lundi 14 octobre 2024

Sexe et explorateurs dans l'Amazone

En décembre 1945, on apprit que Curt Nimuendajú (62 ans) avait été retrouvé mort après une hémorragie dans le territoire ticuna dans le "Haut-Amazone" (qu'on appelle Rio Solimões) près du Pérou. Curt Nimuendajú, né à Iéna en 1883 sous le nom de "Kurt Unckel" et fasciné par la vie dans la jungle, s'était installé en Amazonie depuis près d'un demi-siècle, à vingt ans. Malgré son absence de tout titre universitaire, il avait consacré de nombreuses monographies ethnographiques ou mythologiques à différents peuples de la région, comme les Guarani du sud Brésil (pas très loin de la région du Paraguay où la soeur de Nietzsche avait vainement tenté de créer un refuge "aryen" en 1887-1889). Ce sont les Guarani qui lui donnèrent son nouveau nom, "Nimuendajú", qui signifiait "celui qui s'est fait son foyer" (ou moins littéralement, "celui qui s'est installé") et que Unckel prit désormais comme son nouveau nom légal une fois qu'il devint officiellement brésilien. Nimuendajú fut considéré comme un des Pères de l'ethnologie "indienne" du Brésil. 





On découvrit par la suite que son hémorragie n'avait rien de naturelle. Curt Nimuendajú  avait été assassiné. On n'aura jamais de preuve certaine sur le coupable. Une théorie disait qu'il aurait été tué par des colons mais l'hypothèse dominante est qu'il aurait couché avec une femme tikuna et qu'il aurait été tué par des membres de sa famille parce qu'il ne l'avait pas épousée. Nimuendajú  aurait laissé un carnet sur ses aventures sexuelles dans les tribus mais ce carnet fut perdu et tout le fonds Nimuendajú  fut détruit dans le grand incendie qui détruisit le Musée nationale de Rio en 2018. 

Depuis l'affaire Nimuendajú, la sexualité des explorateurs de notre Paradis Perdu est devenue une affaire célèbre. Peu d'entre eux, quelles que soient leurs déclarations, échappent au soupçon d'avoir considéré le pays de l'Amazone comme un fantasme à piller et exploiter. 

Une controverse existait par exemple entre deux spécialistes des Yanomami (au nord-ouest, près du Venezuela, l'Américain Napoleon Chagnon (1938 – 2019) et le Français Jacques Lizot (1938-2022). 

Napoléon Chagnon avait fait une analyse devenue classique sur la violence des tribus Yanomami (la version anglaise préfère les appeler "Yanomamo"). Chagnon s'était inspiré du modèle de l'évolution, de la sociobiologie pour expliquer que les Yanomami avait créé une société hyper-violente de guerriers agressifs à cause d'une adaptation particulière à leur milieu très hostile où les plus violents avaient un "avantage" dans la sélection sexuelle pour avoir plus d'épouses. 

Jacques Lizot, élève de Claude Lévi-Strauss, défendait une théorie structuraliste plus conforme au consensus de l'anthropologie française de Mauss à Clastres, où la culture yanomami était fondée sur des normes d'échanges et pas seulement une fonction biologique d'adaptation et de sélection sexuelle. 

Mais les deux furent ensuite accusés quelques années après dans Darkness in Eldorado (2000) du journaliste Patrick Tierney d'avoir violenté les Yanomami et d'avoir eux-mêmes perturbé leur objet d'étude : Napoléon Chagnon en les incitant à la violence (en leur vendant des armes en échange d'information) et Jacques Lizot en achetant des faveurs homosexuelles auprès des Yanomami par d'autres armes. 

Ce Patrick Tierney était une source sensationnaliste peu fiable (notamment dans certaines théories du complot où il accusait Chagnon d'avoir répandu une épidémie volontairement) et, qui plus est, il fut lui-même accusé de trafics d'armes, voire de violences. Cependant, le fond de certaines de ses accusations fut jugé relativement crédible, notamment pour des actes de Lizot (qui se défendait assez faiblement en disant que ses "cadeaux" entraient dans la structure des échanges de ce type de société) ou pour un mariage avec une Yanomami d'une dizaine d'années par l'anthropologue Kenneth Good (un des assistants de Chagnon, qui se défendit en disant, en bon relativiste culturel, que c'était conforme aux normes locales). 

lundi 7 octobre 2024

Jeu de rôle Magazine n°65 (automne 2024)

 Voir le numéro 64 (été 2024). Site officiel du n°65 de JdR Mag


La couverture est celle de Philipp Kruse pour Cryptomancer (2016), jeu qui mélange fantasy et hacking et qui a été traduit chez les 12 Singes. 

