 72) est un monde sans rotation. Le Clan des Benkans est une Maison vassale des Devons. p. 24

Rahayna (Pyskar III, +36, +36, +2) a une population primitive, les BjaBja. p. 27

Tjokjad (Kepler II, 30, 39, 51) a une population fondamentaliste religieuse. p. 22

En 64 pages, c'est très riche, même si je regrette de ne pas avoir une synthèse ou un survol de tous les mondes ainsi qu'un tableau de toutes les distances qu'il faut calculer soi-même (contrairement à Star*Drive qui récapitulaient cela en plus de sa carte 3D). 

Les scénarios commencent souvent avec des missions qui présupposent que les PJ sont des marchands ou des mercenaires plus que des agents secrets ou politiciens mais les intrigues sont ensuite assez politiques. 

samedi 15 janvier 2022

Interview du créateur d'Irilian

Sur GROGTALK sur Youtube. 3 heures (tourné il y a 3 ans) avec Daniel Collerton... 


Irilian
était une cité pour AD&D publiée en six épisodes dans White Dwarf #42 - #47 (juin-novembre 1983, repris dans Best of White Dwarf 3) et ce fut la première cité de jeu de rôle que j'ai jamais lue, comme je n'avais pas Pavis (et ma Pavis non-officielle avait donc des influences d'Irilian). 

Le magazine Imagine commença à construire la cité de Pelinore à partir de juillet 1984 un an après et elle avait moins de charme (même si la mythologie de Pelinore n'est pas si mal). Daniel Collerton (qui est devenu psychologue) venait de faire deux mois avant une critique très élogieuse pour le Nain Blanc #40 pour la cité de Starstone publié en 1982 (dont les premiers chapitres étaient aussi parus dans le Nain blanc) et Collerton réalisa ensuite ce chefs d'oeuvre des Cités de jeu de rôle des années 1980 (il semble curieusement n'avoir pas mentionné la Cité du Hégémon Invincible). Il avait gagné un concours de créature (les Hommes-Mouches, avec une aventure) dans le #23 (février 1981) et dans Irilian, il avait fait l'effort de développer un décalage linguistique avec tout un riche lexique (tous les noms ou termes des toponymes étaient dans une forme de vieil anglo-saxon au lieu de l'anglais). Comme la cité était publiée par épisode en même temps que la campagne, elle suivait les quartiers et spécialisations du lieu. 

A la fin de la campagne (je peux le spoiler, c'est raconté aussi dans la vidéo), un des PJ doit accepter de se sacrifier pour sauver le monde, ce qui serait une jolie fin pour un film mais moins dans un jeu de rôle, je pense. La cité a aussi une chouette société secrète qui luttait contre les Vendeurs d'esclaves de la ville, ce qui donnait une lutte politique intéressante. 

Kellri a eu l'autorisation de refaire une adaptation de la Cité

Le Panthéon de la Déesse Laidhanas d'Irilian comprend : 

* DauthrMan (NG): Dieu de la Mort paisible et des voyages tranquilles
* Esrif (CN): Dieu du Combat 
* Felthu (CN): Déesse de la fertilité
* Forgiefanas (LG): Déesse de la compassion.
* Lagu (LN): Dieu de la Loi. 
* Laidhanas (CN): La Déesse suprême, déesse de la Famille. 
La Primat de Laidhanas (Aslas Radedohtor, Cleric 8) est la chef religieuse d'Irilian. 

jeudi 13 janvier 2022

Mythe vs Fantastique

L'épopée mythique présupposait un mythe que connaissait déjà l'auditeur. Elle n'avait pas à faire de l'exposition didactique ou jouer sur l'intrigue et reposait donc sur la mise en forme d'une intrigue déjà connue. Le plaisir était très différent puisqu'on n'attendait pas une chute, une intensité de la surprise mais tout au plus des décalages dans les refrains. 

Le goût moderne pour la construction complexe des intrigues va donc avec une moindre importance de la forme. Le roman en prose est plus du côté de l'histoire que du formalisme. 

