(Résumé : la Tête tranchée de Brân le Béni, fils de Llyr, reprend son récit devant Pryderi et ses compagnons, début du premier des quatre Mabinogion)
La Chasse du Cerf blanc
C'était bien avant ta naissance. Ton père Pwyll était déjà prince des Sept Cantrefi (Comtés) de Dyved, le Royaume du Sud-ouest de Cymru. Et ces Sept Comtés de Dyved ont pour noms Pebidiog, Cemais, Emlyn, Rhos, Deugleddyf, le finistère de Penfro et le cantref Gwarthaf. Il tenait sa cour souvent dans sa forteresse d'Arberth, en Gwarthaf. Mais Pwyll n'avait alors pas encore pris épouse.
Un jour, Pwyll fut pris par le désir intense de chasser, car c'est là un plaisir royal et qu'un roi sans divertissement est un homme plein de misères. Il s'enfonça dans la Forêt pour marcher jusqu'à Glyn Cuch avec ses chiens. Et il contina sa chasse même après la tombée dans la nuée, si grand était son désir qu'aucun lièvre n'aurait pu contenter.
Là, il vit un grand Cerf blanc qui avait déjà été assailli par d'étranges chiens pâles aux oreilles rouges. Il écarta ces bêtes de l'Autre Monde pour lancer ses propres chiens.
Un Cavalier vint alors sur un grand cheval gris et portant un grand cor de chasse. Le Cavalier dit que Pwyll l'avait offensé par son manque de courtoisie en écartant sa meute qui avait fait la prise. Pwyll était en effet passé de l'Autre Côté, dans son domaine hors de la frontière de Dyfed, où il n'était plus un Prince et où il n'avait aucune préséance. Pwyll exprima ses regrets d'avoir été ainsi si impudent et proposa son amitié fidèle pour dédommagement.
Le Cavalier dit qu'il était Arawn, Roi d'Annwn, l'Autre-Monde, mais qu'il accepterait de pardonner à Pwyll s'il était d'accord pour un échange pendant un an. Pwyll aurait son apparence et Arawn occuperait la sienne, l'homme qui avait l'apparence d'Arawn devrait régner sur Annwn pendant un an et au bout de cette année il devrait affronter en duel Hafgan, son rival et ennemi dans la Terre d'Annwn. Il ne devait lui donner qu'un seul coup, pas plus, car un second lui rendrait toutes ses forces. Et Arawn tiendrait le Dyved pendant ce temps.
Le Double et sa double pensée en l'Autre Monde
Pwyll accepta et pour un an il prit l'apparence d'Arawn. Il fut pris pour lui par tous et il reçut leurs respects, y compris de l'épouse d'Arawn.
Il y vit de grandes merveilles comme le Chaudron de Vie (Pair Dadeni), qui pouvait rendre la Vie à ceux qui s'y baignaient mais les rendait ensuite muets, et qui était alors la propriété du Roi d'Arawn avant de passer plus tard au Géant Llasar Llaes Gyfnewid puis à moi quand je vivais encore et n'étais pas une Tête tranchée. Et on dit qu'aucun couard ne pouvait boire ce que le Chaudron cuisait mais ton père put boire ce qu'offraient les Neuf Vierges du Chaudron.
De jour, il agissait en bon roi et avec courtoisie comme on l'attendait, mais chaque nuit, il se couchait aux côtés de celle qui le prenait pour son mari, sans lui parler et sans la toucher. Il savait encore que même si tous le prenaient pour le roi, il n'en était qu'un substitut et ne devait pas oublier son devoir envers celui à qui il avait promis fidélité. Pour entrer dans la véritable connaissance de votre condition de Prince, que votre pensée publique vous fixe les devoirs de votre charge mais qu'une autre pensée vous rappelle que comme Pwyll, tous les dons de cette couronne que vous portez ne vous sont pas un dû.
Il fit ainsi pendant un an et au bout de son mandat, comme promis, il alla affronter Hafgan, son rival d'Annwn. Il ne donna qu'un seul coup et trancha son armure entière, le laissant mortellement blessé. Hafgan, qui avait percé à jour, la vraie nature de celui qui portait la semblance d'Arawn, cria alors en suppliant qu'il l'achève par un second coup d'épée, mais Pwyll refusa. Hafgan se laissa alors mourir et tous ses hommes jurèrent fidélité à Arawn, roi d'Annwn.
Le Passage des frontières
Pwyll revint alors au point dans la Forêt où il s'était séparé d'Arawn. Chacun reprit son apparence et rentra chez lui.
Arawn avait grand désir de retrouver la reine et il fut tendre avec elle dans leur lit. Elle gardait le silence et dit qu'il avait bien changé son attitude après un an de silence froid. Arawn comprit que Pwyll avait pu être assez chaste et loyal pour ne pas toucher son épouse dans son lit. Il en fut admiratif et décida de récompenser le Prince de Dyved.
Pwyll revint dans sa forteresse d'Arberth et nul n'avait découvert son absence comme Arawn régnait à sa place. Tous les nobles dirent qu'il avait été le plus juste et le plus libéral des princes pendant l'année écoulée et quand Pwyll leur révéla la vérité, il leur promit qu'il garderait en place les décisions avisées de son ami de l'Autre Monde.
Dès lors, les deux Princes furent amis et s'échangèrent des cadeaux, des chevaux, des chiens de chasse, des rapaces. Le Dyved et l'Annwn furent si liés qu'on prit coutume d'appeler Pwyll le Prince d'Annwn.
(à suivre)
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