samedi 30 août 2025

Une histoire de Gwen Stacy : l'épilogue mexicain

Pendant tout ce mois d'août 2025, on a pu voir une histoire de l'évolution du personnage de Gwen Stacy de 1965 à 1973

Mais il reste à parler d'un épisode parallèle en 1972-1973 : le Mexique

Une rumeur déformée il y a quelques années pouvait faire penser que la version mexicaine des traductions de Spider-Man avait refusé la mort de Gwen en 1973 et que l'histoire avait alors dévié vers une version alternative où Gwen n'était jamais morte (c'est par exemple ainsi que l'avait raconté l'article de comicsblog il y a 6 ans). Certains sites vendent même ces comics mexicains en faisant croire à cette légende d'une sorte de Terre uchronique avec "la vie apocryphe de Gwendy". Les fans ont appelé cette Terre alternative "Terre TRN911". 

J'aurais adoré que cette histoire soit vraie mais (comme l'ont fait remarquer ceux qui ont vraiment lu ces histoires) ce n'est pas tout à fait exact. Ces "historietas" mexicaines ont juste eu un décalage et ce qu'on croit être le mariage de Peter et Gwen dans cette série n'est qu'une scène de rêve, pas un monde différent de Terre-616. 

Les éditions mexicaines La Prensa avaient les droits des comics Timely puis Marvel de 1952 au début des années 1970. Mais quand ils traduisirent "El Sorprendente Hombre Araña", ils choisirent de passer à un rythme bimensuel plus rapide que le mensuel américain et ils commencèrent donc à manquer de matériel (même si au début ils complétaient avec d'autres séries comme Ant-Man). Ils décidèrent de créer au Mexique des ajouts par un scénariste, Raúl Martínez González, et un dessinateur mexicain, Jose Luis Durán. Ce dernier a réalisé la couverture à partir d'El Sorprendente Hombre Araña n°122 (1972, traduction d'Amazing Spider-Man n°102, août 1971) mais l'histoire originale commence dans le numéro suivant, n°123. Vous pouvez voir toutes les couvertures de l'édition mexicaine, dont la fameuse du n°128 où Peter semble épouser Gwen (mai 1972, soit à peu en même temps que Amazing Spider-Man n°111 en 1972). 


 

José Luis Durán a un style qui n'est pas toujours adapté. Il recopie (swipe) souvent des cases d'autres dessinateurs, que ce soit les dessinateurs du titre de cette époque, John Romita, Gil Kane et même de Steve Ditko ou d'autres artistes américains, ce qui explique en partie pourquoi les personnages changent de style complètement d'une case à l'autre : Peter Parker peut soudain être méconnaissable (il a souvent la tête de Johnny Cash !) ou avoir la tête de Bruce Wayne dessiné par Neal Adams (Durán a le bon goût de sembler bien aimer plagier Adams mais aussi Steranko ou Gene Colan, on reconnaît aussi du Tuska). Ce sont des collages compliquées, des sortes de "remixes" où le scénariste fait un remake d'une ancienne histoire de Spider-Man et où le dessinateur cherche comment refaire cette histoire en imitant d'autres images. Un aspect original pour l'époque est qu'il y a souvent des ruptures du 4e Mur où l'équipe mentionne bien qu'ils sont en train d'écrire pour un public.  

Gwen Stacy y est souvent très déformée ou peu reconnaissable, notamment dans les couvertures où elle est érotisée à outrance comme les couvertures des fumetti italiens pour adultes de cette période, avec un male gaze insistant où une partie de son anatomie est particulièrement développée selon les préférences de José Luis Durán et sans censure de l'éditeur d'origine. 



 

Cela devient parfois de la "Gwenxploitation"... 


Mais revenons sur l'épisode du "mariage" paru en mai 1972. Dans ce numéro 128, qui précède de plusieurs mois la mort de Gwen et semble vraiment l'annoncer par coïncidence, le Bouffon Vert enlève la Tante May et fait respirer un gaz étrange à Peter. 

Gwen revient à ce moment de Londres avec son oncle britannique Arthur Stacy. On est donc dans la chronologie officielle dans les numéros de 1971 entre Amazing Spider-Man n°95 (où Peter avait essayé de rejoindre Gwen à Londres) et le retour de Gwen dans Amazing Spider-Man n°98, avril 1971 où elle revient à New York (l'épisode avait été pourtant déjà traduit un an avant dans El Sorprendente Hombre Araña n°117, septembre 1971). La progression des histoires mexicaines n'est donc pas entièrement cohérente car on revient à une sorte de prequel de ce retour avec le même Green Goblin. 


 C'est alors que Spider-Man, pris dans une hallucination fiévreuse croit épouser enfin Gwen. 


Et dans une scène de son délire (qui évoque un peu une scène ridicule sur le prénom de la mère dans le film Batman vs Superman), Spider-Man se met à dire qu'il est dommage que son ami Harry Osborn ne soit pas compris par son père, ce qui fait sortir le Green Goblin de sa crise de schizophrénie. La scène de rêve n'aura duré que quelques cases. 

 Là où on a bien une déviation dans l'histoire est que les épisodes suivants montrent parfois "l'Oncle Arthur" [Stacy] comme tuteur de Gwen à New York dans cette planche (qui me fait avoir certains doutes sur la cohérence graphique des dessins de José Luis Durán) : 


 


 La mort de Gwen Stacy dans la Terre 616 est publiée en mars 1973 (couverture datée de juin) et c'est donc à peu près en même temps que El Sorprendente Hombre Araña n°156. La série mexicaine va continuer avec Gwen de ce n°156 au n°185 alors que les éditeurs mexicains sont au courant de ce changement. 

Les numéros d'El Sorprendente Hombre Araña n°160-162 traduisent encore Amazing Spider-Man n°116-118 et El Sorprendente Hombre Araña n°174-175 va traduire Amazing Spider-Man n°119-120. C'est là que commence un décrochage où la série originale est de moins en moins traduite dans toute la fin de la série jusqu'à ce que La Prensa arrête sa traduction ou perde ses droits. Cette période va du n°163 (18 mai 1973) au n°185 (26 octobre 1973). 

