On retourne sur Ysgarth.
J'aime bien ce nom, sans doute imité d'Asgard, mais moins artificiel que ceux de Terres parallèles comme Œrth ou Ærth. Mais j'imagine qu'il a dû nuire par son côté bizarre. David Nalle devait ignorer qu'il existe réellement un petit village dans le Yorkshire nommé Aysgarth et que le mot existe aussi en gallois avec le sens... d'excrément ou déchet.
Quand je lisais les vieux White Dwarf (comme ce numéro 54, 1984 ci-dessous) il y avait ces publicités pour Esdevium Games qui distribuait des jeux bien plus rares que les autres (ils ont été absorbés par Asmodée depuis, je crois). Ils faisaient la liste des produits sur Ysgarth et j'étais frappé par le fait que les autres jeux de rôle avaient des titres plus prévisibles, du genre "Le Labyrinthe de la Terreur" alors que le premier supplément d'Ysgarth s'appelait de manière plus poétique "The Wine of the Moon".
La question du nombre d'éditions d'Ysgarth est étrangement aussi compliquée que le jeu lui-même. Nalle a appelé "Première édition" de 1979 une version 0 quasiment inédite, qui n'était autre que celle qu'il décrivait dans plusieurs fanzines comme Alarums & Excursions et ensuite son propre magazine Abyss. En 1980, il a publié ce qu'il appelle "Ysgarth Volume Two Edition" qui serait en fait la vraie première Ysgarth (3 livrets de 32 pages) ! C'est là que cela devient confus. Il sort dès l'année suivante une autre version appelée New Ysgarth Rules (un seul livre avec la carte en couverture, 90 pages, donc 3e, mais qu'il appelle alors encore "2e") et en 1982 l'Ysgarth Rule System (6 livrets avec environ 168 pages) qui dit être la "seconde édition" mais qui sera appelée plus tard rétroactivement la quatrième édition. La 5e (1985, 87) est à nouveau en 3 livres, la 6e ("édition du 27e anniversaire") en un seul livre remonte à 1995. Nalle a mentionné une 7e et une 8e édition (2012) mais je n'en connais rien Une des choses à remarquer est qu'il ne modifie pas que ses règles mais parfois aussi son univers au point que la carte d'Ysgarth de 82 et celle de 95 ne coïncident pas toujours dans les noms de peuples et de territoires. Cela sans oublier les suppléments qui ajoutaient des règles qui étaient parfois intégrées ou pas dans les éditions ultérieures.
En tout cas, je vais parler ici de cette "seconde" (ou "quatrième") édition de l'Ysgarth Rule System de 1982. Elle est composée de 6 petits livrets d'environ 25-40 pages mais a quelques illustrations et des cartes dans le livre 5 :
1 Personnage, 2 Combat, 3 Magie,
4 Religion, 5 Monde, 6 Un scénario (Le dernier chant de Hergest).
I Personnage
On peut jouer 5 espèces : Humains, Elfes (divisés en Gwyllions des montagnes, Ellyllons des forêts et Gwragedd des îles de l'ouest), Nains (Khuzdars, qui seront rebaptisés plus tard Dvergar), Chitare (arthropodes ailés de 2m), Trozards (très grands sauriens de 3m), Les Batrags et Mnerrar ne seront ajoutés que par la suite dans les suppléments. L'édition de 1980 avait encore des Hobbits qui avaient été retirés.
Il y a 12 caractéristiques divisées en trois groupes (Physique, Mental, Social) et on répartit trois fois 35 +1d10 dans chaque groupe, soit une moyenne de 10 (plus des bonus/malus légers pour chaque espèce non-humaine) :
Physique | Mental | Social |
---|---|---|
CONstitution | Talent (Magie) | Zèle (Foi) |
FORCE | Intelligence | Apparence |
AGIlité | Volonté | Charisme |
DEXtérité | Jugement (Sagesse) | Statut social |
Un Trozard a -2 en DEX, -1 en AGI, -1 en JUGement, Oui, aucun bonus, sauf en Taille où il aura en moyenne 2m et peut aller jusqu'à 2,90 m.
Un Khuzdar a +1 en CON, STR, WILL, -1 en ZEAL. Il aura en moyenne 1m - 1,10 m.
A partir de là, on calcule par des tableaux de nombreuses caractéristiques dérivées, dont la Taille & le Poids, la Défense (qui dépend de l'Agilité - la Taille), l'Attaque (la Dextérité - la Taille), les Dégâts (la Force + la Taille), Points de vie (CON + TAI, avec localisation détaillée par zones du corps), Points de Fatigue (CON), Mana (Talent), Piété (Zèle).
J'ai lu une critique parlant d'un facteur calculé à partir de (la racine carrée du poids) -13 mais cela a dû être changé dans cette édition.
Donc plus on est grand, plus on aura de points de vie et de dégâts mais plus il sera difficile de bien attaquer ou esquiver. Le guerrier Trozard (grand et peu agile) serait désavantagé au combat si on n'investit pas beaucoup de points en AGI/DEX.
Une spirale curieuse (par rapport au POUvoir dans RuneQuest) est que plus on a de TALent, plus on a de Mana au total et de surcroît moins on dépense de Mana pour chaque sortilège. On choisit ensuite son alignement avec deux scores : Karma (Bien-Mal) et Loyauté (Loi-Chaos) et ce sont des caractéristiques variables selon les actes.
Après toutes ces étapes très runequestiennes (la taille et le poids viennent plus de C&S ici), on revient à du D&D. Il faudra ensuite choisir une Profession où on a un Niveau (et chaque Profession a encore une progression distincte en points d'expérience).
