Le concept de "xiūliàn" (修炼) ou xiūzhēn (修真 ) ou xiūxiān (修仙 ) peut se traduire par "le fait de chercher à se cultiver". Dans les traditions issues notamment du taoïsme dans la fantasy chinoise, c'est l'idée que tout être peut par une ascèse ou d'autres méthodes (comme l'énergie interne ou de l'alchimie) atteindre une forme de transcendance, l'Immortalité et une forme de divinité (et je pense qu'on trouve des formes très analogues dans les mythes hindous où même les démons peuvent s'adonner à des efforts de dévotion pour s'améliorer). Les 8 Immortels (Bā xiān 八仙) sont des exemples de mortels qui sont devenus des xiān au fil de l'histoire.
La fantasy chinoise a évolué depuis ses origines mythologiques. On appelle xiānxiá (仙侠, "Héros Immortels") les récits avec de tels héros et cela commence dès le Voyage vers l'Ouest et le Roi Singe. Alors que les Héros Guerriers des romans de sabres (wǔxiá, 武俠) sont généralement des humains avec quelques capacités supérieures, les xiān sont des animaux (Roi Singe, Serpent Blanche, Renarde à 9 Queues), fées, fantômes, démons, dieux bien supérieurs aux humains. Les wǔxiá sont des paladins, des Robins des Bois, des Batmen, les xiānxiá sont des Supermen ou même des divinités surnaturelles.
Cette vidéo d'AvenueX qui discute les évolutions des films et séries chinoises de xiānxiá (qui sont maintenant plus fondées sur des jeux vidéos ou des romans originaux et non plus sur l'adaptation directe des contes et folklores) défend l'idée qu'il y a une contamination qu'on pourrait appeler "essentialiste" à cause de la fantasy occidentale. Elle regrette que les scénaristes chinois aient fini par s'appuyer sur une séparation de naissance entre les êtres. Il y a une uniformisation commerciale de la pop culture chinoise où on neutralise les traditions locales.
On appelle en Chine xuánhuàn (玄幻 ), qu'on traduit en "fantasy mystérieuse", le type de récit qui s'inspire plus de l'Occident et qui a intégré des Espèces féériques surnaturelles depuis la fantasy européenne à la Tolkien. La Chine est si mondialisée qu'elle cherche toujours à rivaliser avec Hollywood mais notamment depuis le XXIe siècle avec The Lord of the Rings. Un exemple serait l'univers partagé de Jiǔzhōu, 九州, "Les Neuf Provinces" de plusieurs romans et séries TV.
Or cela donne un écart intéressant entre les présupposés des deux genres : l'espèce était plus secondaire pour les xiān du xiānxiá, puisque tout être peut se perfectionner et se dépasser par le xiūxiān.
L'idée méritocratique des examens impériaux ou l'ascension de héros comme le fondateur de l'empire Han aurait été tellement fondamentale dans l'imaginaire que cela aurait profondément fixé l'idée du héros. Mais l'espèce devient le centre de l'intrigue dans le xuánhuàn où chacun est défini par son essence ou par son origine.
Il y a encore des tensions sur ce sujet. C'est le thème par exemple de The Yin Yang Master (chinois mais adapté en fait d'un cycle de romans japonais, Onmyōji) qui a un héros moine-démon qui lutte à la fois contre des démons et pour racheter certains d'entre eux.
Cela contredit certains préjugés qu'on pourrait avoir sur notre vision d'un Occident individualiste contre une Chine holiste. Dans la fantasy, l'Occident garderait des fantasmes aristocratiques et hiérarchiques alors que la Chine avait une tradition d'ascension sociale qui n'existe pas tellement dans nos mythes.
Certes, cela existe aussi dans les Mille et Une nuits et ce fut une influence sur le Picaresque dans notre heroic fantasy pour donner des personnages comme Conan qui va de simple mercenaire barbare à monarque. En inversant les clichés picaresques de Conan, Michael Moorcock est revenu à un romantisme aristocratique et relativement plus fataliste avec Elric de Melniboné. Même Tolkien avait encore les Hobbits pour avoir une espèce à part de l'Homme du Commun, de l'Anglais Roturier dans un univers d'elfes et de Lords.
4 commentaires:
Finalement, avec la mondialisation, la Chine suit les pas du Japon dont l'imaginaire s'est terriblement occidentalisé au cours de la seconde moitié du XXe siècle.
Il faudra voir ce qui change le plus et ce qui est le moins affecté. Cette obsession de la pop culture pour des formes de transcendance individuelle rappelle peut-être plus de dépolitisation, le salut doit être avant tout individuel. Mais cela dit, c'est vrai de quasiment toute la Pop Culture en général (à part peut-être Star Trek ?).
Un détail que je ne comprends pas est qu'on dit que les films Marvel marchent mieux en Chine que les Star Wars alors qu'on aurait pu s'imaginer que les premiers étaient plus typiquement américains que les seconds (qui semblent plus "génériques" et internationaux).
Hypothèse très personnelle : le MCU avec sa myriade de super-héros et de mutants est plus proche de la fiction traditionnelle chinoise avec énormément de personnages (alors que SW n'a qu'une petite dizaine de véritables protagonistes).
Je n'y avais pas pensé, c'est plausible.
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