jeudi 22 juillet 2021

Les Sept Péchés capitaux

Seven Deadly Sins est un manga et un animé pour ados (Shōnen) de Suzuki Nakaba (1977-) publié pendant 8 ans de 2012 à l'an dernier. Il s'agit d'une version très décalée du mythe arthurien dans un monde parallèle où chaque chevalier est plus un superhéros aux pouvoirs individuels distincts qu'un personnage classique (ce qui ressemble donc aussi à la série Demon Knights chez DC, 2011-2013, même s'il doit plus s'agir d'une coïncidence). 


Je n'ai vu que la première saison sur Netflix et je n'ai pas du tout lu la série de manga qui suit celle-ci (Les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse, qui se passe à la génération suivante, avec Perceval) donc je ne peux pas juger toute l'évolution mais il y a des éléments d'inversions du mythe arthurien qui sont intéressants. Les Médiévaux adoraient faire des prequels ("Les Enfances de...") et c'est un des prequels les plus inventifs sur une génération avant les Chevaliers de la Table ronde. 

Les Sept Péchés en question sont sept chevaliers du Royaume de Lyonesse (non, je ne reprends pas l'orthographe choisie par les traductions) qui sont poursuivis depuis des années et se sont dispersés et la quête de la première saison consiste surtout à les réunir. La série Demon Knights aussi avait 7 "Chevaliers" dont Nimue et le demi-frère démoniaque de Merlin. 




Leur chef est Meliodas (La Colère - le père du futur Tristan), qui est en fait un démon enfermé dans un corps de jeune adolescent et son personnage cache sous une apparente naïveté optimiste une violence contenue. Les autres chevaliers comprennent Ban (L'Avidité - le père du futur Lancelot, un voleur qui a bu la Fontaine d'Immortalité mais est inconsolable de la mort de la fée Elaine qui devait la garder), King Harlequin (La Paresse, l'immortel Roi des Faes et frère d'Elaine, qui a une apparence d'enfant, comme Aubéron, et porte la Lance Chastiefol, dont le nom était celui de l'épée d'Arthur dans Le Chevalier au Papegau du fin XIVe), Diane (l'Envie - une Géante féérique assez naïve et dont le Roi des Fées est amoureux), Gauthier (la Luxure - un.e intellectuel.le androgyne et sans émotion qui cache de nombreux secrets magiques sur la perte de son identité personnelle et un télépathe qui peut explorer les souvenirs des autres - son nom Gowther vient d'un récit du XVe siècle sur un demi-frère de Merlin), Merlin (La Gourmandise - une ancienne sorcière polymorphe et manipulatrice) et Escanor (l'Orgueil - un chevalier à la force difficile à contrôler - dans les légendes arthuriennes, c'est le nom du Chevalier noir que remplace Yvain comme gardien de la Fontaine dans Le Chevalier au Lion). 

Les personnages sont parfois aussi complexes que les intrigues à tiroir chez des décennies de Chris Claremont. Un des choix de Suzuki Nakaba est de ne pas toujours suivre vraiment le Péché dans la caractérisation. Colère, Paresse, Avidité sont assez cohérents (encore que Meliodas est plus marqué par la luxure) mais Gauthier ou Merlin n'ont pas de connexion claire avec leur Péché. On apprendra en fait que le nom des péchés est presque à chaque fois lié à un quiproquo où ils ont été injustement accusés. 

La première série raconte comment le Royaume de Lyonesse est tombé sous la domination des Chevaliers Sacrés, qui ont été corrompus par une sorte de Graal Inversé, ou une Eucharistie Inversée par le Sang du Démon. Certains des Chevaliers sacrés sont encore sincères et dévoués mais d'autres ont accepté de boire le Sang démoniaque pour augmenter leur pouvoir. Les Sept Péchés ont été accusés à tort d'avoir assassiné l'ancien Grand Maître de leur Ordre, Zarathras. 

Le Roi de Lyonesse, Bartra (Bertram ?) n'est plus qu'une marionnette emprisonnée par cet Ordre et la Princesse Elizabeth est l'une des seules qui va suivre Meliodas et reformer une partie des Sept Péchés (sa soeur la Princesse Véronique est devenue une Chevalière sacrée et son autre soeur Margaret est une otage au Château). Merlin, elle, est devenue la conseillère d'un autre jeune Roi voisin, Arthur de Britannia, et il apparaît si tard dans la série qu'on en est heureusement surpris. 

Viviane (qui porte un masque inquiétant et semble insensée tout comme la Nyneve dans Camelot 3000) est encore débutante dans les adversaires mais je vois sur Internet que la suite de l'histoire verra apparaître La Dame du Lac (distincte de Viviane) dans un autre rôle ambigu comme une Déesse du Chaos. Le monde de Britannia est composé de 5 peuples : les Humains, les Faes, les Géants (qui ne vivent plus que comme mercenaires des Humains), les Démons & les Déesses (adorées par les Druides, la Dame du Lac et Elizabeth sont en fait issues d'une des Déesses). 

Il y a d'autres éléments moins arthuriens mais qui viennent peut-être de la Prydain de Lloyd Alexander comme une Truie Géante (qui serait une déesse maternelle et qui abrite l'Auberge Itinérante des Sept Péchés, peut-être aussi une allusion à Henwen, la Truie mythique dont l'enfant félin tua Arthur dans certaines versions apocryphes). Je soupçonne quand même dans les clins d'oeil de Suzuki une érudition assez vaste et éclectique. 

C'est un shonen, ce qui implique donc des combats interminables et des discours répétitifs sur les niveaux respectifs comme des commentaires sportifs faits pour créer un faux suspense ("il est d'une puissance incroyable, encore plus que X, je n'y arriverai jamais... blablabla"). Il y a aussi les signes culturels d'une sexualité japonaise adolescente aux codes si différents des nôtres où le héros et personnage globalement "positif" Meliodas ne cesse de palper, d'objectiver et harceler la Princesse Elizabeth en bas résille, avec une perversité sadique sans supposer son consentement, ou alors de nombreux personnages féminins qui demeurent bloqués à un stade de lolitas comme Elaine ou en un sens la Géante Diane. Je ne veux pas porter de jugement trop rapide, l'érotisation ecchi des mangas (et le fan service) n'est peut-être pas toujours plus malsaine pour les adolescents que le refoulement extrême de la Ligne claire belge catholique ou l'érotisation légèrement plus allusive des anciens comics avant leur évolution vers un medium de nostalgie. Mais il est clair que cela m'empêcherait pour le moment de le montrer à mes jeunes enfants. 

Malgré cela, les nombreuses histoires d'amour sont parfois intéressantes. Pas tellement celle entre Elizabeth et Meliodas (où Elizabeth est trop passive) mais celle entre Ban et Elaine, celle entre Gowther et Nadja (la soeur défunte du Roi de Lyonesse) ou entre Diane et le Roi des Fées (qui s'est enfermé dans une relation impossible en voulant la préserver et qui a créé sans le vouloir le triangle amoureux avec Meliodas). 

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