samedi 11 janvier 2025

Deux jeux PnP sur le Silmarilion

War of the Jewels est un jeu à deux joueurs (Morgoth vs les Peuples Libres) mais il exige d'avoir War of the Ring dont il est une modification. Il y a énormément de matériel à imprimer et je pense hélas que je ne le testerai jamais même s'il a l'air d'avoir beaucoup d'atmosphère. 

Plus facile à imprimer : Wrath est un jeu en solo où on joue Morgoth et on doit essayer d'optimiser son score face aux seigneurs elfes. Bien que plus simple que le précédent, il me semble avoir aussi réussi à capter l'atmosphère du Silmarilion (même si certains testeurs trouvaient que Morgoth serait un peu trop faible, mais c'est un biais des jeux en solo dans les premières parties pour qu'on puisse rejouer). Un reproche est qu'on ne distingue pas assez les différents héros (notamment humains, pas de Beren ou Turin).

lundi 6 janvier 2025

Robber & Embleur

(via abie temptoetiam) En vieux français, avant que le verbe "voler" venu de la fauconnerie ne s'étende comme métaphore morte de l'oiseau au fait de dérober (comme le rapace vous ravit la proie en étant un "bon voleur"), on distinguait encore à la Renaissance "rober" (par force) et "embler" (par ruse). 

Le robeur rosse, l'embleur subtilise. 

Rober vient d'une racine germanique "raub". En allemand, le Raubvogel veut dire littéralement "l'oiseau-voleur" (ou le volant-voleur) et c'est le Rapace.  

Rapax en latin est celui qui est prompt à "rapire" et c'est ce verbe rapire (saisir, prendre, capturer) qui signifie voler. Le vice de rapacité est donc aller du cupide vers l'oiseau prédateur avant de venir en français du volatile vers le larron.

Dérober est ambigu entre simplement "rober" et l'influence de "dé-rober" au sens de retirer la robe. "Rob" voulait dire le butin ou ensuite par extension le "vêtement dont on a dépouillé quelqu'un" et par extension le vêtement féminin. La robe a donc une charge violente, c'est ce qui est fait pour être retiré.

Embler n'a aucun rapport avec "cambrioler" qui vient de "camera", la chambre. Et rien à voir non plus avec "ambler" (lever ensemble les deux pattes du même côté pour un quadrupède).

dimanche 5 janvier 2025

Deux Notre Dame romantiques


Victor Hugo
publie Notre Dame de Paris en mars 1831 et l'histoire se déroule en 1481-82, sous Louis XI (1423-1483  - le Quentin Durward, 1823 de Walter Scott s'était déroulé avec le même roi en 1468). Nerval dit dans un poème que la cathédrale de pierre et le roman sont désormais liés pour toujours.


Honoré de Balzac - qui a lu le roman dès la sortie et l'a détesté - sort une nouvelle "Les proscrits" sept mois plus tard, en octobre 1831 et elle se déroule aussi à l'ombre de Notre Dame, sur une île de la Seine, mais cette fois 174 ans avant celle de Hugo, en 1308, sous Philippe le Bel (1268-1314). La  Cathédrale y joue certes un rôle moins central que chez Hugo et l'île de Notre Dame fait plus référence à la rue du Fouarre en face sur la rive gauche.

L'histoire utilise notamment (divulgâche, pardon) le personnage de Dante Alighieri (1265-1321). Dante (qui a déjà écrit sa Vita Nuova vers 1294) a 43 ans. Il a quitté Florence depuis sa mission à Rome en 1301 et n'y reviendra jamais plus, même si on n'a aucune preuve qu'il quitta jamais la péninsule italienne ou qu'il ait visité Paris (ou Oxford) vers 1308 alors qu'il commence à préparer sa Divine Comédie. Le panneau de notre Rue Dante qui fut la médiévale Rue du Fouarre des étudiants avance la date de 1304 qui est jugée peu vraisemblable. Une autre théorie parle éventuellement d'une visite vers 1313 avant qu'il n'ait diffusé l'Enfer. Philippe le Bel et surtout Charles de Valois (corrompu par Corso Donati, le chef des Guelfes noirs) sont intervenus pour soutenir les clans des Guelfes noirs. Dante condamne Charles de Valois dans le Purgatoire, XX, v. 70-78 en disant qu'il tenait la Lance de Judas et perça le ventre de Florence. La France de Philippe le Bel et de la nouvelle Papauté d'Avignon est souvent évoquée de manière négative dans la Divine Comédie et Dante mettra ses espoirs plutôt dans le nouvel Empereur Henri VIII (dont le règne sera si court, 1308-1313).

Le nom du personnage principal, le jeune "Godefroid (Comte) de Gand" est peut-être un mélange (inconscient) des noms de deux philosophes, le maître "réaliste" platonisant Henri de Gand (1217-1293) et son élève et critique plus averroïste Godefroid de Fontaines (v.1250?-1309). 

Le nom de la mère du Comte Godefroid "Mahaut" est un souvenir direct de la Comtesse Mahaut d'Artois (1270-1329), qui contribua à causer la Guerre de Cent Ans.

Le seul enseignant cité dans la nouvelle (théoricien de l'angélologie) est imaginaire, "le docteur Sigier". Ce Sigier n'est pas l'averroïste Siger de Brabant 1240-1284 que rencontre Dante dans le Paradis, X, 135-138, dans une des rares occurrences positives sur Paris et la rue du Fouarre (Vico de li Strami), où Thomas d'Aquin (1225-1274, canonisé en 1323) l'introduit :

essa è la luce etterna di Sigieri,

che, leggendo nel Vico de li Strami,

silogizzò invidïosi veri».

 

Il y a un léger anachronisme puisque le texte de Balzac dit qu'on est censé être en 1308 et qu'on vient d'exécuter en Place de grève la célèbre béguine Marguerite Porete (1250- 1er juin 1310), l'infortunée autrice du Miroir des âmes simples et anéanties et qui seulement demeurent en vouloir et désir d'amour (1295) - et on dit en effet que le concept de "vraie noblesse d'âme" du mysticisme influença non seulement la mystique rhénane de l'Anéantissement de Maître Eckhart mais aussi le poète florentin. 

Théologiens et autres clercs,
Point n'en aurez l'entendement
Eussiez-vous l'esprit clair,
Si vous ne procédez humblement
Et qu'Amour et Foi ensemblement
Vous fassent surmonter Raison,
Elles qui sont maîtresses de la maison.

Le Maître Godefroid de Fontaines avait défendu l'ouvrage de la béguine avant sa condamnation par le pouvoir.

C'est le thème du devenir angélique, du Nihilisme et de la féminité qui intéresse Balzac et son Godefroid trouve en Dante une sorte de Béatrice (1266-1290) - si on accepte l'idée que Virgile ne représente que l'étape de la raison naturelle et Béatrice la raison éclairée par la foi. Ce spectre de la béguine Marguerite Porete en la rue du Fouarre joue peut-être le rôle mystique d'Esmeralda en son livre de pierre chez Hugo.

Mais Balzac, comme souvent dans son oeuvre (et comme William Blake), fait plus référence à la mystique angélique d'Emanuel Swedenborg (1688-1772) qu'à Maître Eckhart (Swedenborg prétend avoir littéralement visité le Paradis et l'Enfer et non pas allégoriquement comme Dante). 

Balzac a suivi des cours de philosophie et se moque parfois de l'éclectisme hégéliano-schellingien de Victor Cousin. Ses personnages des contes philosophiques, de Valentin ou Louis Lambert veulent tous les deux écrire une "Philosophie de la Volonté". Peut-être a-t-il entendu parler de Schopenhauer (1818) mais celui-ci ne fut jamais traduit avant 1877, sa référence est peut-être plutôt le spiritualisme de Maine de Biran ou bien Fichte via Hoenë-Wronski qui l'adapta en 1803

Hugo en 1831 choisit un cadre de crépuscule du gothique pour représenter la fatalité historique, l'abîme du temps. Balzac a jugé le roman hugolien "une fable sans possibilité" et ce qui l'intéresse est un surnaturel assez distinct. Au lieu du fantastique gothique des démons intérieurs de Frollo et l'humour satirique de Villon (1431-1463), de Gringo(i)re (1475-1539) ou de la Cour des Miracles, Balzac choisit le poète qui va inspirer le nom de son cycle romanesque et un contact avec l'invisible qui se voudrait moins ironique que celui de Hugo. C'est l'Ange contre la Gargouille, l'espérance d'un autre monde face à la nef minérale tendant vers l'absence de Providence. 

Mais curieusement, un même néant menace dans les deux cas. Les deux écrivains, encore royalistes en 1831 (même si Balzac restera plus légitimiste que Hugo), choisissent un cadre où le Roi, qu'il soit Philippe IV ou Louis XI, préfigurent une raison d'Etat qui écrase les consciences individuelles (même si le Louis XI de Hugo est moins féodal et déjà plus lié à une souveraineté impersonnelle). Chez les deux, leur justice demeure l'arbitraire de l'exécution d'une innocente, Marguerite et Esmeralda.

vendredi 3 janvier 2025

Re. Judge Dí Rénjié's Mystery

J'ai continué à suivre quelques épisodes de la nouvelle série Judge Dee. Je me me souviens pas que le magistrat ait eu de tels problèmes d'alcoolisme dans les romans de Robert Van Gulik mais cela fait 40 ans que je les ai lus et ma mémoire a peut-être refoulé cet aspect. Est-ce pour insister sur sa jeunesse ? Est-ce pour avoir un équivalent de l'héroïnomanie de Holmes ou une sorte de talon d'Achille ? Ou bien est-ce plus "culturel" et une allusion au plus célèbre poète de la période des Tang, Lǐ Bái (701-762), connu pour ses poèmes sur le vin (il y a eu un dessin animé sur lui en 2023) ? Un personnage cite explicitement pendant une beuverie le fait de chercher à "pêcher la lune", ce qui est une allusion à une légende sur la mort de Li Bai, qui se serait noyé en cherchant à prendre le reflet de la lune sur l'eau.

