Manfred Frank (né en 1945) est un philosophe qu'on peut rattacher en gros à l'école dite "herméneutique" d'histoire de la philosophie qui continue depuis le théologien Schleiermacher ou Gadamer à étudier les textes littéraires et philosophiques dans un réseau de significations communes. Il a étudié à Heidelberg avec Gadamer, Karl Löwith, Dieter Henrich mais aussi avec Ernst Tugendhat. Sa thèse portait sur le temps chez les Romantiques et il a enseigné dans des départements de "philologie" autant qu'en philosophie, à Düsseldorf, à Gand et finalement au vieux siège de l'Idéalisme allemand à Tübingen.
Dans cet article (avec lequel je ne suis pas complètement d'accord mais qui est n'est pas sans intérêt dans sa description historique), il déplore une ironie : la philosophie dite "Continentale" risque à présent de disparaître d'Allemagne et même du Continent qui lui est attaché pour n'être plus enseigné qu'en dehors de ce Continent européen. Eric Schliesser a une réponse qui ironise aussi sur les méprise du récent "Réalisme spéculatif" (qui croit pouvoir dépasser la métaphysique analytique en ne la lisant pas).
Je suis plutôt d'accord avec le Professeur Frank sur le risque d'une néo-scolastique figée (c'est la menace de toute philosophie) mais je ne suis pas certain que la "neurophilosophie" soit la pire dans son positivisme ou plutôt son "naturalisme" - le psychologisme le plus agressif contre la spéculation a priori vient en fait plus de ce qu'on appelle en ce moment le métascepticisme ou "philosophie expérimentale" que des dialogues entre psychiatrie et philosophy of Mind.
Et s'il faut en effet continuer à lire Fichte ou Hegel (car Frank parle plus de sa chapelle historique de l'Idéalisme allemand que de l'ontologie discréditée de Heidegger), je reste plus sceptique sur ce fameux "potentiel de nouveauté" que les Herméneutes croient caché dans l'historicisme fondamental de Schleiermacher (ce qui est d'ailleurs le même problème dans l'herméneutique honnête mais assez banale de Paul Ricoeur chez nous). Et le risque de la fin du texte est que son éloge de la tradition paraisse assez trivial ou un simple plaidoyer pro domo au lieu d'une analyse philosophique.
Voici un premier jet d'une traduction un peu improvisée de l'article de Manfred Frank. Corrigez-moi si vous trouvez quelques passages trop obscurs. L'allemand de Frank - qui illustre son goût pour le Romantisme - est un peu trop métaphorique pour ma connaissance assez abstraite de cette langue.
Dans cet article (avec lequel je ne suis pas complètement d'accord mais qui est n'est pas sans intérêt dans sa description historique), il déplore une ironie : la philosophie dite "Continentale" risque à présent de disparaître d'Allemagne et même du Continent qui lui est attaché pour n'être plus enseigné qu'en dehors de ce Continent européen. Eric Schliesser a une réponse qui ironise aussi sur les méprise du récent "Réalisme spéculatif" (qui croit pouvoir dépasser la métaphysique analytique en ne la lisant pas).
Je suis plutôt d'accord avec le Professeur Frank sur le risque d'une néo-scolastique figée (c'est la menace de toute philosophie) mais je ne suis pas certain que la "neurophilosophie" soit la pire dans son positivisme ou plutôt son "naturalisme" - le psychologisme le plus agressif contre la spéculation a priori vient en fait plus de ce qu'on appelle en ce moment le métascepticisme ou "philosophie expérimentale" que des dialogues entre psychiatrie et philosophy of Mind.
Et s'il faut en effet continuer à lire Fichte ou Hegel (car Frank parle plus de sa chapelle historique de l'Idéalisme allemand que de l'ontologie discréditée de Heidegger), je reste plus sceptique sur ce fameux "potentiel de nouveauté" que les Herméneutes croient caché dans l'historicisme fondamental de Schleiermacher (ce qui est d'ailleurs le même problème dans l'herméneutique honnête mais assez banale de Paul Ricoeur chez nous). Et le risque de la fin du texte est que son éloge de la tradition paraisse assez trivial ou un simple plaidoyer pro domo au lieu d'une analyse philosophique.
