samedi 1 février 2025

La politique dans Blue Rose


Blue Rose
a l'originalité d'avoir un cadre "utopique" alors que presque tous les jeux de rôle conseillent toujours des cadres de jeu "brisés" (où il faut tenter de résister à des institutions tyranniques, d'arrêter la destruction ou revenir vers un état antérieur). Les critiques se plaignaient aussi que le jeu représentait un fantasme de joueurs "progressistes" projetant leurs idéaux sur le monde fictif mais je ne trouve pas que ce soit une objection si forte car un cadre de jeu rompant avec notre vision du passé historique n'est pas si contraire à la suspension de l'incrédulité que l'existence des dieux ou de la magie. C'est même assez rafraichissant à une époque où les utopies ont déçu, nous ennuient et paraissent peu crédibles que d'oser encore faire un monde utopique. Je reconnais qu'il y a des aspects qui peuvent paraître parfois presque "anachroniques" dans la projection des préoccupations contemporaines de Liberals américains : le Royaume d'Aldis a le pluralisme religieux, une sécurité sociale, un droit d'asile pour les réfugiés persécutés, une reconnaissance de droits LGBT, les relations polyamoureuses (baptisées "mariage en étoiles") sont courantes et semblent fonctionner, etc. 

Mon reproche principal (en dehors du rôle relativement moins important de la mythologie) était la petitesse du monde. 5 pays au total (en comptant Aldis), cela fait trop peu. Dans un jeu où on joue des agents d'un Royaume utopique, il faudrait plus de rivaux et ennemis. 

Rappelons les éléments principaux. 


 

I Aldis 

Aldis avait été occupé jadis par un Etat de Rois-Sorciers qu'on appelle depuis l'Empire des Epines. Les Nocturnes (Night People, équivalents des "orcs") étaient les troupes de cet Empire mais certains rejoignirent au contraire la résistance, luttèrent héroïquement contre les Epines et devinrent les ancêtres des Nocturnes qui sont plus tolérés dans l'Aldis. Il y a aussi des elfes (les Vatas) et des hommes amphibiens (le Peuple de la mer).

Mais l'espèce emblématique est les Rhydans. Les Rhydans sont une minorité de bêtes qui sont non-anthropomorphes (belettes, blaireaux, chats, chevaux, faucons, hiboux, licornes, ours, renards, sangliers...) mais qui acquièrent une intelligence supérieure et des pouvoirs mentaux (qui les relient souvent avec un ou une partenaire humain dans le "Rhy-Lien"). Les Rhydans ont l'air si empathiques qu'ils seraient bien moins corruptibles que les Humains. Ce seraient eux qui ont créé une partie de l'utopie d'Aldis avec le Sceptre de la Rose Bleue et le Cerf d'Or, les deux épreuves de pureté morale que doit passer le nouveau Souverain dans la Monarchie "méritocratique" non-héréditaire (et les critiques grincheux du jeu espéraient subvertir l'idée en se demandant si le secret du monde était qu'Aldis était une dictature invisible de la minorité des Rhydans sur les humains mais ce n'est clairement pas l'esprit).

Dans le "présent" du jeu, cela fait 300 ans que le Royaume de la Rose bleue existe et la souveraine choisie par le Cerf d'Or est la jeune Reine Jaellin, 14e monarque d'Aldis (il n'y eut que le 6e Roi qui fut déchu par le Cerf d'or après son couronnement et après avoir été corrompu par un démon). La Noblesse est censée être méritocratique et non-héréditaire aussi. Les Chevaliers de la Rose Bleue ont souvent des "Rhy-Liens" avec leurs chevaux (comme les "Hérauts de Valdemar" avec leurs "Compagnons" dans les romans de Mercedes Lackey, qui est clairement l'inspiration principale de Blue Rose). 


II Les peuples voisins

En dehors d'Aldis, il y a n'y a que 4 autres Etats : à l'ouest, Rezea (steppes aux herbes géantes avec des nomades liés à leurs chevaux), au nord-est, Kern (royaume maléfique contrôlé par une Liche et depuis la 2e édition par sept lieutenants de la Liche en conflit entre eux), au sud-est, Jarzon (théocratie contrôlée par une inquisition intolérante - si Aldis est Valdemar, Jarzon serait donc proche de Karse et Rezea serait les Plaines de Dhorisha). On y ajoute loin au sud l'archipel de Lartya (société matriarcale - et même légèrement misandre ? - fondée sur des castes rigides). 

Aldis se méfie de Jarzon, est en guerre éternelle contre Kern mais a des rapports commerciaux légèrement meilleurs avec les nomades de Rezea (pour leur acheter des chevaux) et avec la matriarchie maritime de Lartya.

Ce qui nuit à la politique dans ce cadre est que la théocratie Jarzon déteste les païens d'Aldis ou de Rezea mais tout autant les sorciers de Kern et qu'il ne peut pas y avoir beaucoup de suspense sur un risque d'alliance entre les ennemis d'Aldis. 

Certes, la 2e édition a ajouté quelques entités : un méchant sorcier de plus au sud de Jarzon (les Déserts des Ombres) et la forêt de Wyss. Mais ils n'auront pas d'influence majeure.

Il faudrait donc ajouter des pays un peu plus "neutres" qui pourraient basculer entre Aldis et Jarzon, ce qui justifierait que des agents de la Rose bleue puissent intervenir. Lackey a plusieurs Etats voisins de Valdemar qui jouent ce rôle comme Hardorn ou Rethvellan (qui eux aussi avait un objet magique pour sélectionner son monarque, l'Epée qui Chante). On pourrait avoir un Etat tampon plus "ambigu" entre Aldis et Jarzon, par exemple plus "éclairé" que Jarzon mais quand même influencé par la culture jarzonienne sur certains points.

En plus de ce manque au niveau international, il n'y a pas assez de factions internes en Aldis (mais j'imagine qu'il faudrait d'abord que je lise le supplément sur la capitale pour en savoir plus). 

Le Cerf d'Or implique que la Souveraine est presque toujours juste et lucide (même si elle peut quand même ne pas faire l'unanimité dans la Noblesse ou dans le peuple). Les tendances "oligarchiques" de la Noblesse (qui devraient souhaiter créer des dynasties familiales) semblent globalement demeurer assez faibles. Je ne sais pas s'il existe un Parti plus nettement pacifique (il faut se concentrer sur le commerce avec le sud et l'ouest, avec Rezea et Lartya) et un Parti plus militaire (on doit maintenir l'offensive contre les nécromanciens du Kern - une partie de la population d'Aldis est composée d'exilés qui ont dû fuir le Kern). 

Une des rares tensions possibles serait aussi l'existence d'un peuple de nomades qui traverse Aldis, les Errants ou Aspaenari ("Roamers", qui auraient aussi des liens avec les mystérieux Vatas elfiques). Ils sont plutôt bien accueillis en Aldis mais les Jarzoni croient à tort que les Errants sont liés aux Ténèbres et il y a des organisations mystérieuses qui font tout pour discréditer les Errants. Une campagne de 2020, Envoys to the Mount, porte justement sur l'histoire des Errants et leurs liens avec les mystérieux sorciers du Désert des Ombres.

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