Les critiques de l'Antiquité vantaient les poètes épiques qui ne se prenaient pas pour des historiens exposant les origines et qui choisissaient des fragments du mythe à dramatiser : Homère contre Stasinos de Chypre, Arctinos de Milet ou Lesches de Lesbos (mais le chant II de l'Iliade avec le Catalogue des Vaisseaux ou des passages aux Enfers avec la Nekuia du chant XI de l'Odyssée ont déjà une fonction de liste érudite). Les poètes du cycle épique commençaient, avant ou après Hésiode, à transformer le mythe en une mythologie à organiser et donc à l'historiciser. Homère est dans une scène dramatique, dans une unité in medias res alors que la mythologie au contraire va devenir une longue frise chronologique et généalogique pour rationaliser ses contradictions. 

L'épopée fantastique contemporaine est le contraire de l'épopée mythique car elle doit nécessairement présenter et exposer un univers et mythe original qu'elle ne présuppose pas avec les lecteurs (sauf dans certains cas particuliers comme la réutilisation décalée de la Matière de Bretagne). C'est le roman historique qui lui sert plus de modèle que la poésie. 

Cela doit donc aussi atténuer les effets formels et constituer de faux apparats critiques plus prosaïques, des notes, des appendices, un ensemble non-linéaire autour de l'intrigue. On est passé de la poésie à la philologie. Borges est un poète mais pas un romancier, il reconnaît souvent résorber toute intrigue en un résumé philologique ou dans le commentaire. A l'inverse, Nabokov est un poète qui parodie les notes universitaires pour en tirer des effets poétiques et ironiques. 

Même le comic book se sert de paratexte comme les notes de bas de page ou des compilations encyclopédiques pour s'y retrouver dans les labyrinthes de leurs références fictives, mais il faut dire qu'ils le font moins depuis qu'ils présupposent que le lecteur pourra retrouver ces informations par lui-même hors du texte, sur Internet. Les notes des éditeurs ont disparu comme les Bulles de Pensée jugées trop peu cinématographiques, parce que la règle behavioriste de la narration anglosaxonne est Show, Don't Tell. En ce sens, le fait que les notes d'exposition soient exclues du récit redonne une idée d'un mythe plus ample présupposé par l'auteur et ses lecteurs. 

Add. 

En y réfléchissant le lendemain, je dois retirer une part de l'argument. La tension entre formalisme et exposition ne tient pas. La poésie est de la mémorisation et les Anciens lui donnaient aussi une fonction didactique. Les épopées poétiques comme l'Iliade ont une relative unité dramatique en quelques jours mais une épopée bien plus énorme comme le Mahabharata au contraire a une fonction encyclopédique sur des générations, comme si Hésiode et tous les poètes du cycle épique avaient fusionné leurs oeuvres. On attribue déjà à Hésiode le poème en grande partie perdu Catalogue des Femmes en une suite généalogique de la Théogonie qui n'a plus rien de l'unité d'intrigue de Homère. 

Mais à l'inverse, il y a des styles poétiques qui aiment mémoriser des éléments allusifs sans du tout les expliciter. Les poèmes gallois courts sont des listes si obscures qu'on ne les comprend plus. L'Edda en prose de Snorri est une suite d'annotations pour comprendre les allusions des Eddas poétiques. 

mercredi 12 janvier 2022

Ingratius haeret et odit

De même que les hédonistes déçus deviennent plus mornes que certains ascètes, le puritain enfiévré de Port-Royal est moins désabusé du divertissement face à la mort que l'épicurien en son Jardin.


Exit saepe foras magnis ex aedibus ille,
esse domi quem pertaesumst, subitoque [revertit>,
quippe foris nihilo melius qui sentiat esse.
currit agens mannos ad villam praecipitanter
auxilium tectis quasi ferre ardentibus instans;
oscitat extemplo, tetigit cum limina villae,
aut abit in somnum gravis atque oblivia quaerit,
aut etiam properans Urbem petit atque revisit.
hoc se quisque modo fugit, at quem scilicet, ut fit,
effugere haut potis est: ingratius haeret et odit
propterea, morbi quia causam non tenet aeger. 