Les auteurs à court d'idées combinent parfois différentes histoires : le n°152-153 plagie du Wally Wood sur Daredevil, le n°171 est en fait un mélange d'Iron Man n°5 (1968) et n°19 (1969), quand Spider-Man a une aventure avec une femme du futur qui est inspirée de Madame Masque. 


 Il est donc faux de dire que Peter a épousé Gwen dans cette série. On ne sait pas ce qui se serait produit si la série ne s'était pas arrêtée au n°185, sept mois après la mort de Gwen, et si la Prensa avait finalement comme plan de traduire ce décès et n'en ont été empêchés que par accident. Tout ce qu'on peut dire est que Peter et Gwen eurent quelques histoires en plus ensemble (souvent des remakes de leurs histoires précédentes) et que des fans lisent cela comme un continuum possible où leur amour aurait pu continuer. 


lundi 25 août 2025

Notes sur les Dralasites

Les Dralasites sont une des espèces non-humaines jouables pour les PJ dans le jeu de rôle Star Frontiers et je note ici les références non-canoniques dans les fanzines pour les retrouver plus facilement. 

Les Dralasites ressemblent à des "blobs" grisâtres (ils ne perçoivent pas nos couleurs mais saisissent pourtant des nuances différentes du spectre, d'où la coutume de certains de se teindre). Ils ont un noyau central rigide et une membrane caoutchouteuse qu'ils peuvent transformer pour former différents membres ou appendices. Ils peuvent aussi rouler en boule mais c'est peu pratique. 

Il y a une description dans le wiki Star Frontiers et dans le fanzine Frontier Explorer n°23, plus des notes dans Star Frontiersman n°12. La fiche ci-dessous vient des règles sur la localisation dans Star Frontiersman n°14


 

Les Dralasites sont hermaphrodites et portent leur progéniture dans leur membrane jusqu'à la séparation. Ils n'ont pas de poumons et respirent par leur épiderme, ce qui rend la communication plus difficile et pourtant ils sont experts pour analyser les intentions des autres (certains peuvent détecter les mensonges). Le langage dralasite utilise aussi des gestes et des émissions d'odeurs. Leur Puddings sont comestibles par toutes les espèces connues, ce qui est rare. Ils ne peuvent pas nager aisément sans équipement car ils se noient dès qu'ils sont entièrement recouverts d'eau. 

Ils sont obsédés par le débat philosophique (mais aussi politique) et ce qu'ils considèrent comme de l'humour (même si les autres cultures le trouvent souvent lourd). Leur société est centrée sur des lieux qui sont un mélange de forum de discussion (voir l'article sur leurs arguties sans fin) et de club de "comédie" et la profession d'humoriste est très respectée. La plupart des Dralasites suivent des systèmes philosophiques athées et matérialistes mais la discussion a selon Tom Verrrault dans Frontier Explorer n°1 un aspect qui ferait penser au Bouddhisme Zen. Il existe aussi une Métaphysique appelée "Fluidisme" qui évoquerait plus une forme de panthéisme (selon l'article sur les religions dans Star Frontiersman n°15). 

En termes de jeu, ils n'ont dans Star Frontiers qu'un bonus +5 (sur 100) en Force/Endurance et un -5 en Dextérité/Rapidité, pas de bonus en Intelligence/Logique malgré tous leurs débats. Les archétypes de Dralasites comprennent : les Combattants non-armés, les Maîtres-espions, les "Athlètes"/ Monsieur Muscles de Cirque /Videurs (Strong Beings).  

Dans Frontier Explorer n°19, il y a une liste des origines des Dralasites dans le secteur de la Frontière que je recopie ici : 

01-14 14% Triad (Cassidine)
15-32 18% Inner Reach (Dramune)
33-43 11% Outer Reach (Dramune)
44-57 14% Groth (Fromeltar)
58-74 17% Terledrom (Fromeltar)
75-88 14% Gran Quivera (Prenglar)
89-99 11% Pale (Truane's Star)
00       1% Autres

La table n'est pas "canonique" mais en tout cas, les sources disent bien que le système Fromeltar est le seul avec une majorité dralasite. Près des 2/3 dans la Frontière sont nés dans les deux systèmes Fromeltar et Dramune : Dramune avait été découverte et colonisée d'abord par les Dralasites mais a une population plus diverse que Groth. 


 

Dans le système de Fromeltar, Groth est un monde agricole et socialiste (et doit avoir les Dralasites les plus "provinciaux") alors que Terldrom est plus influencé par le technocapitalisme des Vrusks mais le système vit en paix.   

A seulement 7 années-lumière de Fromeltar, le système de Dramune (décrit dans l'aventure SFKH1 The Dramune Run) est plus divisé par une guerre entre les deux colonies, conflit qui a même demandé une intervention armée de la Fédération des Planètes Unies. Dramune I ("Intra") est un monde au climat favorable et qui a une démocratie planétaire stable. Les Dralasites de l'Intérieur ont la coutume de se teindre la membrane périodiquement pour indiquer leurs émotions. C'est le siège de SynthCorp. Dramune II ("Exo") est au contraire un monde glacé aux conditions difficiles et qui est depuis longtemps déchiré en de multiples régimes autocratiques ou kleptocratiques dont les Styrigiens à la surface et l'Alliance maltharienne (dirigée par le Malthar, un Dralasite qui fait très Jabba The Hutt) qui contrôle les stations spatiales autour d'Exo. La Guerre a éclaté quand les Intra ont accusé les Malthariens de piller leurs ressources et notamment la faune de Dramune. Voir aussi ce projet de Prequel pour jouer dans le système Dramune avant the Dramune Run

Quant aux Dralasites de Prenglar (à 11 années-lumière de Dramune), il s'agit de la "capitale" des mondes de la Fédération de la Frontière (à majorité humaine).  

Exemples de noms Dralasites dans les règles et aventures officielles : Bli Cluet, Dartha, Dromond, Fiator Geauis, Gloopurp, Grod, Nimbrus Hool, Khonchino, Krondot (Directeur de SynthCorp), Mormord Massod, Boobor Momnod, Brogod Omborg, Meeber Zloot. 