Il y a dedans une pub pour la nouvelle édition de Thanatos, où on joue des Faucheurs de la Mort dans un univers fantastique. Je n'arrive plus du tout à suivre l'actualité rôludique même en lisant de la presse spécialisée. 

NOTULES LUDIQUES 

Le numéro s'ouvre déjà sur un dossier tout frais (sans doute rédigé par anticipation) sur le festival des 50 ans du jeu de rôle de Senlis du 20 septembre dernier. Je me mords les doigts de ne pas avoir pu y aller comme il y avait de nombreux invités fondateurs de Casus Belli comme Guiserix ou François Marcela-Froideval (p. 5-7). 

Puis (p. 8-15) il y a une interview et une étude de marché sur Black Book Éditions (BBE), le titan du jeu de rôle français (et propriétaire de Casus Belli vol. 4) et leur filiale Game On Tabletop. Les affaires ont l'air de commencer à croître (quel que soit l'échec relatif récent de certains foulancements). 

Rencontre avec Frédéric Martin qui a créé et auto-édité deux jeux, Argyropée et Speedrun. Argyropée (foulancé sur GOTT) est un jeu sur une ville-univers de type Renaissant qui a l'air de faire penser à une version plus optimiste que des villes de Nightprowler, de la Ciudalia jaworskienne ou la Gemina chamanadjianienne. Il promet que tous les secrets du monde sont tous donnés dans le livre et que tous les suppléments ne seront plus que des scénarios. Voir aussi sur le GRoG

DOSSIER 
Le jeu de rôle a 50 ans (p. 20-37). Suite du numéro précédent avec de nombreuses conférences différentes résumées. Une des plus originales pour un lecteur français était Dungeons of the Bel Paese, une histoire du jeu de rôle en Italie par Leonardo Abate. 

ON Y A JOUÉ, ON A AIMÉ ! 
Légendes du Nouveau Soleil : C'est un jeu de rôle officiel sur l'univers du New Sun de Gene Wolfe (1931-2019). Il y avait déjà eu un GURPS New Sun en 1999 (le cycle du Short Sun fut publié ensuite mais ne se passe plus sur Terre) et Sarah Newton a fait une version non-officielle, Chronicles of Future Earth. Ce système se veut plus tactique et simulationniste. 

Défis fantastiques : Arnaud Cuidet apprécie ce retour vers Titan, l'univers de Fighting Fantasy mais met quand même quelques critiques sur le manque de clarté de certains passages. 

Horrifique : un jeu PbtA de Frédéric Ghesquière sur Lovecraft où on ne joue pas des héros enquêteurs contre le Mythe mais plutôt des protagonistes de tragédies horribles. 

SCÉNARIOS & AIDES DE JEU 
Scénario Cryptomancien: La Cryptomascarade. Un scénario d'intrigue avec un carnaval où chacun porte des Masques magiques pour dissimuler leur identité. Il semble assez complexe à gérer étant donné le nombre de PNJ. Le scénario avait été conçu pour de vrais hackers contemporains à la Fondation Mozilla et il inclut aussi des conseils de règles pour rendre Cryptomancien un peu moins pessimiste et destructeur. Comme elle fait allusion à la politique dans les Lazarides, elle pourrait être compatible avec la campagne Fantôme dans le Fragment de Cristal créée par Claude Guéant (l'auteur de Pax Elfica). 

Scénario Tunnels & Trolls: Traque à Chanquinar. Elle peut s'intégrer dans la campagne de T&T 20 000 lieues sous les terres

Scénario Vampire: la Mascarade: The Devil Inside. Ambiance orientale avec des Banu Haqim.  

Story Game: La Cuite. Un système narratif avec un paquet de cartes à jouer pour lancer une histoire de réveil difficile après une gueule de bois comme dans The Hangover.  Cela a l'air intéressant et surprenant. 
  
