L'année 1969 s'était terminée par une rupture sur un quiproquo : Peter pensait que Gwen l'avait trahi pour Flash Thompson. L'année 1970 revient aux tensions habituelles sur l'Identité secrète et se termine par la mort du Capitaine Stacy.
Flash vient voir Peter pour lui expliquer ce qui s'était vraiment passé et que Gwendy n'avait voulu le rencontrer que pour résoudre ses difficultés avec Peter (et Peter, qui a l'air d'avoir des problèmes de contrôle de soi dès que Flash l'appelle "Puny Parker", manque de le tabasser avant qu'il n'ait pu parler).
Pour une fois, la communication l'emporte et Peter rappelle Gwen. Elle a des doutes mais il présente ses excuses.
Ils se réconcilient à une exposition.
Peut-être que cette rencontre à l'expo explique cette petite case isolée de flash-back une vingtaine d'années après la mort de Gwen, dans Spider-Man n°19 (février 1992) où Peter Parker se souvient que cette intello de "Gwen Stacey" (sic) avait tenté (en vain) de l'ouvrir à l'art du XXe siècle. Il est sous-entendu que MJ n'a pas ces ambitions.
John Romita, qui utilisait une mise en page aérée d'à peu près 6 cases par page depuis quelques numéros (notamment dans les scènes d'action) revient ici dans les scènes d'exposition vers des "grilles" plus denses (presque aussi serrées que chez Ditko) de 7 ou 8 cases et avec moins de gros plans. Les dialogues et monologues ont augmenté et même Stan Lee doit veiller à appliquer une sorte de règle de Weisinger (jamais plus de 20-25 mots par phylactère).
Après l'intrigue sur la jalousie, Stan Lee tente de varier le mélo. L'Angst va se reporter sur les difficultés sociales et financières. Pour une fois, les problèmes d'argent ne préoccupent pas Peter seulement pour soigner sa Tante May mais à cause de sa relation avec la jeune fille si posh (ici dessinée dans ce que Romita appelle une sorte d'accoutrement d'Amérindienne à la "Pocahontas").
MJ continue de flirter alors qu'elle sort avec ce pauvre Harry.
Dans un rare effort de communication, Peter lui avoue qu'il perçoit toujours sa classe sociale comme un obstacle. Elle le rassure : "I don't care how much money you have. You're the best thing that ever happened to me."
Cela ne l'empêche pas de jouer avec la jalousie de Peter à nouveau avec un baiser d'adieu à Flash.
Mais après un accident de la route où Gwen est hospitalisée, Peter part en tant que Spider-Man punir les responsables (des gangsters du Schemer) et quand il revient, Gwen lui reproche de ne pas être restée auprès d'elle.
C'est moi ou sur cette case du n°83 (dessinée par Romita, encrée par Mike Esposito), Gwen aux yeux fermées a un côté un peu "kirbyesque" ?
Comme le Capitaine Stacy a deviné qu'il y a une connexion entre Peter et Spider-Man, celui-ci invente une excuse qui ne peut que nuire à l'image du héros. Il fait croire aux Stacys que Spider-Man fait pression sur Peter pour qu'il lui rende une plus grande part de l'argent qu'il reçoit pour ses photos et que Peter a désormais des dettes à rembourser envers le vigilante masqué.
Pas étonnant après cette mascarade que Gwen commence à détester Spider-Man même si cela a l'avantage de rendre plus plausibles les absences fréquentes de Peter lorsqu'une crise éclate. Peter est souvent l'artisan de ses propres problèmes.
Et quand Peter revient avec des contusions, Gwen soupçonne que c'est Spider-Man qui a dû le maltraiter.
Lee & Romita doivent se dire qu'ils sont allés trop loin car ils vont en partie revenir sur cette intrigue dans l'un des meilleurs épisodes de cette période, le n°87 (daté d'août 1970) et c'est la 3e fois que Gwen est en couverture (après les n°61 et Annual n°5 de 1968). Stan Lee se vante souvent de ne pas faire des "Imaginary Stories" comme la Distingued Competition qui seraient annulées à la fin et c'est censé être l'épisode où Peter Parker va tout dire à ses amis.
Peter Parker attrape à nouveau une grippe qui a des effets spectaculaires sur ses pouvoirs mais aussi sur son esprit. Il croit avoir perdu ses pouvoirs et rate la soirée d'anniversaire de Gwen Stacy (qui d'après la chronologie interne si elle est toujours en Première année à ESU doit fêter ses 19 ans).
Elle essaye de donner bonne figure et danse (dans la même robe qu'elle portait dans le n°82 de mars).
MJ tente de la consoler en lui disant que Peter n'en vaut pas la peine. John Romita imite souvent les couvertures des vieux romance comics des années 1960 quand il dessine Gwen en larmes.
Peter, toujours enfiévré par son étrange grippe virale, fait irruption chez les Stacys et vient dire qu'il est Spider-Man et que sa carrière est terminée. La couverture n'était pas trompeuse !
Gwen le prend très mal et Peter commence à culpabiliser.
Harry tente de l'assurer que cela ne peut être qu'une crise de folie et MJ, avec une cruauté peu commune, lui dit alors que soit son petit-ami est vraiment une menace masquée, soit il est un dingue, et qu'elle le lui laisse volontiers (Okay, Tigress! He's all yours! - cette remarque méprisante n'est bien entendu pas compatible avec le retcon créé des années après dans Marvel Graphic Novel n°46, 1989 selon lequel MJ avait toujours connu l'identité secrète de Peter depuis le début et l'avait toujours aimé)...
