lundi 25 avril 2022

A long terme... on trouvera des titres drôles avec un jeu de mots

Des millions de personnes sont massacrées, torturées ou déplacées en Ukraine, la Russie s'enfonce dans une dictature fascisante, la xénophobie autoritaire va continuer de prospérer dans la démocratie européenne, l'idée de droits humains va continuée à être plus franchement remplacée dans le monde entier par un calcul d'accroissement de prospérité à court terme par divers oligarques ou "technocrates", la Pestilence n'en finit pas de muter alors que nous nous y habituons en nous lassant de faire des efforts pour les plus fragiles, la destruction de la planète devient irréversible et la position minoritaire de la gauche rend l'alternance impossible pour le moment dans ce pays (même si la gauche avait été au second tour, d'ailleurs). 

Mais ce blog de jeu de rôle a passé les derniers mois uniquement à gémir sur *un* auteur inconnu du public qui était en fait un facho, comme si c'était une blessure narcissique et une déception amoureuse. 

Ce blog de rôludiste a un certain sens des priorités mondiales. 

Je suis tellement Castor que j'ai voté pour Mélenchon au premier tour pour faire barrage à Le Pen alors que ce type a dit que le scandale réel du chlordécone aux Antilles prouvait qu'il fallait se méfier des vaccins et qu'"ILS" (QUI ?) avaient organisé des attentats antisémites pour conforter LE SYSTEME. Oui, il y a de quoi avoir honte de voter pour un tel candidat, quelles que soient ses envolées réussies sur la science-fiction. C'est dommage, d'ailleurs, il peut arriver de voir dans quelques fulgurances qu'il pourrait être une incarnation moins auto-destructrice. 

Mais je suis un électeur assez mono-critère : je vote pour le candidat qui a le moins de chance de détruire l'Hôpital public ou le moins de chance d'aggraver la situation (l'école publique, c'est déjà trop tard, la gauche ne fait pas nettement mieux). Je n'avais donc pas tellement le choix. J'avoue que les prises de position de politique étrangère étaient donc mises entre parenthèses et je ne prétends pas à l'intégrité ou la pureté. Evaluer du moindre mal, c'est choisir ses ordres de grandeur dans l'évaluation des divers maux évitables. [EDIT : J'ai retiré un commentaire erroné. ]

Si vous voulez le détail de mes votes depuis une douzaine d'années aux Primaires et Présidentielles, je crois me souvenir que j'ai dû voter 8 fois à gauche, 5 fois à droite : 2 fois Aubry, 2 fois Hollande, 2 fois Hamon, 2 fois Mélenchon et (comme j'avais des procurations pour quelqu'un d'autre aux deux élections) 5 fois Macron... La gauche a été au pouvoir au XXIe siècle grâce aux législatives de 1997-2002 en partie grâce aux triangulaires de l'extrême droite mais elle a été un peu au pouvoir dans les premiers mois de Hollande en 2012 sous Ayrault avant que le Bloc Bourgeois ou l'Eternel Marais ne finisse son réalignement néo-sarkozyste avec la fin du centre-gauche de gouvernement. 

J'ai voté Mélenchon alors que je crains qu'il soit toxique dans son indulgence envers les dictateurs chinois, russes ou vénézueliens, son autoritarisme et sa manière de flatter les conspirationnistes. Mais je rêvais d'un second tour sans Le Pen où les débats auraient été très différents, sur les droits sociaux et non pas sur la quantité ou la qualité des expulsés. 

Et on n'a pas le choix dans le contexte actuel : plus personne ne fait confiance au PS pour se distinguer de ce Bloc macronien. Le problème du PS est que même avant Terra Nova, même du temps de Mitterrand, ils pensent que le pays est trop structurellement de droite pour qu'une gauche puisse arriver au pouvoir sans un malentendu. Hidalgo d'il y a 25 ans quand elle était encore une Inspectrice du Travail devait être de gauche, je crois, mais je n'en étais pas certain aujourd'hui. Jadot était si proche de ce Bloc macronien par sa base électorale et par ses prises de position économiques que la trahison était déjà hautement probable. Roussel ne se distinguait guère de Mélenchon que par des détails de politique énergétique et une rhétorique plus universaliste contre certains messages différentialistes mais il était tout aussi prêt à se compromettre avec la dictature chinoise. Et je ne veux plus évoquer la candidate nihiliste sélectionnée par une primaire bizarre, qui aurait probablement été encore plus vide que Hildalgo et plus à droite que Jadot. 

Quant à l'extrême gauche trotskyste, je n'arrive pas à les voir autrement que comme "para-politiques" ou "anti-politiques", comme des moines ou ascètes gnostiques qui veulent fonder une contre-communauté d'âmes non-compromises sans avoir ni l'espoir ni l'envie de gouverner. C'est une avant-garde millénariste dont l'action réelle doit plutôt se trouver dans l'action syndicale dans certains lieux de travail (ce qui est certes déjà quelque chose) mais pas dans la législation. Cela peut se défendre (je respecte certains syndicalistes qui ont renoncé à la politique nationale pour viser des améliorations par branche ou éventuellement par des biais indirects de droit européen). Je ne sais pas si ce léger bruit de fond anti-capitaliste et l'entrisme syndical peut avoir un effet gramscien quelconque pour une éventuelle gauche de gouvernement. La prétendue hégémonie culturelle peut relever d'un fantasme idéologique. Cela ne dérangerait pas Macron de parler en dialecte de gauche sur les discriminations structurelles tant que cela ne remet pas en cause sa justification des inégalités sociales. 

