lundi 18 septembre 2017

Khan of Khans : Contient des Hippotragues



Coucou, chérie, je viens de recevoir Khan of Khans, un petit jeu de cartes familial, très simple qui se passe sur Glorantha.

Klorane-ça ?

Non, mais je ne sais pas prononcer le TH dans Gloranftsa. C'est un univers fantastique et mythologique. Il a été utilisé par un des premiers jeux de rôle (et sans doute encore mon jeu de rôle favori), Runequest.

OK, c'est un jeu de fantasy. Il y a des dragons ?

Non. Enfin, si, mais on ne joue pas avec, non.

Ce n'est pas un jeu de fantasy s'il n'y a pas de dragons.

Bon, si, tu peux quand même aller attaquer un lieu qui est plein de dragons.

Pour leur voler des oeufs de dragons ?

Non, pour leur voler des vaches.

Des vaches ?

Oui.

Mais des vaches volantes ?

Non.

Des minotaures ? Des bucentaures ?

Non. Mais des tas de vaches.

Tu es sûr que c'est très mythologique, ton jeu ?

Si, c'est un thème mythique comme la Razzia des Vaches de Cooley dans la mythologie celtique ou bien le travail d'Héraclès où il rapporte les troupeaux de Geryon.

Mais ça élève des vaches, les dragons ?

Pas eux directement mais leurs sujets, les dragonewts (les dracosalamandres ou draconiens, ce sont les petits draconoïdes humanoïdes), oui, ça a besoin de manger.

OK. Bon, qu'est-ce qu'on joue alors comme cow-boys / gauchos ?

Voilà, il faut commencer par le début.

Fais court.

Les Dix Totems


Il était une fois des Plaines de Prax, des steppes sèches. Les humains qui y vivaient étaient des nomades. D'après leur mythe, leur héros civilisateur, le grand esprit Waha, fils de la déesse du bétail Eiritha et du dieu auroch Taureau-Tempête, leur a appris l'élevage et la coexistence dans Prax.

Ouin ? Whaaat?

Waha.  Mais les nomades furent en guerre contre le Peuple des Pâturages, des dresseurs de chevaux, et les différentes tribus de Prax instaurèrent une loi, un tabou qui interdisait tout cheval comme monture. Depuis lors, les 10 tribus principales ont chacune leur totem, un animal différent, mais leurs montures ne sont jamais des chevaux (même si une tribu hétérodoxe a pu convaincre que les Zèbres ne sont pas exactement des chevaux).

Donc, c'est ça l'élément fantastique. Sur Braks, on peut domestiquer des Zèbres. La puissance de mon imaginaire ne pourra pas contenir un délire si impressionnant.

Non, le autres tribus de Prax peuvent aussi chevaucher d'autres bêtes, des Rhinocéros....

Comme le Roi Rataxès, le méchant dans Babar. Braks-Célesteville.

Non, pas d'éléphants... des Bisons...



Ca mélange donc la savane et les grandes plaines américaines.

 ... des Impalas (montés par des pygmées) des Hippotragues...

Des hippopotames ?

Non, Hippotragues. Ca existe vraiment, c'est pour cela que je l'ai linké vers Wikipedia.

Oui, d'ailleurs je me demande comment tu fais pour souligner en bleu pendant que tu parles. Cela rend le dialogue peu symétrique, je trouve, comme si tu mansplainais.  Oh, ça me le fait aussi. Pratique.

C'est pour embêter ceux qui veulent que je garde le mot franglais"Sables", qui me fait toujours penser à des Vers des sables de Dune.



(lasse) On n'a pas le temps de jouer à Dune.

Hippotrague, ça fait hybride chimérique comme hippogriffes, non ?, ça veut dire "boucs-chevaux".

Je croyais que les chevaux étaient interdits ?

