mardi 29 décembre 2015

21 avril à venir


Il paraît que les militants PS auraient tellement changé qu'une majorité n'est pas choquée par la manoeuvre ridicule du gouvernement.
Leur argument serait 1° TERRORISME ! Ne soyez pas des Bisounours ! (en 2015, ce dessin animé oublié est utilisé par tous les fachos de tout poil dès qu'il s'agit de justifier leurs propos)
2° C'est la GUERRE ! On doit réviser tous nos principes !
3° de toute manière, ce n'est pas grave puisqu'on ne l'appliquera pas.
4° La société est tellement lepénisée que si on ne change pas les règles de déchéance, cela fera monter le FN !!

(J'aime bien en revanche le sophisme plus habile qui consiste à dire que c'est par souci d'égalité qu'on voudrait que les binationaux de naissance et les binationaux ayant acquis leur nationalité par la suite puissent tous les deux être également déchus de leur nationalité française alors que la question est de l'égalité entre tous les citoyens en général, Article Premier de notre Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen)

Je n'ai pas le temps mais il faudrait que quelqu'un de plus patient que moi leur reexplique encore et toujours des évidences et platitudes :

1 Ce n'est pas bien.

Il y a un attentat. Cela ne change rien à nos principes. Sinon, ce ne sont pas des principes constitutionnels mais de simples règles factices et arbitraires.

2 Ce n'est vraiment pas bien. Il faut vous le répéter combien de fois ?

Quel est le rapport ? Il y a un attentat de masse et la priorité est de modifier une règle sur la nationalité ? QUEL est le rapport ? On pourrait discuter à la rigueur de certains compromis sur nos libertés au nom de la sécurité, mais là, il s'agit seulement d'envoyer un message absurde et hors-sujet. La seule chose qu'on retiendra est que seul le FN préconisait cela et qu'ensuite Hollande a décidé que c'était eux qui avaient raison.

3 Cela envoie un mauvais message qui est exactement ce que voulait Daesh.
Daesh cherche à diviser les Français. La priorité ne semble donc pas être de leur donner ce qu'ils veulent si cela n'a aucune utilité ou efficacité.

4 Même si on concédait que c'est quelque chose de valable (ce qui n'est pas le cas), modifier notre Constitution de manière aussi ad hoc juste sous l'émotion de la Crainte est-il (a) un signe de protection ou (b) un signe de panique ignoble et risible qui salit tout ce gouvernement ?

5 La Gauche a toujours dit que c'était une idée ridicule.
Donc soit (1) elle se trompait depuis très longtemps avant et avait besoin du hasard d'un attentat pour découvrir que le Terrorisme existait, ce qui serait consternant d'ignorance et d'imprévoyance.
Soit (2) soit elle ne se trompait pas mais commet une faute morale grave aujourd'hui. Et ceux qui disent que ce n'est pas grave car c'est seulement en cas de Terrorisme, rappelons que la Loi pourra dire ensuite que la déchéance peut s'étendre à d'autres motifs jugés anti-français.

6 Certains des militants disent que ce n'est pas important puisque c'est inefficace et ne sera guère appliqué. Mais c'est justement cela le problème : on ne change pas la Loi fondamentale pour une loi inutile, inefficace et même dangereuse.

7 D'autres disent que ce n'est pas grave puisque d'autres démocraties peuvent l'autoriser et même que nos lois auraient pu l'autoriser sans changement constitutionnel malgré l'avis du Conseil.
Mais ce qui importe ici est l'affichage d'une évolution et le choix de l'occasion : des terroristes tuent des Français et on juge que la priorité est de bafouer nos principes comme si un conflit quelconque autorisait ainsi de la piétiner selon les mouvements de l'opinion, conformément à la fébrilité sarkoziste médiatique que Hollande ne fait que poursuivre avec sa lâcheté habituelle.

