samedi 18 avril 2020

[Tékumel] Jakálla, "la Cité A Moitié Aussi Vieille Que le Monde"


"Far to the south, ancient Jakálla slumbers in 
luxurious, decadent splendour above 
the yellowish tidal flats, cut in two 
from east to west by the darker 
waters of the Equnoyel River."
MAR Barker,  Tékumel Sourcebook, 1.422


Jakálla est la plus vieille cité de jeu de rôle jamais créée.

Oui, plus vieille que Greyhawk puisque Gygax n'avait jamais décrite son équivalent de Chicago  quand Jakálla fut publiée en 1975 dans la première édition de l'Empire du Trône du Pétale. (le premier livre appelé Greyhawk avait des règles comme la classe du Voleur mais quasiment rien sur le monde de campagne). Certes, il n'y avait pas encore grand-chose, juste une carte en couleurs de la ville (plus une carte d'ensemble de l'Empire) et une liste des bâtiments sur deux pages sans aucune caractéristique, mais, avant la parution plus détaillée de City-State of the Invincible Overlord chez Judge Guild, c'était déjà révolutionnaire.

Jakálla n'est pas la capitale politique de l'Empire du Trône du Pétale (c'est Avanthár, beaucoup plus au nord, siège de la Tour d'Or où l'Empereur est "scellé") ni sa plus grande métropole (c'est Béy Sü, qui est le vrai centre de Tsolyánu) mais une ancienne capitale méridionale du Royaume Bednálljien qui a précédé l'Empire il y a des milliers d'années et ce fut notamment la Cité de la cruelle et perverse Reine Nayári aux Cuisses de Soie, qui a un statut quasi-légendaire (j'en ai déjà fait une brève présentation du point de vue d'un narrateur).

La Cité A Moitié Aussi Vieille Que le Monde est si antique qu'elle est construite sur des millénaires de strates et de ruines des civilisations passées (Tékumel est un univers confiné dans une stagnation extraordinaire). Une plaisanterie appréciée des habitants dit que parler de "culture jakallánie" serait quelque peu redondant puisque ce serait présupposer qu'il y en a d'autres".

Une des particularités de la cité, en dehors de sa chaleur tropicale (entre 26° et 48°), est d'avoir été liée depuis un temps immémorial à la Déesse Dlamélish, la Déesse des excès et des plaisirs charnels.



Là où le Prof MAR Barker ne nous simplifie pas la vie dans les noms est que dans les villes voisines, il y a la rivale Pála Jakálla, plus en amont sur la baie, et Jaikalór à environ 700 km à l'est.


Le Quartier des Étrangers

Si vous arrivez à voir la carte ci-dessus, la partie la plus importante en dehors du fort du Gouverneur, des Marchés, des Arènes (qui sont en même temps l'équivalent du Palais de justice) et des différents Temples est sans doute le Quartier des Étrangers.

Il est à l'Ouest, sur la rive droite de la rivière Eqúnoyel, qui est délimité par des murailles et bien surveillé par les différentes casernes militaires qui l'encerclent (peut-être aussi pour mieux y recruter des mercenaires). Le seul Temple qui soit mitoyen du Quartier est symboliquement la Pyramide à degrés de Karakán, le Dieu de la Guerre du côté de la Stabilité. Les seuls artisans qui soient énumérés dans la liste sont les Armuriers et beaucoup sont dans ce quartier, sans doute moins "policé" que le reste.



C'est normalement là que les aventuriers "Sans Clan" (Nakome : étrangers ou bien "déclassés" et marginaux) commencent leur carrière, sans doute à la Tour du Dôme Rouge, refuge pour les plus désargentés et indigents (au n°34), tant que les aventuriers ne seront pas intégrés dans un Clan (dans la première édition, on gagnait automatiquement la Citoyenneté en parvenant au 6e Niveau) ou tant qu'ils n'auront pas assez pour payer un loyer. C'est le lieu qu'utilise Michael Cule pour les personnages "barbares" dans son excellente aventure d'introduction à Tékumel, Welcome to Jakalla (1992).

Les auberges et hôtelleries sont par ordre croissant de statut :
L'Auberge de Birrukú l'Allaqiyáni (n°33, bas-moyen)
La Cotte verte (n°32, moyen)
La Cour du Quatrième Empereur (n°37, moyen-supérieur)
Le Palais de Mrúthri (n°35, supérieur)
Le Domicile Domanial de la Main de Hrúgga (n°36, noble)
Les visiteurs tsolyani sont sans doute censés résider plutôt dans la maison de leur Clan et les hôtels doivent avoir peu de voyageurs citoyens de l'Empire du Trône de Pétales.

Le Pouvoir politique

Dans cette première édition, le Gouverneur est le Seigneur Eternel Chiringgá hiTishkólun (du Clan du Rameau Doré) et on nous révèle aussi qu'il est un des leaders de la Faction Royaliste (la Fronde des Grands qui résistent à la centralisation impériale). C'est un prêtre important (XVIIIe Cercle) du dieu Ksárul, le Prince Bleu de la Sorcellerie.

