jeudi 27 février 2014

La géographie du Monde Brisé


[Full Disclosure, comme on dit : j'ai envoyé une proposition de scénario pour Broken World, je ne suis donc pas neutre sur ce sujet.]

Genres : Fantasy & Post-Apo

Le Monde Brisé est un nouveau monde francophone de fantasy qui utilise les règles de Pathfinder et qui est prévu pour être traduit aussi vers l'anglais (ce qui explique le choix d'un nom déjà en anglais). Pathfinder a déjà son cadre par défaut, Golarion, qui est une vaste synthèse de tous les lieux de fantasy pour y envoyer à peu près tout type d'aventure, depuis une pseudo-Egypte, de pseudo-Caraïbes ou des steppes de pseudo-Russie. Broken World est plus tournée vers un genre de high fantasy (c'est-à-dire avec du merveilleux et de la magie plus fréquents et influents) et l'ambiance y est plus particulière. Le kit d'initiation a été repris aussi dans Jdr Magazine.

Le point de départ est simple : il y a environ 600 ans, une nation de magiciens a atteint un tel pouvoir qu'ils ont cherché à exorciser à jamais les dieux hors du Monde. Le dieu forgeron des Nains Torrune a alors châtié les Mages, brisé le monde et les derniers continents rescapés ne tiennent plus que par des isthmes ou lambeaux divins qui les préservent d'être entièrement submergés, les Arches. L'opposition entre religion et Magie "profane" est donc plus significative qu'ailleurs. La Magie est devenue plus dangereuse et près des bordures des continents, elle s'accompagne maintenant d'intrusion de l'entropie destructrice. La communication entre les continents est devenue plus difficile car les eaux sont pleines de Fléaux divers et les marins sont tous des héros ou des aventuriers. Certains magiciens appelés aquanautes ont appris à se servir de leur sorcellerie même dans ces fentes entre les terres.

Arche entre Siryon et Dankarion


Les mondes de D&D sont très souvent post-apocalyptiques comme Greyhawk (où les Mages suels et les Prêtres baklunis s'étaient entre-détruits), Forgotten Realms (où les Dieux avaient puni l'hubris des Mages de Netheril), Dragonlance (où les Dieux avaient puni l'hubris des Prêtres d'Istar), Dark Sun (où les Mages avaient vampirisé l'énergie du monde) ou plus récemment les Terres Balafrées (où le monde avait été détruit par la Guerre entre les Dieux et les Titans). Les éditions récentes de D&D préconisaient même comme méthode de faire un tel cataclysme dans le passé pour justifier toutes les ruines et oubliettes. Et on retrouve cela dans de nombreux autres univers comme Earthdawn (où le monde sort à peine d'une invasion de démons) ou plus récemment Dragon Age (où les Mages ont corrompu le Plan des Dieux).

L'idée d'un Monde brisé peut donc apparaître un peu générique : en un sens tous les mondes de D&D sont plus ou moins "cassés" (soit avec un espoir d'être réparés, soit définitivement abimés). Certains critiques ont parfois reproché à ce Monde brisé d'être demeuré dans un cadre très classique (c'était par exemple l'avis d'un reviewer sur le Grog). La Magie modifiée par le cataclysme, qui est le changement de règle principal, était déjà dans une certaine mesure dans d'autres jeux déjà cités comme Earthdawn / DragonAge.

Le Monde Brisé a une mythologie plus développée que la plupart des univers et je ne vais pas la résumer ici. Elle s'inspire notamment de références gréco-romaines (Pandore par exemple devient Aperto). Sur certains points, cela rappelle à nouveau les Terres Balafrées qui reprenaient aussi la mythologie classique et avait des cités-Etats dédiés à des dieux (Mithril cité du dieu paladin Coréan, Hedrad cité du dieu juge Hedrada, Hollowfaust, cité des nécromanciens, Lokil cité-bibliothèque).

Ce sont sans doute ces cités-Etats du Monde Brisé qui vont le plus faire apparaître une spécificité ou une singularité de cet univers car certaines sont très belles dans le développement de potentiels utopiques fantastiques : par exemple, Neuf-Pétales avec ses quartiers en forme de pétales qui enjambent les cours d'eau, ou bien la cité-Lune d'Eaux-Pâles, version gigantesque de Venise où peuvent passer des galions entiers. Il y a aussi un autre port flottant itinérant, porté sur des raies géantes.

