Une loi sur Internet dit qu'un commentaire désobligeant sur l'orthographe aura une faute d'orthographe. Aude Lancelin pouvait se moquer de la stupidité d'un écrivain sur Botul, mais confondre le plus grand philosophe de la logique du XXe siècle Quine et l'ancien vice-Président abruti Dan Quayle, cela prouve qu'elle n'a rien à faire sur le sujet, surtout alors qu'elle prétend ironiser sur son objet :
Un public épars d'étudiants, de geeks et de retraités, deux cents personnes peut-être, écoute dans un silence religieux ses considérations sur «l'irréalisme pluraliste» de Goodman ou la «relativité ontologique» chez Quayle.
Oui, elle présente même Nelson Goodman comme une référence obscure alors qu'il n'a été que trop à la mode depuis au moins une douzaine d'années en traduction française.
De plus, elle connaît tellement mal le "champ" en question comme dirait l'autre, qu'elle interroge Christiane Chauviré, wittgensteinienne rivale de l'intéressée, qui a déjà publié un pamphlet contre l'Institut Jean Nicod, comme si elle était une sorte d'observatrice neutre.
Et aller pleurer avec Q.Meillassoux qu'il doit aller s'exiler aux USA, dernier abri de la philosophie continentale du CIEPFCWXYZ fera rire tout le monde...
Je ne parle même pas des témoignages anonymes...
Add. : Discussion sur philotropes. Marie-Anne Paveau, une linguiste, commente certains choix d'expression de l'article ("Barbarella" !) qui semble charrier un certain sexisme.
15 commentaires:
"Christiane Chauviré, (...) qui a déjà publié un pamphlet contre l'Institut Jean Nicod"
IL faut vraiment que je m'intéresse à la byzantine politique universitaire de mon domaine! On peut le lire où ce pamphlet?
La philosophie dans la boîte noire. Cinq pièces faciles sur Wittgenstein, Kimé, 2000. En gros, elle y expliquait dans un passage que la mode des sciences cognitives est une idéologie scientiste qui sert à capter des crédits de recherche de la fin de la Guerre froide pour faire croire qu'on peut "voir" la signification ou les états mentaux. Ah, ces naïfs mentalistes qui n'ont pas assez lu les Cahiers bleus ! Elle appelle ensuite les vrais philosophes (donc wittgensteiniens et anti-mentalistes) à résister à cette tentation de l'argent.
A l'époque où je connaissais l'université française (j'ai 10 ans de retard), le "champ" de la philo analytique était divisé entre l'IJN, plutôt "naturaliste", et la faction des Wittgensteiniens autour de Sandra Laugier (Benoist a une position plus centrale par sa stratégie d'être à cheval entre l'histoire de la philo continentale marionienne, la phénoménologie husserlienne et une partie des néo-wittgensteiniens avec McDowell).
Il y aurait une troisième faction de logiciens à l'IHPST qui, curieusement, était plutôt alliée avec cette seconde faction à cause de Paris I (même si Rivenc avait écrit cet article si violent contre ceux qui travaillent sur Cavell, "philosophe facile").
Bien sûr, Tiercelin n'est pas vraiment l'IJN, par sa position plus "métaphysique" (même si elle a défendu une forme modérée de réductionnisme).
Les dimensions du débat m'échappent toutes (ou presque), alors je retiens juste l'expression de "philosophe facile". Je crois que j'ai toujours eu beaucoup de sympathie pour les "faciles", Camus et les autres.
Les convulsions de Badiou sont toujours aussi hideuses à lire.
Rivenc n'aime pas la facilité en philosophie?
Je comprends mieux pourquoi son Introduction à la logique est aussi "imbitable".
Je ne trouve d'ailleurs pas Stanley Cavell toujours si facile à lire (je ne comprends pas bien sa variété de wittgensteinisme mélangé à une référence à la Philosophie Nationale Américaine Transcendantaliste-Pragmatiste-Applepie-Fuck-Yeah).
Mais - en dehors de ce qu'il a écrit sur la comédie américaine - je n'ai pas vu non plus si c'était si intéressant. Ecrire des livres pour dire que la meilleure réponse au Scepticisme est de comprendre pourquoi il ne faut pas se poser la question ne m'enthousiasme pas tellement (même si, en effet, il n'y a peut-être pas de meilleure réponse).