Ce qui me choque n'est pas que quelqu'un d'aussi médiocre que Valls puisse s'adapter ainsi aussi vite, ni qu'un opportuniste cynique comme Hollande sacrifie tous les principes en croyant donner ainsi une image de "courage" et de "fermeté" (car céder à la panique, c'est le courage) mais qu'on puisse trouver des militants pour ne pas avoir la nausée parce qu'ils prennent leur peur ou leur confiance idéologique comme des garanties sur parole.

Bizarrement, certains élus (qui ont pourtant plus à perdre que les militants dans leur révolte contre le gouvernement) ont l'air d'avoir mieux compris ces questions formelles de principes sur ce point.

Auparavant, j'étais prêt à bien des compromis au nom du Vote utile et je rationalisais en me disant qu'il valait mieux toujours avoir des gens capables de faire passer des choses comme la CMU plutôt qu'une extrême gauche symbolique.

Mais là, j'ai vraiment des doutes : ne vaudrait-il pas mieux une bonne douzaine d'années d'opposition plutôt que cette forme d'hypocrisie qui semble parfois pire que des discours de Guy Mollet et pour se débarrasser de ces gens comme Valls en espérant qu'ils partent rejoindre Les Républicains le plus vite possible ?

14 commentaires:

Imaginos a dit…

Ça se passe de commentaire.

Fred MESTRE a dit…

Enlever leur nationalité à des gens qui brûlent leurs papiers, c'est utile à quoi ?
Merci pour cet article (encore une fois) excellent

rogre a dit…

Tout est absolument vrai dans votre analyse. J'y souscris d'autant plus que (à titre personnel et nullement réfléchi) je ne vois pas de raison de ne pas se limiter au "second sophisme" maximaliste, à savoir: déchéance, s'il en faut une, de la nationalité pour tous! (tous ceux qui font du méchant terrorisme), car comme ça, pas de jaloux et égalité respectée… Ce qu'il y a de troublant aussi, c'est quand tel autre ministre précise que la restriction du "privilège" aux binationaux, ce serait par souci de ne "pas faire des apatrides"… C'est devenu si ringard et odieux que ça, d'être apatride?… Ou bien, c'est pour refuser l'"Etat islamique" en tant qu'entité politique faisant des "citoyens"? Tout cela se comprend, mais c'est bien subtil…

Phersv a dit…

Oui, heureusement que le gouvernement n'a pas le choix sur le statut des apatrides puisque nous avons signé et ratifié cette convention de l'ONU de 1961 qui interdit à la France de créer des apatrides.

Il y a l'autre solution qui pourrait s'appliquer à tous, bi- ou uni-nationaux, est la dégradation civique, qui, elle, existait encore dans notre droit.

Si Valls prétend que la modification de la déchéance ne va rien changer sur le statut du droit du sol, certains élus comme Christine Boutin en ont déjà profité pour faire le lien et réclamer que la conclusion soit la suppression de ce droit.

Anonyme a dit…

Je souscris aussi. Un blog récent (et très instructif pour un pékin moyen comme moi) de J.Quatremer faisait aussi le lien avec Mollet, et ce qui a suivi (1958 et De Gaulle).

A mon avis, instituer un état d'urgence était déjà une erreur. Dire que la patrie est en danger à cause de ce groupe, c'était lui donner une importance qu'il n'aurait jamais dû avoir.

Ajouter à cette erreur la déchéance de nationalité ?... Vous avez tout dit.

Pour faire court, je pensais que la comparaison avec le 11/09/01 et ses suites était vraiment simpliste (les erreurs/manquements des services, le tournant policier, etc.) On est sans doute face à un mauvais remake. Vous me direz, ce n'est pas le seul en ce moment...

Je pense cependant que votre conclusion sous-estime le problème. Quel que soit le vainqueur en 2017 (et, aujourd'hui, je ne vois pas comment Hollande pourrait faire mieux que Sarkozy) nous risquons de virer à droite toute pour vingt à trente ans minimum. Entre démographie contraire, principes et programme à reconstruire de zéro (puisqu'on les a foulés au pied), et électorat à re-sensibiliser, retrouver, voire cultiver, la gauche a un travail de titan devant elle.

