Face aux révélations si décevantes sur l'antisémitisme du Professeur Barker, la réaction principale est une forme de sidération (voir Shannon Appelcline ou comme dit Grognardia, "choc et sentiment de trahison") et parfois de déni.
Certains, comme Jeff Berry ou Dave Morris, un des principaux gardiens de la flamme de Tékumel (et dont j'aime beaucoup le jeu Tirikelu, continuent à s'accrocher à l'idée que Barker avait pratiqué une performance aberrante, dissociée et inquiétante digne du comédien Andy Kaufman en jouant avec une personnalité hétéronyme (un peu comme prétendaient le croire les défenseurs d'antisémites comme Dieudonné ou de Mehdi Meklat, comme dans le récent film de Laurent Cantet, Arthur Rambo).
Et même Morris qui défend cette hypothèse ultra-charitable admet que ce n'est quand même pas à l'honneur du Professeur qui aurait été au mieux pervers et aurait ainsi joué avec les idées les plus ignobles dans la littérature spéculative. La seule hypothèse qui pourrait sauver Barker serait une démence depuis au moins 1989 (quand il rejoint la revue négationniste) mais je ne suis pas sûr que cela nous préserverait.
L'expression "OCCUPY TEKUMEL" vient d'un post sur Facebook de Jeff Dee selon ce joli article de Jeff Grubb.
Voir aussi cette vidéo de Paco "GMS" qui évoque cette expression.
Ou bien celle-ci "sauver Tékumel de son créateur" (où on apprend que Barker écrivait des lettres contre le racisme dans les anciens pulps de sf des années 50).
Je ne voudrais pas trop répéter le message précédent mais je continue à m'étonner à quel point Tékumel paraissait être l'un des univers les moins sujets aux obsessions récentes des extrêmes-droites au XXe siècle. Barker insistait sur un relativisme culturel où la société impériale, qui pratiquait polygamie et polyandrie, était relativement peu misogyne et dénuée de toute homophobie par exemple - même si cela semblait souvent être plus pour reprendre des fantasmes classiques sur des lesbiennes. La théologie n'évoquait pas un néo-paganisme triomphant d'extrême droite, on avait là une forme plus nihiliste dérivée de Lovecraft et des Pulps, pas de l'idéalisation de panthéons archaïques. On savait que les Dieux de Tsolyanu n'était qu'une classification partielle et partiale d'une réalité numineuse indicible. Les Européens avaient disparu et on ne jouait que des descendants d'autres branches de l'Humanité. Certes, il y avait des cultures ultra-conservatrices sur certains points (impossibilité de relancer le progrès technologique pour ne pas "briser" l'atmosphère, par exemple impossibilité absolue d'inventer l'Imprimerie) mais c'était un trope de fantasy qui n'était pas décrit comme désirable.
Pour ma part, je n'arrive pas à traiter cette information et à séparer Tékumel et Barker, en tout cas pour l'instant. Je devrai donc tenter de me forcer à ne plus écrire dessus. Il va falloir "tuer" le père ou du moins faire le deuil du scribe principal de l'Empire du Trône de Pétales.
Je pense que pour plusieurs comme moi, ce qui nous rendait si fans de Barker est qu'on pensait qu'il y avait quelque injustice à ce que cet univers complexe n'ait jamais atteint le succès qu'il méritait. Maintenant, j'ai honte au contraire d'avoir tant idolâtré l'auteur (qui, selon des témoignages, était devenu si amer face à cet échec). On comparait Barker à Tolkien mais Tolkien, pourtant né en Afrique du Sud des décennies avant Barker, s'en sort tellement mieux rétrospectivement. Je me moquais tout le temps des romans de Raymond Feist qui avait pillé Barker mais à présent, c'est presque l'inverse à mes yeux, comme si on avait envie de surenchérir sur toute tentative de voler le facho et de disperser ces idées loin de leur auteur.