Add. Ils assimilent l'alimentation par leur membrane et expulsent ensuite des déchets, ce qui doit causer des odeurs un peu particulières..  

mardi 19 août 2025

Os Mutantes : Panis Et Circenses (1968)

Les Mutants étaient un groupe brésilien fondé en 1966, en pleine dictature militaire. Leur nom vient d'un roman de l'auteur français Stefan Wul, La Mort Vivante (1958), qui venait d'être traduit en portugais sous le titre O Império dos Mutantes. A l'origine, Os Mutantes est un trio de rock psychédélique, les deux frères Arnaldo Baptista (né en 1948), et Sérgio Dias (né en 1950) et la chanteuse américano-brésilienne Rita Lee Jones (1947-2023 - elle fut renvoyée du groupe en 1971 par Arnaldo Baptista parce qu'il ne la trouvait pas assez "virtuose" mais elle eut une carrière solo plus éclatante après les avoir quittés au point d'être surnommée la Reine du Rock Brésilien). 

Cette chanson Panis et circenses, qu'ils interprètent fut écrite par Gilberto Gil & Caetano Veloso (tous les deux nés en 1942). L'album représente dans la musique brésilienne une rupture qu'on a appelée en 1968 le "Tropicalisme" qui considérait que la Bossa Nova d'Antonio Carlos Jobim et les autres s'était enfermée dans un passéisme folk apolitique. Gil et Veloso furent arrêtés par la dictature et exilés peu de temps après (bien que ce soit sans doute plus pour leurs prises de position politique que pour le forme ou le contenu de l'album lui-même). 

vendredi 8 août 2025

Une histoire de Gwen Stacy (8) 1973


1973. On devait y arriver. The Year Gwen Died. 

Sur cette image d'Adam Hugues, Gwen est dessinée avec le vêtement qu'elle porte le jour de sa mort (avec le Pont de Brooklyn derrière elle). Une mauvaise habitude de beaucoup de dessinateurs est devenue de toujours la dessiner avec la même jupe, les mêmes bottes noires et le même manteau vert depuis 50 ans comme si c'était devenu une sorte d'uniforme telle qu'en elle-même l'éternité la change. Comme si c'était son costume. 

Récapitulatif des années précédentes :
1966 Gwen est changée de Ice Princess en fille plutôt cool.
1967 Triangle avec MJ
1968 Le conflit se déplace vers la relation avec Spider-Man et le père de Gwen
1969  Faux "triangle" avec Flash
1970  La mort du Captain Stacy
1971 Le deuil de Gwen
1972 Gerry Conway semble se désintéresser d'elle.

Comme on l'avait dit en couvrant l'année 1968, les quatre numéros 115-118 sont une réadaptation d'une longue histoire Noir & Blanc qui était parue dans un nouveau magazine Spectacular Spider-Man n°1. 

A nouveau, Peter et Gwen se réconcilient après la crise de jalousie de Peter et elle répète qu'il n'y avait rien entre Flash et elle.


 Mary Jane est à nouveau avec Harry Osborn mais c'est peut-être un problème de continuité causé par la "rediffusion" de l'épisode dessiné en 1968. MJ a rejoint la campagne électorale d'un certain Richard Raleigh, plus difficile à classer politiquement que le procureur Bullitt en 1971. Le charismatique Richard Raleigh est en gros "de gauche" sur des questions sociales mais très sécuritaire. Gwen et Harry rejoignent aussi la campagne alors que Peter n'est pas convaincu. Raleigh, qui est en réalité corrompu, meurt des suites de ses manipulations et Spider-Man décide de ne rien révéler pour ne pas nuire à la cause de ses militants. 


 Mais la relation Harry-MJ doit toujours être aussi mauvaise car Harry retombe dans la drogue. Gwen prévient Peter au n°120 que Harry a fait sa rechute à cause de son père, dont elle ignore qu'il est en train d'avoir des crises qui vont le re-transformer dans le Green Goblin (dessins par Kane/Romita).


 Ce qui nous fait donc arriver au dénouement de tous ces 8 épisodes sur Gwen Stacy, le n°121, où le titre sur la couverture Turning Point n'est pas usurpé. Le vrai titre ne sera donné que dans la dernière case en un dénouement qui a dû choquer beaucoup de lecteurs. 

Quelqu'un va mourir ! NOT an imaginary story! 

Mais qui

Tante May ? Joe ou Randy Robertson ? JJ Jameson ? Harry ou Norman ? MJ ou Flash ? 

Et qui l'a tuée ? Norman ? Peter ? MJ ? Gerry Conway ? John Romita ? Et si c'étaient les lecteurs ?

 


Je ne vais pas répéter les nombreuses interviews sur cet épisode célèbre. Les auteurs de Spider-Man trouvaient que le magazine s'était enlisé et se répétait. Il fallait un choc. Il fallait une tragédie

Les récits sont parfois un peu contradictoires. D'après Conway, John Romita avait proposé de faire tuer Tante May (encore par Doc Octopus ?) mais Conway avait répondu que cela n'introduirait pas de suspense car May était la fragilité de Peter dont on annonce la mort imminente depuis le début. D'autres scénaristes re-tenteront de la tuer une autre fois (Amazing Spider-Man n°400, 1995) mais sa mort fut ensuite annulée d'une manière complètement débile trois ans après (Spider-Man n°97, 1998). En 1973, on décida donc de tuer Gwen Stacy pour que Peter en souffre plus. Conway, Romita et Roy Thomas ont tous dit qu'ils avaient sous-estimé les réactions des lecteurs et l'attachement envers un personnage secondaire. 

MJ, Gwen et Peter viennent visiter Harry qui a pris du LSD. C'est la première fois que MJ est représentée avec une certaine "gravité". 

 

Gwen est dans l'appartement de Harry et Peter quand passe le Green Goblin.  Le Green Goblin connaît l'identité secrète de Peter et il vient dans son appartement en sachant très bien qui il peut viser dans l'entourage de Peter. 