Voici un premier jet d'une traduction un peu improvisée de l'article de Manfred Frank. Corrigez-moi si vous trouvez quelques passages trop obscurs. L'allemand de Frank - qui illustre son goût pour le Romantisme - est un peu trop métaphorique pour ma connaissance assez abstraite de cette langue.
Manfred Frank : Philosophie continentale : Hegel n'habite plus ici
Celui qui veut étudier la philosophie continentale doit désormais aller en Chine ou au Brésil. En Allemagne, l'héritage de l'idéalisme allemand est à terre. La force de sa pensée s'est pulvérisée.
Un spectre hante les séminaires philosophiques en Allemagne : le spectre d'une victoire mondiale de la philosophie analytique et un exode massif de la philosophie continentale vaincue. Où s'est-elle retirée ? Principalement dans d'autres parties du monde : Extrême-Orient, Australie, Brésil ou bien justement aux États-Unis, d'où a été effectué le coup décisif contre la tradition philosophique continentale en Europe.
Celui qui voudrait étudier aujourd'hui les signes caractéristiques de la philosophie de langue allemande, l'Idéalisme allemand (la philosophie spéculative allemande qui nous relie immédiatement à Kant) serait peu encouragé à le faire par les cours ou les programmes d'une université allemande. De fait, un étudiant se demandera sérieusement si ses intérêts ne seront pas mieux satisfaits à Sydney, Notre-Dame, à Georgetown ou à Chicago. Les universités en particulier aux États-Unis ont une longue tradition de recevoir des philosophes allemands qui se sentaient mal à l'aise spirituellement dans le climat politique de leur patrie, voire carrément persécutés.
Certes, ceux qui émigrent ont remarquablement changé. Autrefois, dans les moments sombres du Reich, c'étaient des représentants d'une philosophie de forme scientifique, rationnelle, orientée sur l'analyse du langage et de la logique, souvent socialiste, qui était poussée hors de l'espace linguistique allemand. Compte tenu des pères fondateurs, Frege, Russell, Carnap et Wittgenstein, on appelle cette tradition, la "philosophie analytique". Sans la contribution germanophone, la philosophie analytique ne serait pas devenue ce qu'elle est aujourd'hui. Quand on résume cette exportation principalement germano-autrichienne comme une philosophie "anglo-saxonne", on renvoie en exil une seconde fois ces philosophes émigrés.
Des phases d'échanges fructueux
Mais la question est devenue différente : est-ce à présent le reste "irrationnel" qui émigre à son tour, la philosophie allemande "classique" vilipendée comme productrice de Nonsense ?Ce serait un renversement remarquable des conditions originales ! La philosophie allemande avait été dans les années trente brutalement réduite à son reste continental à cause de l'exode de la philosophie allemande de l'analyse du langage : il n'était demeuré qu'une philosophie soumise au nazisme, ou du moins qui ne devait pas contredire explicitement sa vision du monde. Et cette philosophie universitaire constitua encore le paysage après "l'Année Zéro".
Il n'y eut, en dehors de quelques émigrés de retour au pays tels que Horkheimer et Adorno, pendant deux décennies presque aucun enseignant de philosophie qui n'aient été des élèves de philosophes nazis ou bien, comme Karl Jaspers, au caractère bien trempé, qui ne soient pas d'autant plus partis vers l'exil. Ce n'est que vers la fin des années soixante, en fait seulement à la suite de la révolte des étudiants, qui fit profondément le ménage dans la tradition allemande, que la philosophie analytique est revenue à l'Allemagne. Ce fut en particulier l'action de Paul Lorenzen (le chef de l'École d'Erlangen), d'Ernst Tugendhat (Heidelberg puis Berlin) et de Karl-Otto Apel (Kiel puis Francfort). Mais même le plus grand connaisseur de l'idéalisme allemand, Dieter Henrich, avait recherché et créé le dialogue avec la philosophie anglo-saxonne, de sorte que les ruines de l'idéalisme allemand brillaient avec une clarté inhabituelle.