L’un sort de son palais qui lui semble un tombeau,
Puis y rentre soudain, et toujours y rapporte
Cet ennui qu’il fuyait et qui veille à sa porte.
L’autre part au galop, jouant de l’éperon,
Comme si sa villa fumait à l’horizon.
À peine au seuil, il baille, et dans sa lourde sieste
Cherche l’oubli menteur d’un souvenir funeste ;
Ou pour Rome aussitôt ventre à terre il repart.
Ainsi chacun se fuit partout, et nulle part
Ne se peut éviter, prisonnier de soi-même,
Malade à qui son mal reste un obscur problème.

(Lucrèce, De la nature, III, vers 1061-1071, tr. en vers de 1876 par l'anthropologue André Lefèvre (1834-1904), qui écrivit aussi une mythologie comparée vers 1876 

The man who sickens of his home goes out,
Forth from his splendid halls, and straight- returns,
Feeling i'faith no better off abroad.
He races, driving his Gallic ponies along,
Down to his villa, madly,- as in haste
To hurry help to a house afire.- At once
He yawns, as soon as foot has touched the threshold,
Or drowsily goes off in sleep and seeks
Forgetfulness, or maybe bustles about
And makes for town again. In such a way
Each human flees himself- a self in sooth,
As happens, he by no means can escape;
And willy-nilly he cleaves to it and loathes,
Sick, sick, and guessing not the cause of ail.
(version de 1916 par le poète américain William Ellery Leonard (1876-1944)  


Ingratius haeret et odit (vers 1060)
c'est ainsi que chacun se fuit, de celui dont on ne peut s'enfuir,
chacun est malgré soi à soi attaché et pour cela se hait
parce que le malade ne retient pas la cause de son mal

mardi 11 janvier 2022

Black Hammer ; LSH

Je lis surtout des comics quand je les traduis pour mon fils, qui a l'air peu intéressé par la VF des vieux Strange

En ce moment, comme il est dans une phase Spider-Man depuis le très réussi No Way Home (même si les comics ont été supplantés par des mangas comme Fairy Tail ou MyHeroAcademy), il m'a demandé de lui lire Spider-Man 2099 (parce qu'il préfère son costume avec un Jolly Roger mexicain à celui de Spider-Man ordinaire). Je n'apprécie pas particulièrement comme le cyberpunk des années 1990 me paraît très mal vieilli et que j'ai peu de goût pour des scénarios de Peter David (malgré son humour) ou des dessins très 1990 de Rick Leonardi. Au début, je trouvais même que Leonardi n'avait pas nettement l'air plus doué que Liefeld pour dessiner des anatomies ou des décors, mais c'est quand même meilleur, il sait parfois jouer sur des ombres, presque à la Gene Colan. 

En dehors de cela, je lis aussi de vieux numéros de Black Hammer de Jeff Lemire et Dean Ormston (Dark Horse). C'est du comic de superhéros déconstruit ou métatextuel, avec les codes graphiques de Vertigo, mais avec des variations graphiques selon les personnages. On retrouve en effet plusieurs personnages "archétypaux" qui représentent différents "Genres" de comics : le vigilant sans pouvoir de l'Âge d'Or, la fille magique qui se transforme (mais dans le sens inverse, sa personne réelle vieillit et c'est son alter ego qui reste bloquée au stade de petite fille physiquement), un Martien de planetary romance barsoomienne (en hommage au Martian Manhunter et à Burroughs), la narratrice de comics d'horreur inspirée de Madame Xanadu, un héros de science fiction spatiale dans le genre de Captain Future ou Adam Strange et un superhéros dans un style plus Kirbyesque qui fait penser à Thor, le Marteau Noir du titre. Tous ces personnages sont prisonniers dans un épisodes de Twilight Zone, dans des Limbes d'une petite ville américaine isolée et prosaïque, avec tous les clichés sur la petite ville qui cache un secret (je me demande si WandaVision a pu être influencé par les révélations de certains épisodes). La métaphore auto-référentielle peut devenir un peu trop lourde comme dans un comic de Grant Morrison quand les personnages entrevoient qu'ils ne sont que des fictions dans le cerveau de Jeff Lemire. L'épuisement de l'auto-référence n'est pas encore démodé dans les veines explorées par les auteurs. Agréable si vous aimez un des genres, parfois surprenant et drôle mais aussi dans un ton le plus souvent élégiaque ou lugubre. 

