Depuis longtemps (peut-être James Bond 007 ?), des systèmes ajoutent aux paramètres représentant des qualités du personnage des points qui représentent plutôt (de manière non-réaliste mais conforme à la dramatisation) la chance anormale des personnages de certains types de récit. Ce sont toutes les réserves de Points d'Héroïsme / Points de Destin / Points de Karma / Points d'Action / Points de Drame.
Mais ces jeux gardaient les deux aspects distincts : une représentation du talent ou de la capacité et, d'autre part, une représentation de la "chance" (ou des possibilités de "seconde chance") du héros. Un personnage peut être compétent mais sans grande importance narrative (on ne lui donnera pas de seconde chance) ou bien l'inverse.
Les jeux récents de Robin Laws comme le système Skulduggery (utilisé dans Jack Vance's Dying Earth - cf. aussi le scénario Black Smoke sur l'élection du Pape) ou le système Gumshoe (utilisé par Trail of Cthulhu, Esoterrorists, Fear Itself, Mutant City Blues, Ashen Stars, Night's Black Agents , l'hybride avec d20 LoreFinder ou le futur post-apo Razed) me semblent tous les deux aller dans le sens d'un brouillage de cette distinction en traitant l'évaluation du niveau du personnage par une "réserve" de points à dépenser.
Je n'arrive pas du tout à m'habituer au "méta-jeu" qu'entraîne ce genre de mécanisme. Je ne sais pas si c'est seulement une question d'habitude ou de goût mais je crois pouvoir un peu défendre mes réserves (enfin, mes réticences).
Dans Jack Vance's Dying Earth (2001, une deuxième édition vient de sortir en 2012), par exemple, imaginons qu'Arnolphe est super-compétent et que Barnabé est débutant. Ils ont exactement la même probabilité de base de réussir (50% sur 1d6) mais Arnolphe pourra relancer le dé plusieurs fois en dépensant des points. En quelques jets, cela donne une différence notable - à condition qu'Arnolphe décide de dépenser ces points de sa Réserve. Mais imaginons que le joueur qui interprète Arnolphe n'en ait pas envie sur cette action ou qu'il évalue qu'il devrait en garder pour plus tard. Sa gestion économique de sa Réserve pourrait donc le rendre exactement aussi incompétent que Barnabé, sauf s'il y a une compétition directe où le joueur d'Astolphe se rendrait sans doute compte de l'importance du défi.
Le système Gumshoe utilise une version différente où on lance un d6 plus le ou les points qu'on dépense de sa Réserve, mais sans nécessairement connaître les difficultés. Donc si Arnolphe a 15 points en Rhétorique mais qu'il refuse de dépenser un point et que Barnabé dépense son seul point, ce dernier a plus de chances de réussir.
Dans les deux cas, les points supplémentaires ne font pas que compléter le niveau de compétence : ils représentent ce niveau.
Il y a certains contextes - comme l'Horreur ou bien le Post-Apocalyptique - où la crainte de ressources limitées contribue à l'atmosphère. Mais il y a aussi le risque de trop "sortir" de la narration dans la gestion ludique des ressources. C'est le danger de ce qu'on appelle des Mécanismes dissociés, où une règle du jeu n'a plus aucun rapport avec ce qui peut être vécu par les personnages à l'intérieur du cadre fictif.
Add. Je vois que le nouveau jeu science-fantasy/Terre-Mourante Numenera de Monte Cook, qui vient de sortir ce mois-ci, utilise lui aussi un système qui tend plutôt vers celui de Gumshoe.
On jette un d20, plus quand même un bonus de compétence, mais ensuite on doit dépenser des points dans uen des trois catégories de caractéristiques (Puissance, Vitesse ou Intellect, correspondant aux trois classes Glaive, Jack et Nano). Mais là encore, le but est justement d'insister sur la rareté dans un monde post-apocalyptique et on peut donc comprendre d'insister sur des réserves à économiser et à recharger.