De cette coopération sont sortis quelques aperçus significatifs de philosophie de l'esprit (Geist), qu'on appelait aux USA "Philosophy of Mind". Une sorte d'échange avait commencé et on le cherche encore comme le montrent certaines recherches importantes. Mais ces recherches se plient de plus en plus à une domination d'une néo-scolastique qui ne cherchent plus le dialogue avec une tradition mais bien son éradication.
Sous l'emprise d'une néo-scolastique
Et donc est réapparue récemment dans les séminaires de philosophie d'Allemagne une nouvelle scolastique ou plutôt un nouveau Wolfianisme. On appelait ainsi la philosophie au XVIIIe siècle qui avait tenté, à la suite de Christian Wolff à partir des aperçus géniaux de Leibniz, de construire une ensemble cohérent, systématique de "philosophie scolaire" - et donc une scolastique - qui avait dominé toutes les universités allemandes. Déjà à cette époque, il y avait une terminologie admise, on se disputait à propos de guillemets dans les définitions des mots, on coupait les cheveux des concepts en quatre, mais mais on était uni dans le différend parce qu'on utilisait les mêmes procédures et les mêmes définitions.
On entend souvent la même plainte qui revient dans beaucoup de nos séminaires philosophiques. La tendance scolastique est l'uniformisation et la structure scolaire des cursus presque sans alternative depuis le processus de Bologne. A la place de grands thèmes ou de recherches de grande haleine, on s'engage volontairement dans une micrologie d'analyses d'arguments des débats philosophiques, qui perd même l'intérêt des scientifiques de la nature auxquels on croit pouvoir se lier, qui isole la philosophie et qui dissuade la majorité des étudiants ou les chasse vers l'étranger. Les neurobiologistes souhaitent souvent des échanges interdisciplinaire avec des philosophes. Mais la philosophie qui a renoncé à sa particularité, échappe à ce dialogue ou se transforme en un monologue spéculatif des neurosciences avec elles-mêmes. La "neurophilosophie" était un sobriquet pour des philosophes en fauteuil qui s'érigent en scientifiques de laboratoire mais ce terme apparaît maintenant comme un appât (Lockvögeli) dans les annonces d'emploi.
On entend souvent la même plainte qui revient dans beaucoup de nos séminaires philosophiques. La tendance scolastique est l'uniformisation et la structure scolaire des cursus presque sans alternative depuis le processus de Bologne. A la place de grands thèmes ou de recherches de grande haleine, on s'engage volontairement dans une micrologie d'analyses d'arguments des débats philosophiques, qui perd même l'intérêt des scientifiques de la nature auxquels on croit pouvoir se lier, qui isole la philosophie et qui dissuade la majorité des étudiants ou les chasse vers l'étranger. Les neurobiologistes souhaitent souvent des échanges interdisciplinaire avec des philosophes. Mais la philosophie qui a renoncé à sa particularité, échappe à ce dialogue ou se transforme en un monologue spéculatif des neurosciences avec elles-mêmes. La "neurophilosophie" était un sobriquet pour des philosophes en fauteuil qui s'érigent en scientifiques de laboratoire mais ce terme apparaît maintenant comme un appât (Lockvögeli) dans les annonces d'emploi.
En outre, un provincialisme (Krähwinkelei) spécifiquement allemand est à déplorer. Dans l'espace anglophone, où la philosophie analytique s'est implantée et est devenue dominante, elle demeure quelque chose d'important. La branche allemande vit depuis l'hemorrhagie qu'elle a connue sous le Troisième Reich des miettes qui tombent de la table des riches voisins. Cette branche peut noter avec gratitude l'éloge que lui fait parfois son aînée, mais - en dehors de quelques exceptions notables - elle est ignorée au Royaume-Uni, en Australie ou aux USA comme un groupe indépendant ou, au mieux, mentionnée avec condescendance dans les notes.