Comme fan de la Legion des Super-héros, j'ai aussi tenté Justice League vs The Legion of Superheroes n°1 de Brian Bendis et Scott Godlewski. Le rythme est toujours aussi piano. Brian Bendis aime toujours écrire dans ce style si... si... aéré... qui me fait penser à une succession de quelques tranches de vie, d'ambiances presque contemplatives : la Légion discute au XXXIe siècle, un membre disparaît, on la retrouve au XXIe siècle mais vieillie. Voilà, vous avez tout lu. Non, vous n'avez pas sauté de pages. 18 pages avec juste quelques impressions diffuses, plus que des informations. Certes, si vous connaissez des détails sur la Légion, cela peut donner un peu de profondeur à cette succession un peu vide. Dans la vieille histoire The Great Darkness Saga de 1982 (qui avait tant marqué parce qu'on n'avait pas encore été blasé sur les grands cross-overs avec des douzaines de personnages), on avait un paradoxe temporel sur des Jumeaux (sans trop gâcher l'intrigue de cet épisode classique où la gémellité est dissimulée, des Jumeaux étaient séparés et un des Jumeaux était envoyé dans le passé en modifiant rétroactivement toute l'histoire passée de la Légion). Ici, on a une inversion de cette histoire puisque Triplicate Girl perd une de ses "triples" qui est renvoyée dans le passé mais n'a plus le même âge quand elle est retrouvée par ses deux autres doubles. Mais cela doit moins avoir d'effet d'émotion si on n'a pas ce point de comparaison. En fait, mon reproche sur Bendis reste le même. Je n'ose pas le critiquer trop car en tant que fans de la Légion, on est censé signer une sorte de pacte mais je ne pense pas qu'il réussisse à attirer beaucoup de nouveaux lecteurs avec sa méthode de lancer quelques références cryptiques allusives de ce genre sans du tout les clarifier. Je n'ai toujours pas compris ce que devait être la révélation sur la Lanterne d'Or et peut-être que ce sera plus surprenant que ce à quoi je m'attends. 

(Excusez-moi, mon deuil pour la mort stupide des Bogdanoff me rend un peu obsédé par ces histoires de paradoxes de Jumeaux)

Un personnage pour Tylestel

Aphros ("écume") est un Ichthanthrope, un humain doté de Branchies (le vrai terme sur Tylestel est "Piscanthrope" mais je préfère ne pas mélanger du latin et du grec). 

Marin, il vient de la Cité d'Isin (où il devint célèbre pour son grand Logos Epidictique, Harangue contre le Titan Udaton). Il doit choisir deux +1 et ce sont la Volonté et l'Endurance. 

Cela donne : 

Force 5

Agilité 4

Endurance 4

Volonté 8

Perception 6

Charisme 4

Initiative de base : 10

Ses compétences sont Flux 2, Kardia (Eau) 1, Marin 1, Rhéteur 2. 

Il possède 2 Cristaux de Kardia et un bâton. 

Il a comme dieu tutélaire Bromos (le dieu de la mer, du changement et de la révolte) qui lui a donné l'avantage Puissance de l'Eau. Dans le Baromètre divin, il a +4 avec Bromos mais -4 avec Pso. (Les PJ pré-tirés ont souvent des bonus avec des dieux sans aucun rapport avec le dieu tutélaire mais je pense que ce n'est qu'une option, non ?)