(Et de même le gramscisme d'extrême droite qui doit être surévalué par les intellectuels n'explique pas son succès, cela doit plutôt être l'inverse, ils sont plus réapparus comme un symptôme ou un effet des succès électoraux ou de la propagande médiatique). 


Tout cela pour dire... que vous comprenez pourquoi je ne blogue plus tellement. 

10 commentaires:

Fabrice a dit…

Je comprends. J'ai la même position que toi. Ceci dit, j'aime beaucoup ton blog qui mélange jeu de rôles et philosophie et qui participe à l'élévation de ma petite pensée. J'espère que tu vas trouver la force de continuer. En tout cas merci.

Anonyme a dit…

Tu devrais d'autant plus bloguer que ton point de vue est introuvable ailleurs (pourtant, selon mon petit baromètre perso, et même en minorant mon avis de tout les biais trouvables et inventables, il semble fichtrement pertinent).

Alex a dit…

Votre blog est d'interet public !

Phersv a dit…

Merci à tous.

Le microblogging de Twitter a dévoré une partie de ce blog depuis dix ans, mais je fais confiance à Elon Musk pour me redonner envie de blogguer hors de Twitter !

Fabrice a dit…

pourriez vous m'éclairer sur cette citation "l'Ukraine n'a pas à exister comme pays indépendant" de Mélenchon, je n'en retrouve pas la source. Je ne veux pas le défendre, sa position sur l'Ukraine est indéfendable et honteuse mais j'aimerais quand même sourcer cette citation.

Dyvim a dit…

A ma connaissance M. Melenchon n'a jamais dit que l'Ukraine n'a pas à exister comme pays indépendant. Il reprenait le point de vue de M. Poutine (sans dire s'il était d'accord ou pas)
voir ce droit de réponse dans cet article très à charge de l'express (comme d'habitude) : https://www.lexpress.fr/actualite/idees-et-debats/invasion-russe-quand-jean-luc-melenchon-souhaitait-la-desagregation-de-l-ukraine_2168956.html
Il n'a de cesse de répéter qu'il n'est pas un soutien de Poutine (vu qu'il soutient un de ses opposants emprisonné) mais ça reste.
Sa volonté de discuter avec Poutine est juste basée sur le fait qu'il est actuellement à la tête de la Russie et qu'il faut donc compter avec lui. S'il ne le qualifie pas de dictateur c'est uniquement parce que diplomatiquement ce serait mal engager toute éventuelle discussion.

Sur le Venezuela il y aurait beaucoup à dire sur les opposants au dictateur en place (plutôt d'extrême droite et financés par les USA) et sur le rôle des USA dans le désastre économique qui frappe le pays. Ou sur le fait que la presse française reprenne systématiquement le discours américain sans aller voir le point de vue d'en face.

Anonyme a dit…
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
Phersv a dit…

Non, effectivement, je croyais paraphraser de mémoire et j'ai vraiment trop caricaturé. Je retire cette phrase, mea culpa.

Il ne nie pas du tout le droit à l'existence de l'Ukraine, il dit en 2014 qu'il ne sait pas où la frontière doit passer en Crimée et qu'il faut en négocier (il entérine donc de facto l'annexion de la Crimée) mais il dira par la suite
(1) que c'est de la faute de l'Otan et des Américains si les Russes touchent aux frontières (alors que les Pays baltes sont déjà voisins) mais
(2) (surtout depuis 2022) que les Russes ont commis une faute en franchissant les frontières de l'Ukraine.

Camille B a dit…

Je me joins aux autres personnes pour dire que votre blog est unique et vous remercier pour son contenu.

Je comprends également votre rapport à la situation politique actuelle. J'ai également voté Mélenchon pour des raisons similaires, avec des réserves du même ordre.

Je suis un peu moins gêné par son côté autoritaire car, et je me trompe peut-être à cause d'une certaine séduction qu'il exerce sur moi (rhétorique, intelligence, manière d'amener ses convictions, et j'ose : il incarnerait quelque chose pour moi d'une figure du père ?), je pense qu'il a su montrer avec son mouvement qu'il était capable de faire évoluer ses convictions politiques pour suivre les apports des membres de la LFI.

Mélenchon me semble toujours un peu osciller entre le patriarche que tout le monde se doit de respecter, et une véritable volonté de laisser les membres de son mouvement faire porter leur voix, prendre des décisions, voie à terme prendre sa place (il me semble qu'il a affirmé ne plus se présenter aux prochaines élections présidentielles ?).

Mais au fond, qu'importe, la situation politique étant ce qu'elle est il m'apparaît surtout que nous n'avons plus d'autre choix possible, du moins à l'heure actuelle.*

Dans tous les cas je vous souhaite une bonne continuation et espère avoir le plaisir de vous lire aussi longtemps que possible.

Elias a dit…

Amusant qu'il soit impossible de critiquer le vieux tankie sans voir débarquer ses groupies pour vous reprendre sur des détails.
Il n'est pas de sauveur suprême, chantait-on naguère.