Et ce à juste titre. L'autre terme de l'alternative, la grande tradition classique allemande (et européenne) n'est presque plus travaillée ou bien plutôt, elle ne l'est presque plus que pour mettre à jour le développement de la recherche. En conséquence, on trouve de moins en moins d'Anglo-Saxons parmi les étudiants et doctorants travaillant sur la philosophie allemande car ce qu'ils peuvent apprendre en Allemagne, ils l'apprennent mieux chez eux. Le nombre de ceux qui s'intéressaient à la tradition allemande était encore considérable dans les années nonante. Des séminaires philosophiques pouvaient encore bénéficier de cet intérêt - même face à des administrations avares. Il n'est pas étonnant que ce soit surtout dans des pays anglophones qu'on retrouve désormais l'idéalisme allemand et même la phénoménologie, qui était jusque ici travaillée sérieusement.
Des sources intemporelles de progrès
Cependant, on pourrait dire: "à quoi bon ces pleurs et ces grincements de dents ?" Ne devrions-nous pas nous féliciter que le «non-sens» ait enfin été banni de l'Allemagne ? Et ne voulons-nous pas payer avec plaisir le prix d'une spécialisation rétrécie ?
Je plaiderais pour cela avec passion si cela manifestait l'avantage d'éclairer les têtes de nos étudiants, comme le veut la propagande. Mais au nom de quel préjugé bizarre opposer ainsi la tradition et le progrès ? Les programmes de plusieurs instituts philosophiques divisent la "philosophie systématique" et "l'histoire de la philosophie". La première signifie en fait : "la philosophie publiée récemment" mais ce qui est publié apparatient encore à l'histoire et est tout aussi susceptible d'être attaquée qu'une philosophie plus ancienne. Parfois, le potentiel de résistance de ce vieil Aristote est toujours plus grand que des éphémères journalistiques qui n'ont que l'attrait de la nouveauté.
Il en va même ainsi. Le progrès vient aussi de réélaboration de sources anciennes. C'est plus vrai en philosophie qu'en physique mais cela vaut même en psychologie et en psychiatrie. Les deux ont encore à présent à apprendre dans des pôles d'excellence sur des sources romantiques ou phénoménologiques. Le potentiel sémantique dense de ces classiques assure qu'on peut à nouveau découvrir quelque chose de neuf en eux. Quelque chose de nouveau, mais qui revendique une vérité, et qui ne soit pas seulement traité sans ménagement voire avec mépris comme de la poésie en raison d'un "sens profond" confiné aux départements de littératures ou de "Critical Theory" aux États-Unis. Quelque chose de nouveau, qui a le pouvoir d'innover, encore en concert avec l'analyse la plus récente.
Il en va même ainsi. Le progrès vient aussi de réélaboration de sources anciennes. C'est plus vrai en philosophie qu'en physique mais cela vaut même en psychologie et en psychiatrie. Les deux ont encore à présent à apprendre dans des pôles d'excellence sur des sources romantiques ou phénoménologiques. Le potentiel sémantique dense de ces classiques assure qu'on peut à nouveau découvrir quelque chose de neuf en eux. Quelque chose de nouveau, mais qui revendique une vérité, et qui ne soit pas seulement traité sans ménagement voire avec mépris comme de la poésie en raison d'un "sens profond" confiné aux départements de littératures ou de "Critical Theory" aux États-Unis. Quelque chose de nouveau, qui a le pouvoir d'innover, encore en concert avec l'analyse la plus récente.