A tout prendre, si on veut glisser vers le Dark Side "littéraire" contre l'aridité sèche des Post-Quiniens, Richard Rorty (ex-positiviste devenu pragmatiste-derridien) serait finalement plus divertissant dans ses grands Méta-Récits de l'histoire de la philosophie.
> Elias
Je ne sais pas trop ce qu'aimait Rivenc en fait, à part nous commenter la convention T selon Tarski. Il avait un ascétisme rigoriste de la génération qui a eu la patience de recopier les textes les plus soporifiques de Carnap et qui trouve que ces petits jeunes ne connaissent pas le vrai délice de l'ennui profond. Il m'aurait détourné de lire de la philo analytique si je n'avais pas regardé Russell ou Kripke.
Au-delà de la critique des critiques, selon vous, que penser de l’argument en lui-même, i.e. de la "légitimité" de la nouvelle élue ?
Premier avertissement : je dois beaucoup à Claudine Tiercelin, qui m'a enseigné la philo en licence et maîtrise. Je ne prétends donc pas être neutre non plus.
Je ne sais pas comment évaluer. Elle me paraît plus légitime que les wittgensteiniennes pures comme Chauviré ou même Laugier, à mon avis, que cite Lancelin, et plus qu'une Isabelle Stengers par exemple (qui me semble écrire n'importe quoi depuis quelques temps).
Joëlle Proust - qu'a citée Tiercelin dans sa Leçon inaugurale - ne fait plus de philo mais de la psycho.
Si le critère était la philosophie analytique du langage, je crois que ce devrait être François Récanati, qui a l'oeuvre la plus reconnue, mais c'est presque de la linguistique et plus de la philo. Pascal Engel a, je crois, une oeuvre plus conséquente que Claudine Engel-Tiercelin. Je suis surpris que Bouveresse n'ait pas choisi quelqu'un comme son ancien camarade Vincent Descombes (mais il est déjà trop vieux peut-être).
Bouveresse a fait un choix curieux en soutenant une métaphysicienne peircéenne (qui semble maintenant plus inspirée par le renouveau du réalisme scientifique australien que par le pragmatisme de Putnam), alors qu'il croit lui-même que Wittgenstein a dépassé ces machins.
Sa chaire s'appelle "Métaphysique et Philosophie de la connaissance", pas des sciences. Pour la philosophie des sciences en France, je ne sais pas qui aurait été préférable. Le physicien Roland Omnès a 80 ans. Le physicien Marc Lachièze-Rey doit être content au CEA. Je ne suis pas compétent pour juger l'originalité de ce qu'écrit le philosophe de la physique Michel Bitbol (de loin, c'est clair, mais cela a l'air sans grande originalité).
On a, paraît-il, échappé à Bruno Latour.
Assez d’accord avec votre analyse et votre “classement“. (Pour l’intitulé de la chaire, il est semble-t-il choisi (d’)après l’heureux élu - pas l'inverse...)
Reste que (no offense...) son “œuvre“ est tout de même bien mince et peu originale pour ce genre de poste.
Y a-t-il des conclusions à en tirer sur le talent des philosophes analytiques en France ? Peut-être.
(PS: avez-vous suivi ses cours à Paris-XII ?)
Désolé de commenter alors que la bataille est terminée :-)
@Phersv : Je me demande si on peut dire que J. Proust fait de la psychologie. Elle a ce naturalisme très fort selon lequel la philosophie, c'est la partie spéculative des sciences qui n'a de sens que quand elle intègre nos connaissances scientifiques. Cependant, étant donné que ses préoccupations sont d'abord conceptuelles, qu'elle ne fait pas (encore?) d'expérimentation et qu'elle se pose des questions plus générales que ne s'en posent vraiment les psychologues elle reste une philosophe. C'est elle qui a le naturalisme le plus assumé et le plus articulé à l'IJN qui est pourtant un repaire de scientistes invétérés. Pour cette raison, il aurait été intéressant de l'avoir dans une institution comme le C de F. Que l'on soit d'accord avec elle ou pas d'ailleurs.
Je ne crois pas non plus que Récanati fasse de la linguistique: trop spéculatif et trop systématique. Il lui arrive peut être de contribuer à la linguistique mais ça me semble accessoire à son oeuvre de philosophe du langage. Comparer par exemple avec Schlenker ou Spector. Il me semble que FR aurait été objectivement le successeur le plus naturel à Bouveresse mais je suis peut être biaisé par le fait que c'est mon directeur de thèse.