Ces épisodes à Penglai ont aussi un léger côté Dirty Harry ou Judge Dredd où Dí Rénjié n'hésite pas à intimider à la frontière de la loi pour obtenir certains résultats. Même les Chinois commencent à être influencés par Hollywood avec des héros "rebelles" anti-conformistes. C'est un peu curieux pour l'image habituelle du Juge Di. 

Add. Le premier poste est Pénglái, sur la côte nord du Shāndōng, entre le grand Golfe de Zhílì (ou actuelle mer de Bó Hǎi) et la Huáng Hǎi (Mer Jaune) et c'est un peu loin du royaume de Baekje (sud-ouest de la Corée). Dans les romans, Di y est nommé en 663 à 33 ans mais j'ignore jusqu'où la série tente de conserver à peu près la chronologie. Le Baekje aurait alors été annexé, avec l'aide des Tang, par le royaume coréen de Silla en 660. La série dit que l'organisation "Heyan" a été éliminée "la 14e année de Zhēnguàn", soit l'an 640, quand Di est encore enfant. 

Il y a parfois des passages très obscurs dans la version sous-titrée en anglais. A la fin du 8e épisode, Di dit qu'on a trouvé le "Modao" à bord des navires et le contexte n'explique pas bien ce que c'est (des armes impériales, j'imagine ?). 

J'ai ressorti mon exemplaire de Trafic d'or sous les T'ang (vieille traduction française de The Chinese Gold Murders) et j'y vois que les deux assistants de la série Qiao Tai et la voleuse Ma Rong y étaient deux hommes du jiānghú (rivières et lacs) et du wǔlín (forêt des guerriers), orthographiés alors en VF Tsiao Taï et Ma Jong.

Deux cauchemars

Je suis dans un restaurant d'un hôtel loin de chez moi. Ce restaurant est construit à l'extérieur en plein air, sur une butte avec deux niveaux autour d'un écran géant qui est allumé. Le tenancier de l'auberge m'a demandé comme service de surveiller pendant peu de temps son restaurant qui est plein de clients déjà tous attablés. Je n'aurais pas à servir, juste à veiller debout à ce que tout se passe bien. Je passe à travers le restaurant. Il y a un chat dans un coin, dans un panier, et je me demande si c'est bien hygiénique. Le chat me paraît curieusement irréaliste, ressemblant davantage à un chat d'anime japonais qu'à un chat réel, notamment des yeux ronds et une absence de détails sur son pelage. Il s'enfuit et je crains d'avoir complètement failli à ma tâche qui semblait pourtant assez simple. 

Je suis le jour de la rentrée (le lundi 6 janvier prochain, qui m'angoisse beaucoup, je ne sais pourquoi). Je me dis que je ne dois pas oublier de reprendre le travail mais je me le redis à chaque heure en continuant d'oublier que l'heure est déjà en train d'être dépassée. Je n'habite pas du tout chez moi à Paris mais dans un appartement en face du Centre Pompidou à Beaubourg (où j'avais accompagné des élèves d'une classe de terminale littéraire il y a quelques années). Je croise alors dans la place devant Beaubourg une file d'anciens élèves (qui ne sont pas du tout de vrais anciens élèves mais des enfants de mes anciens voisins - nous venions de parler la veille de mon ancien logement). "L'élève", qui a son âge de l'époque où j'habitais là-bas alors que je l'ai déjà croisée depuis, me reconnaît et me fait un compliment mais je prends alors conscience que je viens de rater ma rentrée et qu'il est trop tard. Je ne culpabilise pas tellement d'avoir manqué les cours mais plutôt de n'avoir aucun motif valable en dehors de cet oubli insensé. 

mercredi 1 janvier 2025

Υγεία, ζωή, χαρά, ειρήνη, ευθυμία, ἐλπίς

Mosaïque d'Halicarnasse (IVe siècle) : 
Υγεία, ζωή, χαρά, ειρήνη, ευθυμία, ἐλπίς
"Santé, 
Vie, 
Joie, 
Paix, 
Bonne Humeur, 
Espérance"

lundi 30 décembre 2024

Judge Dee's Mystery (2024)

 


Cette nouvelle série chinoise est disponible légalement sur YouKu (en théorie, elle est aussi sur Netflix mais j'ai l'impression que ce n'est pas sur Netflix France). C'est une adaptation (avec des scénaristes britanniques et un studio chinois) à partir des romans de Robert Van Gulik (traduits en français "Juge Ti") mais contrairement aux séries policières épisodiques, ils insistent sur une histoire continue à travers les 32 épisodes, avec une enquête à chaque fois qui dure 3-4 épisodes (et des enquêtes peuvent en partie se chevaucher, mais moins que dans les romans). On suit le juge Di à travers différentes fonctions sous l'Empire des Táng au début du règne de l'Empereur Gāozōng (628-683) et surtout de son épouse, l'Impératrice Wǔ Zétiān (624-705, jouée par Zhong Cuxi, 31 ans). 

Les 4 premiers épisodes sont la jeunesse du Juge Dí Rénjié (狄仁杰, 630-704, joué par Zhou Yiwei, né en 1982) au moment où il doit passer les Examens Impériaux (vers 650-660 ?) à Cháng'ān. Ses amis l'appellent de son "prénom de courtoisie" Huáiyīng (懷英). Il va être accompagné de plusieurs assistants qui vont le suivre pendant toute sa carrière : Hong Liang (vieil assistant de son défunt père), Qiao Tai (le "muscle") et Ma Rong (une jeune voleuse travestie en garçon, illettrée et qui sert souvent plutôt de comic relief, jouée par Lingzi Qu). Di va aussi tomber amoureux d'une musicienne nommée Cao An (jouée par Wang Likun). On apprend aussi que le père de Dí Rénjié, le juge Di Zhixun, s'est suicidé en se jetant dans la rivière pour une raison inconnue. Le jeune Huáiyīng avait assisté à sa mort et rejette depuis tout désir de reprendre sa voie ou même le manoir familial à Chang'an.

Le premier mystère est le "Sceau du Phénix" et je crois qu'il n'était pas chez Van Gulik : le sceau impérial que détenait l'Impératrice Wǔ Zétiān a disparu et les factions conservatrices accusent les réformes de l'Impératrice d'être la cause d'étranges désastres liés au feu. Par la suite, il va être envoyé à son premier poste à Penglai (Gianni avait d'ailleurs mis la carte fictive de cette ville). 

Il y a 9 enquêtes au total sur ces 32 épisodes :  (1) le sceau du Phénix, (2) le Paravent (3) le Trafic d'or (4) Le Maître de la pluie, (5) le Pavillon Rouge, (6) la Poursuite dans le Désert, (7) La Gourde vide, (8) Les gazouillis d'alouette, (9) la Bibliothèque de Chaoyun.

Le Juge Di y est censé incarner le magistrat intègre dans un cadre corrompu mais le scénario fait parfois l'erreur de laisser Di accepter certaines "compromissions" qui nuisent au concept. L'Impératrice Wu Zetian y est représentée comme une vraie réformatrice qui se soucierait de l'intérêt commun mais aussi un personnage inquiétant et impitoyable. 



Cette version de Di a le défaut d'utiliser beaucoup de coïncidences improbables et les personnages le font souvent remarquer, en disant que cela doit donc être surnaturel. Il y a donc des pseudo-explications parfois alchimiques sans grand souci de réalisme. Ce n'était pas l'atmosphère originelle chez Van Gulik mais c'est certes moins riche en magie que certaines autres versions chinoises comme la trilogie de Tsui Hark, Detective Dee and the Mystery of the Phantom Flame (2010 - qui a dû influencer les premiers épisodes de la série sur ces combustions spontanées), Young Detective Dee: Rise of the Sea Dragon (2013, le prequel) et Detective Dee: The Four Heavenly Kings (2018). 

Cette série de 2024 est un peu une synthèse du côté seulement cérébral "holmesien" de Van Gulik et des versions chinoises avec plus d'arts martiaux et de "wire-fu" comme Tsui Hark, mais Di est toujours représenté bien plus jeune et agile que chez Van Gulik.

Il y a eu de nombreuses séries TV chinoises ces dernières années sur Dee. La structure de la série (une enquête sur plusieurs épisodes et une progression vers les intrigues politiques à  Cháng'ān avec Wu Zetian) doit aussi évoquer celle d'Amazing Detective Dee Renjie (4 saisons de 2004 à 2010), que je n'ai pas vue. La version de Van Gulik avait déjà été adaptée en 1986 et il y a eu une autre série dont le titre anglais était Young Sherlock (2014). En revanche, la version The Legend of Di Renjie and Wu Zetian (1996) se voulait plus proche du personnage historique réel et non pas de Holmes. Il y a aussi un film Di Ren Jie: Tong Tian Ren Ou (Juge Di : le Mystère de la Marionnette, 2024), avec l'acteur taïwanais Kuo Dylan dans le rôle du juge (et il est aussi en ligne).

samedi 28 décembre 2024

Les Temples de Cháng'ān sous les Táng

Nous sommes allés voir avec Mellon et Rainë l'exposition du Musée Guimet sur la Chine des Táng (唐, 618-907) et je ne me rendais pas compte que l'extension de l'Empire Táng vers l'Asie Centrale impliquait non seulement des influences turcophones via la Route de la Soie mais même des influences perses : la célèbre Impératrice Wǔ Zétiān (la seule Impératrice de plein titre de l'histoire chinoise à la fin du VIIe-début VIIIe) avait même autorisé en plus des sanctuaires taoïstes et des pagodes bouddhistes des temples zoroastriens, des missionnaires manichéens et nestoriens. 

Cette carte si géométrique de la capitale Cháng'ān (Cité de la Longue Paix, plus tard "Xī'ān"), la plus grande ville du monde à cette époque, ressemble beaucoup à l'une des animations de l'exposition et on peut y voir les temples étrangers (cliquez pour agrandir).

