Partie (1) DCC #1-20
Partie (2) DCC #21-34
L'auteur/éditeur principal de ce monde fut Harley Stroh (qui avait déjà fait les DCC #17 Legacy of the Savage Kings, #27 Revenge of the Rat-King, le plutôt bon #28 Into the Wilds, ainsi que deux scénarios assez oubliables, "Tower of the Black Pearl", "Wells of the Worm" dans l'anthologie du #29).
En un sens avec ce DCC #35 (250 pages en deux livres, sans compter les deux scénarios), on a le processus qui fait peu à peu sortir de la vraie "Vieille Ecole". On n'a plus un cadre complètement "générique" mais bien une Histoire et donc, qu'on le veuille ou non, ce qu'on peut commencer à appeler un début de "Méta-Intrigue", l'arrière-fond qui se développera nécessairement au-delà des récits individuels de chaque campagne. Le Gardien du Temple de la Vieille Ecole James Maliszewski avait des propos critiques contre l'idée même d'un monde qui aille plus loin que quelques données minimales, disant que peu à peu il y a une "Accumulation du Canon", d'un univers officiel et orthodoxe qui bride l'imagination des joueurs et des Maîtres de jeu. A partir de cette boite, les autres vont en effet approfondir de plus en plus ce "Canon" et la prophétie me paraît assez impossible à éviter.
Comme j'aime les univers fictifs, la complexification progressive du "Canon" d'Áereth ne me paraît pas vraiment un tort si la "Méta-Intrigue" n'avance pas trop et que les sources n'ont pas trop de risque d'Obsolescence Programmée. Hârn est le modèle de ce point de vue : il n'y a eu aucune évolution officielle dans la chronologie depuis vingt ans de temps réel ; la géographie devient plus précise mais la diachronie reste figée. Le contre-modèle serait le malheureux univers de Toril (les Royaumes Oubliés) qui est dévasté et avance de douzaines d'années à chaque édition du jeu, ce qui finit par rendre de plus en plus d'informations dépassées.
Présentation
La boite a plusieurs livrets (un Guide général des pays, un Guide pour le MJ, les scénarios) mais surtout de grandes cartes, sans hexagones.J'aime beaucoup l'idée d'une double carte, une incomplète pour les joueurs et une autre pour le Maître du Donjon.
Voici la carte des joueurs avec de larges zones inexplorées quand on s'éloigne du centre (je l'aurais aimée encore moins "réaliste" ou emplie de monstres dans les coins) :
Des Empires dans des Empires
Comme les DCC rendaient hommage aux modules classiques de TSR, on n'allait pas avoir un monde très révolutionnaire par rapport à Greyhawk ou Mystara. On retrouve donc le mélange habituel de féodalité européenne et de quelques parties plus proches du XVI-XVIIe siècles pour caser aussi des pirates et des conquistadors.
Une utilité d'un grand Etat unificateur est d'expliquer comment a pu se former une Langue Commune internationale et réduire un peu les difficultés de communication.
Le continent de Greyhawk (les Flanaess) est surtout marqué par son Grand Royaume germanique, corrompu et déclinant d'Ærdie (l'équivalent direct dans le monde de Golarion utilisé par Pathfinder est l'Empire diaboliste de Cheliax). Ce Große Königreich œridien a aussi des traces de l'ancienne Guerre totale qui détruisit l'Imperium Suel et ses adversaires.
Dans le Monde Connu de Mystara au contraire, l'opposition est entre deux Empires qui n'ont rien de bons ou de mauvais : les Mages individualistes mais surpuissants d'Alphatie contre les Légions byzantines mieux organisées de Thyatis (mélange un peu contradictoire selon les scénarios d'Empire romain antique et de Saint Empire romain germanique).
Áereth a aussi un vaste Empire déclinant, l'Empire de Crieste, qui hésite entre un Royaume médiéval (parfois un peu franco-anglais dans certains noms, parfois un peu "latin") et un Empire colonial des Habsbourgs au XVIe, mais il n'est pas du tout aussi corrompu que l'Ærdie. Au contraire, il a encore des factions chevaleresques (comme l'Ordre de la Marche de Sable) mais qui n'arrêtent pas pour autant son long et inexorable déclin politique. C'est un bon compromis : assez puissant pour faire une base arrière relativement paisible et assez moral pour qu'on ait envie de le sauver. L'Empire criestin s'est étendu à travers le monde et a des colonies qui vont du Nouveau Monde aux Terres perdues des déserts, mais les divers Royaumes aux alentours ont profité de l'absence d'un héritier légitime (l'Inter-règne) pour gagner leur indépendance. Les familles nobles se sont disputées le Trône du Crâne du Dragon depuis trois siècles mais viennent à présent de se mettre d'accord pour nommer un enfant de sept ans que chacun espère encore pouvoir contrôler tant que durera la Régence (marquée par l'opposition entre la Vizir Dame Mortianna et le Général en chef de l'Ordre de Sable, Sire Sentinelle).
