C'est une alliance objective entre le conservatisme occidental et le capitalisme dictatorial chinois. Une partie de la droite peut le vilipender mais ils cachent mal qu'ils admirent ce mélange d'enrichissement extrême et d'ordre strict. Le fond du conservatisme est l'idée que l'inégalité est naturelle, normale, inévitable, voire souhaitable, juste et conforme à un Ordre cosmique transcendant. A chaque critique du Dragon oriental, on peut lire en miroir une sorte d'envie mimétique : si seulement nous pouvions avoir aussi ici une stabilité militaire alliée à une oppression digne de notre propre Révolution industrielle. Eux au moins n'ont pas à faire des compromis avec des syndicats qui veulent protéger des acquis sociaux. Le Péril n'est plus un opposant externe au système capitaliste, comme pendant les 70 ans de dictatures communistes, mais tout un autre pôle négatif, interne à cet ordre des marchés, les griffes de la Bête sous la Main Invisible.
C'est là qu'apparaît la figure du Docteur Fu Manchu, du Mandarin, du Professeur chinois qui servirait à prendre une perspective du Dehors pour mieux cimenter les clichés du Dedans, une sorte de Protocoles des Mandarins de Zhongguo. On rend plus convaincante une dénonciation en l'objectivant comme si elle interceptait le propos cynique de l'Ennemi lointain.
On connaît en français la fausse vidéo du "Professeur Kuing Yamang" ou "Mehlang Chang" où les sous-titres ont été remplacés par des propos sarkozystes de base contre les "parasites du service public" (dans la v.o. en réalité le professeur Wu Jianmin parle de banalités sur les défis "globaux").
Les Républicains américains (derrière une association bidon de plus "Citizens Against Government Waste" - ce qui est toujours très hypocrite quand on sait que ce sont eux qui ont augmenté le plus le déficit) ont utilisé un procédé analogue du Péril Jaune mais avec beaucoup plus de moyens en tournant une vraie vidéo où les Chinois de 2030 expliquent qu'ils ont pu supplanter les USA grâce au Plan de santé d'Obama ("Changez le futur, votez pour une hausse du déficit mais à condition qu'elle profite encore plus aux plus riches"). C'est d'un racisme direct mais il faut reconnaître que c'est bien fait (notamment le grand éclat de rire à la fin, très bonne manipulation des sentiments d'humiliation). On peut faire des propagandes très efficaces avec l'argent des nantis.
Le groupe taiwanais NMA (Next Media Animation) répond avec une parodie de la propagande qui joue sur cet imaginaire sinophobe.
[Si on retire ce Tiers chinois comme figure du ressentiment, le thème de la vidéo préventive venue du Futur dystopique à la Days of Future Past (ou Terminator) est à la mode depuis pas mal de temps. Du côté démocrate, l'association d'activistes MoveOn.org a aussi fait une vidéo où l'actrice Olivia Wilde (la Docteur "13" dans Doctor House) avertit que la Présidente Sarah Palin avait détruit la planète en déclarant la Guerre contre tout le monde. Ici, la vidéo marche mieux sur le réseau Facebook puisque la vidéo prend le visage de "l'Ami" auquel vous l'envoyez pour rappeler qu'il aurait dû aller voter. Ils avaient déjà utilisé le même genre de gag en 2008 et 2006 si je me souviens bien.]
A moins que Mme Penchard ne soit en réalité un agent secret de la Martinique qui faisait semblant de ne vouloir accaparer l'argent pour la Guadeloupe que pour mieux la discréditer ? Quel plan fourbe !
2 commentaires:
Quand je pense que cette Chine qui nous est servie à toutes occasions comme menace ou modèle (ou les deux) est sortie de son moyen-âge post-maoïste avec les capitaux du Monde Libre (tm)...
Il y a belle lurette que nos réacs occidentaux sont les alliés objectifs des sino-dictateurs : au moins depuis les années 80, quand Deng a "ouvert" les ZES aux entreprises étrangères pour profiter de la docilité de la main d'œuvre locale.
Oui, mais à l'époque on prétendait parfois que ce serait une étape pour la libéralisation politique du régime. On ne fait même plus vraiment semblant de croire que ce soit inévitable à présent dans le moyen terme (sauf dans le discours technophile sur l'ouverture numérique).
Le Premier ministre Wen Jiabao a parlé en août 2010 à Shenzhen du besoin de réforme politique pour accompagner l'ouverture économique. Ce fut aussitôt censuré à l'intérieur mais cela a ouvert un débat dans le Parti sur cette censure elle-même.
D'après les estimations, il n'y a aucune chance que Wen soit très sérieux dans sa rhétorique réformiste. Il va partir dans 2 ans et il se dit qu'il veut laisser un peu de réputation de réformiste de l'intérieur. Mais il n'est pas prêt à aller plus loin. Il ne veut pas finir comme l'un de ses mentors, l'ancien Premier ministre Zhao Zyiang, qui passa ses dernières années après 1989 enfermé après avoir voulu réclamer un peu plus de réformes politiques. Le rapport de force semble rester en faveur d'une forte majorité du Parti unique.
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