La proposition de reprendre Tékumel en retirant certains éléments qui sont jugés suspects (comme les indigènes tous hostiles) ne m'attire pas tellement. J'aime bien l'univers de Jorune ou Shaan où ce sont les colons humains qui avaient massacré des indigènes innocents mais les indigènes de Tékumel sont plus des "xénomorphes" à la Alien, pas de gentils Shantas. Et même si j'ai très envie de jouer dans de nouveaux cadres plus démocratiques, je ne m'imagine pas changer l'Empire en une société moins rigide et moins hiérarchisée.
Ce que je crains est que bientôt non seulement ce monde soit toujours associé à ces péchés du père mais aussi qu'il finisse par attirer un nouveau public qui viendrait après avoir entendu parler de ces péchés, et que la base des fans ne devienne vraiment nazie.
Si je veux des univers non-eurocentriques mystérieux, il y a à présent tant d'autres exemples, que ce soit Jorune, Shaan ou le récent Emysfer (sans parler du sommet d'exotisme qu'est le jeu québècois Mechanical Dream).
Le prolifique Grognardia, qui faisait le fanzine Excellent Travelling Volume, a créé son propre erzatz de substitution à Tékumel depuis plusieurs mois, sha-Arthan, mais le pastiche sonne parfois un peu trop similaire à l'original. Et malgré la quantité de goûts que j'ai en commun avec l'auteur en jeu de rôle (sa fascination pour Traveller et pour EPT) et en philosophie classique (dans une autre vie, il a travaillé sur Leibniz, je crois), des rumeurs veulent qu'il soit plus ou moins un sédévacantiste, même si son post récent montre au moins qu'il n'a rien à voir avec un représentant de ce mouvement comme Mel Gibson.
11 commentaires:
Quelqu'un en ligne vient de noter que la description du Nininyal ("Le Pygmée"), une des espèces intelligentes du monde, est une caricature antisémite. C'est en effet le cas: apparence de rongeur, grandes oreilles, agressif, avare, etc.
Il y a même un proverbe qui est associé à cet espèce :
"Faire des affaires avec un Pygmée, c'est perdre le sous".
https://www.tekumel.com/world_nonhumans09.html
Comment ai-je pu passer à côté d'un truc pareil ?
On voit ici et là des comparaisons qui sont faites avec J.K. Rowlings. Je crois que le problème est tout à fait différent. L'attitude de J.K. Rowlings vis à vis de l'activisme trans n'a jamais été une volonté de porter atteinte aux personnes trans, ni même une "haine" du trans. Sa lutte est une lutte contre l'activisme trans au nom de son féminisme. Elle voit à tort ou à raison, dans le discours actuel de l'activisme trans, et sa portée politique, une atteinte à ce qu'elle défend dans son féminisme, c'est-à-dire, principalement, la lutte contre l'essentialisation du féminin et l'invisibilisation des femmes comme population opprimée du fait de son sexe. En ce qui concerne la personne, il me semble assez difficile de nier qu'elle s'est enfermé dans une manière rigide et, in fine, blessante, de promouvoir ses propres convictions, son propre combat. Mais réduire sa parole à une simple transphobie dit aussi beaucoup de la rigidification du discours activiste trans (avec lequel des personnes trans ne sont pas complètement d'accord, sans que cela ait à voir avec une haine de soi ou l'intégration du discours de l'oppresseur). À un autre niveau, "l'affaire Rowlings" est un révélateur, parmi d'autres, des divisions qui émergent entre des luttes, importantes et louables, qui mettent en jeu des épistémés incompatibles (si je puis m'exprimer ainsi).
Évidemment, ce qui se passe avec Barker n'a pas grand chose à voir. Ce qu'il a écrit est ignoble, juste ignoble. Bien sûr son analyste, s'il en avait un, pourrait entendre ce qu'il a dire sur ce sujet, ce qui se joue chez lui dans la promotion du nazisme et son antisémitisme au regard de son "philo-sémitisme" et de son antisémitisme de sa jeunesse. Barker est un être humain, comme nous tous, avec une histoire, des souffrances, des divisions. Mais ce qu'il a écrit, son ouvrage antisémite, ne mérite aucun commentaire autre que le rejet. Ça n'est pas dialectisable car c'est un discours de haine.
(...)