Style de combat : Sorcier, Défense : Néophyte. 

mercredi 5 janvier 2022

Un avenir pour Empires & Dynasties ?

Via Imaginos, Patrick Durand-Peyrolles le créateur d'Empires & Dynasties (le Tékumel ou le Jorune français), pourrait relancer son univers mais en changeant d'époque (vers le lointain passé de cet empire de NeyDora, 42 siècles avant) et en assouplissant les règles. Il publierait aussi séparément de nouvelles cartes de la région de la cité de Mangor, la cité maritime (sur la Mer de Nodekan), rivale au sud de la capitale impériale Phearys. 

Dans le cadre traditionnel, Mangor s'était développée comme un site immense de pèlerinage avec une attente messianique de l'Envoyé, qui devait revenir depuis 6000 ans (contrairement à la religion de Phearys qui n'attache pas d'importance à ce messie). 

ルーンクエスト

 Takuhito Kusanagi (草彅 琢仁) est l'illustrateur de la version japonaise de ルーンクエスト (rūnkuesuto, RUNEQUEST). J'aime bien sa couverture du scénario classique Apple Lane. Je suppose qu'au milieu on voit un Troll des Monts Arc-en-Ciel. Runequest a tellement marqué les joueurs japonais que les Canards y sont, paraît-il, une espèce considérée comme normale dans les jeux de fantasy. 





mardi 4 janvier 2022

Le panthéon de Tylestel


Dans ce blog sur mythologie et jeu de rôle, on a déjà vu plusieurs jeux qui avaient des versions plus ou moins directes du panthéon grec (et je ne me lasse pas de faire ces tableaux de concordances) : 
 Arcanis (où Larissa fusionne Apollon et Aphrodite), Aventurie (où Athéna a été dissociée en Rondra, guerre, et Hesinde, sagesse), Hellas (où Apollon est marié avec Athenia et Hephaeston marié avec Hermia), Korantia (où Lasca Veltis fusionne Apollon et Athéna), Kulthea (où Apollon de l'extase musicale est le frère jumeau du Dionysos de l'illusion de la mimésis), Scarn (qui reprenait le thème grec de la Titanomachie), Théros (où Ephara est une Athéna sans fonction guerrière)

Le nouveau jeu de rôle français Tylestel a un univers de fantasy assez inspiré de mythes antiques classiques. Il y a 8 Dieux (mais 7 seulement sont actifs car le Dieu du Destin n'intervient pas). Une des inversions par rapport à la mythologie grecque est que ces Dieux sont primordiaux et que les Titans (monstrueux) étaient parmi leurs premières créations mais en dehors de ce point l'idée de Titanomachie ou d'origine titanesque des Monstres est conservée. 

Av (Démeter + Artémis + Asclepios/Hygeia) Symbole Le Blé, L'Arc
Blis (Athéna/Métis + Perséphone/Hadès/Hécate) Symbole Le Hibou
Bromos (Poséidon + Rébellion, Changement) Symbole Le Trident, le Taureau
Irs (Arès + Feu) Symbole La Lance, le Phénix
Nerven (Roi des Dieux, Dieu de la Justice) Symbole La Balance, L'Aigle
Our (Héphaïstos + Hermès, dieu des outils et du commerce) Symbole Le Marteau, La Licorne
Pso (Aphrodite + Apollon +Héra, Déesse de la civilisation) Symbole La Harpe, Le Paon
Velas (les Moïrai, Dieu du Destin) Symbole Le Sablier

