Diderot et Rousseau sont déjà brouillés depuis plus de dix ans au moment du Supplément et ils ne se réconcilieront jamais. Une différence avec Rousseau restera que Diderot cherche une Loi naturelle derrière la morale philosophique sécularisée alors que Rousseau parle plutôt dans la Profession de Foi d'une Loi morale et d'une religion morale pour parler d'un "instinct divin", distinct de la Raison et distinct de toute Loi de la Nature. Diderot, avant les Utilitaristes et les Sensualistes Idéologues, se réclame en partie du néo-stoïcisme de Shaftesbury (un critère d'universalisation avec l'espèce humaine comme horizon de l'utilité collective) mais sans doute en un sens matérialiste moins finalisé. Shaftesbury (que Diderot a partiellement traduit en 1746) a une vision assez contradictoire entre ce qui sera plus tard le déontologisme intransigeant de Kant (ou déjà la critique voltairienne) et le souverain bien eudémoniste des philosophies antiques : il dit à la fois que la motivation morale peut et doit dépasser tout hédonisme de l'intérêt mais qu'il n'y a aucun conflit entre vertu et bonheur, entre ethical push et ethical pull comme dirait Nozick, que la vertu morale doit en réalité conduire au vrai intérêt du sujet.
La défense de la "Nature" ou de la liberté des moeurs sexuelles que prononcent les pseudo-Tahitiens utopiques, notamment dans le Discours avec l'Aumônier, suit sur deux phrases les listes de Coutumes variables que fait Montaigne (I, 23).
Où les peres prestent leurs enfans, les maris leurs femmes, à jouyr aux hostes, en payant.
Où on peut honnestement faire des enfans à sa mère, les peres se mesler à leurs filles, et à leurs fils.
Diderot reproduit aussi le Discours de Polly Baker de Benjamin Franklin (1747) et je me demande si ce n'est pas une source importante pour The Scarlet Letter (1850).
La Mutinerie du Bounty juste avant la Révolution française en 1789 semble presque un écho des textes politiques de Diderot dans le Supplément, dans la dénonciation de Dieu, du Magistrat et du Prêtre (et c'est d'ailleurs là qu'on peut voir que Nietzsche a aussi un côté Aufklärer, en dehors de son rejet de l'égalité des hommes).
Theatre: A Very Wooster Holiday
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*Happy Christmas, Jeeves* by Heidi McElrath and Nathan Kessler-Jeffrey,
directed by Karen Lund, based on the stories of PG Wodehouse Taproot
Theatre Com...
Il y a 4 heures
3 commentaires:
Le discours du vieillard tahitien recycle des thématiques cyniques, non ? L'éloge de l'accouplement au grand jour, d'une vie sans propriété des biens matériels, sans besoins superflus etc ...
D'ailleurs il y a qqch d'amusant à ce que l'éminent coauteur de l'encyclopédie ait placé dans la bouche de son vieux tahitien non seulement une dénonciation délétère du prêtre, mais aussi un trait contre les "inutiles lumières" européennes.
"une dénonciation de l'influence délétère du prêtre"
Oui, mais comme on dit, les Cyniques sont des Stoïciens plus débraillés. :)
Mais ce serait très exagéré de parler de néo-stoïcisme parce que Diderot, comme presque toute la philosophie moderne, ne voudrait pas garder le reste de finalisme dans sa propre théorie hylozoïste transformiste.
L'influence la plus directe est quand même le Premier Discours de Rousseau de 1750 (qui, lui, tire son stoïcisme de la vertu romaine comme chez Montesquieu). Je ne connais pas assez l'évolution de leurs relations pour voir ce que Diderot lui reproche le plus quand il crée le thème du Bon Sauvage et l'attribue à Rousseau (dans l'entrée "Hobbisme" de 1765) mais il doit clairement le parodier.
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