(... suite du message précédent )
La question de Tékumel est plus difficile. Je ne sais pas trop quoi en penser. On pourrait comparer à Lovecraft qui est entré dans la culture commune alors même que ses nouvelles sont, bien plus que Tékumel, marquée par sa xénophobie. Si on peut "assimiler" le Mythe de Cthulhu (ce qui se passe aujourd'hui, qu'on y soit opposé ou non), alors je me dis qu'on doit pouvoir faire pareil avec Tékumel ? Je ne sais pas, c'est une question.
On pourrait comparer à Heidegger dont on sait aujourd'hui qu'il était profondément nazi (ça se savait plus ou moins déjà avant, mais maintenant on ne peut plus faire sans le savoir). D'un côté il est indéniable que son œuvre a inspiré de nombreux philosophes que l'on ne peut pas soupçonner d'antisémitisme. De l'autre, c'est une philosophie, une œuvre de pensée, il me semble ici bien plus difficile (du fait du niveau d'articulation que cela suppose, et c'est encore plus vrai en ce qui concerne Heidegger) d'essayer de séparer le bon grain de l'ivraie. Sans aller jusqu'à la chasse aux sorcières d'Emmanuel Faye qui va jusqu'à qualifier Hannah Arendt de promotrice active de la pensée nazie d'Heidegger ! (Ce type a un problème).
N'ayant jamais entré vraiment dans l'œuvre de Barker (ayant acheté il y a longtemps quelques pdf que je n'ai jamais vraiment lus en profondeur, par manque de temps et prenant conscience de l'attention que cela exigerait. J'avais déjà beaucoup à faire à ce moment-là avec Glorantha et Jorune) la question ne se pose pas trop pour moi, personnellement parlant, je pense que je vais juste faire l'impasse dessus, même si je suis très triste et déçu car le peu que j'en avais vu (et il m'arrivait aussi de lire des articles ici et là sur l'univers, que ce soit sur le votre, ou sur Grognardia). Mais en ce qui concerne les personnes qui ont une longue histoire avec cet univers je veux juste dire que je compatis au déchirement qu'elles expriment et à la difficulté à trouver l'attitude "juste" (si je puis dire). Dans un cas comme cela il n'y a peut-être d'attitude juste que celle que l'on se donne à soi-même. Je ne sais pas.
Au passage, je suis très étonné d'apprendre que Grognardia serait potentiellement sédévacantiste !
Bonne continuation, et merci pour vos articles que je trouve toujours aussi bien écrits et intelligents. Je ne commente quasiment jamais, mais je vous suis depuis plusieurs années avec une certaine fidélité.
Jean-Baptiste Bourgoin
> Alex
Je n'osais pas reprendre cela que j'ai vu sur le thread fermé de RPG.net car je ne suis pas entièrement convaincu. C'est possible que ce soit un cliché antisémite avec ce qu'on sait depuis mais pas plus que les Nains de Tolkien (et sans doute moins que les Gobelins de Rowlings). Dans ce dessin de Jeff Dee, ils me feraient plus penser à des comic reliefs comme les canards de Glorantha et je les trouve finalement assez sympathiques (après tout, ils sont décrits comme "amicaux envers les humains bien que parfois cruels"). Mais je reconnais que cela pourrait toujours être un biais de ma part.
Les grands Nlüss aux yeux bleus qui avaient fondé le grand empire des Dragons sont peut-être plus suspects, non ?
> Camille
Merci beaucoup !
Oui, je suis d'accord, il y a une grande distance avec Rowlings. Le nazisme de Barker ne peut pas se comparer avec les discussions sur les genres et l'identité (et même si on peut prévoir que Rowlings va dériver vers des propos de plus en plus extrêmes selon la loi que les stars médiatiques finissent toujours par se conformer aux attaques dans leurs caricatures...).
La comparaison avec le Mythe de Cthulhu a le défaut qu'il avait toujours eu plusieurs auteurs et qu'il était donc plus facile d'imaginer de l'ouvrir à plusieurs nouvelles interprétations. Tékumel ne semblait avoir presque rien de nazi mais on peut craindre qu'on le réduira maintenant toujours à cela. J'ai presque honte d'avoir des douzaines de posts sur Tékumel sur ce blog.
