lundi 30 novembre 2020

Bipartisme

(suite de mars dernier)

Nous dérivons en France comme dans d'autres pays (Italie, Brésil...) vers un système où il ne restera plus qu'une droite de gouvernement libéral-autoritaire et une fonction tribunitienne assurée par l'extrême droite à la place de la gauche (elle-même trop divisée et affaiblie pour incarner l'opposition, la gauche brahmane soutenant passivement la droite et la gauche populiste capable de dériver vers un soutien objectif à certains aspects d'un populisme généralisé). Je ne sais pas si ce n'est qu'une phase car c'est après tout très récent depuis quelques années. J'avais tendance à croire dans le passé que nos démocraties vieillissantes maintiendraient plus de social-démocratie parce qu'une société qui vieillit aurait besoin d'intervention de l'Etat pour protéger la solidarité. Mais les personnes âgées peuvent très bien séparer un socialisme pour eux et un laissez-faire pour les autres. 

J'aime bien la série de Science4All sur la démocratie et la théorie des jeux et je suis notamment convaincu que la notion de démocratie est en fait un "air de famille" et non un concept rigoureux, qui peut s'accommoder de très nombreuses manipulations des votes selon les suffrages ou le découpage électoral. L'alternative n'est pas binaire, "démocratie ou pas", mais à partir de quel degré la notion de démocratie devient-elle trop peu représentative dans sa sélection des élites oligarchiques. 

Son argument de départ est que les systèmes parlementaires ont trop tendance à reposer sur le bipartisme et que la bipolarisation aurait le défaut de trop simplifier l'offre politique en condamnant au Vote Utile : trop de citoyens seraient forcés de voter non pas pour leur choix mais contre certaines options. 

Là où son centrisme se voit est qu'il craint que la bipolarisation aille vers les extrêmes depuis la hausse de l'abstention et conduise à une guerre civile larvée, comme la guerre culturelle entre deux blocs. On se moque souvent de la droite US qui parle d'un "Marxisme Culturel" mais cela dérive de la conscience de cette bipolarisation. 

L'ennui des systèmes où le candidat de Condorcet devrait l'emporter (je ne sais plus si je n'ai déjà dit à l'époque de l'élection de Macron) est que cela aurait le défaut inverse de former un grand bloc centriste (comme ce que Palombarini appelle "le bloc bourgeois") qui serait inamovible. Au lieu d'un consensus avec rotation (comme en Suisse), on obtient un système susceptible d'une grande corruption, un monopartisme comme au Japon et dans une certaine mesure en Italie pendant la Première République d'avant Berlusconi. Et la seule solution pour en ressortir consiste alors à diviser à nouveau ce bloc et de faire ressortir les conditions d'un bipartisme. 

Macron était un candidat de Condorcet qui a gagné au second tour alors que Bayrou était un candidat de Condorcet qui n'a jamais réussi à dépasser le premier tour. Mais la Constitution idéale doit-elle assurer une dictature assurée de Bayrou ou au contraire permettre que ce ne soient pas toujours les mêmes qui gouvernent ? 

De ce point de vue, les vertus d'une Alternance me semblent peut-être supérieures aux vertus de la représentativité ou du consensus. Mais j'admets que cela sonne comme une sorte de conditionnement de la 5e République. 

2 commentaires:

Matthias Wiesmann a dit…

Ce que j'observe en Suisse, c'est que la structure et la position des partis est relativement complexe, avec plusieurs axes.
Il y a par exemple deux partis écologistes, un à gauche et l'autre à droite, les deux sont des formations plutôt liées aux villes. Même l'extrême droite est divisée, vu qu'en Romandie, les étrangers perçus comme problématiques ne sont pas les mêmes… Le résultat des dernières votations montre d'ailleurs un gros clivage ville-campagne. Je soupçonne que ce clivage ville campagne est très présent aux USA, mais que le système à deux partis le masque.

Phersv a dit…

Oui, le clivage a été bien exacerbé dans les élections américaines, où le système privilégie les campagnes, ce qui explique que les Républicains minoritaires en voix soient quasiment à égalité avec les Démocrates.

Une vertu du système suisse de consensus avec rotation est que l'extrême droite de l'UDC/SVP me semble avoir été mieux diluée au lieu de contaminer les autres (même s'ils ne déclinent pas en nombre de sièges depuis 20 ans, avec 25%-30%). En France, on a tenté un "endiguement" et on se retrouve (comme en Italie) dans notre système majoritaire avec une extrême droite en train d'absorber une grande partie de la droite (au moment où le centre-droit absorbait l'ancienne gauche de gouvernement).

Un des grands mystère de la Wallonie est le fait que ce soit l'une des seules zones sans extrême droite.