Nicolas a dit…

Rien à ajouter, si ce n'est sur le dernier paragraphe. Une dizaine d'années d'opposition, c'est l'équivalent de 2002-2012, années glorieuse pour celui que vous appeliez Badinguet. Est-ce vraiment souhaitable? En quoi est-ce efficace pour évacuer Valls ou ses successeurs (Macron?)

clodoweg a dit…

Cet amendement est un affaiblissement du droit du sol qui donne des boutons à l'extrême droite.
Le droit du sol est ce qui nous préserve de l'idée qu'il pourrait exister une Race Française (les souchiens) dont les magrébins ne feraient pas partie.

Anonyme a dit…

Mes beaux parents encensent Eric Zemmour et trouvent le dernier bouquin de Philippe de Villiers très bien. Voyez le genre ?
Hé bien, mes beaux parents trouvent entre que Hollande a bien agi et même pas assez. La rhétorique FN utilisée ppar Valls leur plaît beaucoup...
Main'nant c'est sûr, le PS est de droite. Et ça me fait mal.
Faut-il qu'ils n'aient pas d'idées pour en piquer à MLP ? Et après la déchéance de nationalité, ce sera quoi ?
Beurk

賈尼 a dit…

Hélas.

rogre a dit…

Je me posais la question, mais je vois (dans le Monde) que "cette disposition est prévue dans 15 pays de l’Union européenne (Belgique, Bulgarie, Chypre, Danemark, Estonie, France, Grèce, Irlande, Lettonie, Lituanie, Malte, Pays-Bas, Roumanie, Slovénie, Royaume-Uni", plus spécifiquement appliquée aux naturalisés; mais "elle s’est étendue aux binationaux sous la pression des gouvernements conservateurs, au Royaume-Uni, en Belgique, aux Pays-Bas & au Canada".

Tom Roud a dit…

Depuis le début je trouve que c'est le débat pourri par excellence des 2 côtés.

Surtout ce qui m'étonne le plus est que les gens n'ont pas l'air de réaliser à quel point le code de la nationalité française n'est vraiment pas idéal. Tel quel J'ai plus l'impression qu'on défend un fantasme de République. Par exemple si vous êtes étrangers et avez un enfant en France, il faut des conditions de résidence pendant un certain temps, etc... pour que l'enfant accède à la nationalité à la majorité. A contrario, si tu nais au Canada par exemple, tu es canadien, point barre. Ça c'est le vrai droit du sol. Au niveau du vivre ensemble, je trouve cette approche française du droit du sol assez scélérate. On devrait aussi se pencher sérieusement sur le droit du sang, sachant que maintenant les français de l'étranger votent aux élections nationales. Là encore les pays comme le Canada mettent une limite de générations sur la nationalité dans le droit du sang, pas la France. Bref, le droit de la nationalité en France est franchement essentialiste de droite à mon avis, on fait mieux niveau idéal républicain, et je m'étonne un peu de l'idéalisation républicaine actuelle.

Aussi notre "droit du sol" a été durci entre 93 et 98 par la droite, et Jospin est revenu dessus. Un autre sujet relié: Hady Ba me confirmait l'autre jour sur Twitter que depuis 2012 c'est beaucoup plus facile d'étudier en France quand on est étranger (plus de circulaire Guéant). Je manque peut-être d'imagination, mais ce genre de mesures fourbes votées par la droite me semble avoir plus de conséquences concrètes que cette histoire de déchéance. Faudrait leur demander leur avis, mais je ne suis pas sûr qu'Alain Juppé 2017 avec Wauquiez ministre de l'intérieur sera le paradis retrouvé pour les binationaux et les étrangers en France.