INSPIRATIONS 
La nouvelle série Shogun sur Disney

ASPIRINE 
Les Bannières : comment rendre explicites des annonces dans le jeu pour rendre le contrat social de la table plus clair. 

VOUS ENTREZ DANS UNE AUBERGE 
Épisode 16 – Où nos aventuriers découvrent le nom de l’Auberge. Ils était dans le Purgatoire depuis le début ? 

dimanche 6 octobre 2024

[Shaan] Chrysalis

Le site du jeu Shaan a mis en ligne un kit de découverte gratuit sur Chrysalis. Il s'agit du même univers que Shaan mais sur un autre continent et avec des idées de système assez différentes puisque le jeu vise plus la possibilité de jouer sans aucun MJ avec des tableaux de générateurs du cadre de jeu. 

J'ai déjà eu l'occasion de parler plusieurs fois de Shaan, qui est devenu un de mes jeux de rôle favoris. L'univers créé par Igor Polouchine et développé depuis par d'autres auteurs, est un monde de sf et de fantasy, sur des humains qui colonisent un monde magique. 

Mais je ne me rendais pas bien compte à quel point ce que nous connaissons pour l'instant de ce monde dépendait d'un biais du continent nordique de l'Héossie avec son néo-capitalisme qui tente de gérer la nouvelle cohabitation entre humains et "indigènes" après la Révolution. 

Chrysalis se passe plus au sud, dans la pointe sud du continent de Relhosoï. L'atmosphère y est très différente au point que les espèces représentées n'y sont plus exactement les mêmes, comme les divers "Êtres-Plantes", les Androïdes qui se sont révoltés contre leurs fabricants les Transhumains ou une variété nouvelle de Felings, les Felings nocturnes, qui vivent nettement moins bien en équilibre avec le shaan. D'autres continents sont déjà en préparation. 


L'introduction de Chrysalis annonce déjà des plans pour le reste à découvrir sur la planète Héos

On a encore d'autres livres à développer pour les autres continents, tels que le TRIHNGAHË (avec les Darkens blancs électriques), le SARENEÏ (l'Empire d'émeraude qui esclavagise les Delhions de Sambre), le NELIGWA (et ses livres-mondes), le SHENSHA (la grande puissance montante qui va amener la première guerre mondiale), etc. 

Le système de création de campagne me fait un peu penser à la création de cité dans Vornheim de Zak Sabbath qui utilisait aussi les dés et l'endroit où ils tombent sur la carte quand on les fait rouler.  

Un des éléments originaux de ce Kit de découverte est les personnages pré-tirés qui me semblent moins "génériques" que d'habitude, au point que les deux scénarios (Le miroir des rêves et Au nom de la rose) sont plus adaptés à certains de ces personnages. 

La saga de Kelek

Vers 1983, notre soi-disant Père Fondateur Gary Gygax, qui venait de divorcer, quitta Lake Geneva et la gestion du jeu de rôle pour s'installer sur la côté Ouest à Hollywood pour s'occuper d'un hypothétique film D&D alors que la télévision produisait le dessin animé D&D (on a parlé en mai du retour de ces personnages dans les univers officiels du jeu de rôle). 

Quand je regardais ce dessin animé, je croyais que le visage si particulier du Dungeon Master devait être une caricature de Gygax et je fus étonné de découvrir qu'il n'y avait aucune ressemblance (il me rappelle plus vaguement quelqu'un comme l'acteur Wallace Shawn mais ce n'est qu'une coïncidence). Mais à ma connaissance aucun personnage de ce dessin animé ne fit jamais référence précisément aux personnages célèbres de D&D, en dehors de Tiamat la Mère des Dragons. 

TSR vendit les droits des jouets du dessin animé à la compagnie LJN Toys mais l'industrie de la toyetic ou le temps de développement étant ce qu'ils sont, les jouets n'eurent pas du tout les vrais personnages principaux de la série (une autre compagnie espagnole créa ensuite des jouets PVC avec les héros). 

Ils inventèrent toutefois certains personnages qui se retrouvèrent dans certains épisodes du dessin animé. 