Non, ce sont des sortes d'antilopes d'Afrique du sud-est avec de grandes cornes (par exemple les grands Palancas en Angola). J'aime bien "hippotrague". Un peu comme quand Aristote dit que ça n'existe pas les Tragelaphoi (Bouc-cerfs). A tous les coups quelqu'un dans les commentaires va dire que je me suis trompé de clades ou de genre ou je ne sais pas quoi. Mais des boucs, ça risque de faire penser à des Broos chaotiques, cela dit (encore un lien entre cette Tribu et les Lunaires).

Tu t'éloignes du sujet, non ?

Oui, oh, et il y a les Grands Lamas (quand lui pas content, lui toujours faire ça), les Autruches, les Bolosaures...

Ah, tu vois qu'il y a des dragons.

Non, juste des lézards bipèdes (les vrais étaient trop petits, on a dit de remplacer par des pisanosaures ou des camptosaures mais ces derniers seraient un peu grand peut-être). Je ne sais même pas ce que veut dire "bolos" ici, sans doute βῶλος, motte de terre ? Mais comme Greg Stafford aime les jeux de mots, les monteurs de Bolos utilisent comme armes favorites les Bolas.



Ce sont donc des Gauchos argentins à dos de dinosaures. Braks, c'est un melting pot. J'aime beaucoup le regard indifférent de ce lézard à bola. Ces deux derniers bipèdes, Autruches et Bolos, doivent être assez différents. Ils doivent donner des oeufs à la place du lait. Cela dit, est-ce que d'autres comme les Monteurs de Rhinocéros boivent du lait de rhinocéros ?

Et il y a aussi les Morokanths.

Ah ? Mort au Kant ? Des Anti-Kantiens résolus ? C'est cette carte, avec des hommes à crête iroquoise.



Ce sont des hommes-tapirs. C'est leur crinière.

Tapirs ?

Oui. Ongulés cousins des rhinocéros, perissodactyles mais ceux-là sont plutôt bipèdes et ils élèvent des Hommes sauvages au lieu d'être montés par eux (d'où le petit yahoo nu qui ronge un os à côté de lui sur le dessin).

On ne peut pas juste jouer des Mongols à cheval ? Là, des tapiridés, on sent qu'ils devaient un peu chercher au fond du tiroir.

Et enfin, la petite tribu des Yelorniennes, Amazones chevaucheuses de Licornes et adoratrices d'une étoile.

Ah, ben, voilà, tu aurais dû commencer par là. Donc il y a à la fois de gros Rhinocéros et des vraies Unicornes-mais-qui-ne-comptent-pas-comme-des-chevaux ? Mais... Mais... pourquoi est-elle rose ?? Et pourquoi a-t-elle une flatulence arc-en-ciel ?


C'est un gag genré sur la représentation moderne des licornes.

Mouais...

Donc chacun a une tribu et chaque tribu a une capacité spéciale.

Par exemple, voyons le pouvoir des Licornes roses qui émettent des arc-en-ciel. Je vois qu'elles peuvent voler un troupeau en plus quand une autre tribu est victime d'une attaque magique. Oui, c'est exactement ce que je me dis quand je pense à des symboles de pureté phalliques ou émasculantes.

Ils ne sont peut-être pas tous très "thématiques". C'est un Jeu Allemand avec du Décor Américain, juste la version gloranthienne d'un autre jeu du Herr Doktor Reiner Knizia, Kajko i Kokosz: Przygody Wojów. Mais au moins les Tribus sont différenciées et c'est un des rares éléments de "chrome" gloranthien du jeu qui évite que ce ne soit qu'un jeu de cartes abstrait.

L'heure file, dis-donc et on n'en est toujours pas aux règles.

Razzia & Lasso

D'accord, tu dois avoir le plus de vaches à la fin du jeu (et il y en environ 2000 dans tout le jeu). Chaque tribu a un nombre réduit d'Enclos (seulement 3 quand on est 3 joueurs par exemple, 4 quand on joue à deux). A chaque tour, tu devras choisir d'aller faire une Razzia ou de mettre dans un Enclos (ou te servir d'autres capacités spéciales). Si tu ne mets pas dans un enclos, tu risques de perdre les bêtes volées mais si tu mets dans un Enclos, tu ne pourras pas réutiliser cet enclos qui sera considéré comme fermé.