Mais par la suite, on sait aussi que Sire Chiringgá le Gros sera destitué pour corruption ou intrigue et tentera de se refaire son image en refondant une Légion, la Légion de la Puissante Jakálla (27e Infanterie Lourde) pour aller se battre contre le Yán Kór et il réussira même à leur obtenir des rarissimes armures d'acier (deux cohortes sont encore en entraînement). Il sera remplacé par le vieux Hísun hiTánkolel (même Clan du Rameau Doré et même Parti, mais adorateur au contraire de Hnálla, seigneur de la Stabilité). Son frère Káshma  hiTánkolel est Préfet du Palais du Royaume et fidèle d'Avánthe.

Un Lignage peut se retrouver dans des Clans différents et il y a de très nombreuses branches importantes du lignage hiTánkolel. On mentionne aussi dans Sword & Glory un autre membre du Parti Royaliste, Srüqu hiTánkolel (Clan Grande Pierre de Púrdimal), qui est aussi un Légat du Palais du Royaume. Le Chef du Clan du Bleu Marin à Jakálla s'appelle Tsúmikel hiTánkolel et il y a aussi une célèbre courtisane à Jakálla nommée Disúna hiTánkolel. (la Maison de l'Heure Plaisante, de la Dame Dlamélish, n°77, est sur la rive gauche, près du port et du Palais des Affaires Divines). 

Les Clans nobles les plus importants localement sont le Bleu Marin (d'antiques familles royales plus vieilles que l'Empire), le Rameau doré et le Diadème de Jade (liés au culte de la Déesse Dlamélish). 

Voir aussi Empire of Petal Throne p. 102 pour quelques PNJ, dont notamment Dame Mnélla hiVíriddu (Clan du Bleu Marin, adoratrice de Chegárra), une noble influente liée à la Faction militariste et à la Légion de la Main de rubis, qui devint la mécène de plusieurs des personnages-joueurs dans sa campagne.

Les Pouvoirs magiques
Il y a de nombreux sorciers à Jakáll, notamment formés au Collège Sacerdotal de Rerektánu (n°50). Un Sorciers célèbre qui vit hors les murs depuis des siècles est Ruvádis le Porteur d'Yeux, qui peut parfois engager des aventuriers pour certaines missions.

Les forces militaires
Les Casernes de Jakálla mentionnent plusieurs Légions mais au moment de la Guerre contre le Yán Kór, la plupart seront envoyées loin vers la Frontière du Nord-Ouest de l'Empire, du côté de Khirgár ou de Chéne Ho.

Il y avait donc :
(1) La Légion de Sérqu, l'épée de l'Empire (14e Infanterie Lourde) : dirigée par Sérqu hiChaishyáni, qui dirige maintenant l'armée impériale orientale à Khirgár. Adore Karakán
(2) La Légion Communale de Gúsha le Khirgári (7e Infanterie Moyenne) : dirigée par le porte-parole Gúsha hiVordésa (Clan Eclat du Soleil d'or de Khirgár, adore Karakán, Parti Militariste). Une tradition relativement "égalitariste". 
(3) La Légion de Giríktéshmu (23e Archers). Dirigée par le Seigneur Giríktéshmu hiChurén, qui reprend le nom légendaire du fondateur de cette Légion. 
(4) Légion of Megáno the Jakállien (12e artillerie) : dirigée par Krshúmu de la Pierre Blanche, adorateur de Dlamélish.
(5) Bataillons de Vrishtára la Taupe (2e Sapeurs impériaux) : dirigée par Vrishtára hiAuvésu (Clan de l'Eau Noire, Sárku), un allié du Prince Dhich'une. 
(6) Les Escadrons de Tlanéno le Timonier (3e corps de Marine) : dirigés par Tlanéno hiVorodláyu (Clan de l'éclat du soleil d'or, Karakán), chargé de surveiller toute la rivière Mssúma de Jakálla jusqu'à Avanthár, membre du Parti militariste.
(7) La Légion de Héketh de Púrdimal (17e Infanterie lourde) : dirigée par Héketh hiBurusá (Clan de la Capuche Noire, Ksárul). La Légion protège actuellement Béy Sǘ. 

Les Sous-terrains de Jakálla

Comme je ne veux pas "gâcher", je ne vais mettre que dix Rumeurs en proposant V, F ou V/F. Pour plus d'informations, voir Empire of the Petal Throne 2810 (p. 99-100) et Tékumel Sourcebook 1.424.

(1) Jakálla aurait l'un des réseaux de sous-terrains les plus étendus du monde sur des kilomètres, notamments sous la Nécropole et sous les égouts. Seule la sordide Púrdimal et la Cité de Sárku pourraient rivaliser. Plus on descend, plus on remonte le temps vers les Royaumes anciens pré-impériaux. Certains membres de la Police de la Nécropole seraient corrompus et laisseraient faire les pilleurs en échange d'une part du Butin. V

(2) Les puissances principales sous la Cité sont plutôt liées au Panthéon du Changement, notamment Dlamélish et Hr'üü. On y pratique des rituels interdits à la Surface, dont des orgies et adoration de Démons comme "Celui aux Bouches" ou "Celui au Rire éternel" qui aime torturer par les plaisanteries et faire mourir de rire. La Rivière du Silence auraient des flottilles de Morts-vivants. V

(3) Mais le Panthéon de la Stabilité y a aussi bien sûr des bases, comme une des anciennes Archives de Thúmis, le Dieu de la Connaissance, pour y mener la guerre secrète contre le Changement.  V

(3) On y trouve plusieurs Portails vers différents lieux et temps de Tékumel mais aussi vers divers Enfers, Paradis et Plans démoniaques. ?

