Le deuxième numéro (qui semble daté à peu près de "mars-avril 1979") est un peu plus court, 38 pages ($1.75). Il est pourtant beaucoup plus divers que le précédent qui se concentrait sur les pages de souvenirs des auteurs. La couverture est par
William Church, qui illustrait aussi
Wyrm's Footnotes (et je presque certain que la ville de Wilmskirk en Sartar sur Glorantha est nommée en son honneur, ce qui prouve que Greg Stafford aimait mettre des gags dans son univers).
La page d'abonnement précise que
Different Worlds est
le seul magazine qui ne parle
que de jeux de rôle. J'imagine que c'est parce que
Dragon Magazine ou
White Dwarf avaient une section wargame ?
Tadashi Ehara raconte que pendant la Convention
DunDraCon IV (17-19 février 1979, organisée à Oakland par Clint Bigglestone et avec un fort contingent du CHAOSium, dont un séminaire de Greg Stafford sur "Les dieux de Glorantha") un jeune homme lui avait dit avoir été déçu par l'absence de Tables et de Chartes dans le numéro 1 de
DW. Bigglestone participera d'ailleurs au #3.
Tadashi Ehara annonce aussi l'arrivée de
Gigi d'Arn, la nouvelle chroniqueuse de "Rumeurs & Cancans" du jeu de rôle, dont il dit qu'elle travaillait pour Lou Zocchi. Il y a une rumeur qui dit que Gigi d'Arn (dont le nom est en fait une allusion aux initiales "
Gary
Gygax" et "
Dave
Arneson") n'a jamais existé et que les rédacteurs de
DW écrivaient la chronique ensemble.
"Beginner's Brew: ... and you say that this is a game?"
Charlie Krank (p. 4-7)
Les conseils comprennent un mini-scénario, un donjon où on doit aller récupérer le fils d'un aubergiste qui a tenté, par défi, de passer la nuit dans la vieille demeure du Vieux Jerol, un ancien sorcier défunt.
"Review of
Legacy" by
Steve Lortz (p. 8)
Legacy de
Dave A. Feldt venait de sortir en 1978 et il était souvent mentionné comme un des systèmes dans le numéro 1 en même temps que
C&S,
T&T ou
Runequest. Il est complètement oublié aujourd'hui mais si on le mentionne, ce n'est le plus souvent que comme un des jeux les plus pédants et mal écrits de l'histoire du jeu de rôle (et
Greg Costikyan reprochera d'ailleurs à Steve Lortz d'avoir été trop peu critique dans cette review dans une page du courrier de
DW n°4 p. 36).
Legacy utilise par exemple "
Role-Assumption System" au lieu de RPG, "
Game Moderator" au lieu de GM et "
Enabler" au lieu de "Bonus spécifiques associés au background". Il a l'air d'être un jeu un peu post-apocalyptique qui se déroule dans un cadre très primitif (néolithique) avec un système simulationniste très lourd (seulement 3 caractéristiques, qui reviennent à Corps, Intelligence et Empathie, mais divisées en de nombreuses sous-caractéristiques inutilement détaillées). Il y a quelques idées qui ne sont pas mauvaises comme le fait de quantifier l'information comme des sortes de points d'expérience à accumuler pour représenter ce que découvrent les PJ. En revanche, les règles sur "l'Intentionnalité" (un système qui quantifie les probabilités qu'un objet ou un PNJ "veuille" faire quelque chose) ou sur la "Carte des relations" sont, paraît-il, trop peu claires pour être compréhensibles.
"
D&D Variant: Specialty Mages - Part 2"
Mike Gunderloy (p. 9-14)
Cette 2e partie décrit 4 autres sous-classes de Mages : les
Illuminati (Mages de Lumière, liés aux Sidhes, Loyaux-Bons),
Mages d'Obscurité (Loyaux-Mauvais), de
Feu (Neutres) et de
Glace (Loyaux-Mauvais, ils cherchent la
Lance Gelée qui peut remplacer l'étincelle de vie par une étincelle de glace).
