La trajectoire de l'Honorable Sénateur Joseph Isadore Lieberman restera un effrayant désastre.
Voilà un Sénateur démocrate d'un Etat qui devrait être assez bourgeois de gauche, le Connecticut. Joe Lieberman a voté plutôt comme les autres Démocrates et avait un bilan législatif plutôt à gauche, mais sous Clinton, ce juif orthodoxe commence à critiquer le Président d'un point de vue "moral" en 1998 lors de l'affaire Lewinsky. Al Gore décide de le prendre comme co-listier en 2000 pour pouvoir mieux prendre ses distances vis-à-vis de l'héritage du pourtant populaire Clinton. Après la victoire de Bush, Joe Lieberman glisse de plus en plus à droite en politique étrangère. En 2004, ce soutien à Bush est vite battu par John Kerry pendant les Primaires démocrates. Le sommet est atteint pendant la campagne de 2008 où Lieberman, devenu Indépendant en 2006 et Président de la Commission à la Sécurité intérieure, soutient John McCain contre Obama et insinue même comme un vulgaire journaliste de Fox News qu'Obama ne serait pas assez patriotique. Obama finit avec 60% des voix dans le Connecticut.
Mais à présent Lieberman veut profiter pleinement de son rôle de "Gâcheur", d'Indépendant crucial et il dit qu'il voterait avec les Républicains tout projet de réforme de la Santé avec la moindre option publique. Il dit même préférer qu'il n'y ait aucune réforme du tout.
Cela semble bien impliquer que l'Option publique est définitivement compromise puisque sans une abstention de Joe Lieberman et Olympia Snowe, les Républicains auront bien les 40 voix au Sénat pour la faire mourir.
Non seulement Joe Lieberman a trahi son Parti mais un seul Sénateur (élu en 2006 par seulement 564,095 citoyens du Connecticut) réussit ainsi, au nom d'on ne sait quel honneur attendu auprès des Républicains ou des assureurs privés, à empêcher des douzaines de millions de personnes d'espérer un jour un système de protection de la santé qui puisse éventuellement devenir un peu plus juste.
En un sens, cela cristallise bien l'importance tragique de la politique, même dans des sociétés complexes où le politique se dissout dans les pouvoirs économiques et techniques. La médiocrité d'un individu peut suffire à faire une énorme différence.
Theatre: A Very Wooster Holiday
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*Happy Christmas, Jeeves* by Heidi McElrath and Nathan Kessler-Jeffrey,
directed by Karen Lund, based on the stories of PG Wodehouse Taproot
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Il y a 3 heures
5 commentaires:
Je n'avais pas suivi récemment cette histoire, mais si cela se passe comme tu le décris, c'est vraiment à pleurer. Je me demande ce qui se passerait si les US avaient un système démocratique un peu plus moderne.
Dans les commentaires du lien que tu donnes, il est dit que l'économie du CT repose pour beaucoup sur les assurances médicales et que la femme de Lieberman serait lobbyiste pour ces assurances, ce qui expliquerait peut-être certaines choses ...
Et bien sur, au nom d'on ne sait quel honneur attendu auprès de Joe Lieberman (?), des sénateurs démocrates refusent d'envisager de lui enlever la présidence de la Commission à la sécurité intérieure pour le nommer à un poste plus adapté à ses capacités, comme sous-secrétaire de la Commission pour la dératisation de la capitale fédérale.
Mais ce qui est surprenant là-dedans c'est qu'il semble espérer être réélu en 2012. Mais sait-on jamais, souvenons-nous de 2006 : http://www.thepaincomics.com/Zombie%20Lieberman.jpg
La femme du Sénateur Bayh de l'Indiana ainsi que Hadassah Lieberman, femme de Joseph, sénateur indépendant du Connecticut, ont toutes les deux des rapports curieusement étroits avec l'industrie santé aux É-U, comme on peut lire dans cet article du 29 octobre 2009 de Joe Conason chez Salon.
"Cela semble bien impliquer que l'Option publique est définitivement compromise puisque sans une abstention de Joe Lieberman et Olympia Snowe, les Républicains auront bien les 40 voix au Sénat pour la faire mourir."
Je me demande si un filibuster suffirait à tuer l'option publique si les démocrates en voulaient vraiment. Il me semblait qu'il y avait dans le système parlementaire US un mécanisme qui permettait de le contourner. Wikipedia est mon ami, c'est la réconciliation: http://en.wikipedia.org/wiki/Reconciliation_(Senate)
> Elkhesaïte n°27
Là, je pense quand même que ce serait la dernière promesse brisée de Lieberman.
On avait trouvé Obama très indulgent après les élections (parce qu'il voulait justement atteindre ce score de 60) mais cette fois, il est vraiment passé de l'autre bord et semble plus proche d'un Zell Miller.
> TR & Édouard
Je ne connaissais pas le détail sur l'épouse lobbyiste de Lieberman. Mais en un sens, comme les élus américains ont tous reçu beaucoup d'argent de ces lobbies (Hillary par exemple), c'est presque étonnant que quoi que ce soit puisse passer quand même.
Peut-être même que le meilleur argument en faveur de l'Option publique est que les lobbies de l'assurance privés s'y opposent encore. S'ils avaient réussi à la neutraliser complètement ou la rendre inoffensive pour leurs profits, on pourrait ne plus s'en soucier.
Mais c'est donc parce qu'elle est juste qu'elle devient infaisable et son irréalisabilité politique prouve encore qu'elle aurait été utile.
> Hady Ba
Oui, mais il faudrait aussi surmonter la règle de Byrd pour faire passer dans un vote du Budget cette réforme de la santé, j'imagine.
Cette règle n'a rien d'absolu et en effet, s'ils le voulaient vraiment, ils pourraient le faire, mais le dynamisme démocrate est toujours quelque chose d'un peu évanescent dès qu'il y a des obstacles dans des sondages ou au Congrès.
JFK/LBJ ont dû faire passer les projets de loi plusieurs fois de suite avant de réussir de peu à faire passer le Medicare et le Medicaid en 1965, mais il semble que les Démocrates actuels n'aient plus ce courage depuis la défaite de Clinton en 1993-1994, il y a maintenant 15 ans.
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