1 Kelek le Jouet

L'un d'entre eux fut Kelek, qui fut paraît-il le premier de tous ces jouets. 

C'était un sorcier maléfique, barbu au crâne rasé (une édition du jouet lui laisse parfois un panache de touffes blanches sur le sommet du crâne), qui est allié au guerrier très frazettesque Warduke et à une autre sorcière, son assistante Skylla (qui resta un prototype). 


Une autre version de Kelek fut lancée plus tard qui devait être bien plus ventripotent et moins chauve mais elle ne dépassa pas le prototype. 


2 Kelek en dessin animé

Dans l'épisode 4 de la saison 1 du dessin animé, "La vallée des licornes" (diffusé en octobre 1983), Kelek est un sorcier qui est censé servir Venger (l'ennemi récurrent de la série) mais souhaite en fait le détrôner. Il sa propre obsession concernant la corne de Silvermane, le chef des licornes. Les licornes peuvent toutes se téléporter une fois par jour et leur corne est la source de leur magie. Kelek les vole aux licornes pour les mettre (de manière assez ithyphallique ou onaniste) sur une idole de Démon icosachire (aux 20 bras) et il espère dépasser Venger quand il aura sa dernière corne. 




Le dessin animé avait bien l'apparence du jouet (sans le bâton draconique), mais il lui donne aussi des oreilles pointues légèrement elfiques, des doigts de Nosferatu ou du Mandarin et une meute de wargs (enfin, worgs ou dire wolves) qu'il chevauche. Il a aussi une forteresse qui sort des sables et on voit même ce Château de Kelek sur la carte du Realm de D&D (dans le livre d'autocollants D&D, 1985). 


3 Kelek en jeu de rôle

La même année 1983, Carl Smith rédige le supplément AC1 The Shady Dragon Inn qui contient outre une auberge et 100 PNJ de diverses classes de perso pour Basic D&D les caractéristiques de 13 personnages de la ligne de jouets (dont certains avec une astérisque * qui ne furent jamais effectivement produits) : 6 persos du côté du Bien (avec à chaque fois leur Niveau) ; Elkhorn le Nain 7e, Figgen* le Halfling 8e, Mercion la Clerc 6e, Peralay (ou "Melf") l'Elfe 10e, Ringlerun 7e, Strongheart le "Paladin" 10e (classe qui n'existait pas dans Basic D&D) et 7 autres personnages du côté du Mal : Fox Fingers* le Voleur 13e, Kelek le Sorcier 7e, Raven* la Clerc 10e, Skylla la Magicienne 6e, Warduke Guerrier 8e et son épée Nightwind, Zarak l'assassin demi-orc 5e, Zargash* le Clerc 7e. 

Carl Smith avait inclus dans la description une petite origine qui devait venir des producteurs du jouet où Ringlerun serait un peu un Gandalf et Kelek son Saruman. Tous ses personnages étaient originellement alliés mais étaient partis en quête d'une pierre, la Heartstone. Quand ils la trouvèrent, elle rendit 7 d'entre eux maléfiques (avec le détail que dans le cas de Raven la prêtresse elle a rejoint le Mal aussi par amour pour Warduke et jalousie envers Mercion). Skylla était une apprentie et disciple de Ringlerun avant de passer du côté de Kelek. 

Un jouet de 1983 n'était pas dans ce supplément : Northlord le Barbare. Il y eut aussi beaucoup d'autres jouets dans une version de 1984 qui sont encore plus moches et avec des noms encore plus stupides : Bowmarc le Croisé, Deeth le Guerrier, Drex le Guerrier à la morningstar, Grimsword le Chevalier maléfique, Hawkler le Ranger, Mandoom le Guerrier d'or (qui a l'air d'être une sorte de "Solar" sans ailes), Mettaflame (sic) le Géant de Feu, Zorgar le Barbare maléfique. Il y eut aussi quelques jouets annoncés mais qui ne furent que des prototypes comme Valkeer le Viking. 

