lundi 31 décembre 2012

Mythe post-apo


Un des mythes les plus universels est les histoires de Déluge, ou parfois comme dans Sodome & Gomorrhe, de pluies de feu, mais je ne connaissais pas vraiment de légendes où l'Humanité se réfugie sous la terre, comme dans de nombreux jeux de rôle (par exemple Earthdawn, ou certains mythes dara happiens sur Glorantha).

Mais dans le zoroastrisme à l'époque achéménide (donc vers le VIe ou Ve siècle avant notre ère), voici un extrait du Vendidad (dans les livres sacrés des Avesta) avec une Arche sous la Terre, II, §§20sqq (version un peu abrégée) :

Et Ahura Mazda dit à Yima : "O noble Yima, fils de Vivanghat ! Les Hivers maléfiques du Démon Mahrkûsha vont s'abattre sur le Monde matériel et vont apporter le gel terrible et mortel, les flocons de neige recouvriront les plus hautes montagnes. Toutes les bêtes sauvages devront trouver un abri sous la terre. Il y aura encore du pâturage avant cet Hiver terrible mais après les froids, on ne trouvera plus aucun sabot de bétail sur le sol.

Construis donc un grand Enclos d'une lieue et mets-y les moutons, les vaches, les chiens de berger, les oiseaux et les divers Feux sacrés, un couple de chaque. Construis-y de grands réservoirs d'eau long d'un mille. Garde les graines de chaque arbre et de chaque fruit, de chaque fragrance. Installe les germes des meilleurs hommes et femmes que tu trouveras et aucun ne devra avoir les marques physiques ou morales frappées par le maléfique Angra Mainyu, aucun ne sera pécheur, ni fou, ni invalide ou impuissant pour le futur de l'Humanité. L'enclos sera composé de neuf rues et tu y répartiras les trois classes sociales. Tu feras cet enclos en foulant le sol de ton talon comme le potier forme l'argile. Et tu scelleras cet enclos d'un anneau d'or, et tu feras une porte avec une seule fenêtre translucide."

Yima fit comme il lui avait été dit. (...) Mais il demanda alors : "Ô Créateur de l'Univers, Ô Saint, quelles seront alors les lumières pour éclairer notre Enclos pendant ce Long Hiver ?"

Et Ahura Mazda lui répondit : " Il y a des lumières créées et des lumières incréées. Vous ne verrez plus les lumières des étoiles, de la lune et du soleil et pour vous une année passera comme un jour comme vous n'aurez plus le temps du soleil."

Et les meilleurs êtres humains survécurent ainsi sous la terre, dans l'Enclos de Yima, jusqu'à ce que l'Oiseau céleste Karshipta descende des cieux pour apporter sous la terre la nouvelle que l'Hiver était terminé et qu'il fallait ressortir adorer la Lumière d'Ahura Mazda. Il vint réciter les Avesta aux mortels et ainsi Zarathustra put faire renaître le culte d'Ahura Mazda.


Le texte est riche d'éléments de Science-fiction. Non seulement on y a un abri anti-atomique, mais même un plan d'Eugénisme et un passage qui semble presque évoquer une cryogénie dans la relativité du temps passé sous ce Dôme ("un an semblera un jour"). Je ne comprends pas combien de générations s'y passent (il y est dit qu'une génération passait tous les 40 ans) mais ils ont quand même besoin que Karshipta vienne leur ré-expliquer le culte.

Ce Yima zoroastrien, fils de Vivanghat (qui devient le roi Jamshid dans le Livre des Rois beaucoup plus tard), est une sorte de Noé chthonien, qui construit une Cité sous-terre à la place d'une grande arche, mais il vient en fait du Yama hindou, fils de Vivasvat le Dieu soleil. Yama est le premier mortel et ensuite le Dieu des Morts sous la terre, qu'il ne quittera plus jamais, alors que le Yima zoroastrien doit permettre ensuite à l'Humanité de ressortir de ce Paradis des élus (sauf si on interprète le temps du mythe comme une sorte d'éternel retour qui annonce aussi un Paradis à venir et pas seulement une Arche dans le passé).

2 commentaires:

yabonn a dit…

Je ne connaissait pas ces textes, c'est d'un exotisme fou.

Le héros dit non a dieu, et ne se retrouve pas incinéré : c'est que dieu n'est pas un sale type divin. Ca fait bizarre.

Phersv a dit…

Oh, mais Jonas aussi a des scènes de désobéissance envers Dieu du même genre, non ?

Je me demande même si le stade dit du Refus de l'Appel dans le Périple du Héros chez Joseph Campbell ne vient pas surtout de cette scène.

Ensuite, Jonas insulte même Dieu parce que celui-ci a pardonné à Ninive (tout le contraire d'Abraham qui a besoin de conseiller à Dieu un peu d'indulgence envers Sodome et Gomorrhe).