J'ai acheté le cycle de scénario Serpent Amphora, dont le début du scénario est en fait un .pdf en ligne. C'est une campagne assez traditionnelle dans le monde des Terres Balafrées pour D&D (dont j'ai déjà un peu décrit le continent de Ghelspad).
La structure est un peu prévisible : les personnages trouvent un Objet (ce qu'on appelle en écriture du scénario un MacGuffin) et ensuite doivent aller en divers endroits dangereux pour savoir ce que c'est puis comment le détruire. On a déjà vu cela et l'une des rares originalités est le fait qu'il y ait une division dans les factions maléfiques qui veulent récupérer l'objet. Et même alors on ne comprend pas bien comment les manipulations fonctionnent - une faction maléfique qui utilise une faction bénéfique pourrait plus efficacement faire le travail directement elle-même au lieu d'attirer l'attention contre elle.
On pourrait distinguer plusieurs types de MacGuffin dans les jeux :
- On peut chercher à obtenir l'Objet, par exemple une Arme pour tuer le grand vilain (l'Epée magique) ou qui permet d'accéder au vrai but (la Clef, le Plan, le Livre).
- On peut chercher à réparer l'Objet, ou réunir différentes pièces de l'Objet fragmenté (éventuellement pour fabriquer l'Objet).
- On peut chercher à détruire l'Objet - je crois que la Quête par excellence sur ce thème est The Lord of the Rings, qui avait eu l'idée d'inverser le thème traditionnel.
La variante moderne est la recherche de la Bombe-qui-va éclater, mais on pourrait souvent le classer dans la première catégorie (on cherche en fait les informations, emplacement, code, etc. pas la bombe).
Tous ces thèmes me paraissent en eux-mêmes quasiment épuisés. J'ai du mal à imaginer un scénario où on doit réunir-les-sept-fragments qui ne suscite pas un baillement aujourd'hui. Il faut vraiment recouvrir le MacGuffin traditionnel de plusieurs couches et fausses-pistes pour éviter l'ennui.
Même la variante qui fusionnerait les trois types (acquisition, réparation, destruction) avec la fabrication d'un Objet seul capable de détruire l'Objet ne me paraît pas si original. Le très raté Dawnforge (qui va bientôt être traduit, ce que je trouve curieux) a un scénario où on doit voler l'Arme du Vilain puis l'Arme de l'autre Vilain qui est la seule capable de détruire la première et qui fait espérer que les deux Vilains s'accusent ensuite l'un l'autre.
Une variante intéressante est de remplacer le MacGuffin par une personne (la Princesse, l'Otage, le Sage) ou de le rendre mobile et intelligent. Dans Star Wars, le MacGuffin se déplace ainsi du petit robot qui contient le Message puis vers le salut de la Princesse puis la destruction de l'Objet maléfique grâce au Message et la Princesse.
En jeu de rôle, le problème avec un MacGuffin intelligent est que le PNJ risque d'éclipser les PJ, ce qui est très ennuyeux. Cela explique peut-être un cliché plus récent : le MacGuffin est un enfant qui a des capacités extraordinaires. Le fait que ce soit un enfant fragile (et qui ne comprend peut-être même pas ses pouvoirs) peut atténuer un peu sa domination de toute l'intrigue. Un exemple serait la petite fille Aardelea dans le metaplot du jeu Earthdawn. [Une idée à éviter est le PNJ sénile, comme Fizban dans la campagne Dragonlance, qui est trop évidemment un Deus Ex Machina dont les pouvoirs varient de manière trop visiblement ad hoc entre l'impuissance et l'omnipotence selon les intentions du scénario.]
Ici, un intérêt de l'Amphore-Serpent, contrairement à une Arme ou une Relique habituelle de D&D, est qu'elle est fermée et complètement inutilisable par les personnages. Tout son mystère réside sur le fait qu'on ne sait pas ce qu'elle contient - même si on se doute aussitôt que c'est quelque chose de PAS BIEN. Hitchcock définissait le MacGuffin comme un Objet presque inexistant, comme le paradoxe du Scarabée dans la Boîte - c'est une pure variable fonctionnelle pour l'intrigue, Cet Obscur Objet du Désir. On sait juste que d'autres le veulent et c'est tout ce qui compte. Il serait peut-être intéressant (mais pas très original) de lui ajouter un peu d'effet de corruption comme les Reliques et l'Anneau Unique.
