samedi 19 janvier 2008

Notes sur le Yajña


Je ne sais pas encore comment présenter la présentation culturelle pour inclure assez de détails utiles pendant un jeu de rôle, mais aussi utiles à l'atmosphère d'arrière-fond.

Plus on met de détails, plus on alourdit le travail de préparation du narrateur, mais moins on en met, plus on alourdit le travail en cours de jeu.

Le modèle de présentation du background le meilleur que je connaisse est l'excellent Tibet RPG qui a de petits chapitres courts avec un résumé synthétique de quelques phrases en haut de chaque page pour que le MJ retrouve facilement les informations. Un jeu a plus besoin d'une sorte de guide touristique ou un "phrasebook" que d'une "grammaire" (même si le MJ peut vouloir approfondir avec une vraie "grammaire" détaillée quand il n'est pas en cours de jeu).

Je recopie ici pour Bhāratavarṣa / Mahālīlā (je n'ai toujours pas choisi le titre) quelques notes sur Louis Renou, L'Inde classique, §698-744, mais il faudra sans doute les simplifier et les résumer ensuite, en distinguant peut-être plus la partie rite (pour les effets ludiques) et la partie vie quotidienne (pour l'arrière-fond).

Résumé : Le sacrifice est la plus importante cérémonie. Elle consiste pour le brahmane à offrir dans du feu des biens (notamment le lait et l'alcool de soma) pour obtenir la faveur des dieux. Chaque homme doit pratiquer plusieurs sacrifices quotidiens.

  • Yajña védique

    Le sacrifice (Yajña) n'est pas simplement un rituel comme les autres dans les sociétés de Bharatavastra. C'est le fondement de tout rite, de toute la société et même de tout l'ordre du cosmos. L'univers entier meurt et renaît dans le feu, il se régénère par le sacrifice et l'état actuel de Bharatavastra est d'ailleurs sorti d'un sacrifice. Les humains doivent "nourrir" les Dieux, les Kshatriya doivent nourrir les Brahmanes, les basses classes doivent nourrir les Kshatriya. Le devoir moral des humains consiste à détruire leurs biens en offrande pour montrer leur abnégation.

    Le Yajña repose sur le Feu, le dieu Agni. Il faut détruire une Oblation (Homa) dans le Feu d'Agni pour que le don parvienne au Divin, pour que le bien matériel soit consacré et rejoigne le monde immortel.

    Le sacrifice a souvent pour but une supplication : on tue des vaches pour obtenir la prospérité ou des enfants. On l'accompagne de formules (yajus, comme dans le second Veda, le Yajur Veda).

    L'homa est en partie jetée dans le Feu, en partie consommée par les officiants (qui prennent la part des Dieux). On sacrifie notamment de l'alcool (le Soma), du lait, du beurre, des végétaux (orge, riz, gâteaux), des objets (vêtements, parfums), des animaux (boucs, vaches et dans le cas du grand rituel du aśvamedhá même un cheval et diverses bêtes). En théorie, les sacrifices humains ont été abolis (mais certains Dieux ont réclamé de tels holocaustes dans le passé).

  • Le Soma

    Le Soma(h) (qui est aussi un nom du Dieu de la Lune Chandra) est l'oblation principale. C'est une boisson enivrante issue d'une plante inconnue. La liqueur sûra était interdite en dehors de ce sacrifice et même alors seul le sacrificateur brahmane peut en boire. C'est l'ambroisie (amṛta) qui rend les Dieux immortels.