Phersv et Pascal: Mon commentaire sur la pertinence du choix: j'aurais trouvé intéressant une philosophe plus jeune genre Barberousse, Pacherie ou Schlenker pour leur donner la liberté de développer un vrai programme de recherche avec les moyens du College... Ça aurait donné à Hagège une bonne raison de se plaindre de l'invasion anglo-saxonne :-)
PS: Mon avis sur les candidats appropriés a évidemment très peu de crédibilité vue mon ignorance de ce qui se fait en dehors de l'IHPST et de l'IJN.
> Pascal
Cela me paraît sévère. Il y a des philosophes analytiques français assez créatifs. Je pense, par exemple, à Récanati, ou, pour prendre quelqu'un de plus jeune, à Jérôme Dokic, qui a déjà un registre vraiment vaste.
Sur C. Tiercelin, non, j'avais suivi ses cours du temps où elle était encore à Paris I.
> Hady Ba
Oui, j'exagère un peu en assimilant tout ce courant IJN de philosophie expérimentale naturaliste à de la psychologie ou de la linguistique, c'est mon biais de "penseur en fauteuil" qui recule encore face à Quay... Quine.
IJN représente plutôt majoritairement maintenant ce naturalisme expérimental (disons à la Stich ou à l'école de Pittsburgh) alors que Tiercelin est plutôt dans la métaphysique à la David Armstrong.
A. Barberousse, philosophe de la physique, serait la successeur en effet naturelle pour Fagot-Largeault, philosophe de la biologie, par exemple.
Je croyais vraiment que Ph. Schlenker faisait de la sémantique et pas de la philo du langage (mais la différence n'est en effet pas toujours claire pour moi).
Tiercelin me paraît un bon intermédiaire entre un questionnement métaphysique (et donc l'éventuel esprit de système) et la recherche non-systématique naturaliste. Paul Egré ou Jérôme Dokic seront peut-être des critiques plus décisifs de l'épistémologie de Timothy Williamson mais c'est elle qui pour l'instant a publié un livre sur le scepticisme et Barry Stroud.
Sur: "Je croyais vraiment que Ph. Schlenker faisait de la sémantique et pas de la philo du langage"
Je me disais la même chose jusqu'à la publication de son dernier papier Super-liars que je classerais en philo plutôt qu'en linguistique. En vérifiant sa biblio sur Philpapers, je me rends compte que certains de ses anciens papiers sont également en philo du langage plutôt qu'en linguistique.
Pour la succession de C.Tiercelin il faudrait penser à Paul Egré... mais pour le coup les "French theorists" risquent de faire une crise cardiaque car on trouve dans ses articles des démonstrations de type mathématique (des vraies, pas des "mathèmes" lacano-badiousistes). Ce qui lui a valu sur internert les remontrances aigres de son ancien camarade de classe, le "critique de la critique" Harold Bernat.
Quant à Rorty c'est beaucoup plus qu'un "pragmatiste derridien". Comme l'a bien dit Bouveresse, Derrida n'aurait sans doute pas apprécié la lecture que faisait de lui Rorty, en gros à peu près le même usage que celui d'une belle orchidée avec laquelle on peut jouer... l'excellent ouvrage constitué d'articles sur Rorty (y compris de Bouveresse) et de réponses de ce dernier est essentiel si on veut comprendre l'originalité de ce penseur capable de discuter avec Davidson ou Dummett comme de converser sur Derrida...
ci-joint la Lettre ouverte de Jacques Bouveresse au Nouvel Observateur en réponse à l'article d'Aude Lancelin cité plus haut : http://blog.agone.org/post/2011/06/27/Poussee-de-nationalisme-philosophique-a-la-rue-d-Ulm
Mais je suppose qu'une bonne part de ceux qui hantent ces lieux l'auront déjà lue.
Merci beaucoup, je ne l'avais pas encore vu. Bouveresse est cinglant et lui qui avait déjà des préventions contre les journalistes a l'air excédé et las.
Mais il exagère quand il semble dire que la Rue d'Ulm serait entièrement et définitivement hostile à la philosophie analytique.
Le CIEPFC l'est en grande partie (et les profs de philo de Khâgne ont la réputation de l'être) mais l'Institut Jean Nicod est rue d'Ulm aussi (qu'on n'aille pas opposer le 29 et le 45), ce qui la rend plus "pluraliste" que Lancelin ou Bouveresse ne semblent le croire. La philo analytique n'est plus une petite forteresse assiégée ou menacée, elle a une part non-négligeable dans de nombreux Départements français et au CNRS.
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