Les Chimériades se sont donc conclues après cette 6e édition (5-8 mai 2018) qui doit être la dernière, et pour plus de détails, je renvoie au compte-rendu en anglais chez Gianni.
Je n'y étais plus allé depuis les 3e Chimériades d'octobre 2011, quand l'invité d'honneur était le génial Jonathan Tweet (la 4e en mai 2014, je ne me sentais pas encore prêt et la 5e de mai 2016 je voulais venir mais j'avais raté l'inscription 10 minutes après l'ouverture).
Une des particularités des Chimériades est d'être une convention qui donne une large place aux jeux de Chaosium comme Call of Cthulhu ou le monde de RuneQuest, Glorantha (comme ses grandes soeurs allemandes Eternal Convention à Stahleck ou le Kraken).
Le château de l'Environnement de Buoux (Lubéron)
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Interlude philosophique obligatoireJeff Richard de Chaosium a expliqué avec profondeur que les deux jeux n'ont pas seulement une parenté historique de système ou de règles, ils expriment une dialectique philosophique par rapport au Zeitgeist contemporain depuis le Siècle des Lumières : Call of Cthulhu relève de notre nihilisme et notre finitude angoissée après la Mort de Dieu, l'absurdité abyssale à l'intérieur de nos fictions, Glorantha est le symétrique qui se fonde sur l'espérance mystique d'une transcendance au-delà de toute idolâtrie anthropomorphique des religions organisées, où les mythes pourraient encore jouer un rôle central dans nos vies de créatures finies. Donc en gros, Call of Cthulhu est nietzschéen alors que RuneQuest aurait un fond plus jungien (éliadien, ou peut-être au minimum cassirerien). le premier est un cauchemar apocalyptique alors que le second est un rêve nostalgique. Paradoxalement, je me sens philosophiquement plus nietzschéen (ou peut-être max-weberien) que jungien mais pour jouer, je préfère de loin la mythologie enchantée de Greg Stafford au monde désenchanté de Lovecraft, le fantasme psychédélique du shaman hippie au néo-gothique du puritain fascisant.
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C'est par exemple à la première Chimériade (2007, quand Greg Stafford venait encore aux Conventions, snif) que la compagnie Sans Détour signa l'accord de traduction de Call of Cthulhu et je crois que c'est à la seconde (quand Sandy Petersen était venu) qu'ils commencèrent à organiser le jeu de rôle / guide du monde sur les Chroniques des Féals d'après les romans de Gaborit avec les illustrations de Nicolas Fructus.
J'ai pu jouer 4 fois (pas de partie le lundi soir) et j'ai eu le plaisir de tester plusieurs systèmes.
1. Grâce à P. Soulignac, j'ai enfin pu comprendre comment s'appliquaient les règles du Drama System. Nous jouions les personnages les plus célèbres du Cycle arthurien, ce qui permettait de trouver directement les conflits dramatiques sans trop d'effort. Mordred a fini en partant en pénitence dans un monastère parce qu'il avait blessé son père. Lancelot et Guenièvre ont failli en profiter pour faire un coup d'Etat avant que Morgane et Merlin ne soignent le Roi légitime mais sans enfant.
Dans cette version, Mordred était un fils illégitime de Morgawse (et non Morgane) mais né avant Gauvain, ce qui permettait une tension nouvelle entre eux : Mordred était un bâtard sans père et Gauvain était le fils du Roi Lot mais d'un autre côté, c'est Mordred qui descendait d'Uther, pas Gauvain. Le MJ nous a dit que dans une précédente version, la résolution avait été plus sanglante avec Arthur tuant Guenièvre avant de se suicider.
Cela dit, je me demande si cela marche aussi bien si on devait définir tous les conflits entièrement sans une base préalable. Les scénarios parus semblent devoir faire appel à des lieux communs ou des présupposés communs pour que cela fonctionne mieux.
2 J'ai testé Shaan avec un des nouveaux auteurs et cela roulait pas mal avec le très bon scénario politique paru récemment dans Casus Belli. J'y jouais un shaman pyromane Woon (les humanoïdes bestiaux et hirsutes qui font un peu penser à des Wookies).
3 J'ai aussi fait une partie mémorable de Mindjammer (2e édition, je me rends compte que je n'ai plus parlé de ce jeu que je continue de suivre depuis mon bref compte-rendu de la première édition en 2011). J'y jouais un des pré-tirés qu'on trouve dans l'écran du MJ, un octopoïde intelligent qui servait à la fois de pilote (il était amoureux de l'IA du Vaisseau pensant qui s'appelait Un Rare Enthousiasme pour La Mission) et de médecin psychologue de l'équipage. Un des moments les plus réussis a été la révélation d'un des principaux secrets de cet univers où le joueur qui jouait le Vaisseau (et qui était un des organisateurs de la Convention) a proposé une hypothèse que l'auteur du jeu Sarah Newton a trouvé assez intéressante pour dire qu'elle en tiendrait compte pour remanier peut-être la publication de son scénario.
4 Je n'ai quand même pas complètement écarté Glorantha et j'ai participé à un scénario avec la nouvelle édition à paraître de RuneQuest où je jouais cette fois un vrai rôle de composition (un philosophe pusillanime et incompétent... non, je n'avais pas créé le personnage, c'était un pré-tiré).