L'avenue centrale nord-sud entre le Palais Impérial et la Haute Porte Míngdé (de la Plus Haute Vertu) est appelée "Zhūquè" qui est traduite dans l'expo "Avenue du Phénix Rouge" mais on peut distinguer "l'Oiseau Vermillon du Sud" et le "fènghuáng" (qu'on traduit traditionnellement "phénix" même s'il n'a rien à voir avec notre phénix - on peut aussi le relier à la corneille solaire à trois pattes (ou corbeau d'or, Jīnwū) - le fort des gardes s'appelle ainsi). L'Oiseau Vermillon du sud est l'un des quatre animaux avec le Dragon d'Azur de l'est, le Tigre blanc de l'ouest et la Tortue noire du nord

Le monde entier comptait environ 200 millions d'habitants dont 50 millions à l'intérieur de cet Empire  Táng avant l'effondrement de la guerre civile sous la révolte d'Ān Lùshān, qui aurait réduit la population à la moitié en raison des déplacements de population et des massacres. Pour comparer l'Empire de Charlemagne aurait été autour de 10-20 millions au maximum. 


A part quelques oeuvres bouddhistes, des statues astrologiques, il y a peu d'aspects mythologiques mais il y a les deux dieux-dragons qu'on voit sur l'affiche : l'Auguste Fúxī (avec une équerre) et son épouse-soeur la grande déesse à queue de dragon Nǚwā (avec un compas) comme symboles d'harmonie. Des indices (dans l'Investiture des dieux) laissent penser que Nǚwā dut être une déesse archaïque importante avant de décliner dans le positivisme philosophique post-confucéen. Xī Wángmǔ (la Reine-Mère de l'Ouest) semble avoir été d'abord une grande déesse aussi terrible que Mahādevī Durgā et une mère de Fúxī & Nǚwā avant de décliner dans bien des représentations taoïstes traditionnelles comme une vieille gardienne des pêches de l'immortalité.

J'ai raconté l'an dernier un mythe Tang sur les dieux gardiens des Portes (門神 Mén Shén) : les deux généraux divinisés Qín Shūbǎo & Yùchí Jìngdé (qui protègent l'Empereur "Grand-Ancêtre" Tàizōng contre le spectre du Lóng Wáng de la rivière Jīng), et le Roi-Fantôme chargé de chasser les spectres, Zhōng Kuí aux Cinq Chauve-Souris pour protéger l'Empereur Xiànzōng. 


 

jeudi 26 décembre 2024

[Hârn] La succession du Kaldor

La plupart des suppléments de Hârn étaient présentés comme des listes de lieux avec quelques noms de PNJ sans beaucoup de détails sur leur psychologie. Tout est décrit à une seule date, l'an 720, et j'ai toujours trouvé que c'était une des plus grandes forces de cette gamme, le refus d'un "méta-récit" explicite qui rendrait chaque campagne de MJ dépendante d'une évolution d'une chronologie officielle - l'inverse des Royaumes Oubliés (qui ont même une fois sauté un siècle entier) ou de l'Oeil Noir (qui a choisi qu'un an dans le temps réel correspondait à un an dans le temps fictif de la planète "Dere", ce qui me paraît un peu rapide). 

On sait que le Royaume de Kaldor va avoir une crise de succession comme le Roi est vieux, malade et sans héritier légitime (de même qu'on sait que le Rethem, le Kanday et la République Thardique vont vers une guerre à l'ouest) mais chaque MJ doit inventer comment elle va se dérouler et construire ses aventures sur le fond de cette crise. Il y a tellement de détails que lorsqu'on zoome sur une région, on doit pouvoir trouver de nouvelles relations et d'autres idées (ce caractère fractal étant un signe de vraisemblance). 



Voir Kaldor 1e édition p. 4 (plus détaillé en 2e édition Kaldor 7-8) qui résume la situation + Arbre généalogique 1e édition p. 5 (2e Kaldor 16). Par la suite, je n'indique plus que les références de la 2e édition de 2013. Je redéveloppe ce que j'avais déjà écrit sur Pontroll.

C'est un conseil de famille du Clan Elendsa (y compris les branches cousines) qui devra bientôt décider de la succession du Roi.

Miginath Elendsa, fils du Roi Torastra (635-692) est né en 652 et a donc 68 ans en 720. Après la mort de son frère aîné Haldan Elendsa (650-682), il est devenu le Prince héritier. Il a eu deux fils illégitimes d'une roturière : Maldane Harabor, connétable d'Olokand, shérif de Meselyne (né en 673, 47 ans, voir Kaldor 40) et Koris Harabor, maréchal de la Garde royale (né en 675, 45 ans). Puis quelques années après la mort de sa première compagne, le roi Miginath est tombé amoureux de Dame Erila Kaphin (née en 679, 41 ans). Une rumeur dit que la Dame Kaphin, venue de Chybisa, aurait été une fille illégitime du Roi Torastra, ce qui en ferait une demi-soeur du Roi Miginath et empêcherait leur mariage. Miginath la fit nommer Dame du Sceau Privé et il eut d'elle son second bâtard, Tulath Kaphin (né en 696, 24 ans), shérif de Vemion (Athelren, Kaldor 23). Tulath est marié à une fille du Baron Tarmas Verdreth (Ternua, Kaldor 48), dont une autre fille est mariée à Sir Meden Curo, fils du Comte de Neph et Connétable de Gadiren. 

Si le Roi Miginath reconnaissait un de ses trois fils "bâtards" avant sa mort, cela ne suffirait pas nécessairement à en faire l'héritier des Elendsa. Maldane Harabor est le plus ambitieux et le jeune Tulath Kaphin a une mauvaise réputation d'arrogance et d'immaturité.

Sir Conwan Elendsa, né en 687, 33 ans, shérif de Semeth (Querina), neveu du Roi, fils de son petit frère Brandis Elendsa, Chevalier d'Etoss, est pour l'instant l'aîné des garçons légitimes (son père, ancien Grand Veneur, avait voté contre Miginath à la mort de Torastra). Conwan est assez riche en détenant à la fois le château d'Etoss (plus Baray et Orcale et les mines de fer de Tallor), près de Querina (voir Kaldor 43). En 708 (alors qu'il n'avait que 21 ans), il demanda à épouser Hesena Inamis, initiée de Save-K'nor (Dieu de la connaissance), et dut obtenir une autorisation du Serekela (Archevêque) de Larani, son grand-oncle Kalabin Elendsa (644-708), chef de l'église larani en Kaldor et frère de l'ancien roi Torastra. Kalabin fit jurer Conwan qu'il renoncerait au trône pour ses enfants et il fut assassiné peu de temps après (peut-être pour d'autres raisons comme il était corrompu). Seul le nouvel Archevêque de Caleme, Edine Kynn (Kaldor 53) pourrait éventuellement lever le serment pour que Conwan Elendsa puisse se présenter. Mais l'Archevêque Kynn est un ami de Troda Dariune, Comte de Balim. 

La jeune soeur de Conwan Elendsa, la Princesse Udine Elendsa, née en 699, 21 ans, vient d'avoir deux bébés avec Sir Harapa Indama : Dosyl et Indama, qui pourraient donc aussi réclamer le trône.  Le jeune Sir Harapa Indama, 22 ans, est le fils de Chimin Indama, Baron de Getha et Shérif de Neph (Kaldor 29).

Sir Troda Dariune, né en 673, 47 ans, cousin du Roi, fils de sa tante est le Chancelier de l'Echiquier et Comte de Balim (depuis son château à Kiban, Kaldor 33). Les Dariune sont la seconde famille la plus puissante du Royaume et Troda est resté pour l'instant loyal. Son épouse Olena Pierstel est la soeur du Baron Uthris Pierstel, le "Blaireau" de Tonot (Kaldor 49). 

Il veut marier son fils Scina Dariune, 21 ans, avec la Dame Cheselyne Hosath la Jeune (17 ans, fille de Cheselyne, une nièce de Miginath, elle est jugée sans scrupules et le Baron Uthris Pierstel, qui ne s'entend pas avec Troda déconseille cette union à son neveu Scina). La Veuve Cheselyne Elendsa l'Ancienne, 48 ans, avait été candidate au Trône contre Miginath. La soeur de Cheselyne l'Ancienne, Meliem Elendsa, 39 ans, est Grande Chambellan du Royaume.

Sir Orsin Firith, "le Borgne" (il a perdu un oeil en 718 en luttant contre les Pagaelins), né en 674, 46 ans, neveu du Roi, est Baron de Kobing (Kaldor 34), Marquis ("Warden") d'Oselmarch. Une soeur d'Orsin Firith, Lenera, est Archiviste de Larani, l'autre, sa jumelle, Serli, a épousé Karsin Ubael, le Baron d'Uldien (Kaldor 50). Le fils de Karsin Ubael, Karsin le Jeune (né en 706, 14 ans), est donc aussi dans la ligne de succession. 

Sir Erelar Hirnen, né en 675, 45 ans, neveu du Roi est Baron de Nenda (Kaldor 38). Il est irascible et désagréable. Il a un fils Arlbis Hirnen, 18 ans. Son frère Tarkin Hirnen est Lord Chancelier (et donc ministre de la Justice).  

Récapitulons. Sur le papier, Truda Dariune (ou plutôt son fils Scina) me semble le plus puissant, ce qui devrait liguer certains ennemis contre lui. Conwan doit obtenir l'annulation de son serment (et Lenera Firith est l'Archiviste de l'Eglise de Larani...). Koris soutiendra-t-il la cause de son frère Maldan ?

