samedi 24 avril 2010

Ravaillacs & Ravachols



Bien que je sois un fanatique d'Alan Moore, j'ai toujours eu du mal avec le message de V for Vendetta, bd qui prétendait simplifier toute la politique à l'opposition entre les pôles de "l'anarchisme" et du "fascisme", sans voir la fascination en miroir de "l'ultra-conservatisme" pour la violence "terroriste".

Et cette récupération du Complot de Guy Fawkes par le Parti républicain américain montre bien l'ambiguïté des mouvements prétendument "libertariens" utilisés par des factions réactionnaires de l'oligarchie gouvernementale et du pouvoir financier. Guy Fawkes rejoint ici tout l'imaginaire de la Guerre d'Indépendance dans les dupes des Tea Parties.

Les Britanniques voyaient dans la comptine sur Guy Fawkes (Remember, remember, the fifth of November, //The gunpowder treason and plot) avant tout un rappel de leur anti-papisme comme mythe unificateur de la nation anglicane, Alan Moore voulait le transformer en métaphore plus large contre le Pouvoir. Les Républicains inversent le mythe britannique mais parasitent la reprise anti-parlementaire : ils se voient en Catholiques opprimés par le Tyran centralisateur et Obama en Roi Jacques Ier. Et cela les autorise à se réclamer d'un acte de terrorisme contre le Parlement (même si le Roi Jacques, théoricien de la Monarchie de droit divin, était déjà un adversaire du Parlement).

On s'attend déjà à ce qu'ils décrivent bientôt Obama en Domitien persécuteur (Bush était souvent comparé à Néron quand il jouait de la guitare pendant Katrina).

1 commentaire:

Unknown a dit…

C'est-à-dire que l'image du rebelle, pionnier, libre de porter l'arme de son propre fait contre toute autorité tyrannique, est un peu constitutif de l'imaginaire et de la nation américaine. Etre milicien du posse c'est un peu la même mécanique symbolique que le fait de monter son groupe de no-wave, ou sa start-up.

Par ailleurs c'est marrant, les séries US 80's désignaient le FBI, les Feds dans leur immanquable voiture noire, comme autorité arbitraire et injuste émanant d'une Washington déconnectée du "pays réel" (cf Starsky et Hutch, Agence Tous Risques etc), imposant l'entrave de la Loi dans un combat d'hommes alors que désormais, nombre de séries sont investies de l'autorité supérieure de la Nation via leurs héros, nouveaux G-men, les seuls désormais "in charge" de la cautérisation de la blessure narcissique de 2001.

Il a fallu Obama, sorte d'aporie politique figurée en hippie papiste du komintern, pour faire dire à Palin "Here I Stand" (je sais pas si elle l'a dit hein...) et refaire voter Davy Crockett à droite.

Le truc qui me gêne chez Moore dans Vendetta, c'est sa voix, derrière le Masque comme derrière Dr Manhattan, ou l'Eventreur, assez pontifiante, nécessitant souvent un faire-valoir féminin de surcroit, en instance de renaissance décillée. Une sorte de maïeutique un peu barbante, qui, d'après Moore, trouvait sa justification dans la politique d'anéantissement de Thatcher. L'ironie de la situation étant que son discours d'autonomie dit également Aide-toi et le Ciel t'aidera.

On trouve cette même ambigüité libertaire/tarienne dans les chroniques d'une certaine droite dite éclairée (je pense à A-G Slama), qui brandit comme d'hab le drapeau de Tocqueville.