Voir partie précédente, où nous avions commencé à créer un personnage pour C&S, Indis l'Elfe sylvestre.
Les Arts Magiques
Une des plus grandes richesses de Chivalry & Sorcery est la Magie, qui occupe 40 des 128 pages ultra-serrées. Là où la plupart des jeux ont une règle synthétique sur la Magie, C&S multiplie des systèmes assez distincts qui ont un charme séparé (notamment l'Alchimie, qui sonne plus proche des textes anciens que la plupart des autres versions ludiques que je connais). Les Arts Magiques sont divisés en 4 grands types : Magie Naturelle (Shamans, Mediums, Transe sous drogue, Incantations...), Arcanes Mineures (Alchimiste, Artificier-Orfèvre ou Armurier, Astrologue, Devins, Sorcières), Arcanes Majeures (Enchanteur, Conjurateur, Thaumaturge, Nécromancien) et Mystique (Mots, Symboles, Figures et Nombres). En théorie, on ne choisit pas son école, elle est déterminée aléatoirement à partir de sa Classe sociale : les Serfs et les Paysans libres n'ont généralement accès qu'à la Magie Naturelle alors que les Bourgeois et les fils de Nobles tendent à plus aller vers les Arcanes.
L'ennui est qu'avec ses caractéristiques physiques (et notamment sa Dextérité minimale de 13), Indis ne ferait pas une très bonne Guerrière-Forestière et qu'elle serait sans doute meilleure en devenant Médium, Magicienne spécialisée dans les rapports avec les esprits (voir page 75).
De nouvelles Caractéristiques Magiques
Chaque école de Magie a sa caractéristique associée en plus de l'Intelligence. Pour les Médiums, c'est la Sagesse. Indis a une Intelligence de 13 et une Sagesse de 15. Cela lui donne un Niveau de Concentration de 2.8 si elle devient Médium débutant. Le maximum initial aurait été de 4.0 si elle avait eu 20 et 20.
Indis a aussi un Ascendant favorable (+0.5), est très pieuse (Alignement 3) et cela lui donne un Facteur Magique Personnel (PMF) de 3.3 (qui représente surtout son énergie pour contrôler les forces magiques). C'est relativement moyen (il faudrait des caractéristiques exceptionnelles mais on peut théoriquement dépasser un PMF de 10 dès le Niveau 1). Dans la seconde édition, ces facteurs dépendent aussi de la caractéristique nouvelle "Férocité", qui doit donc représenter aussi la force de la Volonté.
Un défaut de ces caractéristiques dérivées compliquées est qu'elles me semblent finalement avoir la plupart du temps (sauf cas vraiment extrême) bien moins d'importance que le Niveau du Magicien (il y a XXII Niveaux, comme les 22 Lames d'Arcanes Majeures du Tarot). En ce cas, à quoi bon vouloir tant détailler les différences individuelles à partir des Caractéristiques comme c'est presque toujours le Niveau général qui fera la différence ?
Dans la seconde édition, comme les caractéristiques sont réparties au lieu d'être tirées aux dés, il est plus possible d'optimiser un Magicien avec des caractéristiques maximales.
Comment jeter un Sort ?
Lancer un Sortilège coûte des Points de Fatigue et ce coût est en pourcentage du total de départ, ce qui signifie que la fatigue ne diminue pas avec les Niveaux : un Sort complètement maîtrisé et du même Niveau que le Mage coûte 10% du total de la Fatigue (5% si le Mage dispose d'un objet Focus personnel pour se concentrer). Mais un Sort non-maîtrisé ou d'un Niveau supérieur coûte 20% du total de départ.
Dès qu'on a dépensé tous ses Points de Fatigue, la charge passe aux Points de Corps, ce qui rend la Magie vite dangereuse pour peu que le Mage soit déjà épuisé ou blessé - surtout s'il n'a plus son Focus.