Voilà une petite carte du centre de cet Empire avec ses deux villes-capitales, Pont-aux-Arches (Capitale d'Eté, non loin du Bois de Roncesnoires) et Kassantia (Capitale d'Hiver, sièges des Universités des Mages). J'ai déjà mentionné mon endroit favori, la cité-Etat de Sépulcre-aux-Âmes, ville habitée par la Mort elle-même et qui sert de grande Nécropole à toute la civilisation criestine :
Les Marges
Le DCC #51 décrira plutôt un Royaume plus classique au nord de l'Empire (Morrain) mais les DCC suivants prendront pour centre l'ancienne "Province du Midi" et la Cité corrompue de Punjar, qui a fait sécession de l'Empire de Crieste et qui est devenu le centre de toutes les turpitudes de ce côté-ci de la Mer.
Si on s'éloigne un peu de l'Empire de Crieste, on arrive aux Hordes du Fléau. Le Fléau est une invasion d'humanoïdes qui a déjà conquis des royaumes proches (le Grand Duché occupé de Leherti) et qui commence à s'approcher au nord-est, près de la Théocratie de la Lance (qui semble être une version d'ordre militaire légèrement moins désagréable que la "Théocratie du Pal" dans Greyhawk). Plus original que ces Hordes gobelinoïdes, le maléfique Roi de la Montagne est un Nain mégalomane qui a mené la révolution contre les Nains du Fort de Fer avec des mercenaires gobelinoïdes et qui est aussi un ennemi juré de la sorcière Baba Kyleth, l'adversaire dans les DCC #17/17.5.
Les Terres du Sud sont à peu près l'Amérique (avec des Xulmecs, des races de reptiles et de sauriens et des Pirates), les Terres du Nord seraient l'Europe et les Terres Perdues sont le Proche-Orient (avec l'ancien Empire des Sphinx), avec Crieste au carrefour de ces trois mondes. Tiens, pour l'instant, on n'a pas encore de Pseudo-Chine et de Pseudo-Japon mais cela ne saurait tarder.
Mythes et Histoire
Je ne vais pas vraiment décrire la religion, que je ne trouve pas très excitante. C'est plus une liste de Dieux de divers panthéons (dont le vaste panthéon des Xulmecs) qu'une mythologie. Au sommet se trouve la Triade des Grands Dieux : Choranus qui Voit tout, Ildavir la Donatrice et Centivus qui Organise. Ils luttèrent contre le dieu du Chaos primordial, Zhühn, et il n'y a pas trop d'efforts pour relier ce combat cosmogonique à celui d'Ormuzd et Ahriman du DCC #32. Pelagia, déesse neutre de la Mer et des Eaux, est la mère de nombreux dieux mineurs adorés par divers peuples aquatiques (Chondri des Profondeurs et sa soeur la cruelle Elas des Raies, Ilquot des Eaux Froides, Thalass des Rivières) mais aussi de certains dieux qui ont été corrompus par Zhühn comme Nimlurun des eaux impures et des pestilences et Narrimunâth, le dieu des maladies et des Rats. En termes de jeu, les joueurs auront surtout besoin de Daenthar le Forgeron (pour les Nains), Delvyr (dieu de la lumière et du savoir, comme Ormuzd), Gorhan, dieu des Paladins (sans doute une influence inconsciente de Corean, qui a la même fonction dans le monde des Scarred Lands ?) ou sa compagne Justicia. Il y a plusieurs dieux de la Guérison : Soleth (Loyal-Neutre, qui lutte contre les Morts-Vivants) et Elyr (plus Chaotique-bonne). Les Druides anciens adorent directement Ildavir la Mère de la Nature déjà citée.