Ces dialogues de Stan Lee ne cherchent pas toujours à rendre les personnages très sympathiques.
Peter s'en sort (comme l'avait déjà fait souvent Superman face à Lois Lane) en demandant à un de ses amis, le Prowler (qui peut monter aux murs comme l'arachnide, cf. n°78-79), de se faire passer pour Spider-Man devant eux alors qu'il est présent également. Il tente d'arrondir les angles. Au lieu de menacer Peter comme il avait semblé le faire auparavant, le faux Spider-Man explique avec bonhomie que Peter et lui sont alliés et que Peter était seulement en train de délirer. Tout l'entourage de Peter accepte cet alibi un peu rapidement mais c'est une convention de comics des intrigues sur la Secret ID.
Quand le Dr. Warren dit que les notes de Peter sont trop décevantes malgré tout son talent, à cause de ses absences, Gwen lui dit qu'elle pourrait devenir sa tutrice. (En passant, je ne connaissais pas l'expression américaine "from hunger" : médiocre, de mauvaise qualité).
Gwen doit penser que Peter est très fragile car dès le n°90 (avec le nouveau dessinateur sur le titre Gil Kane mais toujours encré par John Romita Sr), elle le retrouve évanoui (mais le Captain Stacy parle au contraire de ses étonnantes capacités de récupération).
Mais le rebondissement ne va qu'être plus terrible pour la relation Gwen-Peter au point qu'on penser qu'elle ne s'en est jamais remis.
Le Doctor Octopus (dont Spider-Man a saboté les tentacules mécaniques pour qu'ils ne lui obéissent plus) fait s'effondrer des débris sur les passant et le Captain Stacy est enseveli en sauvant la vie d'un enfant (cet enfant assiste aux obsèques du Capitaine dans la mini-série Death & Destiny en 2000).
Spider-Man a échoué à le sauver et les témoins croient l'avoir vu tuer le Capitaine. Avant de mourir, Stacy révèle qu'il connaissait l'identité de Peter et lui demande de prendre soin de Gwen. Peter se dit que c'était le second meilleur ami qu'il ait eu depuis la mort de son Oncle Ben.
John Romita a expliqué qu'un de ses modèles narratifs était la série Terry & the Pirates de Milton Caniff, et que la mort d'un personnage secondaire sympathique y était déjà un moyen pour relancer l'attachement aux autres personnages.
Il y a ici une symétrie peut-être volontaire dans le rythme des coups de théâtre de Stan Lee. Ce malheureux Capitaine George Stacy n'aura été l'ami de Peter que pendant 31 numéros, du n°59 (avril 1968, quand il le rencontre pour la première fois) à ce n°90 (novembre 1970) et Gwen Stacy ne va survivre à son père que 31 numéros.
Mais cette fois, Lee & Romita ont peut-être eu la main un peu lourde. Si le but était de créer plus de compassion pour Gwendy, cela va vite se retourner.
Pendant les obsèques, Peter ne trouve aucun argument qui puisse disculper Spider-Man et Gwen croira jusqu'au bout qu'il est responsable (au moins involontairement ?) de la mort de son père.
"If not for Spider-Man... my father would still be alive."
Gwen n'en reste pas aux pleurs dans son deuil. Elle décide de se venger et va voir Sam Bullitt.
Bullitt est un ancien policier (renvoyé sans doute suite à des violences) qui est le candidat de la droite sécuritaire au poste de Procureur Général (District Attorney). Le Captain Stacy était pourtant un adversaire de Bullitt mais dans sa colère, Gwen décide de lui apporter son soutien public s'il fonde sa campagne électorale sur l'élimination de Spider-Man. Jonah J. Jameson n'est que trop content de faire du Daily Bugle un nouveau medium pour Bullitt, malgré l'opposition de son rédacteur-adjoint Joe Robertson, qui a vite repéré le racisme de Bullitt.
Le contexte politique new yorkais de 1970 avec le Maire John Lindsay et la corruption du NYPD joue peut-être un rôle dans ces histoires de plus en plus politiques dans Spider-Man. En revanche, le vrai DA de l'époque Frank Hogan avait plutôt une bonne réputation trans-partisane (dans l'univers Marvel, c'est Foggy l'ami de Matt Murdock qui se présente comme DA).
Spider-Man est poursuivi dans tout New York par une hystérie de lynchage. Quand Bullitt et Gwen surprennent Spider-Man dans l'appartement de Peter Parker, celui-ci s'enfuit avec Gwen dans les bras. Spider-Man est alors attaqué par Iceman des X-Men mais les deux héros finissent par faire arrêter le candidat "ripoux" après une enquête de Robertson.
L'année 1970 se termine donc très mal pour Gwen.
Non seulement elle a perdu son père mais son premier plan pour le venger a consisté à soutenir un politicien d'extrême droite violent qui finit vite discrédité devant tous (même Jameson). Je ne sais pas si on peut parler d'irréversibilité pour un personnage fictif (les feuilletons font souvent du rétropédalage, DC a bien fait des histoires où Lois était sortie avec Luthor) mais la caractérisation par Stan Lee a commencé une spirale qui n'a pu que contribuer au rejet par certains fans.

























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