J'ai du mal à imaginer ce que ressent Jeff Dee, militant politique, qui a consacré tant d'années de sa vie professionnelle à Tékumel. S'il a le courage de continuer à s'approprier sa vision de Tékumel, il pourrait sauver le monde.
Je ne me souviens plus du tout de ma source sur les opinions de Grognardia, sur son ancien blog Schizonomicon, mais j'espère ne pas confondre. Politiquement, il est plus un Républicain qui se dit libertarien mais avec des moeurs conservatrices et du mépris contre le sécularisme "protestant". Cela ne se voit certes pas en tout cas dans son jeu de science fiction, Thousand Suns et par rapport à RPGPundit, il est un modéré ouvert au dialogue. Greyhawk Grognard, lui, est un Républicain néo-païen, ce qui est une position assez opposée.
Les Ninínyal : oui, ce n'est pas bien pire que les nains de Tolkien, mais Tolkien n'a pas écrit "La Marche du Serpent" !
Quoiqu'il en soit, ces détails du monde de Tékumel, jusque récemment anodins, sont désormais tous suspects. De ce point de vu, et de manière perverse, s'il y a bien eu "blague" de Barker (Ce que je ne crois pas du tout, elle n'a pas pris pour cible les racistes et les antisémites, mais les fans de Tékumel.
Les N'lǘss : je ne trouve pas de référence à la couleur de leurs yeux, ni dans mes sources ni dans mes souvenirs. Ils sont de grande taille et ont la peau brune, mais c'est tout on dirait bien. Cette peuplade descendrait de super-soldats modifiés par le génie génétique des Seigneurs de l'Espace-Humain -- les Guerriers-Dragons ne seraient pas du tout leurs ancêtres, si on en croit le roman "Prince of Skulls".
Jeff Dee et sa compagne seraient en effet les seuls qui puissent relever le défi quasi-impossible de sauver le monde de Barker, ne serait-ce que par ce que la Fondation, très suspecte dans toute cette affaire, n'en a ni les capacités créatives, ni les capacités techniques.
Mais le couple Dee voudra-t-il même se lancer dans un projet commercial aussi ingrat, qui n'aurait que peu de chance de trouver son public une fois sur le marché ? Je ne le crois pas. Après le choc initial, où ce slogan louable mais naïf de "Occupy Tékumel" trouve son origine, la conséquence des révélations va s'imposer : Tékumel, c'est fini.
En ce qui concerne votre petite honte d'avoir produit autant de billets sur le monde Barker : elle est normale et compréhensible, mais ne soyez pas si dur avec vous. Tékumel est un univers fantastique hors norme, créativement intrépide, et contenant des éléments subversifs et fascinants (qui révulsent et attirent en même temps). Comment donc passer son chemin lorsqu'on est intéressé par les idées et la créativité dans ce domaine, et cela en ne sachant rien des activités secrètes de son auteur, cachées pas ses plus proches ?
Bonne continuation.
La situation me rappelle un peu ce qui s'est passé avec Marion Zimmer Bradley. Elle était à un moment l'autrice de Fantasy la plus en vue (en tout cas dans mon petit coin du monde ludique), et ensuite on n'en a plus parlé. Le projet de monde coopératif de Ténébreuse a aussi largement été oublié…
Y'a pas de raison d'avoir honte (ni même "presque honte"!) de vos billets sur Tekumel: ils sont très bien ces billets (les autres aussi d'ailleurs).
Par ailleurs, il me semble que beaucoup d'auteurs d'œuvres spéculatives au sens large (entre beaucoup d'autres, d'univers ludiques) adhèrent ou ont adhéré à des convictions qu'on peut qualifier, selon l'humeur, de bizarres, minoritaires ou même impopulaires, et les ont laissé transparaître, parfois très subtilement, parfois pas subtilement du tout, à travers certains aspects de leurs œuvres, et que c'est justement ce qui confère à ces œuvres cette saveur exotique, dépaysante, déstabilisante, que précisément nous nous réjouissons d'y trouver.