"Character Name Tables"
Elaine Normandy et John T. Sapienza, Jr. (p. 15-16)
Des générateurs aléatoires (Humains, Nains, Elfes, Hobbits) inspirés par Tolkien.
My Life and Role-Playing Continued!
"Into the Labyrinth"
Steve Jackson (p. 17-19)
Steve Jackson (le Texan, pas le Britannique) est en train de développer le jeu
The Fantasy Trip, qui sort sa version complète (
Into the Labyrinth) cette année-là che Metagaming. C'est l'ancêtre direct de son futur jeu
GURPS. Jackson explique que de nombreux jeux de rôle n'accomplissent pas assez leur fonction qu'il définit ainsi "
inviter le joueur à adopter une personnalité différente de la sienne". A l'inverse, de nombreux jeux de plateau et de wargames peuvent avoir parfois plus de dimensions de jeu de rôle que ce qu'on appelle d'habitude RPG. Il défend aussi l'idée qu'en répartissant des points, on construit mieux une personnalité qu'on veut jouer qu'en les tirant au hasard (je croyais que
GURPS était inspiré par
Champions, mais c'est en fait un principe que Steve Jackson défend ici un an avant
Champions). Il décrit le jeu "sub-optimal tactiquement" de son collègue
Howard Thompson (chef de Metagaming, avec qui il se disputera plus tard pour les droits de
TFT), qui joue des Nains très crédibles, irascibles et auto-destructeurs. Il fait l'éloge de la
Society for Creative Anachronism (où était aussi Steve Perrin) dans laquelle il joue un personnage deux jours par semaine.
"My Life and Role-Playing with Possibility"
David A. Feldt (p. 19-21)
A part un passage avec un peu d'auto-dérision sur le pédantisme de son propre jeu de "
Role-Assumption",
Legacy (critiqué aimablement p. 8), David Feldt n'attenue pas tellement l'impression de prétention qu'on lui attribue. La fin se termine avec une nouvelle de SF où il imagine que le jeu de rôle devient rapidement le centre de tout l'eneignement avec un appui informatique pour représenter des règles de plus en plus complexe. Ce sont les concepteurs de jeu de rôle qu'on envoie coloniser d'autres mondes dans un futur proche (2006!) car ils ont l'habitude d'entrer dans la peau de quelqu'un d'autre.
"
Starships & Spacemen Expansion Kit"
Leonard H. Kanterman, M.D. (p. 22-23)
Juste un erratum de S&S.
"Lord of the Dice"
Greg Costikyan (p. 24)
Une "parodie" de jeu de rôle assez peu drôle à mes yeux où il est dit qu'on lance un d100 et qu'on interprète le résultat.
"
Different Worlds Presents: Arduin, Bloody Arduin"
Dave Hargrave (p. 25-29)
Dave Hargrave, le créateur d'Arduin fait à la fois l'éloge de son jeu tout en présentant le monde. Il dit qu'en 5 ans de jeu réel, 25 ans de jeu sont passés dans la chronologie officielle où il a vu mourir 700 personnages-joueurs (je pense à un accès dangereux de mythomanie, même en imaginant plusieurs scénarios chaque semaine, mais qui sait ?).