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Il y a 7 heures
5 commentaires:
Mais imaginons que le joueur qui interprète Arnolphe n'en ait pas envie sur cette action ou qu'il évalue qu'il devrait en garder pour plus tard. Sa gestion économique de sa Réserve pourrait donc le rendre exactement aussi incompétent que Barnabé
En termes de simulation , on pourrait interpréter le refus du joueur d'utiliser ses points comme une absence d'effort de la part du personnage-joueur. Bien qu'il soit à la base plus compétent, ses chances de réussite sont équivalentes, faute d'y mettre l'application et la concentration nécessaire.
Oui, mais cela oblige le joueur à se demander s'il aura encore besoin d'autres points avant la fin de l'aventure. Son effort dépendra donc de ce que le joueur (et non le personnage) peut estimer de la durée prévisible du scénario.
On peut aussi avoir l'inverse où un perso très bon brule très vite tous ses points au début d'une aventure, en croyant qu'il n'en aurait besoin ensuite, et qui se retrouve ensuite complètement incompétent pendant toute la fin. Il ne peut plus faire d'effort parce qu'il s'est trop fatigué (ce qui pour l'exemple de la Rhétorique paraît bizarre).
Un avantage de ce système est que les persos de l'équipe qui ont une compétence très utile pour un scénario précis ne domineront pas complètement le jeu et finiront pas épuiser leur Réserve, on aura quand même besoin du score des autres ensuite. Mais les persos du système Gumshoe sont censés se spécialiser pour que l'équipe "couvre" tous les domaines.
Personnellement j'ai aussi du mal avec ce genre de système, que l'on retrouve aussi bien dans Gumshoe que in fine dans D&D4, avec le système de pouvour quotidien, etc.
Ce méta-jeu me semble casser l'immersion et n'apporte aucune justification 'cohérente'. En particulier pour un titre comme Gumshoe, cela me semble une facilité de règle pour gommer d'autres 'ressources' moins abstraites et qui permettrait d'obtenir des effets similaires : par exemple le temps passé, le soutien d'unités 'hors jeux' (genre labo criminalistique) et la fatigue.
Le temps passé sur une scène de crime, ainsi que le nombre d'enquêteurs et les moyens à leur disposition, doit il me semble influencer l'efficacité des recherches. Le système façon Gumshoe gomme ses questions derrière une valeur très abstraite, à la quelle je ne réussie pas à adhérer.
On peut encore donner une justification dans la simulation à des pouvoirs quotidiens pour la Magie vancienne, mais en effet pour les autres pouvoirs de D&D4 et surtout pour les pouvoirs "par Rencontre", on est complètement dans un jeu de société et plus dans une simulation. Pourquoi les personnages auraient-ils une représentation de ce que doit durer une Rencontre ?
Dans le système Gumshoe, la bonne idée est de faire en sorte que les jets d'enquête ne paralyse plus la progression du scénario, mais on nous rappelle donc tout le temps qu'on est dans un scénario ou dans un "épisode" et pas dans une simulation. On récompense plutôt des attentes de spectateurs de fiction.
L'idée de base de Gumshoe que tu rappelles ici est bien sûr très bonne. Ce que je regrette c'est que le système de réserve ne corresponde qu'à une abstraction et ne demande en fait que très peu de prise de décision de la part des joueurs : il suffit de dire que l'on utilise telle compétence pour pouvoir obtenir les éléments qui lui sont liés. Et il suffit donc (bis) que dérouler la check list des compétences du groupe pour tout chopper.
De plus les quelques scénarii que j'ai pu lire sont organisés de façon très structurées, avec arbre/graphe décisionnel et finissent par ressembler à des livres dont vous êtes le héros. Au final, le système enlève, AMHA, toute tension.
Le 'simple' rajout de l'équation "prendre du temps pour trouver, sans connaissance a priori" peut éventuellement permettre de retrouver cette tension. On peut aussi prendre en compte la fatigue, les ressources de l'équipe et de son environnement.
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