 Le Green Goblin enlève Gwen et l'emmène à un pont. Quel pont ? Le texte dit explicitement que c'est le George Washington Bridge (tout au nord au-delà de la 175e Rue, 184 m de haut), qui est un pont entièrement métallique, mais Gil Kane a clairement dessiné les arches de pierre du beaucoup plus célèbre Brooklyn Bridge (tout au sud de Manhattan, 82 m de haut). Cela fait qu'il y a encore aujourd'hui une "controverse" : faut-il croire le dessin de Gil Kane ou le texte de Gerry Conway ? Gwen a-t-elle été jetée de 184 m ou de 82 m ? Stan Lee (qui n'a pas de mémoire fiable et ne fut pas le scénariste de l'épisode) a décrété que ce serait plus iconique du haut du Brooklyn Bridge mais la question est indéterminée. Mais on n'est plus à 100 m de différence. 

Gwen semble bien inanimée sur le pont et Peter se dit qu'elle a dû s'évanouir sous le choc. Un retcon récent (dont je ne vois pas trop la nécessité, et pourtant c'est par Dan Slott) dans The Clone Conspiracy (2017) dit qu'elle était en réalité consciente et qu'elle avait eu le temps de comprendre que Spider-Man était Peter. 

C'est le Gobelin qui la pousse dans le vide avec son glider (page 17) et Gil Kane utilise brillamment la verticalité sur cette planche. 

 


 Et là a lieu une des onomatopées les plus célèbres de l'histoire des comic books : SNAP

 


Le bruit du coup du lapin (whiplash) alors que le héros a la fausse joie d'avoir cru la sauver. 

Quand la toile arachnéenne atteint Gwen, elle doit être déjà tombée d'au moins plusieurs douzaines de mètres et le fil de la toile aurait du mal à contrecarrer la violence de cette force physique (quelle que soit la supposée "élasticité" et résistance de ce fluide ou soie d'araignée). Si elle a eu le temps de tomber de 42 m, au bout de 3 secondes, sa vélocité est d'environ 29m/s (environ 100 kmh). Si c'est 90 m, elle a atteint 42 m/s (150 kmh), plus très loin de la vitesse terminale (qui serait plus haute si elle restait tête la première). Je doute que Peter ait vraiment le temps de faire un swing pour descendre la récupérer et dépasser sa chute libre, et en 3 ou 4 secondes. Même un superhéros à l'agilité d'araignée n'a pas le temps de faire une toile sous elle pour amortir sa chute. 

Gwen et Peter étaient tous les deux des "Sci Majors" et c'est ici l'irruption des Lois d'airain de la Physique dans l'univers imaginaire. La mort n'est pas qu'un effet de mélodrame mais un effet de réel dans la bande-dessinée. 

Gwen est morte et il se pose une autre question, non pas physique mais métaphysique sur la Causalité. Si on prend un modèle dit "contre-factuel" de la Causalité, un événement A cause B si et seulement si B n'aurait pas eu lieu si A n'avait pas eu lieu. Or, si Peter n'avait rien fait, elle serait morte par le choc de la chute de l'équivalent d'un Building de 25 étages. Mais l'intervention de Peter a causé le coup du lapin et sans cet événement, l'effet aurait été mortel quand même mais différent. Peut-on dire qu'il a "causé" sa mort ? Oui, si on veut dire sa mort à tel instant et de cette manière. Mais non, il n'a pas causé sa mort tout court. De même qu'un médecin qui réussirait à repousser le moment de la mort mais qui ne peut pas l'empêcher ne pourrait pas être accusé d'avoir causé la mort au moment où elle arrive. Et de même qu'on ne peut pas dire que Spider-Man l'a causée par "transitivité causale" en sauvant la vie de Norman Osborn dans le n°47 ou en sauvant Gwen au moins trois fois auparavant si je n'en oublie pas (n°61, contre le Kingpin, n°83 contre un accident de voiture, et n°104 contre Gog). 

 

C'est peut-être aller un peu fort dans la tragédie. Non seulement Peter n'a pas réussi à la sauver mais son intervention a même joué un rôle dans la manière singulière dont elle est morte. Stan Lee dit avoir été surtout choqué par cet aspect qu'il n'aurait pas autorisé et on dit que certaines des rééditions retirèrent l'onomatopée et l'écho sinistre de son accusation. Conway dit que quoi qu'affirment les histoires ensuite, Peter doit bien être conscient de ce risque de traumatisme qu'il ne pouvait pas éviter en 3 secondes. 

Cette scène prouve qu'un masque aussi opaque sans aucun trait de visage peut quand même devenir "expressif" par le contexte, par le mouvement et le texte qui l'accompagne.  

J'ai déjà parlé de la couverture du n°122 (en parlant de celle dessinée par Frisano). - qui est une sorte de "pietà" comme si souvent dans les comics

Voici les couvertures des rééditions. La version de JG Jones de 2001 insiste plus sur le chagrin (et on voit le visage de Gwen), celle de Kane plus sur la colère (et la chair est plus clairement un cadavre), comme deux étapes du deuil après le déni.

Dans le n°122, il y a une page de réminiscences, technique graphique de l'insertion des flashbacks sur toute une page, qui est devenue depuis un cliché. 



Et le début de l'étape de culpabilisation

 

L'enterrement de Gwen (après la "mort" apparente du Green Goblin) est au n°123. Anna Watson fait remarquer qu'il y a les grands-parents de Gwen comme famille (et qu'ils veulent rencontrer Tante May). Peter Parker assume bien une position de fiancé officiel. Presque tous les personnages secondaires sont invités (Randy Robertson était déjà là à l'anniversaire de Gwen au n°87) mais la famille britannique de Gwen (Arthur Stacy et sa compagne, voire les deux cousins de Gwen, Paul et Jill Stacy) n'a pas pu traverser l'Atlantique. 

Parmi les absents, Harry Osborn a basculé dans la folie depuis la mort de son père et depuis que MJ l'a abandonné pour Peter, et JJ Jameson a l'air plus préoccupé par le décès de son "ami" notable Norman Osborn. Flash Thompson prendra soin de redire à Peter qu'il n'y avait jamais rien eu entre Gwen et lui. 