L'actualité de l'originel
Qui croit sérieusement que l'on devrait mettre au pilon Platon ou bien limiter sa lecture aux passage qui sont cités dans le respect analytique des revues modernes et peer-reviewed ? L'idéalisme allemand, et en particulier la tradition phénoménologique ne sont ni des sottises auxquelles on s'enticherait vaguement ni des ennemis du progrès. Nous devons remercier ces deux mouvements pour des modèles de prose scientifique et pour avoir aiguisé la langue allemande pour exprimer de fines nuances conceptuelles. Le style de la prose scientifique de la fin du XIXe et début du XXe siècle n'aurait pas été possible sans eux. Cantor et Frege, de brillants exemples, ont publié certains de leurs textes fondateurs dans le Zeitschrift für Philosophie und philosophische Kritik, une revue de l'Idéalisme tardif, fondé et édité depuis longtemps par le fils de Fichte, Immanuel Hermann.
En 1966, Dieter Henrich jugeait [dans son livre Fichtes ursprüngliche Einsicht] que la philosophie avait tout oublié de la "perspective originelle" du père de ce dernier, Johann Gottlieb Fichte et "n'en avait même plus jamais pris acte". On pourrait dire de même de la perspective herméneutique fondamentale de Schleiermacher. Tous les deux représentaient pourtant de quoi faire exploser des modes théoriques entières qui n'avaient pour elles que leur actualité.
De nombreux Analytiques croient cependant fermement que toutes les vieilles erreurs de la tradition philosophique seraient corrigées dans le savoir scolaire récent (pardon : à condition qu'il soit analytique) et qu'on tiendra compte de progrès à partir de perspectives encore implicites. C'est une forme d'Hégélianisme, qui prétend dépasser dialectiquement toutes les formes de pensées préalables comme de simples jalons dans la voie vers le "Savoir absolu".
Cela doit-il être notre principe directeur ? La philosophie analytique ne serait-elle pas mieux avisée de se rappeler une part plus importante de l'histoire de la philosophie ? On n'éprouve pas la vérité d'une pensée d'un prédécesseur en se contentant d'une prétention superficielle de tout savoir qui "se tient au courant" (une "Bescheidwisserei" comme l'appelait Adorno). Et il faudrait éviter de réinventer la roue ou de nous en refiler une qui roule encore moins bien que l'ancienne. Enfin, l'histoire ne nous fait pas toujours la faveur d'aller vers le progrès. Des percées conceptuelles importantes sont parfois écartées par des opinions fausses ou des modes théoriques. Contre l'actualisme apocalyptique de ceux qui considèrent un texte comme suspect dès qu'il a plus de cinq ans, il faut objecter la déclaration de Schopenhauer : "Le Nouveau est rarement le Bien car le Bien ne reste pas longtemps nouveau".
5 commentaires:
Est-ce vraiment que les analytiques sont en train de chasser le pensée « continentale » d'Allemagne ? ou est-ce que Frank veut provoquer les séminaristes afin qu'ils résistent l'hégémonie anglophone empiétant sur l'Europe ? Il me semble un peu comme une réaction contre la globalisation.
Comment trouvez-vous la situation actuelle de la philosophie en France ?
Certes les analytiques dominent la philosophie académique en Amérique et Angleterre. Je me suis toujours demandé si ce soit à cause de la langue ; on ne doit savoir qu'anglais pour lire les ouvrages principaux. Les (très peu de) gens de ma connaissance qui ont étudié la philosophie continentale en Amérique (car l'enseignement des langues y est pitoyable) ont fui leurs universités pour étudier en Allemagne.
En tout cas, merci pour l'article et les liens. Ils m'ont stimulé ma cervelle aujourd'hui hébété par l'excès de sirop contre les toux (trop hébétée pour ma lecture actuelle, qui est les commentaires de Schleiermacher sur les fragments d'Héraclite).
Traveller, RQ6 et la philosophie, nous avons beaucoup d'intérêts en commun !
Je ne connais pas assez la situation allemande pour juger si Frank exagère ou dramatise. Je me demande aussi si le sentiment de culpabilité sur le nazisme de Heidegger (et par contagion de certains de ses disciples, comme la neutralité conservatrice de Gadamer) n'est pas une des raisons pour lesquelles certains étudiants allemands peuvent se tourner vers le modèle américain. Il y a aussi une crise des postes, tout simplement.
