mardi 24 septembre 2024

Deux arguments violents

Avicenne (ibn Sīnā, 980–1037) dans sa Métaphysique du Shifa I.8, 53. 13-15 dit que les obstinés "qui nient un premier principe comme le principe de non-contradiction devraient être plongés dans le feu puisque brûler ou ne pas brûler sont équivalents. Qu'ils soient battus, comme souffrir ou ne pas souffrir sont la même chose. Qu'ils soient privés de nourriture et de boisson puisque manger ou boire sont identique au fait de s'en abstenir. (Source : l'article Contradiction dans la Stanford Encyclopedia). 


Le passage a frappé Duns Scot qui en parle dans son Commentaire sur le Livre des Sentences (Reportatio) I, distinction 39 mais en l'adaptant sur le Futur contingent et les modalités. Via

"Ceux qui nient des choses aussi manifestes ont besoin d'un châtiment et de bon sens car comme le dit Avicenne dans sa Métaphysique "Ceux qui nient un premier principe doivent être frappés ou exposés au feu jusqu'à ce qu'ils concèdent que brûler et ne pas brûler ou être battu pu ne pas être battu ne sont pas la même chose." 

Et de même, ceux qui nient qu'il y ait quelque étant contingent doivent être exposés aux tourments jusqu'à ce qu'ils concèdent qu'il est possible qu'il ne soient pas torturés et qu'il n'est pas nécessaire qu'ils le soient."

Liber I Sententiarum Distinctio 39 (p. 625-626 ou p. 473)
Et ideo negantes talia manifesta indigent poena vel sensu, quia secundum Avicennam 1. Metaph. negantes primum principium sunt verberandi vel exponendi igni, quousque concedant, quod non est idem comburi et non comburi, vel capulare et non capulare. 
Et ita etiam isti, qui negant aliquod ens contingens, exponendi sunt tormentis, quousque concedant quod  possibile est eos non torqueri.

Mais cette dernière utilisation par Scot pour répondre à ce type de nécessitarisme est un sophisme. Si le nécessitarisme était vrai (et je ne sais pas comment on pourrait le savoir), je pourrais être déterminé de toute éternité à nier qu'il soit vrai, je pourrais exhorter quelqu'un à changer en faisant comme si c'était bien possible, bien que cela ne le soit pas, et cet "argument performatif" ne prouverait simplement que nous voudrions alors qu'il soit faux, non pas qu'il l'est. La contradiction n'est qu'entre désir et croyance. Nos désirs présupposent une contingence mais l'argument des nécessitaristes est justement que toute la contingence n'existe que dans nos désirs et représentations et non dans la réalité. 



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