On verra l'épitaphe deux ans après dans Amazing Spider-Man n°149 (1975, la fin de la première saga des clones), quand la "clone" de Gwen (dont on apprendra plus tard qu'elle n'était même pas une vraie "clone" mais une autre femme modifiée) fleurit sa tombe, et elle porte "1954-1973", mais les dates sont peu visibles, notamment la mort (on voit juste 19... sur une autre case). Si le temps des comics s'écoulait comme le temps réel et ne remontait pas sans cesse comme un tapis mécanique, Gwen aurait donc le même âge qu'Annie Lennox, Catherine Alric ou Kathleen Turner.  

CONCLUSION

Ce sépulcre est un bon endroit pour arrêter (pour l'instant en tout cas) ce feuilleton du mois d'août sur l'évolution du personnage de Gwen Stacy

Il y aurait certes encore beaucoup à dire sur le deuil récurrent de Peter dans les années qui suivirent et sur les Sagas des Clones (ou sur la brève "continuité mexicaine"). Gwen ne cesse de revenir sous différentes formes au point que certaines de ces autres versions sont devenues plus connues des lecteurs récents, comme celle venue d'une autre dimension, la Spider-Gwen (ou "Ghost-Spider") de Terre-65 (en revanche, elle n'est pas "Gwenpool", qui n'est qu'une homonyme). Quand vous faites une recherche Images, c'est cette autre version plus jeune (et très "Mary-Jane-isée") qui apparaît, plus que la Gwen Stacy originelle. 

Dès le numéro suivant, MJ, qui a abandonné Harry, vient consoler Peter (même s'il exprime encore des doutes sur elle dans le n°130). 

Gwen n'a été présente que pendant 90 numéros (8 ans) et de nos jours, MJ est devenue l'amoureuse puis l'épouse de Peter depuis environ 50 ans. MJ a donc eu beaucoup plus de temps pour évoluer et mûrir. La personne écervelée du début fut ensuite décrite comme une façade pour dissimuler ses traumatismes. Gerry Conway semble même oublier que MJ n'était pas en cours de sciences avec Peter car on la verra en cours et discutant avec le Professeur Warren. 

Peter Parker embrassera Mary Jane Watson pour la première fois 22 numéros après la mort de Gwen, dans le n°143, 1975, avant un vol pour Paris (et c'est aussi l'épisode où il va entrevoir pour la première fois le clone de Gwen fabriqué par le Chacal). Après bien des ruptures et réconciliations (où Peter sort avec plusieurs femmes dont Black Cat), MJ révèle qu'elle connaît son identité secrète dans le n°258 (1984) - la tension se déplace sur le fait qu'elle n'aime pas sa vie de superhéros. L'histoire où MJ épouse Peter est de 1987 et celui où ils ont une fille mort-née est de 1996

En 2007, Marvel décide de revenir en arrière, d'annuler tout le mariage avec MJ depuis vingt ans de temps réel (parce que cela "vieillirait" trop le personnage) mais depuis, MJ (qui connaît à nouveau son identité) alterne à nouveau des phases où elle sort avec Peter et des phases de ruptures où ils fréquentent d'autres personnes. MJ a aussi au cours des années eu plusieurs aventures où elle devint une superhéroïne. Comme le feuilleton se répète, on sait bien que Peter se remettra à nouveau avec MJ. 

Il n'y a pas à faire un comparatif de Gwen et MJ. Cela ne va pas plus loin que les biais d'amorçage comme on dit en psychologie. 

Si vous avez commencé à lire Spider-Man dans l'ordre en partant du début et donc de Gwen Stacy (comme ce fut mon cas), elle vous apparaît comme une perte tragique et elle vous manque sans que les clones, les prequels et versions alternatives ne puissent en être un équivalent (et je dois avouer me souvenir qu'enfant, je voyais MJ comme une "usurpatrice" mais j'ai fini par m'habituer). 

Si vous avez commencé à lire Spider-Man pendant les 50 ans qui ont suivi alors qu'il était déjà avec MJ depuis des décennies (ce qui est le cas de l'immense majorité des lecteurs ou de ceux qui l'ont connu sur la plupart des autres médias - sauf un des films, je crois), MJ vous apparaît naturellement comme celle qui était destinée à être la moitié de Peter depuis "toujours" et Gwen n'est au mieux plus qu'un lointain élément historique de l'arrière-plan, moins importante que l'Oncle Ben. Et c'est tout à fait normal. 

Mais je ne crois pas qu'on puisse dire que Gwen a été tuée parce qu'elle était trop "fade" et qu'elle aurait eu un défaut intrinsèque qui poussait Marvel à l'éliminer. PanicPixieDreamGirl a fait un montage intéressant des traits de personnalité critiquant cette thèse qu'on répète si souvent et cela complète bien ce survol des 8 ans de Gwen. Conway & Romita l'ont tuée parce qu'elle était la petite-amie de l'époque et parce que depuis le début les aventures de Peter sont écrites avec des péripéties dramatiques de ce genre. Un autre facteur semble avoir été que les auteurs ne voulaient pas que Peter se marie et qu'ils pensaient qu'avec Gwen cela risquait de devenir inéluctable. C'est ironique comme ils finiront par s'y résoudre avec MJ et qu'ils reviendront ensuite en arrière. 

Marvel, qui tourne un peu en rond comme tous les éditeurs de comics, menace toujours de ressusciter Gwen. Ils viennent de le faire récemment en mai 2025 comme une version modifiée génétiquement pour en faire une assassin avec des gènes mutants de Wolverine sous le nom de X-31, si j'ai bien compris, ce qui paraît presque parodique, arbitraire et ridicule (surtout que c'est dans Gwenpool, qui est un comic book satirique où le personnage ne cesse de commenter les conventions des comics et de briser le Quatrième Mur)... 

Mais ils ont déjà créé tant de versions alternatives de Gwen que cela ne provoquera même plus de "choc" et on peut deviner (ou souhaiter) qu'ils finiront ensuite par l'annuler en disant que ce n'était pas vraiment la même Gwendolyn Stacy. On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve de l'East River sous le Brooklyn Bridge

Le problème de l'écriture du feuilleton avec changement permanent est que des comic books publiés régulièrement n'ont jamais de mort permanente. On peut souvent regretter la mort d'un personnage mais regretter aussi ensuite qu'elle soit ressuscitée, que ce soit Gwen Stacy ou Jean Grey. 