  • Les participants

    Le yajamâna est celui qui demande le sacrifice, le suppliant.
    Le hotṛ ("verseur" de l'oblation) est celui qui préside, chante les hymnes et récite les versets sacrés des Véda.
    L'adhvaryu dresse l'autel (vedi), apporte le bois et l'eau, fait les feux sacrés dans le sol, s'occupe de tout ce qui est matériel, immole les animaux, cuit les oblations et prononce les formules du sacrifice (yajus).
    L'agnîdh entretient le Feu.
    L'udgātṛ chante les Hymnes du Sāmaveda.
    Enfin, le brahman proprement dit était celui qui, silencieux, devait surveiller que les règles du sacrifices étaient toutes respectées au centre de toute la cérémonie.
    Il y a un nombre d'officiants différent suivant le rituel. Il y a au minimum l'adhvaryu pour l'agnihotra (sacrifice au feu) mais il peut y avoir jusqu'à 17 participants détaillés.

    Les mineurs et les Shudra n'ont pas le droit d'assister aux sacrifices. Il faut être un "Dvijia", un Deux-Fois né des trois premières Classes (brahmane, kshatriya ou vaishya).

  • Déroulement du Yajña


  • Les participants doivent se purifier par des bains, coupe de cheveux, des jeûnes et des rituels d'ascèse (abstinence sexuelle). L'adhvaryu doit faire l'autel en briques, des huttes de bois pour les feux sacrés et on dispose les différents participants sur un terrain consacré. Il y a soit un seul feu (rituel privé) soit trois feux : feu perpétuel du foyer pour entretenir les deux autres, le feu de l'offrande (mis à l'orient) où on verse l'oblation et le feu du sud qui écarte les mauvais esprits. Certains rites d'accompagnement peuvent avoir des parties de dés, des sortes de jeux où les participants assument des rôles et même dans le cas du vâjapeya une course de chars.

    Le brahman touche la moitié des honoraires en vaches.

  • Types de Yajña



    1. Rites solennels

      • agniyâdheya : instauration du feu. Rituel de deux jours pour bénir un Feu qui va servir ensuite à allumer d'autres Feux pour des sacrifices. Il faut refaire ce rituel si les sacrifices ont échoué.
      • agnihotra : oblation au feu. Cette offrande de lait doit être faite par tout homme brahmane ou vaishya deux fois par jour, matin et soir.
      • darçapûramâsa : rituel de la nouvelle lune.
      • câturmâsya : rituel de saison : Vaiçvadeva au début de la saison de Vasanta, printemps, Varuṇapraghâsa à Varsha, saison des pluies, Sâkamedha à la fin de Sharat l'automne.
      • âgrayaṇa : prémices de végétaux sacrifiés pour l'ensemencement.
      • paçu : sacrifice d'un bouc, étouffé à un poteau, découpé puis brûlé.
      • somayajña : Sacrifices du Soma. L'agnistoma est au Vasanta (printemps), pendant une conjonction de Surya, Chandra et Prthi (syzygie). Le rituel comporte le pressurage du Soma et son offrande au feu. Le coût est de 7, 21, 60 ou 1000 vaches. Ce rituel comporte le pravargya (sacrifice du lait aux Açvin).
        Le sautrâmaṇî (dédié au Indra protecteur) sacrifie de l'alcool sûra.
        L'agnicayana ("empilement pour le feu") est un grand sacrifice de soma à Agni, avec un rituel complexe, un énorme terrain consacré (avec 10 800 briques), un grand autel en forme d'aigle aux ailes déployées (uttaravedi) et des parties pour différents dieux.
      • vâjapeya : sacrifice accompagné d'une course de chars de 17 participants.
      • râjasûya : consécration royale. Divers membres aspergent le Râja de beurre et de miel sur son trône et il simule une razzia de vaches pour représenter son pouvoir.
      • aśvamedhá (le sacrifice du cheval) : plus important des rituels et le plus coûteux, fait par le Roi, qui régénère ainsi la prospérité de son Royaume. Il a lieu en Shishira (Hiver, mois de mâgha) mais prend plusieurs mois de préparation.
      • prâyaçcitta (propitiation) : rituels d'expiation en cas de mauvais présages pendant un sacrifice.

