Le livre de William Blanc sur les adaptations de la Matière de Bretagne s'arrête en 2018 (et cite déjà par exemple le nouveau jeu de rôle français Knight où on joue des chevaliers en armure magique dans un futur pas si lointain) mais le même chercheur avait aussi rédigé un article de synthèse dans JDR Magazine n°45 (mars 2019 "Le roi Arthur - le mythe aux mille visages"). Je ne voudrais parler ici que de quelques adaptations arthuriennes au monde contemporain sans donc parler des jeux classiques dans le passé (Pendragon, Keltia) ou dans le futur (The Once & Future King, Wasteland, Knight). Je ne parlerai pas non plus ici des jeux de superhéros, qui mériteraient un traitement à part (Champions avait eu son supplément Kingdom of Champîons, 1990, qui donnait une large place à des héros arthuriens réincarnés au XXe siècle dont un groupe qui s'appelait The New Round Table). Les trois jeux de rôle sur l'occulte contemporain, Nephilim, Trinités et Les Héritiers ont tous un élément arthurien assez important.
Nephilim
En 1993, à la sortie de Nephilim (jeu de rôle français où on joue des esprits immortels élémentaires qui se réincarnent depuis des milliers d'années), Stéphane Adamiak avait sorti la première campagne Le souffle du Dragon où on apprenait l'intégration du mythe arthurien dans la mythologie de ce jeu.
Un Nephilim, créature faite de magie, peut dégénérer sous une forme bestiale pure, le Khaiba et l'Arcane VIII La Force lutte contre ces Nephilim monstrueux, dont une des formes les plus puissantes s'appelle le Dragon. Morgane appartient à un ordre de femmes (comme Dahud, Melusine et Viviane) qui tentent de canaliser ces forces du "Dragon" et Uther Pendragon était leur instrument. Merlin est un Nephilim de l'Arcane de la Force qui manipula Arthur pour le soulever contre cet Ordre. Galahad fut aussi en réalité un plan des Nephilim pour trouver le Graal (qui a, lui aussi, une explication qui n'a plus rien de chrétien). Mais Mordred, le fils de Morgane, fut ensuite retourné par la société du Bâton (les Templiers) et tout cela finit par une victoire des Templiers contre les croyances païennes celtiques, au Mont Saint-Michel. La campagne contemporaine traverse la Bretagne et voit plusieurs manoeuvres liées à cet Ordre du Dragon et d'autres sociétés, dont le retour de la cité d'Ys et le réenchantement de la Bretagne.
En 1996, Stéphane Adamiak rajouta une campagne de flashback (pardon, d'Effet Mnemos), les Arthuriades, où les Nephilim contemporain pouvaient aussi jouer leurs incarnations passées pendant le cycle de Merlin. J'imagine que cela doit être une expérience assez géniale d'alterner ces flashbacks au VIe siècle avec la campagne en Bretagne contemporaine.
Curieusement, quand Nephilim fut traduit en anglais, la version de Chaosium revue par Greg Stafford retira presque toute allusion arthurienne. Stafford jugeait-il qu'il fallait le réserver à Pendragon ? Ou que c'était déjà trop utilisé ? En tout cas, le jeu américain propose à la place une incarnation à l'époque de Charlemagne où les Douze Paladins étaient des humains chasseurs de Nephilim armés d'épées d'orichalque (comme Durandal) et où c'est Ganelon qui fut un agent infiltré des Nephilim et où Ogier de Danemark fut séduit par une Nephilim elfe. Le Nephilim contemporain peut commencer sa vie actuelle avec le traumatisme d'avoir été tué au VIIIe siècle par Roland.
Cette version US a donc préféré la Matière de France à la place de la geste de Camelot (alors que Chaosium voulait que leur version soit MOINS francocentrique...).
Trinités
Chez les XII Singes, Trinités (2006) est (pour simplifier) un autre jeu de rôle occulte contemporain créé pendant une éclipse du jeu Nephilim et par des anciens fans comme Franck Plasse et Claude Guéant. On ne joue plus des esprits "élémentaires" ou féériques mais dans un cadre plus "manichéen" ou plutôt plus "gnostique" où chaque Héros (qui, lui aussi, se réincarne depuis des siècles) a une sorte de lame magique et deux esprits liés, un Deva de Lumière et un Archonte de Ténèbres et chacune de ses actions peut renforcer un des deux camps (en sachant que dans ses incarnations passées, il a pu succomber à chaque fois de l'un des deux côtés). Dans Nephilim, on joue deux parties, le corps humain ou son parasite immortel qui le possède alors que dans Trinités, il y a 3 parties, l'Adam, le Deva et l'Archonte.