 

jeudi 7 août 2025

Une histoire de Gwen Stacy (7) : 1972


John Romita, Official Handbook of the Marvel Universe, 1982

Nous arrivons à l'année 1972, l'avant-dernière année des aventures de Gwen Stacy

Quand Harry revient de son hospitalisation après son overdose (Amazing Spider-Man n°105), ses amis lui font une fête. Peter est scandalisé que Mary Jane continue de lui faire des avances insistantes alors que Harry est encore convalescent et instable. Il rappelle à MJ qu'il est avec Gwendy. La MJ de 1971-1972 est décidément peu sympathique et cela prouve que Stan Lee ne préparait pas une transition pour qu'elle devienne le nouveau centre de la vie sentimentale de Peter. 

John Romita Sr est revenu aux dessins après la période Gil Kane (au #106) et les vêtements des personnages commencent à faire très années 70...  

Gwen se fait du souci pour l'état de Flash Thompson, revenu du Vietnam (les Accords de Paris ne seront signés qu'en janvier 1973 et ce sont les dernières offensives de l'armée US pendant l'année 1972). Bien sûr, dans l'histoire actuelle de l'histoire de Spider-Man, Flash est revenu d'Afghanistan. 

Stan Lee va donc recycler l'intrigue de jalousie ancienne de Peter de la fin 1969 (The Amazing Spider-Man 78-79). Peter est toujours un peu irrationnel dès qu'il s'agit de son ancien harceleur.  


 Certes, Flash est attiré par Gwen mais cela n'a jamais été réciproque. Ici, Flash garde un secret sur un crime de guerre auquel on l'accuse à tort d'avoir participé et c'est une version très censurée et métaphorique des crimes réels comme M Lai

Gwen demande encore à Peter de ne plus l'abandonner sans cesse (#108).  

 

Pour partir sauver Flash, Peter s'en sort à nouveau (#109) par la même ruse qu'il avait utilisée face à Gwen et le Capitaine Stacy (dans The Amazing Spider-Man n°86, juillet 1970) : il fait croire qu'il est "enlevé" par Spider-Man. C'est une ruse efficace mais à double tranchant. 

Stan Lee tend donc ici à se répéter. Gwen commençait à admettre que Spider-Man n'était peut-être pas responsable de la mort de son père mais elle voit encore une fois Peter sembler subir des violences de l'homme masqué. Comment pourrait-elle éviter de maintenir son aversion envers l'Araignée ? 

Gwen, inquiète après ce qui semble être l'enlèvement de Peter, fait un transfert un peu curieux de sa colère. Elle réprimande assez violemment la pauvre Tante May en l'accusant de trop le "materner" ou l'infantiliser (#109). On croirait presque une rivalité épouse / belle-mère et cette scène a dû beaucoup nuire à l'image de Gwen par la suite en donnant une image "d'hystérie" : "I know he's you nephew! I know how you love him... because I love him too! But it's Peter Parker, the MAN that I love. When will you let him go? When will you... ? Oh! I... I'm sorry! I shouldn't have spoken to you that way! I have... no right". 

Les fans peuvent pardonner le trope où Gwen n'aime pas Spider-Man mais peuvent-ils pardonner qu'elle ait été hostile (le temps d'une case) envers... Tante May


 C'est à ce moment que Stan Lee va partir du titre après le n°110 (juillet 1972). Roy Thomas et lui ont choisi comme successeur un  jeune scénariste de 19 ans (le même âge que Gwen & Peter), Gerry Conway, qui va rester pendant 40 numéros, du n°111 au n°149 (octobre 1975). 

La Tante May disparaît pour quelques temps pour laisser plus d'autonomie à Peter (mais elle est partie s'installer chez le Docteur Octopus). Peter est de plus en plus jaloux de Flash et Gwen culpabilise pour ses paroles. 


 Gwen explique d'ailleurs à Flash (#112) que son hostilité envers Spider-Man dépend maintenant plus de son inquiétude envers Peter. 

Le professeur Miles Warren l'appelle sur le campus de ESU pour lui demander des nouvelles de Peter et Gerry Conway n'a probablement pas encore décidé d'en faire un jour un super-pervers obsédé par Gwen car il dit qu'il ne savait même pas qui était le Chacal à sa première apparition (n°129). Mais en tout cas, le Dr Warren n'est plus dessiné de manière aussi sympathique que lors de ses premières apparitions, ce qui traduit aussi une érosion des "figures d'autorité" dans ces USA après les mouvements de contestation et l'Affaire du Watergate (juin 1972). Après la mort de Gwen, Warren fait part de son irritation à Peter mais uniquement sur ses absences (n°127) et il prétendra plus tard (dans le n°149) que son sentiment pour Gwen n'était que "protecteur". 

 


Quand Flash se moque stupidement des troubles de santé de Peter (le médecin lui a diagnostiqué un ulcère du duodenum), elle s'emporte contre lui et on pourrait donc croire que cela va enfin mettre fin au nouveau pseudo-triangle Peter-Gwen-Flash.  On remarque que la phrase de Gwen ("One of him makes twelve of you") est presque une citation de ce qu'elle avait déjà dit face aux étudiants dans The Amazing Spider-Man n°69 ("He could be half the man he is and still make ten of you!")

 Quand la Tante May est enfin retrouvée au #115, Gwen peut lui présenter ses excuses mais May (qu'Octopus n'avait pas forcée à venir) décide de rester dans cette maison du Dr Octavius au nord de New York City dans le comté de Westchester (Marvel est si manhattanocentriste qu'ils semblent croire que tout l'Etat de New York se réduit à ce comté). Je n'ai jamais bien compris cette histoire : Peter ne peut-il pas expliquer à May qu'Octavius (le vrai assassin du Captain Stacy) est un criminel condamné même sans compromettre son identité secrète ?


