Ce podcast de Noé Jacomet résume un argument de Derek Parfit dans Reasons & Persons (1984, via le livre de Kieran Setiya, Midlife: a philosophical guide, 2018).
Il est ordinaire de parler de notre biais de faveur envers le présent contre le futur (ou temporal discounting) : nous préférons souvent un plaisir A présent, même s'il cause une peine B plus grande dans le futur à une petite peine au présent même si elle entraîne un plaisir plus grand dans le futur.
Mais Derek Parfit inverse l'argument par une asymétrie où on aurait un biais de faveur envers le futur par rapport au passé.
1 Je vais ressentir une grande peine future dans un jour prochain et on me dit qu'on m'effacera le souvenir après la douleur. Mais quand je me réveille, je ne sais pas si j'ai déjà ressenti la peine dans le passé (et l'ai oubliée) ou si cette douleur est à venir. Nous aurons alors tendance à préférer être dans le premier cas, même si la douleur future éventuelle était inférieure à la douleur passée et oubliée.
2 Mais cela fonctionne aussi avec un plaisir. Si j'attends avec impatience un plaisir futur mais sais que je vais l'oublier après-coup, quand je me réveille je vais préférer avoir encore ce plaisir à ressentir dans le futur que l'avoir déjà ressenti, même si encore une fois ce plaisir futur encore à venir était inférieur au plaisir passé et oublié.
L'argument qu'en tirait Kieran Setiya était qu'on serait plus heureux en cherchant une satisfaction présente qui ne soit pas que fondée sur l'objectif futur (même dans une activité qui garde un objectif futur) pour apprendre à ne pas vivre toujours uniquement dans l'espérance d'une plus grande satisfaction future.
L'utilisation d'effaçage de la mémoire peut perturber nos intuitions sur l'identité de la personne (comme l'a bien montré Bernard Williams). J'ai des biais tellement fondés sur l'identité psychologique (critère lockien) que je me demande si j'aurais encore ce prétendu biais sur le futur si on me disait qu'on va me prélever tous mes souvenirs avant la douleur ou le plaisir et pas seulement après. Je me dirais alors que ce n'est pas vraiment moi qui vais ressentir cette peine et je deviendrai alors indifférent à la question de savoir si cette peine est encore à venir ou si le plaisir a déjà eu lieu.
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