Si on veut un tableau aléatoire : 

  • 1 Maldan Harabor (2 fils)
  • 2 Koris Harabor
  • 3 Tulath Kaphin (1 fils)
  • 4 Troda Dariune (3 enfants)
  • 5 Cheselyne Elendsa l'Ancienne  (2 filles)
  • 6 Conwan Elendsa (3 enfants)
  • 7 Orsin Firith (2 fils)
  • 8 Erelar Hirnen (2 enfants)
  • 9 Udine Elendsa  (2 enfants)
  • 10 Karsin Ubael (3 enfants)

On peut lancer deux fois sur cette table et créer par exemple la relation suivante : 

  • 1 Propose une alliance
  • 2 Propose un mariage
  • 3 Tente de discréditer, de faire chanter ou de compromettre
  • 4 Tente d'assassiner ou d'intimider

Par exemple : 

Erelar Hirnen (dont le frère est le Chancelier) tente d'invoquer de fausses preuves prétendant que Conwan aurait assassiné son grand-oncle pour qu'il annonce son soutien. 

Koris, amant de Lady Bastune, propose à Cheselyne l'Ancienne d'épouser sa fille et celle-ci le menace de révéler au comte Bastune sa conduite envers son épouse. 

Karsin Ubael fait chanter Tulath Kaphin pour avoir accès au Sceau Privé. La mère de Tulath est irritée contre le roi qu'il n'accepte pas de reconnaître son fils et confisque le Sceau Privé (aucun décret ne peut plus être signé).

Cheselyne envoie des agents en Chybisa pour enquêter sur la rumeur selon laquelle Erila Kaphin (née en 679) aurait été une fille de l'ancien roi Torastra. Personne ne sait qu'Erila Kaphin est aussi en contact avec le Conseil des Onze de Melderyn (ou bien le roi Miginath le sait-il en réalité ?).

Un escroc de Chybisa fait croire au Comte Troda Dariune qu'il a retrouvé l'épée de Calsten (celle qui fut le prétexte de la Guerre du Trésor de 675-687) et que cela lui donnerait un prestige nouveau.

Les autres Maisons nobles principales en plus des Elendsa, des Dariune, des Firith, des Hirnen, des Ubael, des Indama : 

Bastune (Kolorn, Kaldor 35, le fils Bastune est en fait un fils de Koris Harabor), Caldeth (Minarsas, Kaldor 37, tendances indépendantistes Jarin), Curo (Neph, Gardiren, Pendeth, Kaldor 28, 41, beau-frère de l'Archevêque), Elorieth (Nubeth, Kaldor 39), Ethasiel (Setrew, Kaldor 44, seigneur corrompu), Londel (Yeged, Kaldor 51, connu pour sa musique, siège d'un temple d'Ilvir), Meleken (Heru Kaldor 30, Qualdris Kaldor 42, Dame Meleken, née Caldeth, garde le fief en l'absence de son mari Sedris Meleken qui n'est pas revenu d'une enquête), Tesla (Esenor, Kaldor 26, allié de Dame Erila Kaphin), Verdreth (Ternua, Kaldor 48, le Baron Tarmas Verdreth est le frère de la Magicienne de la Cour Derwen Verdreth, spécialisée en Lyahvi, lumière et illusions). 

PNJ de la Cour (Kaldor 17) :

  • Chambellan de la Cour Meliem Elendsa
  • Médecin du Roi Ernell Mered
  • Maîtresse Esotérique Derwen Verdreth
  • Le Fou du Roi Armagaster d'Esaldin
  • Barde du Roi Eltan Lithas
  • Chancelier Tarkin Hirnen
  • Dame du Sceau privé Erila Kaphin
  • Avocat général Asorn Firith
  • Chancelier de l'échiquier Troda Dariune
  • Maréchal de la Garde : Koris Harabor
  • Grand Veneur Torald Ethasiel
  • Maître des écuries Rindan Caldeth
  • Marquis d'Oselmarch Orsin Firith & Nethan Deront
  • Marquis de Chelmarch le Roi Miginath & Korus Ynel

Columbia Games avait sorti plusieurs suppléments sur des manoirs & domaines de Kaldor : Gardiren (domaine des Curo), Heru (domaine des Meleken), Kiban (domaine des Dariune), Minarsas (domaine des Caldeth), Olokand (Maldane Harabor, le Bâtard), Qualdris (domaine des Meleken) et l'aventure Field of Daisies (qui se déroule à Falkath, au nord de Tonot mais dépendant des Curo de Gardiren, on peut la jouer dans l'enchaînement de l'aventure de Gardiren). 

Autres sources : Il y a beaucoup de matériels de fans sur le site Lythia.com, et par exemple cette aventure, Pluie d'Argent, de Neil Thompson, qui détaille aussi la ville de Jedes et la centurie (hundred) d'Asolade (plus de cent pages de background...). 

Friends, Foes & Followers est une anthologie de 144 PNJ (avec illustration et caractéristiques pour HarnMaster) de toutes les classes sociales, par Kerry Mould et alii

Le fanzine Thonahexus n°9 a une série d'articles sur la Guerre civile à venir, notamment un très long par Edward Barach p. 16-46. Une idée est que Conwan Elendsa se sort de son parjure en prenant l'ancienne Couronne de Nurela, pas la Couronne de Kaldor. Le Comte Hemisen Curo en profite et se déclare Roi de Serelind (en tant que descendant de la Maison Artane) avec le soutien du Baron de Getha et du Comte de Vemion. Une autre version propose une alliance Curo-Maldan contre les Dariune. L'alliance entre les Cheselyne et Troda Dariune (voire avec les Firith, si Troda promet à Orsin le Borgne de faire de lui un Comte) a de quoi inquiéter tous les autres seigneurs comme cela augmenterait énormément le pouvoir de la nouvelle maison royale. Dariune manipule Maldan à faire une erreur en relançant les offensives contre le sud et le Chybisa. Le fils de Maldan serait amoureux de Cheselyne la Jeune. Tant qu'aucun bâtard n'est reconnu, le Conseil des Elendsa donne 4 voix aux descendants du Prince Haldane (dont les Cheselyne), 5 voix aux descendants de la Princesse Lenera (les Firith), 2 aux Hirnen, 5 pour les descendants du Chevalier Brandis (Conwan ou Udine) et seulement 2 voix pour Troda (on comprend mieux son alliance avec les Cheselyne).  

Paul Strack en a aussi fait un excellent article en 2016 basé sur l'analyse détaillée des forces en présence par Edward Barach mais il va plus loin en proposant sa propre chronologie de la campagne et de la Guerre civile en utilisant même encore plus de factions que celles qu'on a énumérées.

mercredi 25 décembre 2024

Dialogisme & romanesque chez Leibniz

On peut regretter que les dialogues philosophiques ratent si souvent leur propre nature de dialogue en n'étant que des traités déguisés. Il y a quelques dialogues de Platon qui semblent peut-être y faire exception en raison de l'ironie de Socrate (est-il sérieux à la fin du Ménon de dire que l'opinion droite est tout aussi bonne que la science pour l'action ?). Les Dialogues sur la religion naturelle de Hume (vers 1770) sont un modèle d'écriture dialogique car il feint de présenter Cléanthe (le Déiste) comme la synthèse et dépassement de Déméa le Religieux et de Philo l'Agnostique mais en fait, Philo reste le vrai héros caché du dialogue pour celui qui sait lire entre les lignes pour dépasser la palme apparente de Cléanthe

Les Nouveaux Essais de Leibniz (vers 1700) sont souvent considérés comme un échec cuisant car "Théophile" (truchement de l'Auteur) "répond" de manière répétitive à un texte écrit ("Philalèthe", qui récite Locke) qui ne peut pas vraiment s'adapter pour dialoguer avec lui. Les Nouveaux Essais ne seraient que gloses & objections présentées sous forme de faux dialogue. Mais qui sait si Leibniz n'y joue pas parfois en partie la même stratégie que celle que prendra Hume plus tard en attribuant dans certains passages de Philalèthe ses propres doutes d'Ur-Aufklärer en faisant croire qu'il n'est que Théophile ? Il faudrait voir en détail dans la traduction Coste qu'utilise Leibniz les parties qu'il paraphrase en les déformant pour voir la part de Philalèthe qui n'est pas entièrement du texte mais bien un choix dans le résumé. 

Je m'étonnais que cette vieille émission radio sur Leibniz commence par une citation Aufklärer de Philalèthe (Nouveaux Essais, IV, chapitre 19 §1) comme si elle était de Leibniz mais ne peut-on pas en effet y trouver un peu de gourmandise dans sa manière de citer ce passage (et la réponse plus irénique de Théophile ensuite n'atténue pas tellement l'ironie de Philalèthe) : 

Les hommes croient que l’esprit dogmatisant est une marque de leur zèle pour la vérité, et c’est tout le contraire. On ne l’aime véritablement qu’à proportion qu’on aime à examiner les preuves qui la font connaître pour ce qu’elle est. Et quand on précipite son jugement, on est toujours poussé par des motifs moins sincères.

Ce passage, si on écarte la seconde phrase qui résume bien l'original, prend un peu de liberté avec le texte. J'avais trouvé le nom du personnage "Philalèthe" juste poli mais on peut se demander s'il n'y a pas parfois une tension entre la raison sincère de Philalèthe et la religion de Théophile, entre la vérité et l'usage optimale des idées. 

