vendredi 10 mai 2013

[Comics] The Olympians vol. 5 : Poseidon Earth-Shaker


George O'Connor est un créateur indépendant complet et depuis deux ans, il a commencé une série en 12 volumes sur les Dieux grecs (Pour l'instant, il a sorti Zeus, Athena, Hera, Hadès et Poseidon, le prochain sera Aphrodite). La série vise un public jeune (et je trouve parfois les questions de fin de volume un peu condescendantes) mais O'Connor est assez scrupuleux dans sa compréhension des mythes, il n'édulcore pas la bizarrerie ou la violence des mythes et on voit qu'il aime broder à partir de plusieurs références classiques. C'est donc très accessible (plus que le très joli Age of Bronze d'Eric Shanower, par exemple) mais sans écarter le besoin d'approfondissement érudit (les notes qui se servent aussi de réécritures contemporaines des mythes utilisent ici par exemple Borges).


Chaque volume profite d'un Dieu pour regrouper quelques mythes autour de lui (je vois d'ailleurs que le site Theoi, qu'il cite, a la même méthode). Athéna The Grey-Eyed Goddess avait par exemple eu plusieurs mythes sur la Gorgone ou sur Athènes et Poseidon Earth-Shaker y fait allusion mais ajoute surtout Thésée (avec la variante qui fait de Poseidon le vrai père de Thésée - j'aime beaucoup l'idée que Thésée est un Monstre marin comme tous ses autres enfants) et Ulysse, tueur de Polyphème.

O'Connor a beau écrire dans un genre qui s'apparenterait à l'illustration pour enfants, il se permet aussi des expérimentations graphiques comme d'utiliser la structure même du Labyrinthe de Dédale pour ses cases dans le récit du Minotaure. La résolution des mésaventures d'Ariane devra bien sûr attendre le volume sur Dionysos.

O'Connor exploite très bien une variante des origines de Poseidon où il aurait pu échapper aussi à Kronos à sa naissance caché sous une forme d'agneau ou de poulain. Pausanias en parle par exemple dans sa Description de la Grèce, 8, 8. Et O'Connor fait un renversement intéressant sur cette version du Poseidon Equestre qui montre à quel point il peut être créatif de piller plusieurs variantes (il l'a fait avec beaucoup d'esprit pour le nom de Pallas dans le volume sur Athéna).

En revanche, l'hypothèse qu'il évoque dans les notes selon laquelle Ποσειδῶν aurait été d'abord chez les Pélasges ou chez les Libyens un dieu terrestre des cavaliers et des chevaux avant de devenir un dieu des eaux douces ou salées me paraît invérifiable. N'est-il pas plus plausible qu'il ait été simplement associé à ce qui se meut, de l'onde fluide des eaux aux Tremblements de terre (d'où son surnom principal d'Ebranleur de la Terre, Ἐννοσίγαιος, ou bien Γαιήοχος littéralement, "Qui Tient les Terres") et ainsi aux chariots ou aux chevaux ?

Il est le Dieu Instable, ce qui explique qu'il ne puisse pas être un bon Dieu poliade et qu'il échoue si souvent face à d'autres dieux dans des récits de fondation. (Même Platon s'en souviendra quand il créera l'Atlantide, elle-même submergée sans doute parce qu'elle est aussi terre des séismes).

La série d'O'Connor a plus de subtilité que son public enfantin pourrait le faire penser. On voit qu'il pense aussi en tant qu'auteur dans un médium et pas seulement comme un illustrateur. Même quand on connaît déjà tous ces mythes, c'est souvent une bonne synthèse.

Le seul reproche que je pourrais faire est que dans certains volumes, je trouve qu'il a tendance à accélérer le rythme quand il a beaucoup de récits à accumuler. Mais il prend plus son temps ici.

2 commentaires:

MB a dit…

[pinaillage] Pourquoi un accent sur le « e » de Jorge Francisco Isidoro Luis Borges Acevedo ? [/pinaillage] Autant j’aime bien la mythologie en général, autant je n’arrive pas à trouver un quelconque intérêt aux histoires de super-héros – sans doute faute d’en avoir lu quand j’étais jeune. Est-ce une des choses qui vous plaît dans ce genre, que les super-héros soit une version moderne des dieux antiques ?

Phersv a dit…

Oui, ce que je recherche dans les fictions est une continuation de la mythologie (que ce soit dans les comic books, dans la fantasy ou dans les jeux de rôle).

Mais il y a bien sûr des différences, puisque le personnage de comic books, quels que soient les bons scénaristes qui peuvent passer temporairement, demeure un produit de divertissement possédé par une entreprise qui se sert surtout de ce personnage pour vendre des Happy Meals et non pas une création qui va pouvoir vraiment constituer un mythe, du moins tant qu'il n'est pas encore dans le domaine public. Il se peut même que Superman passe dans l'oubli quand il sera dans le domaine public...

[Je corrige l'accent superflu pour Borges !]