lundi 23 novembre 2015

Fiqh jariri


Le salafisme et le wahabhisme saoudien viennent (à peu près) de l'école (maḏhab) de jurisprudence (fiqhlittéraliste hanbali qui allait jusqu'à nier qu'on ait le droit d'aller plus loin que la seule compilation des textes révélés (Sunna dont les ḥadīṯ), sans aucun rôle d'un juge ou législateur humain pour interpréter ces textes et anecdotes. [C'est une exagération : selon le dominicain Adrien Candiard dans une conférence récente, même leur fondateur, l'austère Ibn Hanbal reconnaissait que certains ḥadīṯ ne pouvaient simplement pas être compris littéralement, comme une phrase qui dit "la pierre noire de la Kaaba est la main droite de Dieu". L'école éteinte des Ẓāhirī aurait été encore plus "littéraliste".]

A l'inverse, l'école jariri de l'encyclopédiste al-Tabari (839-923), harcelé et persécuté par les Hanbali, aurait semble-t-il autorisé des raisonnements beaucoup plus audacieux et égalitaires dès le XIe siècle (comme des Imams et des Juges femmes, d'après des sources indirectes !). Mais ce courant jariri n'eut hélas pas de descendance. Dans le chiisme persan, il y eut en revanche effectivement des interprètes femmes de la loi (mujtahid), les Alévis turcs issu du chiisme duodécimain sont aussi très ouverts aux interprétations allégoriques et rationalistes du texte (en disant par exemple que la Kaaba n'est pas un objet matériel mais la conscience individuelle) et il y a un autre courant très minoritaire (ni sunnite ni chiite), les Ibāḍī d'Oman, qui peuvent sur certains points représenter un relatif "rationalisme" ouvert à la discussion des interprétations (même s'ils sont en pratique assez puritains).

En dehors de ces Jariri et des Hanbali, dans les trois autres grands courants encore vivants, les Hanafites (qui ont dominé le Sunnisme depuis au moins l'Empire ottoman - ce qui entre dans la théorie que l'Islam impérial qui doit gérer la diversité est institutionnellement plus "tolérant" qu'un Islam de conquête ou de revanche), les Mālikī (d'Afrique) et le Shāfiʿīsme (Moyen-Orient et Extrême-Orient) ont maintenu l'idée d'un rôle du raisonnement (qiyās) dans la jurisprudence mais sans aller aussi loin que ces thèses d'al-Tabari. Et d'ailleurs, sur de nombreux points de jurisprudence assez sévères (comme la peine de mort pour les apostats), toutes les écoles juridiques étaient d'accord.

En dehors du Fiqh, le rôle de la Raison est maintenu par des dialecticiens en théologie comme les Motazilites d'Irak (qui prétendent rester neutres entre Chiites et Sunnites, mais tentent aussi une synthèse de leurs disputes) jusqu'au Xe siècle. Mais le déclin des Motazilites constitua en quelque sorte l'éclipse de la philosophie en terre sunnite (certaines formes de chiisme ayant conservé plus d'activités spéculatives). Ce tableau de subdivisions de l'Islam sur Wikipedia est une synthèse utile.

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