Théophile dit ainsi sa philosophie des Romans et de la connaissance rationnelle des possibilités non-existantes (Nouveaux Essais, IV, I) : 

Celui qui aura lu plus de romans ingénieux, entendu plus de narrations curieuses, celui-là, dis-je, aura plus de connaissance qu’un autre, quand il n’y aurait pas un mot de vérité en tout ce qu’on lui a dépeint ou raconté ; car l’usage qu’il a de se représenter dans l’esprit beaucoup de conceptions ou idées expresses et actuelles le rend plus propre à concevoir ce qu’on lui propose, et il est sûr qu’il sera plus instruit et plus capable qu’un autre qui n’a rien vu, ni lu, ni entendu, pourvu que, dans ces histoires et représentations, il ne prenne point pour vrai ce qui n’est point, et que ces impressions ne l’empêchent point d’ailleurs de discerner le réel de l’imaginaire, ou l’existant du possible.

lundi 23 décembre 2024

[Hârn] Pontroll

Pontroll (Trobridge) est un relais "neutre" dans un no man's land frontalier sur la "Route du Sel", près de la Trouée  de Chelna au sud de Hârn et ce fut l'un des premiers lieux particuliers décrits dans la gamme. Malgré son nom, il n'y a plus ni Troll ni Pont depuis longtemps et c'est un passage à gué sur la rivière Farin qui coule des Monts Felsha. Le village est près du Royaume de Kaldor (à l'est) et du Royaume d'Evæl dans la Forêt elfique de Shava (au sud), pas très loin aussi des vieilles ruines mégalithiques d'Elkall-Anuz (au nord) ou de la principale colonie de Gargu-Hyekas de tout Hârn, à Korego (nul ne sait exactement où c'est, dans les Monts Felshan). C'est aussi entre le territoire des cavaliers nomades Chelni et les terribles Tulwyns plus à l'ouest. C'est un point de passage obligé entre les caravanes des Royaumes de l'est (le marché de l'été de Tashal capitale de Kaldor, Chybisa) et l'Oligarchie Thardique à l'ouest (la cité de Coranan). Le Kaldor est un riche grenier à blé et a des élevages de moutons mais la République Thardique fournit le Sel et les biens artisanaux comme les textiles.


Carte chez Chibi : 1 carré = 100 km

L'auberge de Pontroll appartient à Terlin de Wesindan et à sa famille depuis plusieurs décennies et est liée à la Guilde Mercantile, mais la Neuveville de Pontroll est contrôlée par un ennemi de Terlin, Kurson Ondaillis qui fait payer un droit de péage sur le Gué et occupe une sorte de petit fortin. Les deux financent un groupe de quelques douzaines de mercenaires. Terlin est Initié de la Déesse Haléa. Le jeune Kurson Ondaillis, fils de Marakai Ondaillis, aimerait être anobli et transformé en Chevalier seigneur officiel de Pontroll mais il est le fils d'un brigand de Chybisa qui n'a acquis son pouvoir local que par la violence. Parmi les habitants de Pontroll, on trouve une non-humaine, une artisan de verre venue de la forêt voisine, qui est une Sindarin. Le meunier Herl soutient Terlin contre Kurson, ce qui pourrait être dangereux pour lui. 

On peut trouver de nombreux voyageurs de tout Hârn, notamment de jeunes barbares Chelnis qui logent là pendant le Grand Rassemblement annuel de l'Equinoxe du Printemps, et des Pèlerins du mystérieux Dieu Ilvir (dont le site sacré n'est pas si loin au nord du Lac Bénath). Voir plus bas pour quelques idées d'autres voyageurs venus de Kaldor. 

Comme je ne sais pas tellement improviser des détails pour les voyageurs occasionnels, voici un petit générateur supplémentaire. Lancez un dé pour des voyageurs quelconques (ou voir un générateur de noms hârniques comme celui-ci, celui-ci - tirée de cette liste - ou celui-là) : 

1 Asaen Ostardas (de Ramala, République Thardique) est un patricien d'âge moyen qui accompagne un chargement de sel, cupide, a des connaissances en herboristerie, flatteur & diplomate, qui aimerait bien visiter le Plateau des Tours, déteste les Tulwyns.

2 Tul Ercamber, jeune chevalier de Yeashim (près de Jedes) est impatient d'en découdre contre les Chelni, a peur des Elfes. Rêve de participer un jour au grand Tournoi d'Olokand et s'acheter un nouveau destrier au Marché de Jedes. Aime jouer aux dés. 

3 Lanas de Feneven (près de Jedes) transporte depuis Tashal du vellum pour manuscrit mais a beaucoup de mal à lire. Bavard, dragueur, aime chanter, voix pénible.

4 Orella de Mornisar (près de Hutop) transporte du blé. Se plaint beaucoup de l'incurie du shériff de Hutop, a un humour sarcastique, a des amis chez les Serachelni (même si elle ne l'affiche pas trop en bonne société kaldori). 

5 Keric de Fisen (Comté de Balim) transporte du blé vers Shiran. Belle apparence, sait lire et écrire (a de l'encre sur les doigts). Il a une bonne carte de la route du sel. A travaillé comme comptable pour le Comte de Balim dans le passé et doit écrire un rapport sur Pontroll. 

6 Gorond de Tashal transporte de la bière. Tousse beaucoup, tuberculeux, contagieux.


QUE VOIR AUTOUR DE PONTROLL  ?

Les Tulwyns

Ces barbares ne s'approchent pas de la rivière Farin (par peur superstitieuse parce que leurs mythes parlent souvent des héros tulwyns vaincus par les Elfes) mais ils sont une menace plus à l'ouest sur la route du sel dans l'Athul, ce qui contraint la République Thardique et les marchands des caravanes à leur payer des tributs. La tribu la plus proche de Pontroll est celle des Taygars, La Légion thardique de Ramala (venue de Taztos) fut massacrée par une tribu de Tulwyns il y a six ans en tentant de construire une forteresse sur la route (en revanche, les Tulwyns restèrent neutres pendant la guerre du Sel entre Thardiques et Kaldoriens il y a 50 ans). Les Tulwyns sont très nombreux (environ 10 000 hommes) et relativement unis par leur Grand-Chef Kirandar. Ils adorent Kekamar, dieu des tempêtes et leurs prêtres peuvent appeler les Vents ou même lier des Elémentaires des vents dans une Lance. Leur société est obsédée par la valeur guerrière et l'honneur (au point de voir l'armure comme un signe de lâcheté). Certains sont connus comme des berserkers. Nomades, ils vivent de chasse et marchandent parfois avec les Garguns de Korego. 

Les Chelni

Les PJ de Pontroll risquent d'avoir plus à faire avec les Chelni. Ce sont des éleveurs de Chevaux de petite taille (1,40 m au garotù) et leur amour sincère et démesuré pour leurs montures les fait admirer même de leurs ennemis Elfes en Evael. La majorité est animiste et adorent des Esprits chevaux mais une minorité s'est convertie au dieu nordique de l'Hiver Sarajin. Une femme n'a pas le droit de monter à cheval. Un garçon se lie à son cheval dès son enfance pendant les grands rassemblements des clans (à l'équinoxe de Printemps, qui est aussi une fête des Morts) et leur lien est considéré comme encore plus fort qu'un lien familial. Leurs chevaux sont trop petits pour porter un chevalier en armure lourde. La tribu des Serachelni est la plus nombreuse près de Pontroll mais ils partagent des Terres Communes avec les Isochelni et les Garachelni. Les Ruines maudites d'Ellkall-Anuz du Roi-Sorcier Lothrim se trouvent sur les terres des Isochelni mais ils les évitent. 

Les autres barbares de la région de Kaldor comprennent les primitifs Kaths, plus au nord, et les violents Pagælins, plus au sud-est. Toutes ces 4 peuplades (Tulwyns, Chelni, etc.) sont de culture "pharic" (plus "saxonne"), pas jarins (plus "celtiques").

Le Royaume de Kaldor


 

Le vieux roi Miginath Elendsa (68 ans) peut considérer Pontroll comme sa frontière occidentale mais cela n'a rien d'officiel. Le Connétable Shirnath tient le fort de Jedes (Oselshire) au nom des Dariune, la famille des Comte de Balim. Jedes est connu pour son Marché aux Chevaux et le Roi y vient souvent pour chasser ou prendre les eaux. Sir Troda Dariune, 47 ans, Chancelier de l'Echiquier, Comte de Balim (depuis son château à Kiban) sert son cousin le Roi mais il peut avoir des prétentions au titre (comme son cousin n'a eu que des enfants illégitimes) : Troda est le fils de Kethele, une tante du Roi Miginath et son épouse est la soeur du Baron Uthris Pierstel de Tonot. Il veut marier son fils Scina Dariune, 21 ans, avec la Princesse Cheselyne Hosath la Jeune (17 ans, petite-fille de Haldan, le frère aîné de Miginath, elle est jugée sans scrupules...). Si le mariage se fait, cela ferait de Scina Dariune un candidat sérieux pour la couronne. L'ambitieux évêque Tyrnal Dariune de Cholas pour l'église de Larani est aussi cousin de Sir Troda et son évêché recouvre justement la "Chelmarch". Sir Orsin Firith, "le Borgne", 46 ans, Baron de Kobing, Marquis d'Oselmarch et frère d'une des prêtresses de Larani, Lenera Firith, est un autre neveu du Roi qui pourrait être un prétendant (tout comme Sir Erelar Hirnen, Baron de Nenda et Conwan Elendsa, Shérif de Semeth. En Kaldor, la succession royale peut dépendre d'un conseil de régence et de pressions de la noblesse et il n'y aura donc pas de candidat naturel, malgré le testament de Miginath, s'il en laisse un.  


Le jeune Sir Raynel Ynel (fils de Sir Korus Ynel, Marquis de Chelmarch et Bailli de Kathane (près de Querina)), vient d'être envoyé par le Roi Miginath pour surveiller Pontroll (avec les hommes du chevalier Friedlam Dramel). 


La République Thardique

Casana Sosaldas, Prêtresse de Haléa et fille d'un Sénateur de Geshtei, a été envoyée par Tharda pour s'assurer les intérêts de la République à Pontroll (la région de Geshtei a notamment des mines de sel). Ses légionnaires ont combattu les Tulwyns mais étaient venus pour intimider Pontroll. Elle a tout intérêt à dresser les Chelni contre les Tulwyns

Le Royaume d'Evæl

Le Royaume elfique est isolé depuis la Bataille des Navrances où le Haut-Roi Dælda fut vaincu et les Sindar immortels (qui ne sont plus que quelques milliers tout au plus) ont des sujets humains descendant du peuple des Jarins. Les visiteurs étrangers ont plus de chance de rencontrer des Jarins que les seigneurs Sindar. Le Clan Daoine qui se trouve près de Pontroll a 50 membres. Le Roi Aranath du Clan Halirien appartient au peuple ancien des Sidhe féériques. 

