samedi 6 mars 2021

Le doute du mourant citant le Psaume 22

Je n'aime pas toujours les paradoxes de Chesterton, ce côté Oscar Wilde chrétien qui voudrait à la fois défendre toute l'Orthodoxie en prétendant être le vrai Hétérodoxe. Mais ce passage (que citait encore récemment ce sophiste de Zizek) est beau (l'athée devrait admettre le caractère sublime de l'Homme-Dieu parce que ce Dieu infini s'est assez incarné dans le fini pour atteindre le malheur de la conscience de l'absence absolue de son infinité) : 


But if the divinity is true it is certainly terribly revolutionary. That a good man may have his back to the wall is no more than we knew already; but that God could have his back to the wall is a boast for all insurgents for ever. Christianity is the only religion on earth that has felt that omnipotence made God incomplete. Christianity alone has felt that God, to be wholly God, must have been a rebel as well as a king. Alone of all creeds, Christianity has added courage to the virtues of the Creator. For the only courage worth calling courage must necessarily mean that the soul passes a breaking point—and does not break. In this indeed I approach a matter more dark and awful than it is easy to discuss; and I apologise in advance if any of my phrases fall wrong or seem irreverent touching a matter which the greatest saints and thinkers have justly feared to approach. But in that terrific tale of the Passion there is a distinct emotional suggestion that the author of all things (in some unthinkable way) went not only through agony, but through doubt. It is written, "Thou shalt not tempt the Lord thy God." No; but the Lord thy God may tempt Himself; and it seems as if this was what happened in Gethsemane. In a garden Satan tempted man: and in a garden God tempted God. He passed in some superhuman manner through our human horror of pessimism. When the world shook and the sun was wiped out of heaven, it was not at the crucifixion, but at the cry from the cross: the cry which confessed that God was forsaken of God. And now let the revolutionists choose a creed from all the creeds and a god from all the gods of the world, carefully weighing all the gods of inevitable recurrence and of unalterable power. They will not find another god who has himself been in revolt. Nay, (the matter grows too difficult for human speech) but let the atheists themselves choose a god. They will find only one divinity who ever uttered their isolation; only one religion in which God seemed for an instant to be an atheist.

"They will not find another god who has himself been in revolt."
Je veux bien qu'il soit dans le déni du gnosticisme ou de l'Orc de Blake, mais Chesterton refoulait aussi que les athées avaient déjà Prométhée depuis Eschyle ?

3 commentaires:

Guillaume a dit…

Dans le contexte, j'ai quand même l'impression que Chesterton nous met au défi de trouver une autre figure souverainement puissante (donc, ni Orc ni Prométhée) mais simultanément en révolte.

Pour Orc en tout cas, l'idée du déni est surement un peu forte ;-) : il a tout de même écrit une bio de Blake (et il me semble me souvenir qu'il traite explicitement de l'aspect "révolté" de Blake, même si je ne sais plus s'il porte beaucoup d'attention à son panthéon -- j'aurais dit que pas grand-monde ne prenait ce dernier au sérieux avant Nothrop Frye, de toute manière, mais je me goure peut-être...)

Une fois de plus, je me dis que Borges devait adorer ce genre de passage...

Guillaume a dit…

NoRthrop Frye. Je n'aime pas laisser une faute, mais je ne crois pas pouvoir éditer mon commentaire précédent.

Phersv a dit…

Oui, il y a un écart avec un Dieu infini qui s'inflige de devenir "fini", et les figures prométhéennes représentent une révolte vaincue contre le divin alors qu'ici ce serait le divin qui se fait révolte vaincue contre les ordres humains.

C'est une jolie formule (pour la Kénose) que "l'omnipotence rend Dieu incomplet" (comme s'il fallait qu'il développe une part de potentialité en allant jusqu'à éprouver un potentiel inaccompli).

Borges, qui n'avait pas à défendre l'orthodoxie, pouvait s'amuser à aller plus loin dans les paradoxes gnostiques en faisant de Judas le vrai martyr expiatoire dans ce sacrifice de Dieu à lui-même.