Av, déesse de la vie, est mariée au satyre du vin Nysa, version plus mineure de Dionysos. Blis, dans sa fonction de Trickster, a aussi un fils satyre, Linos qui s'enfuit périodiquement des Enfers. Bromos a engendré le peuple des Ichthanthropes avec une humaine (qui s'appelle Aethra, comme la mère de Thésée dans la mythologie grecque). Nerven, le Roi des dieux, est marié à Svar la déesse de la Voûte céleste (son nom doit venir de Svarga Loka) mais il est aussi volage que Zeus (ce qui paraît contradictoire avec sa fonction différente d'un Dieu de l'Ordre). Our est marié avec Pso, mais elle le trompe avec Irs (exactement comme le triangle classique entre Vulcain, Mars et Vénus). Une différence claire avec les Olympiens est que Nerven est un Dieu de l'ordre et que Bromos est le Dieu de la révolte, ce qui change le rapport entre Zeus et Poseidon et rend d'ailleurs Bromos bien plus sympathique que le monstrueux Poséidon. Blis (déesse de la ruse) et Pso (déesse de la civilisation) se partagent deux aspects d'Athéna (et on remarque que d'autres univers comme l'Aventurie ou Théros ont aussi fait une Athéna non-martiale comme déesse de la Polis). Héphaïstos a été partagé entre Our le Technicien et Irs le Guerrier de Feu. 

dimanche 2 janvier 2022

Statistiques de jeux de rôle sur deux plateformes

Bien sûr, cela n'est qu'indicatif de ces sites Web et pas de toute la pratique du jeu de rôle dans le monde. 

Ventes sur DriveThru (qui me semble avoir un biais OSR, on dirait). 

  1. Worlds Without Number by Sine Nomine Publishing.
  2. Minsc and Boo’s Journal of Villainy (5e) by Wizards of the Coast.
  3. WFRP: Altdorf Crown of the Empire by Cubicle 7 Entertainment Ltd.
  4. Galder’s Gazetteer by Zipperon Games.
  5. Whitehack Third Edition by WhitehackRPG.
  6. Warhammer Age of Sigmar: Soulbound Champions of Order by Cubicle 7 Entertainment Ltd.
  7. THE COMPANY OF THE DRAGON by Chaosium.
  8. Fantastic Lairs: 23 Boss Battles for your 5e RPG by SlyFlourish.
  9. Pathfinder for Savage Worlds Core Rules by Pinnacle Entertainment.
  10. Warhammer Age of Sigmar Soulbound: Bestiary by Cubicle 7 Entertainment Ltd.

Des variantes (Whitehack) ou suppléments de D&D, puis Warhammer 4e édition. On remarque le score de Kevin Crawford en n°1 et de la campagne pour Runequest en n°7. 

Sur les campagnes jouées sur Roll20. Cela donne plus que 100% parce que j'ai arrondi au supérieur le plus souvent. 

D&D5 54%

Call of Cthulhu 12%

Pathfinder (1 ou 2) 4,5%

D&D 3.5 1%

Warhammer 1%

World of Darkness 1% 

Starfinder 0,5%

Tormenta 0,5%

Autres (ou Non-Catégorisés) 30%

Tormenta est le seul jeu non-anglophone à apparaître ici (mais les stats de l'an dernier avaient aussi Das Schwarze Auge et Chroniques Oubliées dans les plus fortes variations). Le score de D&D (et de ses variantes comme Pathfinder, Starfinder) reste écrasant devant Cthulhu. Starfinder est donc le jeu de soft sf le plus joué sur ce site (mais Star Wars n'est pas loin). 


Add. 

Shannon Appelcline a fait son bilan jeu de rôle de 2021 et il fait remarquer que les ventes de Wizards of the Coast ont augmenté de 25%. Il fait aussi la liste des Kickstarters de jeu de rôle qui ont eu le plus de succès. 