Si on ne veut pas que les PJ soient mercenaires de Terlin Wesindan à Pontroll, on pourrait utiliser le scénario dans le livre Evael, "Love is Forever" : ils doivent aider une dame humaine et sa dame de compagnie qui viennent du domaine de Dolori (famille Yarquane, dans l'Oselshire, près d'Hutop en Kaldor). Elles tentent de se cacher et de s'enfuir de Kaldor en passant par l'auberge de Pontroll. Leur vrai but est d'aller dans l'Evael, vers le mystérieux port d'Ulfshaven ou "Nimfalas" pour retrouver un barde nommé "Eithendir Rhynis" mais elles ne savent pas comment entrer dans la Forêt elfique de Shava. Hutop est un domaine dont le suzerain, le frère du roi de Kaldor, vient de mourir, et plusieurs familles se disputent pour reprendre le contrôle alors qu'il y a des raids de sanguinaires barbares Pagaelins

Un autre site important dans la forêt au sud est les ruines de Pesino, surveillées par Lemri Diendriel (et le reste du clan Diendriel). Il y a des siècles, c'était dans ce site des anciens Maîtres de la Terre que les Elfes et les Nains, alors encore alliés, forgèrent leurs meilleurs armes (voir plus bas pour Elkall-Anuz et Anisha).

Korego, la colonie des Garguns

(3 Scénarios tirés de Nasty, Brutish & Short

Korego, la plus ancienne colonie, est désormais dirigée par le nouveau chef Pradek Mangelangue, qui n'était pourtant pas le plus brillant gargun (quel est alors le vrai pouvoir derrière son trône ?). Des rumeurs de marchands disent que les Garguns auraient soudain des armes nouvelles vendues par des humains de la région. Mais qui fait ces trafics ? A Shiran, on dit que ce serait Dernil de Hort, un armurier thardique sans scrupule. En échange, il obtiendrait des Monstres Ivashus vendus aux Jeux Pamesani de Shiran. Des assassins agriki le soutiennent. 

Les Pryeh sont de petits Garguns Araki nomades (qui vivent à l'ouest d'Elkall-Anuz, près des ruines d'Anisha) qui sont en guerre contre les Garguns bruns sédentaires de Korego (mais aussi contre les nomades Chelni). 

A Tashal, un mystérieux seigneur kaldori (qui se fait appeler "Kirlin de Pasena") est prêt à payer pour retrouver sa fille Cylesa qu'il dit enlevée mais toujours vivante (d'après des Devins savoryens) à Korrego. Il ignore où Korrego se trouve mais ce serait quelque part dans les Monts Felshan (sa carte de la région est hélas très vague). 

Tresyla, qui semble être une prêtresse excentrique, mendiante d'Ilvir sans âge et à l'hygiène douteuse, engage à Tashal des agents pour enquêter sur les ruines d'Elkall-Anuz et d'autres sites liés au Roi-Sorcier Lothrim. Elle semble chercher la mystique "Tour Verte" dont on ignore si elle est sur notre plan d'existence et qui contiendrait sur ses murs de métal les runes d'un groupe d'anciens sorciers venus visiter Elkall-Anuz.  

Elkall-Anuz

L'ancienne Cité des Tours aurait été là avant même l'arrivée des Elfes et des Nains, construite par les Maîtres de la Terre, avant d'être habitée par les Jarin et conquise par le Roi-Sorcier Lothrim, qui y créa les Garguns il y a 600 ans. Lothrim y étudia les mégalithes et leurs portes interdimensionnelles. L'Avenue des Morts compte quatre tombeaux de rois chelni (Alrain, Ferithwic, Habir et Ethelwair) et le tombeau de Lothrim (dont on dit qu'il y aurait été conduit par "son fils" qu'aucune chronique ne nomme). Un autre Roi-Sorcier tenta de succéder à Lothrim mais échoua à garder son empire et la Cité, frappée par la Peste, fut abandonnée. Les Chelni racontent à leur grand rassemblement de l'Equinoxe du Printemps (au mois de Nuzyael) que les Morts marchent ce jour-là dans l'Avenue des Morts et que ceux qui viennent marcher dans la Procession seront protégés par les Morts, conduits par le Maître de la Marche, Erephys, premier Roi des Jarins de Hârn, mais devront le servir ensuite pour l'éternité. 

Anisha (supplément Kaldor)

Une petite tribu de 200 Jarin, les derniers survivants des Mendar, occupent le village de Haruch sur les mégalithes d'Anisha, près du lac Direna, au nord-ouest d'Elkall-Anuz. En mille ans, ils ont oublié beaucoup de leurs traditions sur les secrets des anciens sages qui dirigeaient leur tribu il y a des siècles avant que les Chelni puis les Garguns ne les attaquent. D'autres secrets de Lothrim et des Maîtres de la Terre y seraient cachés. Une célèbre chanson elfe dit qu'un héros nommé "Eltherion" y aurait perdu son âme. On n'est pas loin d'Araka-Kalai, la demeure physique du dieu Ilvir et il y a donc des visites de monstres Ivashu, notamment de Géants Hru. Anisha est aussi sur le territoire de chasse des gobelins du clan Pryeh.

Encyclopedia Harnica

Il y eut 16 numéros d'Encyclopedia Harnica de 1984 à 1985, la plupart se concentrèrent sur Kaldor puis Orbaal et ils furent simplement absorbés dans les suppléments principaux, il n'ont donc plus qu'un intérêt "historique" et je n'indique ici que les thèmes alphabetiquement. 

Azadmere : n°1, 16

Chybisa : n°10

Elfes : n°9, 12

Ilme (près de Kaldor) : n°11

Kaldor : n°2-8 (dont la première apparition de "Pontroll" dans le n°4)
Orbaal : 13-15 

Puis vint un magazine plus court et globalement moins développé, Harnlore de 1987-1988 puis 1990-1992.
1 Meldun, château de Chybisa
2 Escorsen, prêtre de Morgath (sur Melderyn)
3 Un village chez les Solori
4 Chiens de Hârn, Mini-aventure avec un fantôme
5 Scénario pour Garguns, Sorts de la sphère Jmorvi (Minérale)
6 Les tavernes
7 Les guildes
8 Les guildes (suite), Loups-garous
9 Les Pierres divines (révision de Encyclopedia Hârnica n°6), Les Elfes Noirs (& Halflings !), l'Alphabet Lakise
10 Hyen, château agriki à Rethem
11 Chrefal, château en Melderyn

dimanche 22 décembre 2024

No Vice

  • J'ai acheté Nobi Nobi (Magie), le petit jeu de cartes pour "Novices" simulant un jeu de rôle du dessinateur Takashi Konno. On tire une carte de début de scénario et chaque joueur à tour de rôle est le MJ tirant une carte de scène pour un des autres PJ. Le système est ultra-simple, dans le genre des vieux livres Fighting Fantasy avec deux caractéristiques Force et Technique, plus des capacités spéciales (certains combats collectifs de boss font aussi penser un peu à Tunnels & Trolls). Sur les 40 cartes de scènes, il y a environ 35 scènes avec des tests à réussir (un score à dépasser avec 2d6 + bonus). Si le PJ réussit, il obtient une carte Lumière et s'il échoue une carte Ténèbres (mais celles-ci peuvent être des expériences positives aussi). Il y a aussi 5 cartes dites "Roleplay" où le joueur improvise une scène d'ambiance et où on serait donc plus proche d'un jeu narratif. Sans vouloir le changer entièrement en un jeu du type "For the Story", je regrette qu'on ne soit pas plus proche de 20 Tests contre 20 Roleplay dans la répartition de ces scènes. Le jeu se termine quand tous les joueurs ont été trois fois MJ. Je n'ai fait que lire pour l'instant, pas encore testé. J'ignore pourquoi la petite boite sur la Magie a une bien meilleure note que celle sur les guerriers.
  • P. "Tybalt" Cuvelier (le créateur de Kosmos) propose une idée brillante de transformer totalement un jeu en inversant les prémisses Daaark en jeu optimiste. Par exemple, dans Shadowrun, au lieu d'être des mercenaires cyniques et désabusés, d'être des révolutionnaires qui doivent réussir à renverser le pouvoir des Corpos. 
  • Et puisque je continue à parler de Hârn : je n'avais jamais remarqué avant que Jeff Rients n'en parle, mais les Orcs/Gobelins de Hârn sont petits : 90 cm pour les plus petits, les Araki ou Gobelins Rayés, et environ 1,20-1,25 m pour les autres, ce qui les met plus au niveau des Halflings. Leur plus gros désavantage est leur faible longévité qui dépasse rarement deux décennies. L'élément le plus original est aussi l'idée que les Orcs utilisent un système comme les ruches d'insectes sociaux avec 1% des Orcs comme Femelle "Pondeuse" (et la plupart des Orcs sont des mâles infertiles, le "Roi" étant le père de la colonie). La plupart des colonies "garguns" correspondent à ce qu'on peut imaginer mais les Kyani de Pujet et Amekt (au nord de Hârn, près d'Orbaal) sont les plus pacifiques et civilisés, et négocient avec les barbares Ymodis.

samedi 21 décembre 2024

Le Maréchal MacMacron

 (pardonnez-moi pour ce partage d'une image par IA, dont on connaît les effets environnementaux délétères...)

Si Sarkozy se voyait en Napoléon III (populiste autoritaire servant la bourgeoisie), Emmanuel Macron est à la fois le Président royaliste MacMachon de 1875 mais surtout le Roi Louis-Philippe d'Orléans visitant Mayotte (conquise en 1841-1843). 

La population : "Monsieur, de l'eau, de l'eau."