(4) L'un des plus légendaire est l'étrange Jardin des Neiges Gémissantes où serait emprisonné un ancien Sage hors du Temps, châtié par les Dieux de la Stabilité pour avoir découvert un Secret indicible. Il est très amical. V/F

(5) En fait, la Légion Omnipotente d'Azur et le Temple de (?) ont la Carte complète du réseau mais prétendent l'ignorer. F

(6) La Douce Chanteuse du Destin a une musique enchanteresse qui peut consoler de tous les affres de cette descente dans les Enfers. F

(7) La Mort elle-même réside dans ces profondeurs car il/elle aurait un(e) amant(e) appartenant à l'entourage de Notre Dame des Péchés. Il/elle est étrangement amical(e). ?

(8) La Couche Abyssale de Dame Dlamélish est le Paradis ultime de l'Orgasme Infini. F

(9) Les Démons liés au Changement ont heureusement chassé toute intrusion des Ennemis de l'Humanité ou des Dieux Interdits. F

(10) Les sous-terrains contiennent encore des richesses sans nombre et des secrets, dont l'Immortalité, la Modification du Passé et le Retour de l'Être aimé. V/F

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Et oui, ca fait rever Tekumel. Merci pour cette excellente introduction a cette ville fabuleuse.

Pour une note plus personnelle, je tiens a noter que ce que j'aime le plus avec vos billets sur ce monde genial ce sont bien vos traductions (justes) des noms et des termes propres au monde, et qui n'existent finalement qu'en anglais. Meme si je suis completement bilingue, apres des annees de vie "en anglophonie", ces traductions ajoutent a l'effet de depaysement et de merveilleux que la lecture des textes en anglais me procure. Le francais, a mes oreilles de francophone natif, est juste plus evocateur, du monde en general bien sur (de son cote Mille et Une Nuits dejante), mais surtout de la poesie (et de l'humour) qui le sous-tend.

- Alex

Phersv a dit…

Merci beaucoup, oui, le style fleuri de Barker est une part importante de l'atmosphère de ce fabuleux univers. Il adore un vocabulaire désuet et archaïque, avec des racines latines, qui me semble souvent sonner encore plus hermétique en anglais. La liste des pouvoirs des Démons, notamment, est bien plus simple pour un Francophone que pour les Anglophones.

J'envie beaucoup ceux qui ont pu vraiment faire des campagnes avec ce jeu car je n'ai fait que des courtes aventures et je manque encore de confiance en moi pour lancer vraiment mon propre Tékumel original.

Anonyme a dit…

Vous vous mettez trop la pression, en effet. Mais personne ne se lance dans l'escalade par une ascension de l'Everest.

Ces dernieres annees, j'ai pu mener cinq aventures tekumelaniennes, avec divers groupes, et en utilisant Bethorm comme systeme (qui rapide et tres efficace). Mes joueurs.euses ont toujours bien aime (et l'univers, et le systeme). Apres une session, un groupe m'a demande de monter une campagne. Trois mois de reflection et de preparation passent, et je suis sur le point de lancer la campagne. Mais la vie etait passee par la et les gens s'etaient disperses.

Cette pression qu'on se donne ... comment en pourrait-il etre autrement lorsque le monde est invariablement decrit comme "dense", "complexe", "riche", "detaille", avec "des langues qu'on peut apprendre", une histoire s'etalant sur des dizaines de milliers d'annees, etc.? L'Everest, en quelques mots et adjectifs mal choisis. C'est du tres mauvais "marketing" qui non seulement fait fuir les gens, mais place la barre de "maitrise du monde" si haut que meme les fans prennent peur et se disent qu'ils ne peuvent pas le faire.

Non. Il faut se lancer. Se replonger dans les histoires abracadabrantes des Mille et Une Nuit, de Sinbad, de John Carter, et de Flash Gordon. Et puis commencer petit, avec une ligne directrice et des restrictions auto-imposees -- pour moi, c'etait de commencer dans une grande demeure de campagne, a quelques jours de l'arrivee d'un groupe d'individus haut-places pour une chasse en foret. Mes PJs appartenaient tous au meme clan, et etaient presque tous tres jeunes, a la veille de leur "ceremonie des noms" en fait -- ou les adolescents revelent leurs "noms officiels" aux autres membres du clan. Et puis commencer par un simple donjon, et avancer en ouvrant le monde un peu plus a chaque nouvelle partie, avec un PNJ-clef en plus a la troisieme session par exemple, une information politique en plus la suivante, etc.

Fastoche quoi.

- Alex