1. Avatar Legends: The Roleplaying Game
Magpie Games
81,567
$9,535,317
2. Fools Gold Campaign (5e)
Hit Point Press
16,929
$2,479,888
3. Tantares RPG (5e)
Dragori Games
9,403
$2,100,242
4. The One Ring 2e
Fria Ligan
16,596
SEK 17,070,638
5. Heliana's Guide to Monster Hunting (5e)
Loot Tavern
18,082
$1,845,422
6. The Seeker's Guide to Twisted Taverns (5e)
Eldermancy
17,924
$1,650,341
7. Mothership
Tuesday Night Games
15,699
$1,405,569
8. Grim Hollow: The Monster Grimoire (5e)
Ghostfire Gaming
15,530
$1,348,160
9. Dungeons of Drakkenheim (5e)
Dungeon Dudes
13,376
$1,279,240
10. Auroboros: Coils of the Serpent (5e)
Warchief Gaming
10,218
$1,260,863
11. Coyote & Crow
Coyote & Crow
16,269
$1,073,453



D&D 5e domine largement (avec 7/10 de ces suppléments) mais on y voir aussi deux licences célèbres (Avatar et The One Ring) ainsi qu'un jeu indépendant plus surprenant, Morthership, qui dépassent tous le million de dollars en fonds. 

Mohinī et Pandora



Mohinī ("L'Enchanteresse", "L'Apparence Séductrice") est une déesse et une incarnation féminine de Viṣṇu. D'après la légende du Barattage de la Mer de Lait, les Dieux célestes et les Anti-Dieux (Asura) avaient dû tous coopérer ensemble pour produire l'Ambroisie et le Nectar (amṛta), l'élixir d'immortalité. Mais les Anti-Dieux avaient réussi à l'emporter dans une boite. Viṣṇu prit alors l'apparence de Mohinī la Belle Danseuse (qui serait aussi un aspect de la Grande Déesse) pour manipuler les Démons. Séduits, ils lui demandèrent de répartir l'Ambroisie dans cette boite mais elle les trompa et donna tout aux Dieux, qui acquirent ainsi la domination sur les Démons. Un des Démons, Svarbhānu le Resplendissant, qui avait deviné la ruse, se déguisa en Dieu et réussit à prendre un peu d'ambroisie mais il fut décapité par Mohinī et sa tête tranchée fut envoyée dans le ciel où elle crée périodiquement les éclipses de Lune et de Soleil. 

Le rusé Prométhée avait trompé les Dieux dans la répartition du premier sacrifice, en donnant la meilleure part aux Humains. Tous les Dieux durent coopérer ensemble pour punir les Humains et envoyèrent alors la belle Pandora ("Tous Les Dons" ou "Dons de Tous") comme cadeau pour le frère jumeau Epiméthée avec une jarre, qu'on remplaça plus tard en "boite" (selon certains, Pandora n'était pas seulement une femme mais la première, la belle statue animée, voire une Grande Déesse archaïque). Tous-les-Dons était un cadeau empoisonné, pour tromper le trompeur, et elle ouvrit la boite qui sépara alors les Immortels des Mortels en leur apportant la vieillesse et le malheur. Ou dans la version de Platon, ce fut son mari séduit, le jumeau Epiméthée qui avait aussi une sorte de boite (en tout cas de réservoir) pour répartir toutes les ressources de la nature mais il donna tout aux bêtes et n'en laissa aucune aux Humains et Prométhée dut voler aux Dieux leurs ressources surnaturelles (la magie des techniques) pour les Humains.

Dans le Skáldskaparmál, les Aesir guerriers et leurs rivaux les Vanir liés aux enchantements féminins (équivalents des Devas et Asuras) se disputaient et ils décidèrent de mettre fin à leur querelle en coopérant tous ensemble, en créant un dieu sage nommé Kvasir, un être artificiel de synthèse comme Pandora. C'est ce Dieu de la connaissance qui réussit à être plus rusé que le Trompeur Loki et le capturer pour ses crimes. Mais ce dieu Kvasir fut assassiné par traîtrise et son sang fut recueilli dans un chaudron. Il devint l'élixir enivrant de l'Inspiration, la Bière de la Poésie. 

