Dans son article (Libé p. 24), Jacques Rancière fait plusieurs allusions (à Roman Polanski par exemple) mais il y en a une peu plus obscure :
Récemment un philosophe allemand appelait les riches à se révolter contre la "kleptocratie" fiscale organisée par l'Etat pour servir le vil ressentiment des pauvres. Il appelait les mêmes riches, au nom de la culture noble, au don volontaire. Cette seconde partie du programme risque de susciter moins d'enthousiasme que la première.
J'ai cru à une exagération de Rancière mais en effet le provocateur "cynique" Peter Sloterdijk a vraiment dit quelque chose qui y ressemble en juin dernier :
So ist aus der selbstischen und direkten Ausbeutung feudaler Zeiten in der Moderne eine beinahe selbstlose, rechtlich gezügelte Staats-Kleptokratie geworden. Ein moderner Finanzminister ist ein Robin Hood, der den Eid auf die Verfassung geleistet hat. Das Nehmen mit gutem Gewissen, das die öffentliche Hand bezeichnet, rechtfertigt sich, idealtypisch wie pragmatisch, durch seine unverkennbare Nützlichkeit für den sozialen Frieden - um von den übrigen Leistungen des nehmend-gebenden Staats nicht zu reden. Der Korruptionsfaktor hält sich dabei zumeist in mäßigen Grenzen, trotz anderslautenden Hinweisen aus Köln und München. Wer die Gegenprobe zu den hiesigen Zuständen machen möchte, braucht sich nur an die Verhältnisse im postkommunistischen Russland zu erinnern, wo ein Mann ohne Herkunft wie Wladimir Putin sich binnen weniger Dienstjahre an der Spitze des Staates ein Privatvermögen von mehr als zwanzig Milliarden Dollar zusammenstehlen konnte.
(...)
Die einzige Macht, die der Plünderung der Zukunft Widerstand leisten könnte, hätte eine sozialpsychologische Neuerfindung der „Gesellschaft“ zur Voraussetzung. Sie wäre nicht weniger als eine Revolution der gebenden Hand. Sie führte zur Abschaffung der Zwangssteuern und zu deren Umwandlung in Geschenke an die Allgemeinheit - ohne dass der öffentliche Bereich deswegen verarmen müsste. Diese thymotische Umwälzung hätte zu zeigen, dass in dem ewigen Widerstreit zwischen Gier und Stolz zuweilen auch der Letztere die Oberhand gewinnen kann.
La notion de bouleversement "thymotique" à la fin (thymotische Umwälzung, le θυμός est l'ardeur ou courage, qui correspond dans la République de Platon à la Classe militaire) est particulièrement ridicule pour désigner l'espoir du retour d'une Aristocratie chevaleresque pleine d'une générosité magnanime.
Chez Francis Fukuyama, le "thymos" était le Désir de reconnaissance des Maîtres et le fondement de la société libérale démocratique depuis la "Fin de l'Histoire".
Mais ici, l'usage est plutôt "libertarien" ou nozickien.
2 commentaires:
J'avais été choqué par cet article (reproduit dans PhiloMag) à l'époque. Cela prouve seulement que certains philosophes sont capables d'inventer n'importe quoi pour justifier leur ressentiment quand ils doivent payer leurs impots après une année faste en librairie. Le philosophe est d'abord défini par son indépendance à l'égard de l'argent et à part Sartre il n'y en a guère à avoir prouvé qu'il méritait ce titre.
Avec un sophiste comme Sloterdjik, on ne peut jamais savoir s'il est sérieux (un peu comme Baudrillard, qui se fiche de nous tout en nous le disant) mais il a un usage de la dialectique où il tire souvent d'un philosophe une thèse inverse de celle qu'il soutient : la compréhension heideggerienne de l'accès au Monde doit conduire à soutenir une modification technique de l'homme, la critique moderne de l'appropriation aurait conduit à une expropriation étatique généralisée et doit donc conduire à une culture utopique du Don généreux sans aucune contrainte.
Sloterdjik ne peut pas croire ce qu'il écrit à la fin. Il doit juste voir jusqu'où il peut aller avec de tels "paradoxes" (qui ne seront que trop bien acceptés par une partie de la société, j'ai retrouvé son texte sur un site du Parti libéral autrichien).
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