Je parlerai peut-être dans un autre post des rumeurs entendues sur l'évolution de Glorantha et RuneQuest (ce qu'on pourrait appeler un peu vite sa relative "Dé-Heroquestisation" même si c'est plus compliqué).
Mais l'un des éléments les plus plaisants, en dehors de revoir des amis ou de faire la connaissance de Sarah Newton ou Ken Rolston (auteur des campagnes de River of Cradles ou Dorastor), est d'avoir pu enfin avoir le courage (grâce à Rappar, qui force toujours ma timidité) de parler à Rolland Barthélémy, le grand illustrateur qui créa l'emblème de toute la Convention (et dont une des premières couvertures en 1983 fut pour un cycle de romans qui s'appelait justement le Cycle des Chimères). La barbe de Monsieur Barthélémy était devenue si platonicienne qu'il a su se forger une figure de Léonard de Vinci. A ma grand surprise, il connaissait même ce blog (!) et y a même posté souvent des commentaires.
On peut voir ce qui doit être sa première illustration dans Casus Belli, celle dans le n°16 en septembre 1983. Il a récemment encore participé à la réédition de Rêve de Dragon, à Wastburg, à Te Deum Pour un Massacre mais je recommande aussi (en plus des souvenirs rôlistes) sa série Lothario Grimm, qui a un charme jack-vancien.
Merci, Rolland, pour cette amazone (qui doit évoquer un peu Red Sonja ou bien Jar-Eel the Razoress aux gloranthiens) en train d'affronter cette Chauve-Souris géante avec sa rapière.
(Post-Scriptum : le graphic novel inachevé et inédit de Barry Winsor-Smith dont je parlais aux Chimériades est posté là).
5 commentaires:
Je parierais bien vingt sous que si jamais Barthélémy vient à passer par ici, il va rosir sous sa barbe!
Merci pour cette compile-résumé. quel bon moment, ami !
Que Rolland se porte bien et continue à nous faire de joli dessin !
All Hail Anniceris !
Si Patrick parle de la partie de Drama System que nous avons jouée au Kraken, alors ce n'est pas Arthur qui a tué Guenièvre avant de se suicider.
A la décharge de Pat', mes souvenirs étaient confus aussi. Voilà ce qu'on a reconstitué :
Je jouais Lancelot. Guenièvre était mortellement malade et Lancelot en voulu à Merlin (qui lui reprochait vivement sa liaison).
Lancelot demanda du poison à Morgane, pour empoisonner Merlin. Aux fiançailles de Merlin et Nimue, un filtre d'amour circulait : en effet, Mordred était gay et amoureux de... Gauvain? A la suite d'un imbroglio digne d'un théâtre de boulevard, le poison et le filtre d'amour furent inversés. Nimue tomba amoureuse de Lancelot; ils furent surpris en train de coucher ensemble et fuirent.
Mordred se révélà à Arthur comme son fils, et Arthur le légitima. Morgane - une intriguante - épousa Mordred pour maintenir les apparences et ils succédèrent à Arthur.
Au sommet de la plus haute tour de son château de Bretagne, Lancelot méditait sur le fait que suivre ses penchants amoureux plutôt que la raison d'Etat l'avait amené à trahir la confiance d'Arthur, à ne pas écouter les sages conseils de Merlin, à affaiblir la Table Ronde, à trahir Merlin, et à démolir sa propre carrière... L'Amour étant décidément un fort mauvais conseiller, il précipita Nimue "la tentatrice" du haut des remparts, avant de se jeter dans le vide à son tour.
Tout cela dans les éclats de rire, les hurlements de joie quand on trouvait un formidable rebondissement, et les applaudissements pour le joueur qui roleplayait outrancièrement :D
> Tororo & Desmeïl
On aura bien l'occasion de se revoir dans d'autres circonstances que les Chims !
> Régis
Je cite de mémoire, peut-être qu'il n'avait pas raconté les choses ainsi. En tout cas, vous aviez été bien plus créatifs et libres que nous ! J'aime bien l'ajout d'un philtre tiré de Tristan qui complique tout. Mordred amoureux de son demi-frère Gauvain (qui est aussi en même temps son cousin), là, cela complique en effet toutes les relations.
Dans notre partie, j'étais un Lancelot très traditionnel et indécis, et je n'osais ni trahir Arthur ni quitter Guenièvre. Le seul joueur qui déviait vraiment des habitudes était le Mordred, qui voulait vraiment se faire respecter d'Arthur et non pas simplement le tuer. On a d'ailleurs quasiment fait que du dramatique et presque rien de procédural en dehors d'un tournoi.
ça me revient : le poison avait tué Gauvain, alors qu'il croyait boire le philtre d'amour que lui offrait Mordred. Imaginer que non seulement Mordred était gay, mais que Gauvain répondrait favorablement à ses avances était en effet osé de la part du joueur :)
pauvre Mordred obligé d'épouser Morgane parce qu'elle connaît son secret, qu'il faut un roi hétéro et une progéniture pour la dynastie, tandis qu'il pleurera toute sa vie son véritable amour perdu...
Peut-être est-ce dû au talent du MJ qui nous poussait dans nos retranchements. P.ex. Lancelot ne voulait pas coucher avec Nimue en plein milieu des noces de cette dernière... mais le MJ nous a dit "AU CONTRAIRE! FAIS-LE! Tu ne résistes pas!" :D
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