Soit, je ne vois pas bien ce que cela simule. Tu peux donc remplir le même enclos avec 2000 bêtes ou 20 ?

Mais nous, on est urbains, on n'y connaît rien en porte d'enclos.

Oui, cela paraît peut-être simulationniste pour de vrais cow boys.

Les 10 Territoires


Il y a 10 zones. Chaque zone est un paquet de 9 cartes mélangées propres à cette zone. Chaque zone a 4 cartes de bétail (une de 100 têtes, deux de 50 et une de 20), deux cartes de danger (Magie ou Panique, qui risquent de faire perdre les bêtes si elles n'ont pas été mises dans un Enclos), une carte de Bénédiction de Waha (qui donne le droit d'attaquer une autre Tribu au lieu de voler dans une zone), une carte ambiguë, le Champion (qui peut protéger d'une Magie mais qui peut à l'inverse voler du bétail et faire perdre le Champion précédent s'il y avait déjà un Champion dans cette Tribu).

Donc quand tu attaques par exemple les Dragons tu peux soit gagner un Champion soit au contraire perdre tous tes Champions qui se chamaillent entre eux tout en perdant tes bêtes.

Enfin, chaque zone a une 9e carte unique, qui est un doublon d'une des huit autres. Boldhome et Furthest (ce sont les Lunaires) ont une carte de 100 têtes en plus, les Colymar ont 50 têtes, la Mine des Nains 20 vaches (mais en boîte, berk), Oeil de Dragon et Tarsh déclenchent une Panique en plus, Canardville et le Dôme Solaire ont une Magie hostile en plus et enfin les Pâturages et Danse des Ombres donnent un Champion en plus.

Donc on a statistiquement plus intérêt à attaquer les Lunaires de Furthest que les Donalds de Canardville qui résistent mieux aux attaques.

Oui. Tu me sembles soudain en connaître un peu trop sur Glorantha, ça détruit la suspension of disbelief sur notre dialogue.

Il faut craindre les Canards. Ce n'est pas très... intuitif.

Oui, mais c'est drôle, non ? Bon, j'aurais bien aimé des choses plus thématiques encore (les Yelorniennes protégées de la Magie du Dôme Solaires, les Morokanths protégés de la Danse des Ombres de Dagori Inkarth comme ils sont liés à la Rune des Ténèbres, les Hippotragues protégés à Furthest, je ne sais pas...). Je me demande aussi comment donner plus de choix et d'actions aux joueurs.

Tu parles à qui, là ?

Pardon. Tu crois que cela va te donner envie d'essayer une campagne de jeu de rôle sur Prax ?

Elles sont bio, ces vaches ?

(Les dessins sont du créateur de jeu australien Ian O'Toole).

dimanche 17 septembre 2017

Isabelle Perrier (1978-2017)


Isabelle Perrier, enseignante en littérature, rédactrice pour de nombreux jeux de rôle français comme Nephilim, Agone ou Mournblade, rédactrice en chef de JDR Magazine, a disparu très brutalement d'une embolie pulmonaire.

Je ne l'ai connue que récemment lors du Colloque sur les 40 ans du jeu de rôle mais elle était accessible, ouverte, cultivée, enthousiaste, pleine d'idées et de vivacité (voir le post de Fabien Fernandez avec deux vidéos).

Elle nous manquera.




vendredi 15 septembre 2017

Wallenstein (2002)


On a essayé une partie de Wallenstein, le jeu de plateau sur l'Allemagne pendant la Guerre de Trente Ans (dans la première édition de 2002, il y en a eu une seconde en 2012, qui a paraît-il renoncé à la complexité des événements aléatoires). Ce n'est pas un "wargame" ou un jeu de simulation historique (on sait que les jeux allemands reculent pour des raisons compréhensibles sur ces thèmes belliqueux) et cela ressemblerait plus à une sorte de jeu aussi peu historique qu'un Risk sur les Provinces allemandes. Même s'il faut tenir compte de facteurs surtout économiques, la guerre reste un passage obligé.