Le Potentat : - Que d'eau, que d'eau. 



vendredi 20 décembre 2024

[Hârn] Le problème de Lythia

N. Robin Crossby (1954-2008), Britannique devenu Canadien, distribuait son monde de Hârn depuis 1983 par une compagnie canadienne de Tom Dalgliesh, Columbia Games (surtout connue pour ses wargames avec brouillard de la guerre). A la fin du XXe siècle, Crossby et Dalgliesh se disputèrent et Crossby créa sa propre compagnie, Kelestia Games, et après la mort de Crossby en 2008, sa fille récupéra même officiellement (selon le droit canadien, du moins d'après les sources que j'ai pu lire) les droits de Hârn et de l'univers de Kelestia (Keléstia est le nom de tout l'univers, Kèthîra le nom de la planète, Lýthia le nom du continent principal (en gros l'Eurasie) et le Venârivè la région occidentale de cette masse continentale (en gros l'Europe, le Proche-Orient et le nord de l'Afrique). 

Entre temps, Columbia Games, la compagnie de Dalgliesh, a quitté sa Colombie britannique, s'est installé aux USA, de l'autre côté de la frontière dans l'Etat de Washington. Tom Dalgliesh continue de publier (comme la dispute sur les droits reste confuse et qu'il avait participé à leur rédaction) les anciens textes sur Hârn. Au début du XXIe siècle, Kelestia Games ne publiait que de nouveaux textes sur ce continent de Lythia, et plus précisément sur Venârivè, comme la dernière édition du jeu HarnMaster s'est décentrée vers cette région. 

Il y a donc deux Lythia, une version ancienne (chez Columbia) et la vision nouvelle de Crossby (chez Kelestia).  


 

Il y a pour moi un petit "problème" de Lythia dont je ne vois pas d'équivalent pour d'autres mondes fantastiques. 

Hârn est une île. C'est "l'Île des brumes", île mystérieuse loin à l'ouest, à 150 km du continent de Lythia (ce qui n'est pas si loin, c'est à peu près la distance de la Corse ou de la Sicile au continent, mais Hârn est grande comme Madagascar). Sa place dépend donc de sa différence, du contraste avec Lythia. C'est un univers de "basse magie" où le fantastique est censé rester assez discret : on y accepte un peu de magie sur Hârn (il y a des non-humains, des elfes, des nains, des orcs, des titans demi-dieux, des monstres et des sorciers) mais on précise bien que c'est étonnant, marginal et exotique par rapport à Lythia. Lythia doit demeurer un peu réaliste, voire "banale" ou quasi-"réaliste" comme une Terre parallèle pour que Hârn paraisse d'autant plus en décalage. 

Les premières publications sur Lythia chez Columbia Games (comme Ivinia, Harbaal, Menglana, Shorkyne) étaient donc déconcertantes car la forte atténuation de la magie créait un cadre si pseudo-historique qu'on pouvait se demander à quoi bon en faire un monde imaginaire. Ce serait un peu comme un monde fictif pour ceux qui n'aiment pas les mondes imaginaires et je ne m'y voyais pas y jouer. Le fan de Hârn semblait donc vouloir qu'il y ait de tels domaines hors de Hârn seulement comme faire-valoir pour l'Île des Brumes, qui brillait d'autant plus comme anomalie que Lythia reste "normale". 

Mais Crossby a dû évoluer dans sa manière de jouer sur Lythia à force de la créer ou de l'explorer, car la magie y a connu une inflation au point que les publications actuelles sur Lythia (notamment comme la région du Venârivè ou le Royaume d'Emélrenè, la plus "hârnique") ont plus de créatures surnaturelles que les premières versions de Hârn (au point qu'il y a des coins avec tant de dryades et élémentaires qu'on pourrait être presque dans un monde medfan habituel). 

On est face à un dilemme dans ces publications médiévales fantastiques. Hârn avait une promesse de médiévalisme avec peu de magie et si l'inflation de la magie continue, Lythia semblera contredire ses origines et redevenir un peu plus "générique". Mais le jeu de rôle med-fan tend toujours à une inflation du fantastique dans les scénarios même si le cadre de départ prétendait être le moins magique. 

Le problème peut donc se reformuler ainsi : 

(1) si Lythia restait aussi peu magique que les impressions de départ, qui voudrait y jouer

(2) Mais d'un autre côté si Lythia devient plus magique, ne perd-elle pas un peu de son originalité

Un autre problème (mais cela pourrait être vu comme un avantage aux yeux de certains) est le fait que les dix dieux disparates de Hârn semblent assez "globaux" en réalité. La plupart des autres cultures retrouvent sous des noms assez proches à peu près les mêmes divinités. En termes gloranthiens, Kelestia est plus proche d'un monomythe même si les publications récentes le remettaient en cause (notamment sur l'histoire d'Ilvir qui ne serait pas que le petit dieu local mais une version d'un ancien dieu plus important de la forêt sur le continent, une sorte de Cernunnos déchu en force extraterrestre plus lovecraftienne).

[En passant, Glorantha me semble avoir un problème assez différent que Lythia : la Passe des Dragons y est si originale que le reste du monde paraît trop générique en comparaison. L'Ouest ressemble à l'Europe, l'Orient ressemble à la Chine, la Passe des Dragons est assez inclassable et on ne peut pas facilement donner un équivalent. ]

jeudi 19 décembre 2024

Re. : Gaston Phébus, la Mini-série (1978)

Correction sur la note d'hier : La série va bien jusqu'à la mort d'Yvain le Bâtard de Foix et le Bal des Ardents de 1393 comme échec final de la dynastie directe de Fébus. 


Dans la série, l'un des personnages les plus charismatiques est Corbeyran, l'oncle de Fébus. Corbeyran est joué par le sévère acteur Georges Marchal (1920-1997), qui avait déjà joué le Roi Philippe le Bel dans les Rois Maudits (1972) et il donne une autorité énorme à Corbeyran en mentor / confident du bouillant Béarnais. 

Corbeyran de Foix-Rabat est un personnage de "bâtard" particulièrement original et qui semble être au moins partiellement historique (1321-1402 ?, même s'il y a des données contradictoires sur sa généalogie ou même sa génération). Sa mère aurait été la première épouse légitime du grand-père de Gaston III Fébus (1331-1391) et il aurait donc failli être le Comte légitime - si ce n'est que sa mère avait été répudiée (pour stérilité) et qu'il fut enfanté après cette répudiation (et dans la série alors que sa mère était déjà entrée au Couvent, ce qui aggravait sa scandaleuse illégitimité). 

La fiction dit qu'il était jaloux de son demi-frère, le comte Gaston II de Foix-Bearn (1308-1343) jusqu'à ce qu'on lui confie la garde du futur héritier et qu'il transforme en amour paternel son devoir envers son neveu, l'enfant de son rival. La mini-série a complètement inventé le mythe que Gaston II et Corbeyran seraient nés le même jour comme Héraclès et Eurysthée, Corbeyran serait né 13 ans après...

Il y a une opposition amusante entre les Rois Maudits (1972) où Philippe VI de Valois est joué (par Benoît Brione) comme un brillant Machiavellien qui invente la Loi salique et la mini-série Gaston Phébus (qui commence environ une génération après) où le même Philippe VI "le Fortuné" est interprété (par François Maistre) de manière satirique comme un clown incompétent, couard et rétrograde qui ne sert que de faire-valoir à Fébus. 

mercredi 18 décembre 2024

Gaston Phébus, ou le Lion des Pyrénées (1978)

Je suis retombé sur le site de l'INA sur Gaston Phébus, cette vieille mini-série d'Antenne 2 que je n'avais pas vue depuis 46 ans mais qui fut un de mes Game of Thrones quand j'étais enfant (même si je préférais de loin Les Rois maudits et surtout Moi, Claude). J'avais oublié l'importance du surnaturel. Il y a de nombreux éléments de fantastique, des prophéties (un astrologue prédit ce qui va arriver dès le premier épisode) et des événements quasiment miraculeux (l'Ours Hannibal qui se libère de ses liens pour accomplir la vengeance divine).

Je ne défendrais pas la série mais la reconstruction historique a une ruse qu'on pourrait généraliser : comment tenter de rendre raison d'un fait historique en inventant des causes fictives qui puisse en inverser le sens. 

En gros, la réalité historique est que Fébus le Béarnais (1331-1391) avait été un fort mauvais mari pour Agnès de Navarre (1334-1396), épousée en 1349 (Phébus avait 18 ans et Agnès 15 ans), au point de la répudier en 1362, juste après la naissance de son héritier, parce qu'il n'avait pas reçu de dot et (peut-être) de tuer leur fils de 18 ans en 1380 parce qu'il aurait conspiré contre lui. 

Agnés & son frère Charles de Navarre


L'idée curieuse des scénaristes fut donc d'inventer un prétexte mélodramatique ou romantique, une histoire de Vengeance, pour tenter de rendre Phébus sympathique malgré cette histoire de répudiation et d'assassinat de son fils. Ici, Gaston avait un unique amour, "Myriam", qu'il épouse en secret en 1346 (il a donc 15 ans, l'année de Crécy) mais qui est assassinée par Agnès de Navarre, la soeur de Charles "le Mauvais", et Phébus ne l'épouse que par haine et pour se venger d'elle.

Le Mariage par haine est une stratégie un peu surprenante. Cela est censé atténuer toute la cruauté que le Comte de Foix aura ensuite envers la Princesse de Navarre. Tout est donc la faute des manoeuvres des Navarre et Agnès (jouée par Nicole Garcia, qui avait déjà une trentaine d'années) est terrifiante dans son amour pervers envers Gaston.

Dans le scénario, il y a d'autres changements plus mineurs. Phébus est le seul Français à lutter efficacement contre les Anglais en ce début de Guerre de Cent ans, alors que dans la réalité, il louvoie entre son allégeance de Foix envers la France et la neutralité envers ses voisins d'Aquitaine. 