    2. Rites domestiques

      Le père de famille doit aussi faire des sacrifices privés quotidiens, notamment de riz, de beurre fondu (âjya).

      • Il y a cinq grands sacrifices (mahâyajña) par jour : le devayajña (aux Deva, deux fois par jour), le bhûtayajna (aux Bhûta, les "êtres", les divers esprits, aussi le bali aux Asura), le pitryajña (aux mânes des ancêtres), le brahmayajña (récitations des Veda), le manusyayajña (rite d'hospitalité, en cas d'invité de marque on fait un don arghya).
      • Les sacrifices aux serpents : sarpabali au début de Varsha, la saison des pluies, âgrahâyanî, pour bénir le sol et détourner les serpents.
      • Les sacrements : En plus des sacrifices, il y a divers rituels privés au cours de la vie. Le garbhâdhâna (conception) pour obtenir un enfant, le pumsavana (engendrement d'un mâle) pour avoir un garçon et éviter une fausse-couche. Le jâtakarman (naissance) et nâmakarana (baptême) sont dans les premiers jours des garçons. La troisième année, on pratique la tonsure (cûdâkarman) et à 16 ans la coupe de la barbe (godâna).

        A l'âge de 8 ans (pour les brahmanes, 11 pour le kshatriya,12 pour le vaishya) l'enfant est confié à un précepteur (rite d'upanayana) et il "renaît" auprès de ce deuxième père. On l'appelle alors un Deux-Fois Né (dvijia) et il a le droit d'assister aux sacrifices (contrairement aux Shudra). A la fin de ses études, l'homme adulte accomplit le rituel du samâvarjana (retour à sa famille) et du snâtaka (bain).

        Le vivâha (mariage) commence par un message au père de la femme. Puis la cérémonie dure plusieurs jours avec des oblations et rituels de fécondité. L'épouse part avec un cortège dans sa nouvelle demeure. Les époux doivent dormir chastement pendant trois jours.

        L'antyesti (funérailles) est un sacrifice par incinération sur un bûcher, avec un bouc offert à Agni, pour que l'âme puisse aller vers Yama. La veuve n'est pas sacrifiée mais offerte à son beau-frère. Le çrâddha est un rituel pour que le mort (preta) ne devienne pas un fantôme mais un ancêtre (pitr). On fait toute la vie des oblations aux mânes des ancêtres (pitryajña), de l'eau pour leurs ablutions et une part de chaque sacrifice.

    2 commentaires:

    Anonyme a dit…

    Exposer clairement un univers aussi peu connu que celui de l'Inde est en effet difficile.

    En plus,les JDR oublient souvent de faciliter le travail du MJ lorsque celui-ci doit présenter le monde aux joueurs.
    Je pense qu'il serait très intéressant que tu pondes un petit guide succinct à destination des joueurs :"tout ce que vous avez besoin pour jouer". Et si tu pouvais concocter un petit "Mon père m'a dit" dans la grande tradition gloranthienne...

    D'ailleurs, je tiens à te féliciter pour la qualité générale de tes billets ainsi que ta fréquence d'écriture! Ce blog fait désormais partie intégrante de mes promenades virtuelles...

    Phersv a dit…

    Merci !

    Je pense à un premier chapitre d'introduction très résumé (avec une page qui synthétise les termes sanskrits que le joueur doit connaître, au minimum les noms des classes sociales et des codes moraux). Les "Ce que mon père m'a dit" sont en effet un bon modèle, avec un texte pour chacune des quatre Classes sociales.

    Puis le chapitre sur la vie quotidienne s'adresse plutôt pour le MJ, pour créer l'atmosphère. Les personnages sont des héros épiques et ils n'ont pas besoin d'en savoir trop sur la vie quotidienne.

    Un des avantages du système Heroquest (par rapport à un jeu plus simulationniste comme Runequest) est que je n'ai pas trop à me soucier de l'économie par exemple. Cela demanderait des détails que je n'ai pas sur les revenus.