Mummy n'a jamais été un grand succès dans ces gammes, sans doute en partie parce qu'elle détonne, elle n'entre pas bien dans les catégories de l'Horreur personnelle et du "Monstre Intérieur" de Vampire, Werewolf, Risen, ou Wraith. C'est bien plus clairement un jeu de rôle de superhéros puisque l'Immortalité y a moins de pathos et est plus liée à un combat plus "manichéen" contre Set et Apophis. Cela me paraissait plus jouable et plus simple que Wraith, où le fait de jouer aussi ses angoisses et refoulements me semblait assez difficile.
Les Parties du Soi et l'Immortalité
La 3e édition partait de l'idée qu'on joue un être double : un humain contemporain qui partage son identité avec des portions de l'âme d'un mage ou d'un guerrier d'Horus et d'Isis de l'Antiquité. On n'est donc pas exactement un Egyptien immortel invincible comme dans les deux premières éditions mais pas non plus un Nephilim parasitant un corps, on est plutôt une symbiose entre deux êtres : la partie égyptienne antique est venue compléter et ressusciter la partie contemporaine et cela crée une fusion entre les deux parties distinctes de sa personnalité. Un avantage à cette dualité est qu'on peut choisir de jouer un Egyptien de l'Antiquité tout en donnant des explications sur le fait qu'on ignore ce qu'il devait savoir ou qu'on ne partage pas toutes ses valeurs si on le désire.
Tout le jeu repose sur 5 parties de l'âme (en plus du Nom et du Corps) : le Ka (l'âme qui cherche à préserver le Corps), le Ba (qui préserve l'identité psychologique), le Sah(u) (l'esprit comme conscience morale), le Khu (selon le jeu, la créativité) et Khaibit (l'Ombre des pulsions). Chaque partie humaine a dû manquer d'une de ses parties pour être complétée par celle de la Momie. On peut aussi jouer des "incomplets".
Un trait particulier des Momies du jeu est qu'elles ne peuvent (pour la plupart, sauf les Incomplets) régénérer toute leur énergie (leur "Equilibre") que si elles sont dans le Croissant Fertile, ce qui a dû nuire au jeu : on ne peut jouer en campagne qu'en demeurant dans le cadre du Moyen-Orient entre l'Egypte et l'Irak à peu près (même s'il existe des extensions pour jouer des momies de sociétés précolombiennes ou chinoises).
Alexandria (al-ʾIskandarīyah) By Night
J'avais pris en 2003 des notes pour préparer une campagne à Alexandrie (Voir Mummy p. 162-163) mais hélas, la plus grande partie des notes conduit maintenant à des pages qui n'ont pas été archivées (ce qui est une jolie mise en abyme de la sublime perte d'informations à travers les sédimentations des sables d'Egypte et la destruction de la Bibliothèque).
Un des thèmes de la campagne d'Alexandrie est que Hypatia, la mathématicienne rendue célèbre par Promethea et Agora, est une Fantôme qui règne sur un autre Plan sur la Bibliothèque de l'Hadès (ou le Musée des Cendres).
Dans le Monde des Ténèbres, les objets qui sont très désirés, convoités, adorés, valorisés peuvent aussi laisser une empreinte psychique et donc une sorte d'Ombre ou de Fantôme. C'est assez rare car le Plan des Ombres est fait d'esprits quasiment uniquement, sans aucun objet en dehors d'une poignée de reliques légendaires. Mais la Bibliothèque d'Alexandrie est l'un de ces rares "objets" fantasmatiques qui subsiste sur un autre plan après sa crémation dans le monde matériel.
Hypatia était fille du géomètre Théon, dernier dirigeant du Mouseion d'Alexandrie dans les dernières années de l'Empire romain. Elle était païenne, néo-platonicienne, mathématicienne et astronome. On dit qu'elle était mariée au philosophe Isidore mais aussi qu'elle était vierge. Les Chrétiens d'Alexandrie lui reprochaient surtout d'avoir trop d'influence sur le Préfet Oreste (et de l'avoir ensorcelé). Pendant Carême de l'An 415 de notre ère, une foule de Chrétiens menés par le nouvel évêque Saint Cyrille (XXIVe Patriarche) vinrent chercher Hypatia, après une émeute contre les Juifs de la ville. Ils l'accusèrent d'idolâtrie et de sorcellerie. Elle fut lacérée et déchiquetée avec des tessons (ou selon certains, avec des coquillages) dans l'Eglise du Caesarium et ensuite brûlée.
C'est alors que commence une nouvelle période dans l'existence d'Hypatia [Ce qui suit est librement inspiré du supplément Wraith: Hierarchy, p. 22, p. 99].
Hypatia reprit conscience, encore pleine de plaies et de haine, dans une zone morne des Ombres, qu'elle appela "la Prairie des Asphodèles" (Asphodelos Leimôn) en reprenant le nom que lui donnait Homère. Elle reconnut là la triste pénombre qui n'est ni le Tartare ni les Champs Elyséens, mais la grise langueur de l'Hadès.
Elle descendit la Tempête des Âmes avec les Faucheurs et les Psychopompes, vers la Cité Stygienne. Charon en personne, le Psychopompe et le Caesar de cette cité infernale, l'accueillit.
La culture d'En-Bas reflète celle d'En-haut. Charon fut un despote oriental, un Premier consul puis un Empereur. Par la suite, il divisa même son autorité entre ses vassaux quand les mortels développaient la féodalité. La modernité n'arrive que lentement dans les Ombres.
Comme Hypatia d'Alexandrie était morte de manière particulièrement violente, elle aurait dû rejoindre la Légion Terrible, les cohortes du Sénateur Souriant sur son Trône des Eaux Brûlantes. Mais c'était la prérogative de la Dame du destin ou de l'Imperator Charon de choisir certaines Âmes en Peine et de les retirer du sort commun des trépassés.
Tous les morts n'arrivent pas jusqu'à la Cité stygienne. Certains se perdent pour toujours. D'autres, si on croit des Hérésiarques, atteignent d'autres domaines ou la Transcendance. Charon n'avait pas d'Aristote ou d'Appolonios de Rhodes dans son Sombre Royaume pour la relique ptolémaïque.
Il avait donc une mission à confier à Hypatia : la Bibliothèque stygienne, registre des ouvrages disparus et des fantômes écrits. Hypatia accepta avec plaisir et s'enferma dans l'énorme Bibliothèque et elle est devenue la gardienne des plus grands secrets détruits par les vivants.
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