En 1984, TSR précisa cette histoire de sa gamme de jouet par le supplément XL-1 Quest for the Heartstone (règle "Expert D&D"). Cela se passait dans un nouveau pays, le Royaume de "Ghyr" mais les fans de Mystara décidèrent que cela devait être aussi une partie du Monde connu de Mystara et le placèrent au nord, à côté de Wendar et de Denagoth, les pays du module X11 Saga of the Shadow Lord). La Reine du Ghyr, veuve de l'ancien roi, envoie les PJ chercher la Heartstone mais le module ne fait pas d'effort pour créer un cadre pour les jouets. Le module ajoute seulement en plus de ceux déjà vus les caractéristiques de personnages comme Bowmarc Guerrier 8e, Deeth Guerrier 8e, Hawkler le Ranger 6e Molliver la Voleuse 8e, Valkeer Guerrier 5e (toujours pas Northlord ?). 

Voici ses caractéristiques : 


En 2007, Kelek n'apparaît pas dans l'aventure dans le bref D&D Animated Series Handbook mais en 2024 il réapparaît comme ennemi dans un module fait pour annoncer la nouvelle édition Sans-Numéro de D&D, Uni and the Hunt for the Lost Horn par Amanda Hamon Kunz. Il a des worgs (à cause du dessin animé) et des Bullywugs (peut-être parce que les Bullywugs étaient une des créatures dans les jouets ?) mais il n'y a pas ses caractéristiques. 

Kronawetter & Lueger

Ferdinand Kronawetter (1838-1913) était un juriste et fonctionnaire de Vienne dans l'Empire autrichien qui s'impliqua dans les partis démocrates de gauche. Il se battait contre le suffrage censitaire et l'extension du suffrage dans les années 1870. L'Empire austro-hongrois n'accepta finalement de généraliser le suffrage universel masculin que trente ans après, en 1907 et uniquement pour la partie autrichienne, le Royaume de Hongrie gardant encore un vote censitaire jusqu'à sa chute. 

Kronawetter fut au début allié à un autre jeune avocat viennois, Karl Lueger (1844-1910). Lueger était à cette époque un "libéral" populiste et il avait été proche d'Ignaz Mandl, un médecin juif connu pour soigner les pauvres de Vienne. 

Mais progressivement à la fin des années 1870, Karl Lueger rompit avec ses amis démocrates de gauche pour aller vers une position populiste radicalement anti-sémite. 

La démagogie de Karl Lueger fut très efficace. Il avait contribué à une baisse du Cens électoral à Vienne de 10 à 5 Gulden/Forint (un fonctionnaire en début de carrière pouvait espérer un traitement d'environ 100 Gulden ou 200 couronnes par mois) et son nouvel électorat de classe plus moyenne soutint son anti-sémitisme qui se présentait comme un anti-judaïsme "catholique" et en même temps "de gauche" (il gardait ce terme au début) et en tout cas "populiste". Des socialistes soutenaient aussi Lueger mais il va finalement fonder le "Parti Chrétien Social (Christlichsoziale Partei)" et même une coalition avec les nationalistes, la "Ligue des Anti-sémites" de 1888 (sur le modèle de l'Antisemiten-Liga fondée par Wilhelm Marr en 1879 en Allemagne). Lueger sera député à partir de 1890 et son anti-sémitisme est si extrême que même l'Empereur François-Joseph tente d'opposer son veto contre son élection à la Mairie de Vienne en 1896. 

Lueger l'emporte et sera Maire à partir de 1897. Il se bat désormais pour le maintien d'un suffrage censitaire minimal car il craint la victoire des Sociaux-Démocrates si on accepte aussi ceux qui ne payaient pas le Cens de 5 Gulden. Il meurt en poste en 1910 et la gauche sociale-démocrate reprendra Vienne par la suite contre la droite chrétienne populiste de Lueger, qui sera plus tard un des modèles des Nazis. 

C'est contre ce Karl Lueger que Ferdinand Kronawetter inventa la célèbre formule qu'on entend répéter de nos jours : l'antisémitisme est "Sozialismus des dummen Kerls" (le socialisme pour les imbéciles). La phrase est souvent attribuée à tort à son contemporain August Bebel (1840-1913), le chef des socio-démocrates allemands et on l'utilise aussi parfois pour évoquer des figures proto-nazies comme Eugen Dühring (1833-1921). 

samedi 5 octobre 2024

Rings of Power Saison 2 Episode 8/8 "Alloyed"

Quelle série frustrante. 