Je ne crois pas que la mini-série le mentionne (je ne l'ai pas revue en entier) mais il y a une coïncidence horrible dans cette saga familiale entre Foix-Béarn et Navarre, des deux côtés des Pyrénées, deux bûchers funéraires. En 1387, Charles de Navarre meurt brûlé vif à 54 ans dans un accident (une bougie qui allume le linge imbibé d'alcool dont il était recouvert). 6 ans plus tard, en 1393, peu de temps après la mort de Phébus, son dernier fils survivant, son bâtard favori Yvain (ou Jean) de Foix meurt brûlé à 36 ans lors du célèbre désastre du "Bal des Ardents" (où le Roi Charles VI le Fol sombra dans la démence). Il serait donc facile pour les scénaristes de faire de la mort d'Yvain les dernières représailles d'Agnès de Navarre qui meurt en 1396. [En passant ce célèbre surnom de Charles le Mauvais ne vient que d'une chronique espagnole du XVIe siècle et n'est donc pas encore utilisé au XIVe - et le prétendu "Jean le Bon" ne doit ce surnom qu'à une supposée bravoure pendant la bataille de Poitiers de 1356.]

Vieux jeu narratif par Gazouillis sur Mars

 Sur le site de microblogging détenu par le milliardaire escroc fasciste, j'avais participé il y a 3 ans (mars 2021) à un jeu où on devait faire chaque jour une petite nouvelle en moins de 120 caractère avec un thème imposé (Mars) et un mot chaque jour. Comme je ne pense pas que le site du trafiquant de crypto et fan de Trump tienne éternellement, en voici la copie : 


 


1er Désert

Mais ce n'est pas possible, cet endroit n'est sur aucune de nos cartes de Barsoom. Le Thark sourit. "Vous croyez qu'on terraforme sans laisser une part de désert du réel ? Ce serait trop prévisible et monotone."

2 Viking

Une autre nef volante sortit des pingos gelés d'Utopia. 

"Par Issus, pourquoi faut-il que ce soient des Aînés ? murmura-t-il. "j'y ai déjà perdu une main comme Týr, mais cette nuit, je mourrai les armes dans les 3 qui me restent, comme vos guerriers des sagas vikings."

3 Impact

(La Disparition d'un scriptor) 

A longship is landing. 

"First Borns". 

Sky Corsairs of Barsoom, bloodthirsty picaroons, sadistic cut-throats... but also scholars. 

I am afraid. 

 "Oh, I know your publications... High Impact Factor Journals!" 

This Martian Viking is a haughty snob.

"Nous apprécions le fait que vous ayez déconstruit certains récits sur nous", dit le Premier né. Ils doivent pirater toutes les infos du système, y compris Jasoom. Leur réseau de pouvoir est un panoptique dont le centre est au Pôle Sud mais la circonférence partout.

Chroniques

Je dis à mon ami thark de baisser les armes. Nous allions suivre les Premiers Nés dans les plaines australes au-delà d'Argyre. Les anciennes chroniques disaient que les demi-dieux de Barsoom rêvaient son destin dans leur demeure polaire. 

6 Planète

 Ce sont eux qui se nommaient ainsi, Premiers Nés parce que dans leur mythologie, ils étaient les premiers êtres pensants de la planète issus de l'Arbre de Vie. Ils étaient des humanoïdes quasi-immortels mais j'ignorais s'ils avaient le moindre lien avec les Zoophytes. 

7 Vapeur 

 Leur technologie était hétéroclite et en déclin. Vaisseaux ou ceintures de vol au Huitième Rayon, contrôle de la lumière et invisibilité, cerveaux mécaniques télépathes à vapeur, pistolet au radium. Le manque de robots n'expliquait pas le maintien de l'esclavage. 

8 Extraterrestre

 Je tentais de m'expliquer au Thark. Le problème des programmes de Barsoom est qu'on a projeté des perspectives très géo-centrées sur la vie extraterrestre. ER Burroughs était plus travaillé par le racisme contemporain que par la xénobiologie.  

9 Olympe

Les Premiers Nés, "les Martiens Noirs" de Burroughs, auraient pu paraître subversifs en inversion du colonialisme mais ils n'en étaient que le miroir, avec leur théologie politique où ils manipulaient la Panoplia Prophetica du haut des neiges de leur Mont Olympe. 

10 Rouge 

Il manquait une vraie insurrection contre ce pouvoir fossilisé des Premiers Nés. Il fallait injecter un peu d'éléments radicaux d'Aelita dans les veines de Barsoom, des Rouges comme anticorps dialectiques contre les identités figées.  

11 Le Premier Né volubile continuait à me vanter l'efficacité des Missions de pasteurs therns pour maintenir leur hégémonie secrète. Mais ma mission serait maintenant de les libérer de ce fantasme conspirationniste, en aidant à la prise de conscience des Barsoomiens. 

12 Il fallait manipuler l'esprit collectif de l'IA qui gérait l'inconscient de Barsoom. Je discutais en buvant de "Menni l'Ingénieur" de Bogdanov, qui décrit une utopie égalitaire dans certaines cités créée par les ingénieurs des canaux. 

13 Je venais de grokker que la perception extra-sensorielle de certains Martiens pouvait aussi être une vulnérabilité si on commençait à brouiller leurs idéologies. Il peut être vertigineux mais risqué de se pencher au bord de ce cratère bouillonnant de la noosphère. 

14 Sous la surface de Planum Australe, sous la calotte du pôle, nous marchions près de la mer sous-terraine qui brillait de phosphorescences. Il faudrait pouvoir partager toute cette eau dans les canaux en ruine.   

15 Je contemplais les eaux sombres sub-polaires, sans marées des deux lunes. La mer inerte des profondeurs y est plus mortelle que n'importe quelle tempête océanique. Pouvait-on la revivifier sans passer par les tumultes d'une guerre et les hydres hideuses de Mars ?

16 Je n'étais pas assez technicienne pour réparer ma Ceinture au 8e Rayon et m'enfuir en volant de ce centre occulte de leurs réseaux de nonces et de légats. Mais je semais chez les Premiers Nés et leurs divers serfs quelques doutes sur leur destinée manifeste. 

17 J'avais croisé l'auteur de la Guerre des Mondes dans un de ses voyages temporels. Ses Sarmaks octopodes sans immunité avaient fui un choc viral mais il fallait une autre sorte de virus mémétique pour contrer le culte agonisant d'Issus et recréer une guerre des classes. 

18 En regardant la glace où était préservé le corps momifié d'Issus, je vis mon reflet sur ses traits décharnés. Ell

e s'était faite passer pour une Déesse vivante pendant tant de siècles qu'ils demeuraient fidèles à leur propre manipulation.

19_Masse Mon ami, le Thark à 3 bras, Reges Tarshish, fit remarquer que je tombais dans le cliché de la Sauveuse qui allait conscientiser des masses mineures. Ce serait plutôt l'écho de la ferveur sacrée qui allait dégeler ces eaux glacées de leurs calculs impérialistes. 

20_Eclaireur Reges Tharshish avait trouvé la solution grâce aux rayons d'invisibilité des Premiers Nés et il échappa à leurs gardes. Un spectre éclaireur hante la Plaine australe, plane sur les eaux et il sait se servir d'un Huitième Rayon. 

21_Rivière La Momie de la Déesse morte s'éleva hors de la glace et commença à psalmodier dans la Langue universelle de Barsoom. "Anta Odeli Uta ! Anta Odeli Uta !" Elle s'était dégagée de la rivière sous-terraine, comme de quelque obscure limite stygienne.  

22 L'idole défunte oscillait dans le giron d'une nuit brillante et se consumait lentement. Les Premiers Nés qui l'écoutaient appeler à l'abandon de leur empire savaient qu'elle n'était qu'un masque mais étaient quand même ébranlés par ses sentences d'outre-tombe.

23. καιρός "ANTA ODELI UTA" était un appel à l'émancipation et il y avait quelque chose d'incongru à voir l'ancienne théocrate despotique reprendre ce mantra. Reges Tharshish avait saisi l'opportunité en projetant le 8e Rayon anti-grav sur le mausolée. 

24/ Système De mon côté, j'avais pu redémarrer les cerveaux à vapeur qui allait diffuser les messages de révolte et en faire un système de libération. Peut-être y avait-il une part de vérité dans le paternalisme du nudge.

25 Pay no attention to that Thark behind the curtain! Les tyrans de Barsoom avaient simulé si longtemps la divinité qu'ils devaient tomber par cette simulation. L'atmosphère mentale changea brutalement.

26 Dans cette gravité, je me surpris de la longueur de mes bonds auprès de l'idole d'Issus. Le dormeur allait s'éveiller. Le culte est le soupir de la créature opprimée, l'esprit d'un état de choses sans esprit, la caféine des masses assoupies. 

27 Révolution Il ne faudrait pas 687 jours pour que la révolution s'étende à chaque Cité-Etat de la planète, embrasant les canaux, fondant des chaînes invisibles, soulevant les différents peuples vassalisés par la théocratie.

28 Tectonique L'enveloppe fragile de cette momie d'Issus se désintégrerait vite mais c'était la faille sismique qui bouleversait la tectonique sous la Plaine australe, comme une aurore nouvelle sortie de ces cratères.

29 Canyon Notre fable résonnait du Mont Elysium jusqu'au fond des canyons de Noctis Labyrinthus. Reges Tharshish, pragmatique, demanda si rien de durable pouvait s'établir sur un mensonge, même bien intentionné. Trop tôt pour juger. Il faudrait visiter quelques branches futures.

30 Opposition Chaque dédale des avenirs possibles est une tête qui repousse au fur et à mesure qu'on émonde le présent. Dans cette Hydre de Mars, je trouvai des oppositions qui réapparaissaient, et même une église tyrannique qui s'était accaparé le message que nous avions projeté.   

31 Persévérance Nous avons donc réinitialisé la Barsoom à une autre bifurcation pour tenter de réduire ces effets indésirables pour la liberté. La psychohistoire est pour l'instant plus un art qu'une science. L'action humaine tâtonne mais la persévérance est divine.