Eaux-Pâles


Survol des Neuf fragments de la Dankhélie

Le "continent" de Dankhélie est fragmenté en au moins Neuf grandes îles-continents : du nord au sud, Erya, Orehl, Dankarion, Siryon, Dendrac, Argo, Arask, Aviliane et Silinne.





  • Le Nord
    L'île du Nord, Erya, est la plus vaste et la plus glacée, surtout connue pour d'immenses forêts autour du Bois du Cerf blanc et pour le refuge des Elfes, avec l'autre dans l'île de Demdrac. Elle abrite aussi des Orkanans, ces humains barbares qui ressembleraient à peu près à un mélange des Vikings (pour la navigation) et des Wildlings de Westeros (pour le côté sauvage et la lutte contre les Morts-Vivants). Ils sont venus des banquises des Terres Grises et sont alliés des Nains, détestant la magie profane. L'île a aussi plusieurs cités-Etats : Grimoire, cité du Savoir dont les Hérauts-copistes voyagent à travers le monde pour récupérer des informations, Cabala, cité-lune des Sept Mystiques, Echidna, l'antre des Gorgones, cité d'amazones, et Virtus, cité de fanatiques.

    A l'est d'Erya se trouve l'île d'Orehl avec Grand-Gouffre, la cité des Ogres et de leurs alliés halfelins (qui, dans le Monde brisé, ressemblent plus à des farfadets féériques).

    Au sud d'Erya et nord-ouest de Siryon, c'est Dankarion. Justice est le siège du Roi-Juge, chef du culte d'Ekel, dieu de la Loi (l'opposition centrale du Monde brisé étant plus celle entre Loi et Chaos que celle entre Bien et Mal). Météral, l'Enclume de Bronze, est une cité fondée par les Nains et la Magie profane y est donc mal considérée.

  • Le Centre
    Au centre de tout ce grand archipel est l'île-continent de Siryon, carrefour de tous les peuples de Dankhélie et qui est la plus détaillée dans le premier Livre du Joueur. Le nord-ouest est peuplé d'orques alors que l'est commence à être conquis par le Duché d'Algaré, Etat expansionniste qui a su franchir le Fleuve Forgé avec l'île d'Aviliane au sud et occupe l'Arche depuis deux décennies. Plusieurs domaines sont alliés d'Algaré et le Stern s'est divisé en deux factions pro- (Comté de Stern) et anti-Algaré (Principauté de Sterniae). En plus des nombreux royaumes en guerre, on y trouve deux belles Cités-Lunes indépendantes. Harmonie, la cité de la Paix, construite en haut d'une montagne au nord, est l'inexpugnable cité des tours et des ambassadeurs, centre de toute la diplomatie de Dankhélie. Au sud de Siryon, Eaux-Pâles, la cité des Larmes, est nommée ainsi à cause de l'apaisie, l'elixir dont on use pour lutter contre les effets magiques de l'entropie. Ses habitants, navigateurs sélénis, s'y seraient installés suite à une malédiction leur interdisant la terre ferme. C'est une riche oligarchie et ses canaux y sont assez vastes pour des navires.

    A l'est de Siryon, c'est Demdrac. Calice, l'ancienne cité volante des Elfes s'est écrasée là à l'époque où le Monde fut brisé et la ruine devenue immobile a encore accès à des créatures volantes. Les Elfes du Bois d'Erielle sont plus conservateurs que ceux d'Erya.

  • Le Sud
    Au sud de Dankarion et au sud-ouest de Siryon, c'est Argo, la grande île la plus peuplée. Draco-El est le Siège du Fils du Dragon et de tout le culte de Draco. Cairn est la Cité de la Chair qui vend des mutations corporelles, ce qui est mal vu par l'intransigeante théocratie de Draco-El. Novélé, la cité jeune, est une République au conseil élu. Port-Sanglant, tout au sud, est la Cité des pirates.

    Au large d'Argo, sur la petite île d'Asha, c'est Extase, la cité des Plaisirs.

    Au sud immédiat de Siryon, c'est Arask. C'est là que se trouve la sainte cité d'Emeraude, capitale des cultes des divinités comme Aurore. Emeraude est alliée de Justice tout au nord, et d'autres cités comme Novélé en Argo.

    Au sud-ouest de Siryon, c'est Aviliane avec Arcanéos, la cité des Mages, qui a su préserver la Magie profane après la Brisure du Monde. Sur la même île, le royaume maléfique de Sorceforge est l'ennemi d'Arcanéos et l'allié du puissant Duc d'Algaré, qui a envahi l'est de Siryon. La Cité d'Emeraude (en Arask) tente de lutter contre l'expansion d'Algaré.

