Il faudra bien que je me résigne à aller voir Entre les murs, malgré tout l'agacement que provoque Bégaudeau et son éloge du "bordel" énergique et vitaliste.
Une élève-actrice du film m'a touché, en disant qu'elle était heureuse que les élèves ne ressemblent justement pas à la contestation qu'elle jouait dans le film. Le film a l'air d'être une sorte de Test de Rorschach dont on tirera des leçons opposées.
Le numéro de Libé de lundi qui y était consacré était surprenant. Le rédacteur en chef craignait que le film n'alimente une critique réactionnaire du Collège unique et une prof de français trouvait que le personnage du prof était trop normatif dans son enseignement de la grammaire (alors que Cantet n'a cessé de dire qu'il voulait montrer que ce cadre "carcéral" reflétait la lutte des classes sociales) et ne transmettait pas assez les "savoirs universitaires" (à une classe de 4e ? j'aurais plutôt dit exactement le contraire, que le prof y est trop relativiste et qu'on a trop été obsédé à suivre des modes universitaires dans une partie des manuels).
[Mais certains participants de Libé ont des critères particuliers. Dans le même numéro un article reproche à une adaptation contemporaine de la Princesse de Clèves - qui a l'air d'avoir d'autres défauts - de ne pas avoir un quota représentatif de personnages noirs.]
Mais en attendant d'aller le voir, je trouve aussi saugrenue la scène dans la bande-annonce où la jeune fille un peu rebelle de 4e dit qu'elle a lu la République de Platon, ce qui est censé prouver la diversité de ses intérêts, et qu'elle aime le fait que cela parle "de tout, d'amour et de religion". La République parle d'énormément de choses, de Justice, de la cité, de l'organisation des fonctions de l'âme, de la vérité, de l'intelligible, des mathématiques, mais le personnage du prof de lettres a l'air de prendre cette caractérisation comme adéquate. Elle doit confondre avec le Phèdre, le Banquet ou (pour la religion) les Lois ou l'Euthyphron.
Bomb Cyclone
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Il y a 3 heures
2 commentaires:
Tu résumes bien le dilemme. Déjà Bégaudeau ne s'est pas privé (cf. journal de France 2) de se moquer des gens qui avaient critiqué son film sans le voir. Moi je choisis d'ignorer ce film. Cantet est un idéologue borné d'extrême-gauche, mais un bon cinéaste (en tout cas, un bon directeur d'acteurs qu'il sait faire jouer de manière naturelle). Mais Bégaudeau... Inutile de dire ce que j'en pense sinon ses avocats vont fondre sur ton blog. Rien que pour ne pas le voir en train de cabotiner avec sa démagogie pédagauchiste à deux balles, on est autorisé au boycott de principe. Le problème c'est que beaucoup de spectateurs (même ceux qui sont hostiles à ce type de discours) vont faire comme toi en contribuant à faire grimper le film au box office.
Toz Grecus
Dans l'interview de France 2, il dit que même les plus hostiles reconnaissent que le film n'est "au moins pas ennuyeux". Ce n'est certes pas évident pour un film sur l'école mais cela me paraît un critère insuffisant et cela cadre avec le propos un peu foucaldien où l'enfermement scolaire secrète de l'ennui pour enrégimenter les subjectivités et les corps.
Cantet dit qu'il a voulu montrer qu'on ne pouvait "sanctuariser" l'école.
Mais cela me paraît un acte perfomatif : il contribue à la construction de ce qu'il prétend seulement constater. L'école n'a jamais pu neutraliser les inégalités sociales (et il ne s'agit pas de croire encore à une mythologie) mais on fait tout (que ce soit le discours "sociétal" du tout social, l'intégration à la vie professionnelle ou le discours religieux communautariste du pouvoir actuel) pour "dé-sanctuariser" l'école. Dès lors, oui, ce n'est plus un lieu aussi spécifique.
Mais le fait que le film puisse conduire à des conclusions très opposées montre qu'on n'en tirera pas nécessairement de "morale" si on ne la projette pas.
Le pseudo-cinéma vérité et le succès prévisible auront au moins l'intérêt de rappeler pendant l'aggravation des inégalités que l'école continue à jouer un rôle qui n'a pas vraiment d'équivalents ailleurs.
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