L'éthique de la responsabilité politique consiste sans doute à tenir compte des compromis réalistes mais la ligne des compromissions est parfois mince ou difficile à évaluer selon les paramètres. Le débat restera ouvert de savoir jusqu'où les représentants américains devaient arriver entre les intérêts particuliers des lobbies de l'assurance, les intérêts éthiques d'une couverture élargie et les codes moraux ou confessionnels sur les pratiques entourant la médecine. Les Démocrates avaient déjà ajouté dans le remboursement des méthodes de "prière", mais à présent les élus anti-avortement ont pu aussi profiter de la réforme.
Hier, le Représentant démocrate catholique et farouchement pro-Life Bart Stupak (Michigan) a donc ajouté un amendement qui interdit tout financement de l'avortement dans le Plan d'échange entre assurance privée et Option publique. Toute personne qui choisirait un système public devra payer son IVG et cela agira ensuite sans doute sur la couverture des assurances privées.
L'Amendement Stupak est passé avec 240 voix (dont 64 Démocrates et 176 Républicains) contre 194. C'est une grande victoire pour les Pro-Life mais cela ne va pas pousser les Républicains (nettement plus monolithiquement Pro-Life que le Parti démocrate) à avoir une perception plus favorable de ce plan de réforme.
Amy Sullivan (qui est elle-même une Chrétienne qui trouve que le compromis est allé plus loin que ce que réclamaient les Evêques catholiques) accuse Nancy Pelosi d'avoir maladroitement sous-estimé la faction Pro-Life autour de Bart Stupak.
Ensuite, la réforme de la Santé vient de passer à la Chambre à une très mince majorité : 220 (dont 1 seul Républicain) contre 215 (dont 39 Démocrates, dont la gauche du Parti avec Dennis Kucinich !). Normalement, les Démocrates ont une large majorité avec 258 sièges sur 435 (59%).
[Quiddity donne la liste des 25 Démocrates qui ont voté pour l'Amendement Stupak et ensuite contre la Réforme Santé.]
La Réforme est donc passée à la Chambre à 50,5% (alors que les Démocrates y ont 59% des sièges) et cela n'est vraiment pas bon signe si le vote au Sénat a besoin de 60% des voix dans le vote préalable.
Add. Lemieux répond à l'argument d'Amy Sullivan sur Stupak de manière cinglante :
Certainly, there are many potential criticisms of how Democratic leadership has dealt with health care, although when you actually care about expanding access to health care it's hard to negotiate with the Stupaks of the world who don't, but want to use other people's progressive impulses to attack women.
Matthew remarque que les Démocrates n'y ont rien gagné puisque le projet est une régression qui n'apporte même pas de gains politiques pour mieux faire passer la réforme :
With the exception of Democrats for Life, pro-life organizations are praising Stupak but denouncing the bill anyway, citing imaginary provisions to euthanize seniors.
Joseph Cao (le Républicain d'une circonscription très démocrate qui a été le seul sur 176 à voter pour la Réforme) a cité l'Amendement Stupak comme une raison qui l'aurait fait basculer pour le Oui. Mais il semble qu'il ait attendu de voir d'abord si son vote serait décisif ou pas avant de voter Oui (le Oui est passé à 2 voix de plus que les 218 nécessaires). De même, certains des 29 Démocrates (Chiens Bleus, mais aussi Démocrates de gauche) selon Ezra auraient changé leur vote en sens contraire si cela avait été nécessaire.
4 commentaires:
Si le vote au Sénat nécessite 60% des voix et que le Sénat a deux "Indépendants" qui votent habituellement démocrate, ça devrait passer, en posant que la probabilité de défection à gauche équivaut à la possibilité de dissidence à droite* -- sauf que ce ne sont pas les mêmes projets, mais bon, ce qui est amusant, c'est la possibilité d'un pivotal voting ! alors que c'est statistiquement très peu probable dans une élection ! Mon journaliste caché me fait dire que du coup, il y aura du suspense (mais mon politiste moins caché me dit que ça va passer et que c'est plutôt le contenu de la saucisse législative finale qui est le réel enjeu).
* en prenant vraiment tout en compte, la pression médiatique, les ideal estimations points, etc. je pense sérieusement que c'est le cas.
En fait rétrospectivement, je trouve assez dingue que la question de l'avortement ne soit pas venue plus tôt (quand on repense aux "death panels" ...). J'ai du mal à voir aussi ce que cela va changer concrètement.
Sinon, c'est peut-être mon biais français, mais je ne comprends pas comment des Démocrates peuvent voter contre une réforme voulue et promise par leur Président du même bord (grâce auquel ils ont été un petit peu élu quand même). Si j'étais électeur d'Obama, je serais sacrément énervé par ces Démocrates. L'inconvénient du bipartisme US, c'est qu'on ne peut guère voter pour une opposition plus à gauche dans ce cas-là...
Le NY Times souligne que les démocrates ayant voté contre le plan sont majoritairement issus de districts gagnés par McCain en 2008, et considérés comme vulnérables pour 2010. Encore une fois, cela me semble incompréhensible d'un point de vue français : on n'imagine pas un député UMP voter avec la gauche parce que la gauche est très forte dans sa circonscription, non ?
http://www.nytimes.com/interactive/2009/11/08/us/politics/1108-health-care-vote.html?hp
Tom : ce sont principalement des Blue Dogs, élus dans des districts qui n'ont pas élu Obama en 2008. La fonction des deux paramètres est très jolie.
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