 Comme on le voit, l'année 1972 n'a pas été très bonne pour Gwen. Gerry Conway la montre presque moins que Flash (!) et quand il le fait, c'est à nouveau comme une angoissée trop nerveuse. Toute la dispute avec May paraît un peu artificielle comme Peter vit déjà hors de la maison de May et qu'elle ne le couve plus tant que cela. Certes, Peter donne presque raison à Gwen en semblant en état de choc quand il apprend que May ne compte pas revenir dans le Queens. 

mercredi 6 août 2025

Une histoire de Gwen Stacy (6) 1971

 


L'année 1971 (The Amazing Spider-Man #91-104) est surtout marquée par les dessins de Gil Kane, et par un bref passage du scénariste Roy Thomas, l'éditor adjoint de Marvel. 

Il y a aussi une légère évolution dans la cadence des apparitions de Gwen. Le rythme des histoires de Spider-Man est souvent ainsi : début in medias res avec scène d'action, scène avec l'entourage, nouvelle action, nouvelle scène de socialisation et dénouement. Cela explique pourquoi si on faisait des statistiques de toutes ses apparitions, Gwen Stacy est présente le plus souvent sur des pages 6-7 ou 9-10, beaucoup plus rarement en introduction ou en conclusion dramatique. Mais on remarque que cela a changé depuis la mort du Captain Stacy. Gwendolyn a droit à apparaître dès les premières pages (les obsèques et les scènes de deuil de Gwendy), ce qui montre que la vie amoureuse de Peter est devenue l'action du moins pendant quelques temps en ce début 1971

Au n°93, Gwen reçoit un appel du frère aîné de George, Arthur Stacy, qui lui propose de venir à Londres. Elle n'ose pas quitter Peter. "How can I go... and leave Peter? Unless... he no longer cares."


 Quand Peter apprend que Gwen pense partir à Londres, il se dit qu'il est temps de lui demander sa main mais il renonce finalement, de crainte de lui imposer la vie de Spider-Man. C'est cet atermoiement sur la demande en mariage qui va pousser Gwen à accepter l'offre de son oncle Arthur de franchir l'Atlantique. 

Quand Gwendy revoit passer Spider-Man qui vient l'observer près de sa fenêtre, c'est la dernière goutte d'eau. Elle prend l'avion pour Londres et Peter rate son départ (n°93, février 1971). 

Entre parenthèses, comme ce blog pense (comme Marvel d'ailleurs qui l'a officiellement retconnée) que l'immonde histoire d'un autre scénariste dans The Amazing Spider-Man n°512 (nov. 2004) n'a jamais eu lieu et doit être oblitérée de la mémoire collective, on ne s'attardera pas sur cette fan-fiction idiote où Gwen se serait enfuie en Angleterre pour pouvoir accoucher ou avorter après une relation adultère. 

Peter prend l'avion pour la rejoindre en Angleterre (n°95). Arrivé sur place, il sauve des innocents en tant que Spider-Man et se fait donc remarquer. Il se dit que Gwen trouverait cela très suspect qu'il ait été au Royaume-Uni en même temps que l'Araignée. Il repart donc sans l'avoir vue et l'ironie dramatique est que Gwen s'attendait au contraire à ce qu'il vienne la chercher. 


 Mais Arthur Stacy fait remarquer à Gwen qu'elle a dû se tromper et que Spider-Man semble être très "décent". Elle se souvient alors que son père le défendait souvent. 


 La période d'absence en Angleterre est celle où Gil Kane ne cesse de dessiner Gwendy comme une tête spectrale au-dessus de Peter, comme la Princesse Lointaine, comme une obsession. Le trait maniériste de Gil Kane n'est plus encré par John Romita mais par Frank Giacoia et peut être un peu plus personnel mais cela créera des conflits entre Kane et Romita. Romita (art director de Marvel) corrigera parfois la silhouette de Spider-Man pour le rendre un peu moins allongé et à l'époque, avant les ordinateurs, la correction se faisait souvent sur l'original. Romita dit avoir calculé que le Spider-Man de Gil Kane devait mesurer au moins 1,90 m. Romita lui-même prétend avoir été attentif à la continuité graphique mais il avait profondément altéré le trait de Ditko. C'est la version de Romita qui sera le standard jusqu'à ce que McFarlane joue à nouveau à la transformer en 1988. 

Il faut mentionner ici le contexte sur l'entourage des personnages secondaires. Harry Osborn a fait transformer un ancien local de son père le millionnaire Norman Osborn en une petite salle de spectacle loin de Broadway pour que sa copine Mary Jane puisse y monter son show de danse. Mais quand les amis sortent tous ensemble (avec Norman, le père schizophrène de Harry), MJ commence à draguer Peter ostensiblement devant lui en profitant de l'absence de Gwen. 

Peter, qui ne pense qu'à Gwendy, se dit que MJ ne fait cela que pour rendre Harry jaloux et se désole qu'elle brise le coeur de son ami ("she's bad news", n°96). Harry insulte Peter et tombe dans le désespoir. Quand Harry tente de dire à MJ qu'il lui "pardonne", elle rompt avec lui en disant qu'elle n'a pas à attendre son pardon. 

Harry (re)commence à se droguer et fait une overdose (n°97, juin 1971 donc deux mois avant la célèbre histoire sur la drogue dans Green Lantern / Green Arrow n°85 : il faut rappeler que la règle du Comic Code Authority interdisait normalement l'usage des stupéfiants dans les comic books). Peter l'emmène à l'hôpital mais doit lutter contre Norman Osborn, redevenu le Green Goblin.  

Dans toute cette histoire, MJ apparaît très peu sympathique, inconstante, égoïste et assez cruelle (même si elle culpabilisera par la suite). C'est assez curieux que les fans aient fini par la préférer à Gwen alors que Peter ne montre strictement aucune attirance pour MJ. Son caractère entreprenant et sa passion pour Peter semblent paraître positifs pour une majorité de lecteurs. 

 Après 5 numéros passés en Angleterre (n°93-98), Gwendy décide de revenir en se reprochant d'avoir trop exigé le mariage. "What right had I to be angry at Peter because he didn't propose marriage to me. I know he loves me... as I love him! I just know it. A boy doesn't want to feel pressured... doesn't want to feel trapped by a girl. Maybe I pushed too hard! Maybe... I scare him away. I was a fool to run off the way I did."