J'ai déjà parlé d'
Arduin, de
sa politique (et de l'une de ses races,
les Phraints). Arduin est un pays d'environ 100 000 km2 (taille de l'Islande ou de la Corée du Sud) sur la planète Khaas, sur le continent de Khaora. Le monde a vu de nombreuses civilisations interstellaires et interdimensionnelles, des Kthoi reptiliens aux Mages stellaires et aux Seigneurs du Temps jusqu'aux grandes "
Guerres de Quand" autour d'Arduin, carrefour de plusieurs Portails entre les Mondes. Après des éternités de Guerre, les Accords d'Arduin ont institué un territoire neutre, une petite monarchie elfe dont la neutralité est protégée par une coalition de tous ses voisins qui ne souhaiteraient pas que cette puissance tombe sous le contrôle d'un seul d'entre eux. Il y a un Collège de plusieurs factions, Sages, Mages, Clercs et Technos, ce qui rappelle l'ambiance space-fantasy de ce cadre, qui rappelle presque plus
Dune que
Lord of the Rings. Arduin est un tel "creuset" que le métissage y est même obligatoire selon les coutumes, ce qui en fait une nation de demi-elfes/demi-orques/quart-d'un peu tout. Il y a cinq cités principales : la capitale Talismondé au sud du Grand Lac des Brumes (formé au confluent des Fleuves du Paon et du Cristal), Melkalund et Khurahaen au nord du Lac, VorlnYaas à l'ouest au-delà de la Forêt de Cristal et Nythaarna au sud-est du Bois des Gémissements. La Noblesse demi-elfe doit aussi négocier avec le pouvoir des Guildes. Comme un Etat moderne, le Royaume d'Arduin a un réseau de Messagers royaux et des Routes antiques assez bien entretenues, même si avec moins d'un million d'habitants, la densité démographique ne dépasse pas 8 habitants au km2 (niveau de la Russie actuelle), ce qui fait de nombreuses zones sauvages loin des centres urbains. Comme dans le monde de Tékumel, le pays a des Cités souterraines, les "
Sous-Villes", où sont tolérées presque toutes les déviations religieuses ou morales par rapport aux Lois de la Surface. Hargrave raconte ses dernières campagnes où le Duc Jethar de la Maison du Soleil Levant a lutté pendant 20 ans contre le pouvoir de la
Société du Lotus Noir (la Mafia des Magiciens) et le Duc Elric de la Tour du Dragon a passé 7 ans aux Enfers, gardé par Cimmeries le Seigneur des Morts Vivants avant que des personnages réussissent enfin à le libérer (après avoir perdu 40 PJ dans l'entreprise). Je me moque souvent des travers grandiloquents de Hargrave mais en réalité, j'admire toujours l'enthousiasme communicatif de ses descriptions.
Voici la carte actuelle chez
Emperor's Choice qui illustre aussi les pays voisins. Voir aussi ce qu'en disait Sarah Newton
l'an dernier (sur une hypothétique 5e édition d'Arduin).
Au Nord d'Arduin se trouvent le Royaume humain de
Falohyr et les Terres inondées de
Khorsar. A l'Est,
Morvaen a un culte monothéiste de
LUI, Dieu de l'Electricité, et l'Empire de
Viruelandia a l'air d'être l'équivalent habituel des Romains (la "Reine-Mère", Veuve du précédent Roi d'Arduin vient de Viruelandia - mais la Monarchie est élective et elle n'est pas la Mère du Roi actuel). Au Sud se trouve le Royaume nain de
Myrmidios. A l'Ouest c'est la terre inconnue d'
Ozrhaen, fermée du monde extérieur par des flammes magiques
"RuneQuest Special!: The Cacodemon Cult"
Steve Perrin (p. 30-31)
La version complète du Culte des Ogres apparaît ensuite dans
Griffin Mountain.
"The Way of the Gamer: Dramatic Structure of RPGs"
Steven L. Lortz (p. 32-35)
Steve Lortz reprend l'analyse qu'il avait commencée dans le n°1 et qui insistait sur une précision à donner sur la relativité des échelles des séquences ou du temps en jeu de rôle (temps tactique ou stratégique). Le jeu de rôle est analysé comme une forme d'art à partir notamment du cinéma. L'analogie est ici que l'enchaînement des "
Moves" en jeu de rôle se compare avec les séquences dans le cinéma et que l'art d'improvisation du GM est donc d'adapter la temporalité pour bien agencer ces séquences. L'enjeu de l'enchaînement dramatique entre les actions se fait autour de deux axes : (1) à court terme, le personnage va-t-il survivre ? (2) à plus long terme, le personnage va-t-il accroître sa puissance ou du moins sa connaissance ? Chaque "
Move" dramatique s'analyse en 4 phases : (1) détermination de la "Rencontre" avec l'environnement (qu'elle soit planifiée par un scénario ou déterminée par une situation ou une table aléatoire). (2) choix de l'Action par le PJ (3) Réaction de l'environnement (4) Résolution de l'Interaction. Chaque question résolue conduit à une nouvelle question jusqu'à ce qu'on doive passer à une nouvelle séquence. L'analyse abstraite a le défaut de ne citer que des exemples en Donjons.