La chronologie n'a rien de très spécial. Le monde ancien fut dominé par les Dragons, les Géants et les Sphinx, puis les Elfes, Nains et Humains mais cela fait environ 1000 ans qu'existe l'Empire Criestin, qui a perdu son dernier Empereur en ligne directe il y a 300 ans. Cet Inter-règne a conduit à la sécession de la Province du Midi, de Thire et de Luthea au siècle dernier.
Cela ne fait que quatre ans que les Hordes du Fléau ont conquis le Grand Duché de Leherti et qu'il a fallu réunir une coalition pour arrêter leur marche. Et cela ne fait que trois ans, devant tous ces dangers, que l'Empire criestin a enfin pu choisir un nouvel Enfant-Empereur, manipulé par sa Régente. L'actualité récente est donc entre le risque imminent d'effondrement et l'espoir d'un renouveau.
Les scénarios
La boite a deux aventures par Harley Stroh : Halls of the Minotaur et The Thief Lord's Vault.
Le premier inaugure l'idée curieuse des DCC qu'on commence au "Niveau 0" comme simple "profane" sans aucun entraînement d'aventurier avant même d'entrer dans une des vraies Classes de personnage. C'est un donjon assez typique mais qui devrait massacrer la plupart des aventuriers de Niveau 0. Le jeu de rôle DCC formalisera ensuite cette idée avec son système de "sélection naturelle" des PJ : on crée 4 PJ de Niveau 0 par joueur et on ne jouera que le survivant.
Le second est plus difficile encore (Niveau 4-6) et prévoit de piller le Caveau au Trésor de Yasif Cazül, demi-orc et chef de la Guilde des Voleurs de Punjar (la Cité qui va de plus en plus être développée par la suite à partir du DCC #53). Mais ces souterrains ont été aménagés par un célèbre architecte nain en un labyrinthe empli de pièges faits pour massacrer même les voleurs les plus doués (et c'est encore un "hommage" direct aux pièges mortels du module Tomb of Horrors). Mais j'aurais du mal à évaluer s'il est ou non équilibré.
La Boite propose aussi plusieurs manières de relier les modules précédents. Ils les appellent des "Sentiers d'Aventures" mais ce ne sont pas vraiment des histoires continues et ressemblent plus au Mégamodule B1-9 In Search of Adventure. Il faudrait sans doute du travail pour vraiment en sortir une impression de campagne avec des anticipations des thèmes à venir. Par exemple, le premier itinéraire est dans l'Empire avec pour ordre de succession DCC #29, DCC #1, DCC #27, DCC #5, DCC #19, #30, #12, #13. Certains liens entre aventures distantes sont parfois assez maladroits (une porte dimensionnelle de téléportation entre Punjar et Voltigeur) mais au moins elles offrent aussi certains choix ou des bifurcations.
Conclusion
Áereth n'est certes pas plus original que Oerth, Mystara, Faerun ou Blackmoor. Mais elle n'est pas vraiment faite pour l'être. Il y a certes un peu plus d'importance donnée à la zone mésoaméricaine mais après tout Oerth a la Jungle écarlate, Mystara a sa Côte de l'Acier Rouge, Faerun a Maztica. [Une grande supériorité d'Áereth sur Kalamar (le monde de HackMaster) est les sonorités, moins laides.]
Je me demande comment cet univers assez "classique" va évoluer avec le nouveau jeu DCC. Je soupçonne qu'on ait progressivement une transformation de l'arrière-fond (un effet du crunch sur le fluff, des règles sur le contexte), ne serait-ce que par le mécanisme de Corruption où les Mages finissent par "muter" en abominations en se servant de leurs sortilèges.
2 commentaires:
"deux scénarios assez oubliables, "Tower of the Black Pearl", "Wells of the Worm" dans l'anthologie du #29": oui, mais qui ont bien plus à mes joueurs (2 ou 3 pas plus), car ce sont deux mini-scénarios très Lankhmariens (entrer dans un lieu bizarre en quête de richesse, en ressortir à la course, & maudits!). Donc, pas ni oubliables. Je me rends compte, au vu du recensement, que les scénarios DCC par H. Stroh sont, de fait, très directement inspirés par les nouvelles de Leiber! En cela c'est cohérent.
Oui, j'ai l'impression que la référence à Fritz Leiber est encore plus influente que Conan pour "l'Apprendice N" du nouveau jeu DCC. Il suffit de voir les couvertures des nouveaux scénarios (avec par exemple un Souricier Gris en plus d'une allusion à la Blaxploitation des années 1970).
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