Dans C&S, il peut y avoir deux jets : un pour contrôler un Sort encore non-maîtrisé et un autre pour atteindre la cible. Chaque Sortilège qui n'a pas encore été complètement appris a une Résistance Magique de Base, qui est sa difficulté à être lancée, allant de 0 à 10. A chaque fois que le lancer de sort est une réussite, la Résistance baisse d'un point, jusqu'à 0. Mais à chaque échec, elle augmente à nouveau d'un point, jusqu'au maximum de 10, où le Sort devient trop difficile. A 0, le Sort est "maîtrisé" ou appris définitivement.
Le problème est alors d'expliquer pourquoi chaque personnage ne passe pas tout son temps entre les scénarios à faire "tomber" tous les nouveaux Sorts à une Résistance de 0 (surtout que la chance dépend du temps qu'on met dans le rituel). La règle complexe doit donc s'appliquer seulement en temps de jeu quand on tombe sur un nouveau Sort en cours de scénario, dans un rouleau de parchemin par exemple.
Un tableau fait correspondre le Niveau du Magicien et la Résistance : la probabilité de réussite de base est en gros (en fait, ce n'est pas si linéaire) égal à 20% + (Niveau du Mage x5) - (Résistance x5). Je me demande si Chaosium n'a pas tiré sa célèbre Table de Résistance de là ?
La probabilité est donc ridiculement basse (un Mage Niveau 1 a une base négative, - 25% de chance de base de lancer un Sort de Résistance 10), mais on peut augmenter ses chances par divers rituels. Par exemple, (1) en dépensant des Points de Fatigue supplémentaires (+1% seulement par Point), (2) en méditant (+1% x Niveau du Mage par jour de Méditation), (3) en jeûnant (+1% x Niveau du Mage par jour de Jeûne, ce qui est fatiguant et commence même à coûter des points de vie après Quarante Jours), (4) par un objet Focus (+10%), (5) par un Livre où le Sort est inscrit (+10%). Le Focus et le Livre de Sort ne sont donc pas obligatoires en jeu mais fortement conseillés.
Si la probabilité de base de lancer le sort était inférieur à 5% ou si la Cible avait une résistance magique particulière comme une Amulette ou un Cercle de Protection, tout échec entraîne en plus de l'accroissement de la Résistance un "Retour de Flammes" sur le lanceur (Backfire, p. 87). C'est sans doute l'une des premières tables d'échec critique de l'histoire du jeu de rôle mais elle est encore très simple :
01-50 le Mage perd 50% du total de ses Points de Fatigue
51-100 "Rebond" : un effet indésirable frappe le Mage (à déterminer par l'arbitre).
Après la réussite du lancer du Sort, la cible aussi a droit à un jet de Résistance. Ici, après le côté assez moderne des autres règles, on a un Tableau de résistance (Table des Conflits Magiques, p. 86) très peu pratique et non-systématique qui dépend de la description de chaque cible.
Un exemple de Tradition : les Médiums
Donc je décide (avec l'accord du MJ qui n'est autre que moi-même) qu'Indis ne va pas rester une simple Elfe Forestière et qu'elle a pu accéder à la tradition des Médiums. Contrairement à la plupart des autres Mages des Arcanes de C&S, les Médiums n'ont pas besoin d'entrer dans une Société secrète, un "Ordre" ou une "Loge". Ils sont formés directement par un Esprit défunt d'un autre Mage, un Esprit appelé le "Guide".
Pour contacter des Esprits, le Médium doit choisir la durée de la Transe, qui est de plus en plus difficile, de plus en plus fatigante et qui a de plus en plus de chances de conduire à une Possession après la période critique dite "de danger". La Possession peut être temporaire mais il y a 5% de chances par tour que cela conduise à la Folie. En cas de Possession, il faut ensuite un exorcisme pour libérer le Médium (mais l'Esprit peut aussi s'y opposer).
Le Guide peut l'aider à contacter d'autres Esprits et il peut ainsi leur poser des questions et même apprendre des capacités ou des Sortilèges de ces Esprits, ce qui ferait donc du Médium la plus polyvalente de toutes les Classes de Personnage. En théorie, rien ne lui interdirait d'apprendre n'importe quelle autre technique d'autres Arts (du moins tant que cela ne contredirait pas son Alignement, pas de Nécromancie et Magie Noire).