Je ne dis évidemment pas cela pour suggérer que l'intérêt de Van Vogt pour des pseudosciences ou d'Heinlein pour le libertarianisme exonère Untel pour son cryptonazisme ou Unetelle pour ses paraphilies. Juste pour souligner qu'on n'a pas l'œuf sans la poule, quand bien même la poule serait, comme l'affirment certains, un dinosaure mutant.
De mon côté, j'ai aussi pris la défense de MAR Barker dans la "récupération" qui a été fait de son univers par R. Feist (et J. Wurts).
D'après les témoignages, lui-même en voulait énormément à Midkemia Press et Feist.
Le psychanalyste de comptoir en moi ne peut s'empêcher de se demander si la parution (et surtout l'énorme succès) des romans sur Krondor n'a pas constitué la bascule de Barker vers le parti Nazi américain, alors qu'il n'aurait eu que des penchants auparavant.
> Thias
Oui, le fait que les héritiers de MZB ait décidé de donner les gains à des associations de luttes contre la pédophilie n'a pas suffi à séparer l'univers et l'autrice prédatrice.
C'est moins connu pour certaines positions du créateur de Xanth en revanche.
> Tororo
Oui, ce serait une rançon de la marginalité dans la créativité. Je vois parfois la littérature spéculative comme un exutoire pour ne pas avoir à verser dans le fanatisme (les rêves des mythes mais sans les dogmes de la religion) mais en fait c'est très loin de protéger, le mythe finit par retomber en dogme et en autorité ou pouvoir.
Je ne m'attendais pas tellement à l'évolution qui semble assez sectaire de Damasio par exemple (il vient de dire que se faire vacciner, c'est déjà du fascisme, et qu'il va organiser des ashrams de contre-culture).
En SF, si on admet cette proximité entre la source de créativité et la psychose, cela peut expliquer qu'on ne "cancel" pas toujours facilement. J'ai l'impression que les fans de hard SF pardonnent souvent à Larry Niven ses positions toxiques (il avait proposé de faire courir la rumeur que les cliniques prélevaient des organes pour que les pauvres et les Hispaniques les utilisent moins). Je continue d'aimer Poul Anderson alors qu'il devenait politiquement de plus en plus péniblement libertarien vers la fin. Et Dune restera toujours supérieure à ce que Herbert pouvait être dans la vie privée (notamment vis-à-vis de l'un de ses fils, Bruce, qu'il rejeta pour son homosexualité). On peut lire Fondation sans savoir qu'Asimov était un harceleur.
> Baine
Oui, cela a dû aggraver sa paranoïa. Il y avait de quoi d'ailleurs quand on est un auteur presque inconnu et qu'un univers si similaire au sien devient un succès.
Mais son esprit semblait si contradictoire, un mélange de rationalité très ouverte, avec de l'humour, dans une partie de sa persona publique et d'occultisme complètement délirant avec un égocentrisme mégalomane, hautain, cassant.
Même ses *amis* disent de lui pour le défendre que Barker avait un peu trop tendance à croire qu'il était plus intelligent que tous ses interlocuteurs et qu'il vivait entouré de crétins inférieurs.
Peut-être qu'on ne peut pas éviter un effet de Gourou quand on reçoit pendant des années des courriers vous traitant comme un Prophète oraculaire. Je *crois* que Stafford avait pu un peu mieux résister pour préserver un peu de sa santé mentale, même s'il semblait être assez défoncé la plupart du temps.
À propos de la littérature, pas seulement spéculative, comme un exutoire pour ne pas avoir à verser dans tout un tas d'ornières, pas seulement le fanatisme, Susan Sontag a eu une formule que je trouve intéressante (plus stimulante, surtout, que ce que j'ai écrit plus haut et qui ne mène pas bien loin): "Pour écrire, vous devez pouvoir vous autoriser à être la personne que vous ne voulez pas être (de toutes les personnes que vous êtes)".
Cela marche bien pour l'ironie de Nabokov, qui aime tant se moquer de ses narrateurs pompeux et arrogants.
En revanche, je crains que Houellebecq finit par se réduire à ses narrateurs veules et pleins de ressentiment.
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