Dumézil ajoute un autre mythe hindou pour faire la boucle. Les Jumeaux (associés par Dumézil à la 3e fonction de fécondité, comme les Vanir, et pas vraiment à Prométhée et Epiméthée) voulaient l'immortalité mais les Dieux leur refusaient à cause de la rivalité entre dieux célestes et divinités de la fécondité. Les Jumeaux firent alors créer, avec l'aide d'un sage qu'ils avaient soigné, un Démon nommé Ivresse ou Folie (Mada), qui était plus puissant que les Dieux. La tête de Mada menaçait d'engloutir le Ciel. Les Dieux cédèrent alors, donnèrent le Soma enivrant du sacrifice aux Jumeaux mais en échange transformèrent le Démon dans la forme négative de l'élixir charmant, les plaisirs séducteurs de l'Ivresse, de la Chasse, des Jeux et des Femmes

Sur le travestissement et la dualité des sexes : Vishnu devient Mohini l'Enchanteresse pour tromper les Démons, comme le rusé Loki aide Thor à se déguiser en femme pour tromper les Géants, victoire de la magie de l'Apparence et de la Ruse sur la Force (et comme le rusé Hermès est aussi lié à "l'Hermaphrodite" et reprit la Génisse blanche Io au géant Argos). Vishnu travesti en femme reprend le Pot de Lait aux Démons, à l'inverse du conte où le Grand Méchant Loup se travestit en grand-mère pour capturer le Petit Chaperon Rouge et son petit Pot de Beurre. Le Chasseur doit trancher le Loup pour faire ressortir le Chaperon Rouge comme Mohini doit décapiter le Démon qui avale périodiquement la Lune ou le Soleil et la fait ressortir. Voir aussi le mythe de Mandi chez les Kalash

Georges Dumézil a fini par rejeter ces similitudes de mythologie comparée qu'il étudia à ses débuts dans Le Festin d'immortalité (1924) sur ce qu'il appelait "le cycle de l'ambroisie" mais l'analogie Pandore-Mohini me semble tout de même assez frappante malgré toutes les inversions entre les deux sur la séduction, la tromperie dans une répartition originelle qui fonde la différence dans la hiérarchie cosmique (Deva/Asura ou Immortels/Humains). Dora & Erwin Panofsky ne parlent pas de cette piste de Mohini l'Enchanteresse, il me semble, dans toute leur étude fascinante, Pandora's Box: The Changing Aspects of a Mythical Symbol (2e ed., 1961). 

Le mot Mohinī semble aussi clairement être un analogue comme enchantement féminin du seiðr associé aux Vanir, les dieux de la Troisième fonction dans la mythologie scandinave. Mais ici, c'est le dieu masculin principal Vishnu qui investit cette fonction féminine comme ruse contre la force des Géants, de même que Zeus devra se métamorphoser avec Métis dans les combats contre les Titans. Par la suite, les Hindous ont développé Mohini en en faisant même parfois une version de Vishnu qui s'unit sexuellement avec Shiva ou qui du moins l'initie aux dangers et illusions du Désir pour éprouver son ardeur ascétique. 

Dans son dernier texte, le roman des Jumeaux, Georges Dumézil sort de sa prudence comparatiste indo-européenne en se demandant si on pouvait supposer un ur-cycle épique indo-européen où les Titans rebelles Iapetos (Souveraineté), Atlas & Menoitios (Force), les Jumeaux Prométhée & Epiméthée pourraient être des contre-parties inversées des pandavas, respectivement : Yudhiṣṭhira (Souveraineté), Bhīma & Arjuna (Force) et les deux Jumeaux (Vitalité) Nakula & Sahadeva (ce qui paraît bien plus aventureux et fragile que le cycle de l'ambroisie). Le problème des Jumeaux grecs est qu'ils sont nettement moins liés à la fécondité que les Jumeaux indiens (même si d'autres Jumeaux grecs comme Kastor et Polydeukès ressemblent plus aux Ashvins dans leur aspect équestre). Une des particularités de la mythologie grecque est la méfiance envers les Jumeaux. Alors qu'ils sont très positifs dans la plupart des mythologies, ils représentent au contraire un excès et un danger de crise dynastique chez les Grecs (à part les Dioscures faux jumeaux).