samedi 10 décembre 2022

Avent 10 Zarathustra

Salle du trône du Roi Darius vers -510 à Suse (Louvre de Lens)


Cela peut paraître de mauvais goût de parler d'Iran fictive au moment où tant d'Iraniens et Iraniennes s'exposent à la mort dans la lutte contre la tyrannie, mais ce monde persan demeure une des cultures qui n'a pas été si explorée dans les jeux de rôle. 

Une rare exception au moins était le supplément de 67 pages (dont 30 pages de scénario) pour le jeu Scion Yazata: The Persian Gods par Siavash Mojarrad et Dean Shomshak (et je suppose qu'on ne pourra pas les accuser "d'appropriation culturelle"). Dans cette extension, on joue des enfants ou émanations de divinités de la mythologie zoroastrienne mais dans le monde contemporain (un bref survol). 

Comme pour les Valar de Tolkien, les Yazata ont été progressivement réduits à l'état d'Anges du dieu Ahura Mazda et même des concepts de plus en plus abstraits et moraux dans l'évolution du zoroastrisme et du mazdéisme mais semblent bien avoir été des divinités indo-européennes à l'origine. Il y a dix Yazata dans le supplément depuis que le Dieu suprême Ahura Mazda ne peut plus être contacté 

Mithra, dieu de la Justice, chef des Yazata

Anahita, déesse de l'eau et de la vie.

Ard /Ashi Vanuhi, déesse de la chance

Haoma / Hom, dieu de la santé

Mah / Maonghah, déesse de la Lune

Sraosha / Sorush, dieu de l'obéissance religieuse

Tishtrya / Tiri, dieu de la pluie.

Vahram / Behram, dieu de la victoire.

Vayu, dieu du Vent et des tempêtes.

Zām / Zamnad, déesse de la Terre.

Oui, il n'y a pas Rashnu, le Juge des Morts, par exemple (il devait faire trop doublon avec Mithra). 
On s'attend à un jeu assez "manichéen" (c'est le cas de le dire comme c'est le lieu de création du manichéisme), avec des Dieux luttant contre les Démons d'Ahriman. Mais le supplément rend cela plus complexe comme les Yazata luttent aussi contre le Titan du Temps qui voudrait détruire leur immortalité, Zurvan, et depuis les Guerres médiques contre le Panthéon grec. On peut aussi se demander si les "Démons" de leur tradition ne seraient pas en partie au moins leurs rivaux les Devas hindous. En effet, "daeva / div" signifie démon en persan et à l'inverse les asura étaient considérés comme les démons hindous et les dieux suprêmes perses. 

Dans cette version du panthéon, Mah (Lune) ou Zam (Terre) sont toutes les deux assez opportunistes ou machiavelliennes et Vayu (Vent) est quasiment une divinité ambiguë de la destruction chaotique qui peut se trouver opposé au reste du panthéon (si on veut mettre aussi les dieux indiens, il pourrait être fusionné avec son homonyme). 

En revanche, en relisant le livre, je vois que j'avais dit n'importe quoi dans ma description précédente de Sraosha, il est représenté comme sincère et juste, pas un fanatique étroit. Il était considéré d'ailleurs comme le dieu de la Conscience morale, pas seulement de la Foi. Sraosha, sous le nom de l'Ange Sorūsh est le seul de tous les dieux zoroastriens à être resté vénéré comme un Ange dans l'Islam iranien, ce qui serait un argument pour mon idée précédente qu'il serait plus susceptible de s'adapter au régime actuel. Il était aussi un psychopompe et gardien sur le Pont vers l'au-delà avec Ashi (succès). La version du supplément d'Ashi en déesse un peu changeante de la Fortune ne ressemble pas à la version plus moralisante d'Ashi.

L'ancien roi Zahhak, corrompu par Ahriman qui le fusionna avec trois serpents, cherche toujours à se venger de la création en libérant Azhi Dahaka, l'hydre du chaos. 

Le supplément développe toute une magie fondée sur le rôle des étoiles et des astres, comme les Mages étaient connus comme astrologues. 

Si on joue des enfants des Yazatas, certains peuvent ignorer leur ascendance et avoir été élevés comme des Musulmans iraniens, ce qui pourrait ajouter une autre source de conflits quand ils découvrent leurs origines. 

Je cherchais des lieux qui pourraient justifier une campagne avec des Yazatas, et je vois par hasard qu'il existe à Téhéran une école primaire zoroastrienne, Jamshid-e Jam et un lycée zoroastrien, le Lycée Firooz Bahram. Certains jeunes Iraniens se disent paraît-il parfois zoroastriens non pas par foi mais par une sorte d'affichage "national" pour la religion ancestrale pré-islamique et par hostilité au régime chiite, ce qui expliquerait le score étrangement en croissance dans certains sondages où certains se diraient zoroastriens pour ne pas s'avouer agnostiques. 

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