Dès le livre de base, on propose que les Trinités de chaque joueur sont tous des réincarnations de divers Chevaliers de la Table ronde à la fin du XXe siècle (dont surtout "Lancelot") et on apprenait que le roi Arthur était un Trinité qui avait mal tourné et il sera même (en tout cas au moins pour un temps) un adversaire de ses anciens Chevaliers bien que purement tourné vers la Lumière (ce qui peut illustrer que Lumière n'est pas toujours une condition suffisante pour être "bon"). La "vérité" révélée est donc plus ironique que dans la version de Nephilim. Il y eut une suite dans plusieurs volumes, le livre III Les Décans + livre V Le Serpent, et finalement livre VIII Arthur (2012). Les scénarios se passent plus en Angleterre et pas en Petite-Bretagne.
Je ne voudrais pas trop divulgâcher les secrets d'un jeu à secrets d'il y a moins de 20 ans et je vais donc passer en Rot13 : vy l n nh zbvaf qrhk snpgvbaf : yr Qentba (Yhzvèer) rg yr Frecrag (Géaèoerf). Zreyva, dhv vapnear yr Qentba (nybef dhr qnaf Arcuvyvz vy f'bccbfnvg nh phygr qh "Qentba"), yhggr pbager Zbetnar yr Frecrag. Vy n ibhyh pbafgvghre ha beqer qr purinyvref nezéf qr ynzrf zntvdhrf cbhe dh'vyf fr pbhcrag qr yrhe Nepubagr qrf Géaèoerf. Zbeqerq f'nièer êger y'Nepubagr qvffbpvé q'Neguhe rg yn pnzcntar bssvpvryyr qr yn cerzvèer éqvgvba qr Gevavgéf n qbap gbheaé nhgbhe qr prf abhirnhk purinyvref qr yn Gnoyr ebaqr rg ba l ergebhir yn zêzr fgengétvr qr purepure har rkcyvpngvba bpphygr ra nwbhgnag qrf fbpvégéf frpeègrf rg cyhfvrhef yvrhk pbzzhaf (pbzzr prggr îyr qh Zbag Fnvag-Zvpury znvf qh pôgé natynvf).
Un élément que j'ai beaucoup aimé est le Bréviaire I Les chevaliers sans tête (supplément gratuit au premier scénario). Les personnages doivent se documenter et au lieu de juste dire "ils font un jet de recherche en bibliothèque", le scénario détaille des références imaginaires mais assez vraisemblables dans plusieurs livres réels (dont une fille de Merlin qu'ils doivent retrouver dans un vieux lai breton). Chaque indice conduit à continuer dans un livre suivant.
Les Héritiers
Les Héritiers, édité par Les Sombres Projets (qui font aussi le post-apocalyptique sur la Terre Gaste, Wasteland) est un jeu de rôle qu'on pourrait considérer comme une fusion entre Changeling (jouer des fées dissimulées dans le monde contemporain) et Maléfices (jouer dans l'occultisme de la Belle Epoque dans l'Europe de 1900-1914). Fondé par une équipe de la regrettée Isabelle Perrier, cela peut évoquer aussi le cycle Paris des Merveilles de Pierre Pevel (si ce n'est que les Dragons y sont peut-être plus importants dans ces romans).
Les fées, gnomes, elfes, vampires vivent parmi nous, plus ou moins bien cachés (ils doivent tout faire pour dissimuler leur existence, on n'est pas dans une uchronie explicite à la Castle Falkenstein). Leur société parallèle est plus traditionaliste que celle de l'Europe depuis les Lumières et est encore dominée par l'aristocratie et des croyances païennes celtiques en conflit avec la christianisation de l'Europe ou l'essor du positivisme. Quoi qu'il arrive, on va vers la fin d'un monde pour 1914.
Comme dans les deux jeux précédents, on retrouve Merlin et Morgane. Allez, je repasse en Rot13. Zreyva rfg ha Qehvqr vzzbegry rg Zbetnar qvevtr ha Pyna qr sbeprf cyhf bofpherf. Vy l n rapber q'nhgerf sbeprf pbzzr Tjlqvba yr Znepurhe rg q'nhgerf. Neguhe ninvg gragé qr snver eétare ha édhvyvoer rager yn Sbv abhiryyr qrf Uhznvaf rg yrf sérf cnïraarf ninag qr qéevire iref cyhf q'vagbyéenapr pueégvraar. Zbeqerq, nh pbagenver, égnvg ha ntrag qr sérf cyhf genqvgvbanyvfgrf. Qnaf y'npghnyvgé cyhf eépragr, har ervar sér n gragé ha pbhc q'Rgng cbhe erfgnhere ha abhirnh Pnzrybg pbager yrf snzvyyrf napvraarf qr yn Zbanepuvr q'Ninyba.
L'univers des Héritiers vient à peine de commencer à paraître et ces références vont nécessairement aller en se complexifiant dans les suppléments.