lundi 4 juillet 2022

Accessoire rhétorique



Marcus Porcius Cato le Censeur (né en 520 après la fondation de Rome (-234), mort en 605) aurait prononcé, dit-on, un discours contre Carthage (à une date inconnue, entre son ambassade de 601 et la Troisième Guerre punique de 605) où il usa d'un "prop", d'un accessoire pour frapper les esprits. 

Il aurait pris avec lui des figues africaines (ou du moins le prétendit-il) dans le repli de sa toge et les auraient fait tomber devant les Sénateurs. Alors que les Sénateurs regardaient les fruits qui roulaient dans la Curie, il en vanta la fraîcheur et la rondeur et tous convenaient qu'elles devaient avoir été cueillies depuis peu. "C'est qu'elles viennent tout droit de Carthage et songez qu'elles n'ont été cueillies qu'il y a 3 jours, trois jours, tant leur Cité est proche de nos Murs. Delenda est Carthago.

Et les Sénateurs regardèrent soudain ces belles figues puniques si mûres comme des traits mortels.  

On peut supposer que Colin Powell avait imité cela avec sa tristement célèbre fiole où il prétendait avoir les preuves des Armes de Destruction Massive des Irakiens. 

Voir Plutarque, Vie de Caton, 27. 

Πρὸς τούτοις φασὶ τὸν Κάτωνα καὶ σῦκα τῶν Λιβυκῶν ἐπίτηδες ἐκβαλεῖν ἐν τῇ βουλῇ, τὴν τήβεννον ἀναβαλόμενον, εἶτα θαυμασάντων τὸ μέγεθος καὶ τὸ κάλλος, εἰπεῖν ὡς ἡ ταῦτα φέρουσα χώρα τριῶν ἡμερῶν πλοῦν ἀπέχει τῆς Ῥώμης. Ἐκεῖνο δ´ ἤδη καὶ βιαιότερον, τὸ περὶ παντὸς οὗ δήποτε πράγματος γνώμην ἀποφαινόμενον προσεπιφωνεῖν οὕτως· ‘δοκεῖ δέ μοι καὶ Καρχηδόνα μὴ εἶναι’.

Le texte grec dit donc "Je pense que Carthage n'a plus à exister", ce qui est plus radical peut-être encore que "Je pense que Carthage doit être détruite."

Et Pline l'Ancien commente (Histoires naturelles XV, 20) qu'un simple fruit fit plus pour la ruine de Carthage que tous les souvenirs de Cannes ou de Trasimène : 

Sed a Catone appellata iam tum Africana admonet Africae ad ingens docimentum usi eo pomo. Namque perniciali odio Carthaginis flagrans nepotumque securitatis anxius, cum clamaret omni senatu Carthaginem delendam, adtulit quodam die in curiam praecocem ex ea provincia ficum ostendensque patribus: "Interrogo vos," inquit, "quando hanc pomum demptam putetis ex arbore." Cum inter omnes recentem esse constaret: "atqui tertium," inquit, "ante diem scitote decerptam Carthagine. Tam prope a moeris habemus hostem!" statimque sumptum est Punicum Tertium Bellum, quo Carthago deleta est, quamquam Catone anno sequente rapto. Quid primum in eo miremur, curam ingeni an occasionem fortuitam, celeritatemque cursus an vehementiam viri super omnia est, quo nihil equidem duco mirabilius, tantam illam urbem et de terrarum orbe per CXX annos aemulam unius pomi argumento eversam, quod non Trebia aut Trasimenus, non Cannae busto Romani nominis perficere potuere, non castra punica ad tertium lapidem vallata portaeque collinae adequitans ipse Hannibal. Tanto propius Carthaginem pomo Cato admovit!

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