Le Médium peut de plus enchanter une Boule de Cristal où il peut placer 3 Sorts + 1 Sort supplémentaire tous les 4 Niveaux. Indis s'en servira comme Focus à la place de l'Arc habituel des Elfes, même si c'est moins facile à transporter.
Tirons les caractéristiques de l'Esprit-Guide d'Indis : Nicéphore était un humain mâle, noble (fils d'un Comte) et spécialisé dans une des Arcanes mineures : la Divination (Tarot). Il était né sous de Mauvaises Augures sous le Signe de la Vierge (un bon signe pour un Sorcier). Son facteur d'expérience est égal à 1d20 x 20 : 240, soit un Mage de Niveau XIII Adeptus Exemptus, PMF 28. D'après le Tableau de la page 66, cela signifie que ce Personnage-Joueur peut avoir retenu des Sortilèges jusqu'au Niveau VIII de Sort (mais j'ai la flemme de faire la liste). D'après la page 81, ce Devin a 79% de chances d'être correct dans ses prédictions les plus simples. Indis va donc pouvoir sans doute développer surtout des Sorts de Détection/Prémonition pour sa Boule de Cristal et apprendre à enchanter un jeu de Tarots. Si jamais elle dépassait un jour le Niveau XIII, elle devra sans doute chercher un nouveau Maître spirituel.
En revanche, Nicéphore est nettement plus ambigu moralement que l'austère Indis avec un Alignement de 14 (Nature neutre mais facilement corruptible). Le risque de Possession, voire de Folie, pourrait donc poser quelques problèmes si le Devin Nicéphore décidait de ne pas quitter le corps d'Indis après la période critique de la Transe médiumnique. Mais cela peut rendre leurs relations aussi plus intéressantes à jouer. Les règles de cette première édition de 1977 conseillent même que ce soit un des autres joueurs qui prennent le rôle de l'Esprit-Guide et développe son histoire passée, les circonstances de sa mort et sa personnalité (ce qui rappelle la règle sur l'Ombre dans Wraith).
En fait, Nicéphore "le Bateleur" était membre de la Société Mantique de l'Empire byzantin et servait l'Impératrice Irène d'Athènes (au VIIIe siècle). Il fut dénoncé par un de ses disciples, Agénor, et se vit voler son jeu de Tarots (un des plus anciens, qui servait d'archétype pour la Société Mantique). Il fut tué et finit au Purgatoire. Cela explique son ton méfiant maintenant qu'il a pris une nouvelle apprentie elfe pour retrouver son jeu où il espère se réincarner.
Toutes les illustrations ci-dessus (la Page, Prospero invoquant Ariel et la fée Viviane) sont d'Eleanor Fortescue (1879-1945).
32 commentaires:
Et dire que je trouve D&D trop compliqué...
Bigre, c'est du courage…
Personnellement avec un ami, il y a longtemps, on est allé plus loin: on a testé le combat (!), chevalier contre chevalier - puis magicien contre chevalier. Dans les deux cas, la lourdeur du (des?) système est trompeuse, puisque on peut mourir sur le champ sur un critique réussi ("1% de chance que la fémorale soit touchée… ah!")
> Gianni
Difficile de faire pire que les jeux FGU comme C&S 1e en effet, mais paradoxalement je crois que le grand défaut de C&S repose souvent plus sur sa grande "ouverture" que sur ce simulationnisme lourd.
C&S veut tout réguler et pourtant il évoque souvent des situations à déterminer sans qu'on sache trop comment. Il y a 50 bonus/malus casse-pieds ad hoc mais il y a en même temps de nombreuses allusions qui ont l'air difficiles à résoudre sans pas mal d'arbitraire. Le long système de création d'objets magiques par exemple me fait un peu peur.
> Thierry C.
J'ai testé une fois les règles de combat de masse (quand un PJ avait invoqué une armée de Démons après avoir vendu son âme) mais je n'ai jamais vraiment étudié de près les règles de combat individuel (à part la Joute qui est un système complètement à part). Ce sera donc sans doute la prochaine étape.
Excellent.
Éloquent : j'ai envie de jouer par ta faute maintenant ! Tu es libre quand ?! :-)
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