Dans son livre Analyzing Marx (interprétation assez originale de Marx selon des critères "individualistes" de la philosophie analytique), le philosophe norvégien Jon Elster proposait un problème ou paradoxe éthique suivant :
(1) Tout le monde semble d'accord avec l'hypothèse qu'on serait plus libre et heureux en étant plus "créatif", plus productif et moins consommateur, moins passif, moins aliéné ou soumis à un marché extérieur.
(2) Pourtant, (par universalisation), si nous étions tous de grands artistes qui créaient chacun de grandes oeuvres de manière assez autonomes pour ne pas se soucier de reconnaissance et sans ressentir aussi le besoin de lire, écouter, critiquer celles des autres, on serait dans une situation de créativité qui ne serait pas optimale, un paradis-purgatoire de Créateurs sans Public. La création serait alors d'autant plus désintéressée qu'elle deviendrait finalement vide de toute attente sans la relative "passivité" des critiques. La gestion du temps impliquerait donc une sorte de devoir moral de se mettre suffisamment souvent en situation de contemplation pour ne pas contredire sa propre créativité (et pas seulement comme un instrument pour stimuler sa propre créativité).
Je ne cesse chaque jour de trouver de nouveaux jeux de rôle amateurs ou professionels intéressants et je commence à me demander si nous ne serons pas un jour dans un genre de situations où il y aura plus de jeux que de joueurs. Même le plus acharné des collectionneurs ne peut plus suivre et surtout encore moins pratiquer. Quand je lis certains de ces jeux qui sont des bijoux, par reconnaissance j'ai envie d'en faire l'éloge avant de perdre la concentration avec l'arrivée d'un nouveau jeu. C'est comme si nous étions pris sur un Tapis roulant de nouveautés qui n'ont plus le temps de laisser assez d'impression. Je suis sûr qu'il y a eu de nombreuses merveilles depuis une douzaine d'années qui sont bien supérieures en réalité à certains de nos "Classiques", mais qui n'auront jamais le même lien fort que peuvent avoir les jeux "cultes" de l'époque où le marché était moins fragmenté et moins prolifique.
Falkrest Abbey using Cairn 1.5e | Actual Play Report
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A few months ago, I ran the first (and only) session of Falkrest Abbey. We
played using Cairn 1e on Foundry VTT, mixing in a little bit of 2e (i.e.
bandage...
Il y a 5 heures
14 commentaires:
Un autre phénomène de ces dernières années (du moins de mon point de vue) est l'apparition de tel ou tel petit point de règle génial dans un jeu donné qui n'est pas repris par les autres jeux car ils sortent à un rythme trop effréné -- le tapis roulant. Autrefois un bon concept était immédiatement repris par les jeux qui sortaient ultérieurement.
C'est vrai, la création foisonne et trouve sans cesse de nouveaux canaux pour toucher le public. Le jeu de rôle est très vite devenu saturé, car il s'agit d'un "marché" sur lequel l'offre est surabondante (les rôlistes sont très créatifs) et la demande est faible (les rôlistes sont peu nombreux). Les magazines, les forums, certains blogues peuvent aider le "consommateur" à choisir dans cette surabondance. Hélas, là encore, on expérimente le phénomène du "tapis roulant". Le temps de paraître, un Casus Belli est déjà obsolète, et plus encore si l'on ajoute le temps considérable qu'il faut consacrer à le lire. C'est pourquoi je reste fidèle au jeu par lequel j'ai découvert le jeu de rôle. C'est une sorte de mariage, finalement :-)
A quels types de mécanismes penses-tu par exemple ? Il y a profusion mais en même temps, j'avais l'impression que les créateurs de jeu actuels sont plus "conscients" des innovations assez vite par les forums de discussion. Alors que jusqu'aux années 1990, on trouvait encore tant de Crève-Coeurs Fantastiques qui affirmaient naïvement "Nous avons inventé les Compétences et mis fin aux Classes de Personnage et aux Niveaux", à présent j'ai l'impression que certaines inventions de FATE (ou autres jeux indépendants) se sont retrouvées très vite dans de nombreux autres jeux.
C'est un peu mon fantasme, l'idée d'une loyauté choisie (conjugale !) à un système et surtout à un cadre de jeu sur une durée raisonnable.
Je suis affligé d'un tel Trouble de Déficit de l'Attention sur les cadres de jeu que je m'enthousiasme chaque semaine sur un nouveau jeu avant d'avoir le temps de l'approfondir. (Je tiens à dire que je ne montre pas la même inconstance volage dans tous les domaines extra-ludiques !).
Sur RPG.net, ils avaient un Mème que j'aimais bien "One Hundred Days" où un joueur se forçait à ne plus lire ou jouer qu'un seul jeu pendant 100 jours pour voir si sa perspective pouvait le sortir de notre Trouble de Déficit de l'Attention. Mais chez moi, cela ne dure généralement que huit jours...
Sur l'expression "Tapis roulant" (Treadmill), sur RPG.net, on parle souvent de "la fin du Tapis roulant".
Ils veulent dire que le modèle de rentabilité où une compagnie sortait un jeu puis de nombreux suppléments et scénarios pendant 1d6+2 ans puis une édition n+1 et recommençait est entré en crise. Cela se voit encore dans les grands jeux comme D&D (malgré l'échec relatif de la 4e édition), Call of Cthulhu (8e édition), Shadowrun (5e édition), le système Hero Games (6e édition) ou en Allemagne L'Oeil Noir (5e édition).
Mais en un sens, passer à un modèle de gamme fermée plus éphémère pourrait aussi s'appeler une aggravation du "Tapis roulant" !
Même White Wolf, qui avait tant développé le modèle du "*-book" (supplément d'options pour joueur avec risque d'inflation dans la course aux armements, parce que cela se vendait mieux que des scénarios pour MJ) n'arrive plus au même succès depuis le New World of Darkness.
Est-ce vraiment un problème? Je connais peu de joueurs qui ne jouent qu'à un seul jeu au cours de toute leur vie.
Sur la vie, non. Mais s'y mettre sérieusement pendant quelques mois doit nécessairement augmenter le plaisir de jeu. J'ai fait une campagne de Heroquest sur 60 séances de suite en 2-3 ans et cela devenait complètement différent du jeu habituel tel que je le connaissais.
Je ne pense pas à des révolutions coperniciennes du jeu de rôle, mais à de tout petits points de règles de-ci de-là.
J'ai longtemps été fidèle à deux-trois systèmes. Depuis quatre-cinq ans, en revanche, je me suis mis à découvrir d'autres jeux et à faire jouer ou à jouer des one-shots. Les deux approches ne sont finalement pas incompatibles.
J'ai arrêté de suivre depuis un moment mais CoC c'est la 7me édition, non ?
Tout à fait. C'est une erreur de ma part.
Warhammer (le wargame, pas le jeu de rôle) en est à ce qu'ils appellent la "8e" édition (2010) et il y a des rumeurs d'une 9e édition proche. Ca, c'est du tapis roulant depuis 1983.
C'est plus un treadmill c'est un moneymill :-)
Tiens, je n'avais pas songé à rappocher Elster et le jdr ;)
J'aime bien le paradoxe (un peu abstrait) parce qu'il m'a fait voir d'un autre jour le passage de L'Idéologie allemande où je ne voyais juste qu'un dépassement de la Division du travail.
Être "producteur" le matin et "critique" le soir aurait alors une fonction nécessaire (bien qu'on ne voie pas bien comment on peut être librement "producteur" sans que le travail n'implique encore un élément de contrainte).
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