Le problème de l'Objet-à-détruire est qu'on ne comprend pas toujours pourquoi on prend le risque d'aller le détruire alors qu'il suffirait peut-être (du moins à moyen terme) de le cacher. Gandalf a l'air assez peu crédible quand il explique qu'on n'obtiendrait rien en jetant l'Anneau en pleine mer parce qu'il reviendrait toujours. Certes, Sauron ne devine pas qu'on veut détruire son Anneau et la destruction de l'Objet revient en fait à la Destruction du Grand Vilain, mais je ne crois pas que Gandalf l'expliquait ainsi au début.
L'autre problème de ce MacGuffin de l'Amphore-Serpent est qu'il permettrait en fait de ressusciter une Déesse Maléfique. Or, la résurrection ou le retour d'un Dieu Maléfique a déjà été trop fait depuis les débuts de D&D (où le retour de Tharizdun imite Melkor-Morgoth mais aussi le dieu de Tékumel Ksarul). Dans les Terres Balafrées, c'est très répétitif puisque les serviteurs des Titans veulent tous sauver les Titans. De même, l'Objet pour ressusciter un Dieu Bénéfique est aussi un cliché (dans Glorantha, certains veulent faire revivre Genert ; dans les Terres balafrées, les Elfes maudits sauvent aussi leur propre dieu oublié).
La faction titanide des Terres Balafrées est trop manichéenne, entièrement mauvaise et destructrice (comme le Chaos dans la plupart des jeux comme Runequest ou Warhammer). Dans ma version de Scarn, j'en ferais peut-être du moins pour une partie d'entre eux des mortels sincères qui croient qu'ils vont réparer l'ordre de l'univers, et non pas seulement y gagner un peu de pouvoir dans le chaos. Peut-être même que des Titanes comme Mormo, la Mère des Serpents, pourrait même simplement être un autre Aspect de la Titane de la fécondité Denev (avec l'idée que cette Rhéa était en fait Gaïa, ou que Hécate/Echidna doit être un aspect de Héra). Mormo est une déesse de la Régénération et il ne serait pas absurde d'en faire un personnage plus ambivalent, qui peut aussi régénérer la Terre et non pas seulement le souiller de son sang et de ses serpents. Cela rendrait les Druides de Mormo bien plus intéressants que des fous sanguinaires. Je comprends que le jeu de rôle utilise des figures mythiques du Mal radical mais en même temps j'aime bien avoir des PNJ avec lesquels on peut imaginer de négocier. Il est vrai que les Terres Balafrées a déjà les Dieux maléfiques comme les Chardouni (Chardun est le Dieu Loyal-Mauvais de la Domination et de l'Esclavage) pour occuper cette place des ennemis presque "raisonnables".
Rappel : les Neuf Dieux de Scarn ont su bien exploiter le système "tabulaire" de D&D avec un panthéon systématique (voire de même le tableau que j'avais fait pour les 10 dieux de Tékumel (+ 10 "Cohortes"), qui correspondent à 5 fonctions en deux camps).
Tiens, pourquoi la fonction table en HTML fait-elle ce grand saut à l'écran ??
Bien | Neutre | Mal | |
---|---|---|---|
Loi | Coreahn le Paladin | Hedrada le Juge | Chardun le Tyran |
Neutre | Madriel la Compatissante | Denev la Terre | Belsameth la Meurtrière |
Chaos | Tanil la Chasseresse | Enkili le/la Trompeur/se | Vangal le Destructeur |
Tiens, les dieux loyaux sont tous mâles et les neutres sont toutes femelles (il est précisé qu'Enkili est hermaphrodite pour obtenir l'équilibre sur les 9)...
Cela dit, contrairement aux 5 fonctions de Tékumel, le monde n'utilise pas vraiment ces ressources du tableau. Les alliances suivent assez strictement les colonnes morales (verticales) et non pas l'axe cosmologique (horizontal). Il faudrait imaginer un panthéon où certains Chaotiques Bons pourraient parfois trouver plus d'alliance objective avec le Chaotiques mauvais qu'avec les Loyaux-Bons ou les Loyaux Neutres.
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