samedi 25 janvier 2025

Des Nymphes aux Elfes

Via la médiéviste paléographe Anna Dorofeeva (Göttingen), l'Abbé saxon du Wessex Adhelm de Malmesbury (639-709) avait fait dans ce manuscrit des Aenigmata cette liste de traduction ou d'équivalences des Nymphes grecques vers les "Aelfinn" anglo-saxons et cela pourrait être une origine des différents types d'Elfes auxquels nous sommes habitués dans les jeux de rôle.

Nymphae : Aelfinni (Elfes)

Oréades : Duun-aelfinni (Elfes des montagnes)

Dryades : Uudu-aelfinni (Elfes des bois)

(H)amadryades : Uaeter-aelfinni (Elfes des eaux)

Maides : Feld-aelfinni (Elfes des champs)

Nai(a)des : Sae-aelfinni (Elfes des mers)

Avait-on jamais parlé d'Elfes des mers avant ce texte ? 

L'auteur fait une erreur sur les Hamadryades qui sont liées aux bois aussi comme les Dryades. 

Les nymphes des eaux douces sont plutôt les Naiades (ce sont les Néréides ou les Haliae qui sont liées à la mer). 

D'autres nymphes des eaux douces comprennent les Crinaea (fontaines), les Eleionomai (marécages), les Hyades (pluie), les Limniades (lacs), les Potaméides (rivières), les Pegaeae ou Pégasides (sources). 

Les dryades sont liées surtout aux chênes ("drus") et il y en d'autres plus liées à d'autres essences : les Anthousai (fleurs), les Daphnaeae (lauriers), les Kissiae (lierre), les Méliades (frênes), les Epiméliades (pommiers). Les Auloniades sont des nymphes des vallées (Eurydice serait une auloniade !), donc plus liées aux Oréades.

Je n'ai pas identifié d'où viennent ces "Maides" que l'auteur relie aux "champs" (de Maia, la mère d'Hermès, lui-même père de Pan ?).  

Ce serait donc peut-être les taxinomies classiques grecques qui auraient ensuite rationalisé les différents génies germaniques. Les nymphes gréco-romaines sont des déesses mineures toujours féminines de la Nature et les elfes sont des dieux mineurs plus liés à Frey (agriculture) ou à la rigueur Freya (fécondité) et donc à la Troisième fonction indo-européenne (les dieux Vanir).

La distinction nain/elfe ne semble pas avoir été si clair. Elle viendrait surtout d'une opposition germanique "elfes noirs = nains = trolls VS elfes de lumière". Cette opposition obscurité / lumière va devenir ensuite deux aspects de la terre : minéral (métal, chtonien) / végétal (plante, Vanir, fertilité) et donc aussi une opposition artifice / nature. En termes plus duméziliens, cela peut se voir comme une division interne à la Troisième Fonction entre Artisans et Jardiniers (voire dans les varna védiques entre Shudra et Vaishya).  

Das Schwarzes Auge utilise comme variante principale des Elfes les "Auelfen" (elfes des prairies) et j'ignore si ce préfixe "au-" renvoie à un folklore germanique préexistant ou seulement à un jeu sur la sonorité. 

Dans la première version de son Legendarium, JRR Tolkien appelait "Gnomes" les Hauts-Elfes (ce qui est devenu les "Noldor"). Il a ensuite abandonné le terme, peut-être parce que les Gnomes étaient durablement associés aux Nains (de jardin). Les Hobbits de Tolkien ne viennent pas seulement de "Rabbit" (les terriers) ou des Snergs mais aussi d'une inversion des Goblins dans The Princess and the Goblin de George MacDonald. Les Goblins de MacDonald (qui sont des mineurs plus petits et mutés, qui creusent sous la terre) ont comme caractéristique un point faible, leurs pieds trop sensibles et les Hobbits ont comme particularité principale des pieds endurcis et protégés sans avoir besoin de porter de chaussures. Tolkien a en revanche retiré un passage d'une version du Hobbit où il était dit que Bilbo Baggins aurait aussi du sang gobelin et/ou elfique.

4 commentaires:

Tororo a dit…

Je n'en ai pas trouvé beaucoup de références, mais dans le folklore écossais il serait quelque part question de hobbyas, sorte de gobelins amateurs de mauvaises farces et, surtout, très habiles pour se cacher: ce serait pour ça que les témoignages sur leur existence sont très rares.

Phersv a dit…

Est-ce que "Hobbyas" pourrait aussi venir de "Hobgoblin", ce qui créerait encore une connexion entre hobbits et gobelin. Puck / Robin Goodfellow est aussi appelé "Hobgoblin" et on pense que "Hob" viendrait de Robin. Puck est parfois représenté avec des pattes de chèvre comme un Satyre / Egipan, ce qui pourrait aussi suggérer les pieds velus. L'entrée Etymologie de Hobbit m'apprend qu'on a même retrouvé un conte antérieur de 1904 avec un "hobbit", mais que Tolkien ne pense pas avoir lu.

Tororo a dit…

En allant voir l'entrée Etymologie de Hobbit je suis tombé sur le lien vers l'article hobyah, qui prétend que "The Hobyahs is a fairy tale collected by Mr S. V. Proudfit, in Perth." Ha ha! PROUDFEET!

Phersv a dit…

"PROUDFEET" est un des cas où la scène est exactement semblable dans le dessin animé LotR et dans le film.

Les synchronicités sont nombreuses en effet. Je viens de découvrir une coïncidence drôle : que les chevaux anglais de la variété "Shire" sont connus pour leurs pattes avec des poils très longs au-dessus des sabots.