    Plus au sud de l'Arask mais relié à Argo, c'est l'île-continent la plus méridionale, Silinne avec la belle mais cruelle Neuf-Pétales, Cité des arènes, et Aral-Fazir, l'Oasis des Djinns.


  • Toutes les illustrations sont tirées de la Page Facebook du Monde Brisé.

    6 commentaires:

    JeFF a dit…

    faisons court, faisons simple ... c'est ricain (ou sous influence), donc c'est post-apo. No choice.

    Bon ok ...

    Phersv a dit…

    Est-ce que ce n'est pas plus général qu'américain ? : Rêve de Dragon aussi a eu son Second Âge des Hauts-Rêvants par exemple.

    Ce qui pourrait être un thème plus américain dans les jeux de rôle est le concept de Frontière à explorer et ils n'auraient pas besoin d'un Cataclysme pour cela.

    C'est drôle qu'il ait fallu attendre Guildes pour que ce thème colonial soit vraiment pris au sérieux dans un jeu de fantasy.

    Mais le propre des Arches du Monde Brisé n'est pas vraiment le post-apo (en dehors des eaux, le monde semble assez rétabli) mais plutôt, je crois, la multiplication de Points d'étranglement stratégiques.

    La communication est si difficile par l'eau que c'est un monde fait de ponts, de seuils qu'il faut contrôler. Zut, c'est cela que j'aurais dû dire dans le texte, esprit d'escalier...

    Par exemple, l'Arche de Torrunire entre Siryon et Aviliane était originellement une sorte de Moria naine mais le Duché d'Algaré l'occupe pour pouvoir gérer son invasion de Siryon (même si j'imagine que les Nains y passent toujours dans les tunnels à l'intérieur de l'Arche).

    Je me demande s'ils pourraient en tirer un wargame particulier à cause de tous ces goulets d'étranglement.

    JeFF a dit…

    Je faisais mon troll du matin, c'est pour ça. Je garantie pas plus de fraicheur, mais on va essayer.
    Oui, le monde-d-après-l-apocalypse se trouve dans beaucoup de background. Mais il me semble qu'il reste une spécificité US, presque un passage obligé par lequel l'auteur ne peut imaginer l'historicité que par un reboot massif. Ce qui n'est pas incompatible avec la frontière (Battlestar Galactica, surtout le plus récent, pour lequel on a tous les poncifs du moment : cataclysme, frontière, ennemi intérieur comme nous mais pourquoi nous hait-il?, l'exécutif féminin et le chef militaire mais sage en couple, etc - et pour le jdr par exemple, Blue Planet).
    Dès qu'on touche aux backgrounds européens on trouve en général plus de mise en contexte historique, et/ou plus de, comment dire, de mysticisme légendaire (Rêve de dragon peut être, mais je connais mal).
    Mais rien n'est simple. Hârn est historique (canadien), Tolkien historique mais en stase avec une chronologie un peu longue, etc.

    Phersv a dit…

    Cela dit, Tolkien, en un sens, cela apparaît assez post-apo au 3e Âge quand on voit la faible population et la petitesse des quelques royaumes. Bien que britannique, il y a un côté très Frontière sauvage aussi (même dans le Silmarilion du Premier Âge qui retrace une sorte de recolonisation de la terre d'origine par les Noldor et ensuite les premiers Edain).

    JeFF a dit…

    Post ? Ou plutôt ludite/catho/écolo pour qui le monde idéal n'est jamais pleinement habité. Et donc pré-apo en fait, car ce qui est craint c'est la sortie de la stase, celle qui nous amène à notre monde. Ou cyclique, les choses allant quand le Roi est là. ;)

    Phersv a dit…

    Oui, il y a ce romantisme issu de William Morris.

    Mais il y a quand même des ruines, des cités vides et de nombreux Royaumes déchus (puisque les Rois ne sont pas toujours là, justement) : les anciens Royaumes de Beleriand tombent les uns après les autres (à part les Hâvres Gris de Cirdan, la seule constance étant dans l'Océan et non dans les terres), Numenor, Arnor, Minas Ithil... La population est périodiquement décimée.

    Le Mal (Morgoth, Angband puis Mordor et Isengard) a même l'air de servir un peu à maintenir cette oliganthropie, cette population rare et idyllique, resserrée dans des refuges isolés. Il n'y a pas besoin d'être malthusien dans un univers aussi dangereux.