La carte est jolie mais il n'y a aucun positionnement historique et une égalité stricte entre les différents membres. Il n'y a aucun rôle de la religion dans les différentes provinces et ce n'est pas vraiment un jeu d'alliances. On pourrait considérer cela comme une sorte de base spontanément "matérialiste" où toutes les campagnes ne reposent que sur l'intérêt économique.

Le Tour

Le jeu ne dure que 8 "saisons" (appelés "1618-1619", ce qui ne correspond pas à une représentation d'un épisode réel de la guerre comme dans la réalité la victoire de Wallenstein à La Montagne Blanche ne date que de 1620) et on programme les actions au début de chaque saison (en mettant la carte de province sur l'action dans son tableau de jeu) avant de voir dans quel ordre elles vont se produire, ce qui peut avoir des effets surprenants. On ne peut donc au maximum faire que deux mouvements (et donc deux attaques) par (belle) saison (donc environ 12 au maximum par partie, sauf exception), sachant qu'une part importante des points de victoire vont dépendre aussi des actions non-martiales comme les constructions de palais. Il faut veiller à contrôler une majorité de provinces dans suffisamment de zones pour augmenter ces points de victoire.

On tire aussi des événements aléatoires qui vont affecter à la marge les récoltes ou les coûts de recrutement des armées dans les différentes provinces. On montre de manière visible quels seront les 4 événements aléatoires de l'année pour permettre un peu d'anticipation et ensuite seulement on tire au hasard l'événement de cette saison.

Un des points essentiels est la nourriture. On doit choisir à chaque saison quelle province on va pressurer pour obtenir du blé et cette région va donc entrer en mécontentement. A la 4e saison de chaque année, l'Hiver, on doit avoir en réserve assez de blé pour nourrir les provinces conquises sans quoi cela déclenche des Révoltes supplémentaires (et le 4e événement aléatoire de l'année détermine combien de réserves on a pu perdre). Certaines des batailles peuvent donc avoir lieu contre une faction non-joueur, les Révoltes Paysannes (cubes verts).

La Tour

Une des idées originale du jeu est de remplacer la résolution aléatoire par dé ou carte par une "Tour de Combat" (Kampfturm).

On remplit la Tour en carton au début du jeu par des cubes en bois de chaque faction, certains ne tombent pas et restent coincés dans des recoins de la Tour. A chaque combat, on jette en plus dans la Tour les cubes en bois des belligérants et on regarde ensuite le résultat d'après ce qui ressort de la Tour. Cela peut conduire à des surprises comme par exemple un "rebond" qui fait tomber un cube d'une autre faction alors que certains des autres cubes de la bataille restent coincés. C'est donc le seul système que je connaisse où théoriquement le gagnant peut être une intervention surprise d'une tierce faction (voire les Révoltes Paysannes) ! On peut aussi avoir des compensations où les cubes perdus dans les batailles précédentes réapparaissent soudain en étant poussés par de nouvelles batailles. Les combats sont généralement très mortels car le gagnant perd autant de troupes que le battu (autrement dit il vaut mieux attaquer avec une nette majorité).


[Parenthèse purement hypothétique : Dans le roman allemand de fantaisie pour enfants Le 35 mai (1931) d'Erich Kästner, Wallenstein est vu dans un monde imaginaire en train de jouer avec des petits soldats avec Hannibal. Je me demande si un souvenir de cette scène de kriegspiel a plus joué que la compétence stratégique du général en question pour donner son nom au jeu...

1619, pour les philosophes, c'est une date fétiche comme c'est le moment où le jeune Descartes va découvrir à la fois la géométrie analytique et le Cogito en pleine campagne du côté du Bade-Würtemberg. ]