 Peter et Gwendy se réconcilient très facilement et on croit doc à un happy ending (fin du n°98). 

 


Peter commence même à demander Gwendy en mariage (début du n°99, août 1971), même s'il ne va pas jusqu'au bout. 
 

Peter passe tout l'épisode à chercher de l'argent. Ce n°99 est l'un des plus à gauche de la série (et c'est même le premier, je trouve, qui justifie sa réputation, d'habitude c'est Joe Robertson qui tient les propos de gauche) : Spider-Man vient sur un plateau de télévision pour dénoncer les conditions de détention des prisonniers : pourquoi confiner ensemble des délinquants juvéniles et des criminels endurcis de la Pègre ? Et on a un second happy ending


 Mais dans le n°100, Peter décide d'inventer un sérum pour supprimer ses pouvoirs de Spider-Man et pouvoir enfin épouser Gwen. L'expérience rate de manière spectaculaire quand la mutation s'accroît et que Peter attrape quatre bras de plus (dans la première version, Gil Kane avait dessiné deux bras et deux jambes mais Romita avait trouvé cela trop ridicule). 

Stan Lee quitte officiellement le titre pour se consacrer à écrire un film avec le réalisateur français Alain Resnais, The Monster Maker, sur un réalisateur de film d'horreur de série B dans le genre de Roger Corman qui doit lutter contre un Monstre créé par la pollution sur Rat Island (mais le film ne fut pas produit - Resnais pu quand même utiliser Stan Lee dans sa séquence de l'An 01).  

Roy Thomas reprend la série brièvement The Amazing Spider-Man pour les n°101-104. 

Un des apports de cet ancien prof d'histoire est d'ajouter chez Gwen plus de référence au contexte historique. 

Gwen propose à Peter pour le 4 février (date d'anniversaire de la féministe Betty Friedan, qui dirigeait la National Organization for Women) d'aller voir soit Love Story (décembre 1970), soit le film suédois de Vilgot Sjöman (1924-2006), I am curious (yellow) Jag är nyfiken – en film i gult (1967 mais longtemps interdit par la censure américaine). Le film est tourné comme un faux "documentaire". Lena (jouée par Lena Nyman (23 ans)) est une militante de gauche travaillée par sa conscience sociale, libérée sexuellement et poussée par un désir ascétique d'intégrité. Elle est amoureuse de Börje (joué par Börje Ahlsted, 28 ans) qui la trompe plusieurs fois. Elle attrape la gale et elle finit par l'émasculer. Le film insère une interview réelle en Suède de Martin Luther King Jr sur la non-violence où Lena regrette de s'être emportée et un passage meta où le réalisateur Vilgot Sjöman devient jaloux de la relation réelle entre les deux acteurs Lena et Börje. Ce film provocateur sur la castration (ou sa "suite" qui suit les couleurs du drapeau suédois, Je suis curieuse - en bleu) avait été un grand succès en 1969 aux USA et il dû traumatiser les scénaristes new yorkais puisque le titre avait aussi inspiré à Robert Kanigher l'année d'avant l'histoire de Lois Lane où elle devient noire (Lois Lane n°106, septembre 1970). Je ne pense pas que la majorité des jeunes lecteurs a saisi cette tentative de Roy Thomas de faire de Gwen une intellectuelle fan de libération féministe et de cinéma-vérité érotique suédois (contre cette écervelée de MJ qui se vante souvent de ne jamais suivre l'actualité). 

 Gwen reste assez prude dans son invitation ("You could cover my eyes during the spicy parts.") Roy Thomas et Marvel continuent à faire une double écriture, pour enfants et pour le public estudiantin. Gwen exagère dans l'allusion au classement qui venait d'être créé en 1968 : le film n'avait pas été classé R mais X en raison de plusieurs scènes (c'était le début du classement X quand il était encore associé à film "adulte" et pas seulement à la pornographie). Je ne suis pas sûr que le film ait bien vieilli. 


Mais Peter, qui a toujours 8 membres depuis sa mutation, refuse la sortie cinéma et va disparaître pendant quelques temps pour trouver un remède. Gwendy se croit à nouveau abandonnée. 

 Quand Peter est guéri de sa mutation, il pense à nouveau demander à Gwen de l'épouser et se dit que le seul obstacle est seulement financier (oubliant donc ses plans de supprimer ses pouvoirs d'abord). 

Roy Thomas écrit alors une histoire plus Pulp sortie de King Kong ou des aventures qu'il avait écrites pour les X-Men n°62-63 (1969). Jonah Jameson propose de lancer une expédition dans la Terre Sauvage en Antarctique pour retrouver le monstre Gog et il demande à Gwen de les accompagner sans qu'on comprenne très bien pourquoi à part pour se faire enlever par le monstre comme Ann Darrow dans King Kong. Elle accepte cette offre un peu absurde, en trouvant très sexiste que Peter trouve que ce serait trop dangereux ("Why, Peter Parker... what a male chauvinist pig thing to say!"). 

 

On revient donc au modèle traditionnel de la Damsel in Distress et Spider-Man doit libérer Gwen du monstre (et de son allié Kraven). L'hommage est en tout cas un peu trop directement repris tel quel de King Kong (il y a même un Gong pour appeler la Bête). Roy Thomas voulait-il aussi érotiser l'image de Gwen en la mettant en Jane de la Jungle ? Il aurait peut-être dû alors lui donner plus de présence et plus de rôle actif. (En passant, on ne voit plus MJ depuis l'overdose de Harry).
 

L'année 1971 se termine donc par un provisoire "retour à la normale" : Gwen ne manifeste plus un ressentiment aussi violent contre Spider-Man dans tous ces n°95-104 depuis qu'elle a évoqué le fait qu'Arthur et George Stacy avaient plaidé en faveur du héros. La mémoire collective a souvent répété qu'elle continuait à parler de la mort de son père avec autant d'insistance qu'Inigo Montoya mais dans les textes de l'époque, le deuil avait été relativement plus rapide.