Elle aurait un potentiel. Je ne suis pas d'accord du tout avec les fans qui disent que les auteurs ne connaissent rien à Tolkien. Ce sont visiblement des fans, mais cela ne suffit pas, et ils ont le droit de choisir de changer le lore, (c'est drôle comme ce mot anglais est devenu courant, sans doute à cause des jeux vidéo ?) - si c'est pour l'améliorer pour la série. 

Pour moi, le problème est que lorsque les scénaristes veulent aller d'un point A à un point B, ils se fichent complètement de justifier comment on y arrive et cela se voit. C'est récurrent depuis le début. C'est une façon d'écrire artificielle, rigide et brutale, une absence de toute grâce qui sera sans doute enseignée par la suite comme un modèle de ce qu'il faut éviter. 

Exemple auquel je reviens souvent depuis la saison 1. On veut à tout prix une relation amoureuse entre Galadriel et Sauron. Bon, on va dire que Celeborn a disparu et qu'elle est  veuve et on va les faire se rencontrer... heu... sur un radeau près de Numenor, quand Galadriel se jette dans la mer pour refuser son retour à Valinor. 

Il y a eu quelques bons éléments comme Celebrimbor face à Sauron. Ou ce personnage d'Adar qui est la seule création originale de la série qui fonctionne bien en possibilité tragique d'une solution rivale contre l'Ennemi. 

La scène finale des réfugiés qui annonce la création d'Imladris (Rivendell) aurait dû être pleine d'exaltation après la chute de l'Eregion et je l'ai trouvée plus ridicule qu'un feu de camp de scouts. J'ai commencé à m'attacher à Elrond mais Gil-Galad reste pénible à chaque fois qu'il apparaît. 

Le scénario est inconséquent. Galadriel avertit Celebrimbor. Ah, non, finalement, elle ne l'a pas bien averti. Miriel reprend l'autorité malgré le fait qu'elle avait regardé dans un Palantir. Ah, non, Ar-Pharazon la détrône et l'emprisonne à nouveau, parce qu'il... a regardé dans un Palantir. Qui écrit un scénario ainsi ?? 

Le Balrog est une énorme menace. Ah, non, finalement, il a disparu. Maintenant Durin IV apprend qu'il a des frères qui veulent aussi son trône. On ne pouvait pas l'annoncer avant ?

Durin IV sait que l'anneau nain est maléfique. Mais il n'a pas encore donné les six autres aux rois nains. On devine donc qu'il va leur envoyer alors qu'il semble en avoir vu tous les dangers. N'aurait-il pas été plus simple de dire que les 7 étaient distribués avant qu'on en perçoive ces risques ?

Les Nains se téléportent soudain en Eregion et gagnent aussitôt. Sauron n'a pas envie de récupérer les Trois qui sont juste devant lui et s'enfuit. 

Je ne parlerai même pas de l'Etranger. Cela fait des semaines que j'espère qu'il y a une fausse piste et à présent on se retrouve avec un Prequel absurde où Olorin a un fétichisme pour les hobbits 3000 ans avant de rencontrer Bilbo. Et Mithrandir en disciple de Bombadil ? Ne pouvaient-ils pas garder Bombadil plus mystérieux ? 

Malheureux Isildur aussi, qui a le charisme d'une châtaigne et qui se fait voler la vedette par... son cheval Berek parce que les scénaristes ne savent pas ce qu'il pourrait faire avant la chute de Numenor. Il tombe amoureux d'une adoratrice de Morgoth. Ah, non, finalement elle a déjà un fiancé. Oh, non, elle va l'accompagner à Numénor. Non, finalement, elle reste à Pelargir. 

Je suis pourtant ambivalent sur cette série. On entrevoit parfois ce qui aurait pu être tellement bien s'ils avaient eu un docteur de leur script. J'attendrais quand même encore les saisons 3 parce que je suis fan du Silmarilion mais sans espoir réel d'une histoire qui puisse être moins décevante. 

dimanche 29 septembre 2024

Rings of Power Season 2 Episode 7 "Doomed to Die"

 

They have a Hill Troll

Episodes 1-345, 6.

