575 pages, chez Libertalia, 2016
Je ne m'attendais pas à être si impressionné par le livre. Comme William Blanc veut tout couvrir dans les reprises du mythe arthurien, non pas seulement les romans, romances, contes ou poèmes mais les films, les comics, les chansons, les jeux vidéo et les jeux de rôle (Blanc a été un joueur et un fan de Pendragon de Greg Stafford qu'il met dans ses remerciements), je craignais un effet de survol ou une liste de compilations mais il y a des lignes fortes qui se dégagent et Blanc (qui est médiéviste) se montre aussi fin critique littéraire ou connaisseur en littérature anthropologique ou mythologique.
Il montre bien l'incroyable souplesse idéologique des reprises du cycle et à quel point la Matière de Bretagne peut être réinvestie et inversée dans de nombreux buts. Mythe gallois contre le reste de la Bretagne, mythe écossais contre les Anglais, mythe fondateur anglais, mythe anti-anglais, mythe païen (ou néo-païen), mythe chrétien, mythe de la Chevalerie, mythe de déconstruction de la Chevalerie (j'avais complètement manqué à quel point le but de T.H. White est clairement d'opposer le Roi Arthur comme projet de civilisation à la brutalité sous-jacente de la chevalerie), mythe écologiste ou au contraire satire de la société pré-industrielle (Mark Twain dans son influent Un Yankee à la Cour du Roi Arthur).
Une des auteurs souvent évoquée en anthropologie est Jessie Weston (1850-1928), une folkloriste inspirée par Frazer, qui rédige à la fin de sa vie, en 1920, From Ritual to Romance. L'interprétation ritualiste est que toute la partie sur la Terre Gaste ou sur le Roi Pêcheur et le Graal serait liée à des rituels agraires de régénération périodique de la Terre : la fonction sacrée du Roi Thaumaturge serait de continuer ces rites archaïques dont les paysans médiévaux avaient oublié les origines. Comme le note Blanc, plus personne ne croit que l'interprétation de Weston puisse expliquer beaucoup de choses dans le cycle médiéval mais l'interprétation a été si influente qu'en un sens, elle a instauré son propre mythe (une des phrases les plus belles de Lévi-Strauss dans Anthropologie Structurale est qu'une interprétation d'un mythe est elle-même un mythe et entre dans l'histoire de ce mythe). Le livre de Weston est même montré par Kurtz dans une scène d'Apocalypse Now de Coppola et il est clair qu'il voulait la caution frazerienne mythique dans son adaptation de Conrad comme son comparse George Lucas avait la caution jungienne de Campbell pour son space opera. Le Fisher King de Terry Gilliam n'est donc pas si original sur ce point. A la fin de ces chapitres sur Weston, on se demande même ce qui n'est pas une métaphore arthurienne sur la Terre Gaste (le perfide T.S. Eliott aurait ainsi prétendu n'avoir utilisé Weston qu'avec ironie dans son célèbre Wasteland). Tout le genre post-apocalyptique devient dès lors potentiellement arthurien (avant même que le jeu de rôle récent Wasteland ne le reprenne aussi explicitement).
Comme je n'ai pas lu l'ouvrage dans l'ordre, je n'ai peut-être pas toujours bien saisi une progression mais il est aussi remarquable que ce soit assez illustré (avec des extraits de comics ou d'images de films par exemple).
Pour finir, pour les fans du cycle de Bretagne, je conseille aussi ce podcast : Rex Quondam Rexque Futurus (par la même équipe de chercheurs qui font aussi l'excellente émission en ligne C'est Pas Sourcé sur l'histoire des religions).
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Il y a 4 heures
3 commentaires:
Alors que dire du célèbre et dantesque film "Excalibur" de Boorman ? Là il y a une sacré séquence sur la terre gaste. Le film est vraiment l'enfant de son époque pour moi : la fin des années 70 hippies et le côté revival folk du début des années 80...
Oui, il en parle pas mal (par exemple p. 327-332). Boorman fait référence explicitement à Weston. Il avait failli appeler son film Merlin Lives!
Vous avez aiguiser ma curiosité : http://editionslibertalia.com/william-blanc-le-roi-arthur
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