"A Letter From Gigi"
Gigi D'Arn (p. 36)
Gigi D'Arn fait la rubrique "Rumeurs" du Jeu de rôle, en la présentant toujours comme une Lettre sans ordre à Tadashi Ehara (même si on pense parfois que c'est Ehara ou d'autres membres du CHAOSium qui l'écrivaient). Il y a parfois de détails sur les embauches ou les mouvements entre les compagnies, et le pseudonyme devait aussi servir au CHAOSium à régler ses conflits avec d'autres auteurs. Gigi se moque aimablement de
Sorcerer's Apprentice de
Ken St.Andre, qui était censé être ouvert sur
tous les jeux de rôle et qui ne parle en fait que de
Tunnels & Trolls. Elle se demande pourquoi
Different Worlds ne parle pas plus du fait que
Wyrm's Footnotes est très intéressant pour les joueurs de
Runequest (pub interne directe...). Elle rappelle à la fin le fait que Greg Stafford et Scott Bizar (de FGU) sont par coïncidence
mariés à cette époque à deux soeurs et ont donc la même belle-mère.
Dave Arneson ferait un procès à TSR demandant 300,000$ pour le nouveau
Monster Manual. Il préparerait un jeu de rôle à contexte japonais pour CHAOSium (
Vaporware comme beaucoup des rumeurs de cette rubrique... et comme beaucoup de réalisations d'Arneson). Il quitterait Heritage pour son jeu
Adventures in Fantasy.
Ian Livingstone dans l'éditorial de
White Dwarf #9 (oct-nov 1978) disait que pour que D&D reste amusant, il ne pouvait pas y avoir une seule manière de jouer. C'était en fait une réponse directe à un article de
Gary Gygax dans
The Dragon Magazine #16 ("Role-Playing: Realism vs Game Logic, Spell Points, Vanity Press and Rip-Offs", juillet 1978, p. 15-16). L'article de Gygax était très violent et disait en substance
(1) N'utilisez pas de variantes, sinon ce n'est plus D&D. Rien ne vous interdit de créer votre propre système si vous le désirez (ce qui est un argument assez raisonnable). TSR sait mieux que vous ce qui est bien pour
D&D.
(2) Les fanzines sont presque tous des textes médiocres qui tentent d'exploiter l'aura de D&D en le gâchant par des idées stupides.
Je comprends que le Point (2) ait consolidé l'image de Pape intolérant de Gygax. Gygax avait énuméré les systèmes proposés qu'il rejette tous : mettre fin à l'interdiction des armes pour certaines classes, mettre fin aux limites de certaines espèces, des systèmes de réussites critiques, des Points de Sort à la place de la magie Vancienne, des compétences ou expertise sur des armes et il est drôle de constater que
tous ces systèmes "déséquilibrés", "idiots", "inutiles" furent ajoutés finalement au moins comme options dans d'autres éditions de
D&D, prouvant que ce n'était en partie qu'une question de dogmatisme de Papy Gary.
David Feldt aurait eu un accident de voiture et préparerait un nouveau jeu de SF avec sa compagne et co-auteur Shannon Berger (
Vaporware).
Dave Hargrave préparerait le nouveau jeu
Star Rovers pour Archive Miniatures de Steve Lortz. Le jeu sortira vraiment deux ans plus tard,
en 1981 (co-écrit par Steve Lortz et Neville Stocken, qui était sculpteur de figurines starwars non-officielles et qui avaient dû les déguiser pour éviter un procès de Lucasfilms). En passant, ce système, parmi ses 48 (!) caractéristiques, a
des règles complexes sur le "Tempérament" avec par exemple trois sous-caractéristiques "
Outlook, Humor, Patience" et trois autres "
Ambition, Pride, Selfness".
Pendragon et ses 13 Traits sont dépassés...
Greg Costikyan et SPI vont sortir leur premier jeu de rôle
Commando (jeu de combat tactique avec création de personnage, qui parut effectivement cette année-là et gagna un certain prix HG Wells du meilleur jeu "de rôle" 1979).
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