Le jet de sauvegarde généralisé semble plus venir de T&T (où le score à atteindre sur 2d6 - où les doubles sont open-ended - était (Niveau de difficulté x5 + 15) - Chance). Ici, au lieu de faire simplement sous la caractéristique, on doit faire (en gros) sur 1d20 au moins 21 - Caractéristique/4 - Niveau/2. De même, la chance de toucher au Combat sera (en simplifiant) de faire au moins 14 - Attaque/3 + Défense/3.
On détermine ensuite les compétences avec des points et on a deux ensembles de points : compétences acquises par expérience (Intelligence+Statut) et compétences étudiées de manière spécialisée (Intelligence+Jugement, ce sont les Compétences "professionnelles" réservées à une Classe de personnage). On regagne des points de compétences à chaque Niveau. On doit acheter un Niveau dans chaque compétence et chacune a un coût différent qui peut aussi être altéré par l'espèce ou même la culture. C'est ce détail qui fait que je renonce à tenter de créer un personnage...
Un détail drôle dans la description des langues est l'Argot des Tombeaux, la langue des fantômes, ou le fait (qui vient de Terremer) que la Langue Ancienne des Dragons ne permet pas de mentir.
On commence avec une quantité de Marks (pièces d'argent) égale à (3 x Statut social) x Jugement (donc sans doute autour de 250-500 Marks, ce qui est insuffisant pour les meilleures armures). Nalle dit que le Mark vaut environ 60 cents de 1982 (donc un Mark vaut environ 1,50$ actuels).
II Battlecraft
Ce deuxième livret décrit les compétences professionnelles de cinq classes de non-lanceurs de sorts : Guerriers, Berserks, Arts Martiaux, Assassins et Voleurs. Les règles semblent présupposer qu'on ne peut pas se battre à mains nues si on n'a pas la Profession Artiste Martial, ce qui montre à quel point l'imbrication compétences / classe professionnelle est encore rigide.
Chaque compétence a des règles peu systématisées. Un niveau dans une compétence affecte de manière très différente les chances de réussir. C'est parfois trop détaillé : un Voleur devra choisir à la fois Jouer aux Cartes et Tricher s'il veut devenir un Yakuza.
La règle sur les dégâts des armes est assez inutilement compliquée. Au lieu de faire simplement Dé de l'arme + modificateurs, on doit vérifier la classe d'arme plus la classe de dégât du personnage et en déduire les types de dés qu'on va tirer. Les armes légères font moins de dégât mais selon la DEX de l'attaquant peuvent aussi frapper plusieurs fois. La localisation des coups (avec 1d1000) est bien entendu plus détaillée que dans RQ et on peut savoir si on touche l'oeil droit ou gauche.
III Les Arts Arcanes
Ce livret fait 40 pages. Je pense que c'est dans la Magie qu'Ysgarth commence vraiment à briller et à acquérir une identité, même si l'influence de C&S est énorme. L'univers est censé être relativement à "basse magie" mais le système suppose quand même que la majorité des joueurs voudront des magiciens.
Il y a 15 Professions magiques (sans compter les prêtres qui sont dans le livret IV Holy Orders) : Alchimistes (Potion), Bardes (Musique), Conjurateur (Illusion), Devin (Information), Dresseur (Animaux), Herboriste (Végétaux), Médecin (Vie), 4 sortes d'Elémentaliste (Hydromancie, Pyromancie, Aéromancie, Géomancie), Enchanteur (Objets), Nécromancien (Morts), Sorcier (Sorcerer, Démons) et Mage (Wizard, Lois physiques en général, l'espace et le temps).
Le supplément 1 Wine of the Moon ajoutera Mage des Ténèbres, Mage de la Lumière, Runiste (Signes), Mage de Village.
L'idée simple, comme dans DragonQuest, est de relier sortilèges et compétences : chaque sort est une compétence mais le Niveau a des sens assez hétérogène. Une des compétences porte sur le Duel des Arcanes rien que pour des combats rituels entre mages et je ne peux m'empêcher de penser que cela a dû influencer Ars Magica et son système spécialisé pour le Certamen.
Il y a des sorts universels ouverts à tous, comme Détecter la Magie, Nier la Magie, Bouclier ou Rayon de mana, un peu comme dans Dr Strange.
Les classes de lanceurs de sorts peuvent se combiner et il est même dit que les Enchanteurs (qui investissent une forme de magie dans un objet, un lieu ou un individu) sont prévus pour être combinés avec une autre forme. Il y a alors une tension entre l'idée de ne considérer cela que comme des "unités de valeur" en magie, des Collèges de compétences et au contraire dans certains passages des vraies classes avec Guildes distinctes.
Dans les règles pour les Sorciers (démonologues), Nalle hésite entre développer complètement sa propre mythologie (comme Tékumel) ou reprendre encore la mythologie chrétienne (comme C&S) et il fait un peu des deux comme Ysgarth reste une Terre parallèle.
Les Sorts coûtent à la fois de la Fatigue physique et des points de Mana psychique.
La chance de lancer le sort dépend du Niveau du Mage - le Niveau du Sort mais aussi de la Dextérité et de la Volonté. La formule de base ("L'Indice de Magie") est (Dex/2 + Vol/3) -2) x5%. Oui, on passe soudain au d100 alors que les autres systèmes étaient encore sur d20. Le game design rhapsodique et arbitraire de Gygax n'était décidément pas surmonté. Les sorts offensifs ont en plus besoin d'un jet d'attaque comme une arme de jet.
Si on obtient un 00, c'est un fumble et il y a une table assez ingénieuse selon le type de sort.
Nalle a aussi prévu un système sur les interactions particulières entre les différents types de magie, ce qui peut avoir des effets surprenants où certains sorts en annulent d'autres.
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