En France, il faudrait sans doute distinguer le CNRS (où la philosophie analytique est historiquement mieux implantée, il me semble) et les Universités ou Grandes Ecoles (où les courants historiques et continentaux me semblent bien plus influents en général en dehors de quelques exceptions locales). Paris I, Rennes I ou Aix par exemple avaient toujours un pôle analytique (qui coexistait avec d'autres groupes). Les deux ENS au contraire me semblent relativement moins analytiques (malgré la présence de l'Institut Jean Nicod via un programme EHESS-ENS avec le Département d'études cognitives). En un sens, le "scientisme" ou naturalisme de la philosophie analytique à l'IJN (qui tend à se dissoudre surtout dans la linguistique formelle et la psychologie cognitive) l'éloigne peut-être de la philosophie proprement dite (par exemple, il y a toujours curieusement peu d'éthique analytique en France en dehors du célèbre Ruwen Ogien, il me semble).
L'argument de la langue joue en effet aux USA (légèrement moins en Angleterre, j'ai l'impression). Même les départements de philosophie qui ont une tradition "philologique" d'histoire de la philosophie lisent moins en allemand et français que dans le passé (de même d'ailleurs qu'en France, c'est en partie à cause du déclin de l'allemand que certains se tournent un peu par défaut vers de l'histoire de la philosophie de langue anglaise : il suffit de voir les statistiques de langue à l'agrégation de philo où plus de la moitié des candidats prennent l'anglais).
La philosophie dite continentale est toujours très dynamique aux USA (notamment dans l'édition et les traductions) mais dans les départements d'architecture, de théologie ou de littérature comparée plus que dans les départements de philosophie (même si certains département de philosophie tentent de conserver un "spécimen" représentatif de philosophie continentale par tokenism).
Je ne connais hélas presque rien à l'herméneutique, si ce n'est indirectement par Hans Blumenberg, qui est très suggestif (j'ai été un peu déçu par le livre de Frank au si joli titre nietzschéen, Le dieu à venir).
J'espère qu'Isabelle Thomas-Fogiel (qui soutient des thèses proches de Dieter Henrich à l'Université d'Ottawa) a lu cet article car cela ressemble à ce qu'elle défendait mais hélas, j'ai l'impression qu'elle est passée de l'histoire des post- et néo-kantismes à une phénoménologie plus traditionnelle.
Traveller, RQ, et la philosophie, c'est un beau trio de rivaliser les Grâces !
Dramatisant ou non, il m'a fait penser de l'état actuel de la philosophie. Les partisans de la philosophie analytique, à mon avis (et je dois qualifier mes commentaires en me disant étranger au monde universitaire), deviennent de plus en plus insensible aux penseurs de l'autre camp, sinon belliqueux au moindre soupçon de le pensée continentale. C'est ce que j'ai remarqué dans les fora anglophones -- et c'est ce qui m'a repoussé. Y-a-t-il lieu pour discussion dans vitriol ?
S'il faut choisir une faction, je me penche vers les continentaux, mais je ne lis guère les philosophes modernes (ou même des auteurs vivants). Je me passionne pour le monde antique (et donc Runequest). Alors, moi je ne connais pas l'herméneutique non plus. C'est mon premier rencontre avec Schleiermacher ; je n'ai connu que son nom, et j'ai acheté son livre aussi bien pour son âge (un beau bouquin, imprimée en 1838 avec caractères gothiques) que pour les copieuses passages en grec. En tout cas, je crois que la Vérité -- s'il en existe -- n'est pas sectaire.
On enseigne les langues mieux en Angleterre qu'aux États-Unis, oui, mais pas beaucoup. J'ai rencontré ici (j'ai émigré il y a dix ans) plusieurs gens qui ont une licence en Classics, mais qui n'ont jamais étudié ni le latin ni le grec !
J'ai rien compris!
Merci pour cette traduction.
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