Elias a dit…

"Ce qui me choque n'est pas (...) qu'un opportuniste cynique comme Hollande sacrifie tous les principes en croyant donner ainsi une image de "courage" et de "fermeté" (car céder à la panique, c'est le courage)"

Ce qui me frappe c'est que même d'un point de vue machiavélien faisant abstraction de toute considération morale cela apparaît assez inepte ... non seulement, bien sûr, en tant que supposé moyen de lutte contre le terrorisme mais même en tant que magouille de politique intérieure.

"Auparavant, j'étais prêt à bien des compromis au nom du Vote utile et je rationalisais en me disant qu'il valait mieux toujours avoir des gens capables de faire passer des choses comme la CMU plutôt qu'une extrême gauche symbolique."
Comme l'a fait remarquer un commentateur précédent, tout dépend quels sont les autres termes de l'alternative. Ceci dit, si la seule chose que Hollande a à dire aux électeurs de gauche est "vous voterez pour moi parce que vous nous voulez pas avoir un second tour Le Pen / Sarkozy", il prend un sacré risque ...à ce compte là autant aller voter Juppé à la primaire de la droite.

Anonyme a dit…

Mon point de vue de juriste sur différents points soulevés ici.

La déchéance de nationalité : elle n'est pas neuve et existe dès les origines de la République. On la retrouve dans le code civil aux articles 23 et suivants. Aristide Briand lui-même a permis la promulgation de certains cas de déchéance de nationalité (comme le fait de posséder un esclave par exemple). L'idée de la déchéance de nationalité façon républicaine est d'éloigner définitivement de la communauté celui qui est en contradiction complète avec les valeurs de la République ou la menacerait. Je ne sais si se livrer à des actes terroristes constituent une démarche contredisant les valeurs de la République, je laisse à chacun le soin d'en juger. En revanche, une telle mesure n'est pas inconstitutionnelle en soi, est-ce à dire que ce qui est constitutionnel est conforme à l'idéal républicain? Là encore, chacun se fera son opinion.

Sur l'interdiction de créer des apatrides et la convention de 1961 : elle n'est pas applicable en France. Ce pays a signé mais n'a jamais ratifié le traité qui est donc inopposable à l'état français.

Sur le refus de la déchéance de la nationalité au motif qu'il s'agit du dernier rempart contre la diffusion du concept du Français blanc de souche par le renforcement du droit du sol, il faut savoir que ce mois de décembre, la cour d'appel de Versailles a rendu un arrêt dont l'attendu décisoire affirme que le concept de français de souche ne relève d'aucune réalité biologique, éthnique, culturelle, sociologique ou juridique. La déchéance de nationalité (qui existe déjà, je le rappelle) ne garantit donc pas, à elle seule, une protection contre de telles idées.

J'espère que ces éléments nourriront un débat qui requiert beaucoup de rigueur.

Phersv a dit…

Merci pour ces faits.

Oui, la déchéance de nationalité a été possible (mais elle a été justement discréditée par l'usage qui en fut fait par la suite) et il y a eu quelques cas même après la guerre, pour intelligence avec l'ennemi par exemple.

Personne n'irait dire que le crime terroriste n'est pas contraire aux principes républicains (la majorité parle maintenant de ratifier l'accord de 1961 pour éviter justement que cela n'affecte les "uninationaux").

Mais où arrêter alors le critère : l'assassinat de droit commun n'est-il pas aussi contraire aux mêmes principes ?

Je continue de penser que cette modification n'était pas utile ou opportune et ne relève que d'un calcul ou d'un message de triangulation politique. Le procès d'intention me paraît légitime.

Je reprends mon argument : soit le Président de la République avait tort avant d'y être radicalement opposé il y a encore 3 ans (et en ce cas, quel crédit lui accorder s'il a eu besoin d'un crime pour changer d'opinion ?), soit il avait raison et cela le discrédite aujourd'hui.