Je pourrais pour une fois être assez sobre comme ce 7e épisode est probablement le meilleur épisode de la série. Dommage que tant de personnes ont dû désespérer depuis longtemps, comme c'est le 15e depuis le début. 

Les grandes batailles d'épisode pénultième de la saison sont assez prévisibles dans les imitations de la trilogie de Jackson mais ici les scénaristes ont ajouté assez de tension dramatique pour qu'on reste intrigué par ces combats - surtout que plusieurs scènes sont construites comme des inversions volontaires de celles de Jackson.  Les péripéties de cet épisode réussissent dans leur but de créer cette atmosphère tolkiénienne de mélancolie tragique (en inversant certaines victoires par surprise dans le Lord of the Rings). La défaite des Numénoréens et la naissance du Mordor en fin de Saison 1 avait paru être un twist pour le plaisir de faire un twist alors qu'ici la chute d'Ost-in-Edhil et de l'Eregion a certaines parties sublimes. Cette digue qui arrête l'écoulement de l'eau (la Sirannon sur la route de Khazad-dûm ou plutôt la Glanduin si les Orcs arrivent du sud) inverse aussi l'éruption des fumées dans l'épisode 7 de la saison 1. 

Le grand orfèvre Celebrimbor au Poing d'Argent (Charles Edwards) prend enfin bien plus d'épaisseur dans sa prison onirique et dans sa manière pour en trouver la faille avec le marteau de Feänor. L'idée de Sauron en Grand Illusionniste qui fabrique tout un réseau de mondes fictifs s'avère très efficace. 

Ce personnage de Celebrimbor n'était auparavant guère qu'un nom dans le Legendarium Tolkiénien et maintenant que ce soit dans le jeu vidéo Shadow of Mordor (où toute l'intrigue repose sur sa vengeance contre Sauron) ou cette série, le fils de Curufin va laisser un souvenir plus durable et marquant. 

D'habitude, je trouve les grands discours vibrants à la Robert Wallace / Henry V trop kitschs mais ici, le discours inspirant de Durin IV le Jeune ou celui de Celebrimbor à Galadriel sont plutôt réussis. 

Adar (avec le nouvel acteur de cette saison Sam Hazaldine, bien plus charismatique que son prédécesseur) est la meilleure invention originale de la série. Il est un "Anti-Vilain", un ennemi un peu plus réaliste que Sauron et sa corruption est plus intéressante : il souhaite sincèrement ce qu'il croit être le bien des Uruks mais il considère que la Fin justifie les Moyens. "Pour vous éviter de finir comme des pions de Sauron, je vous sacrifierai comme mes pions." On devine aisément comment Adar va finir, tué par Glûg et ses propres Uruks qui le trahiront et réaliseront ses craintes en devenant des hordes servant Sauron. Et comment en vouloir aux Uruks ? Adar ne se rend même pas compte qu'avec son anneau il finirait sans doute comme Sauron, selon la tragédie habituelle de la politique où le libérateur devient tyran.  


Bien sûr tout ne marche pas. 

Adar avait déjà accepté trop facilement de laisser partir Halbrand au début de cette saison et à présent, il perd un peu de son caractère inquiétant quand il accorde si aisément à Elrond de venir faire ses adieux à Galadriel. Les fans ont sans doute exagéré en s'énervant sur la supposée tension amoureuse entre Elrond et sa future belle-mère mais le plan d'Elrond est cousu de fil blanc. 

Par souci de clarté, le scénario a retiré de toute cette histoire certains Elfes comme Amroth, Roi des Galadhrim sylvains (son rôle est certes remplacé par son sujet Arondir, qui est enfin assez intéressant ici) et même Celeborn (retiré parce que les auteurs avaient voulu créer la relation Halbrand-Galadriel en saison 1). Peut-être craignaient-ils aussi qu'à l'oreille les spectateurs aient du mal à distinguer Celebrimbor et Celeborn ? J'imagine qu'Elrond fondera Imladris bientôt en saison 3 mais vont-ils aussi créer les bases de l'arrivée de Galadriel et Celeborn dans la Lothlorien du Roi Amroth. Les droits empêchent peut-être aussi d'utiliser la Maison d'Imrazôr (qui fut l'un des uniques parents de demi-elfes de l'histoire, les Princes de Dol Amroth). 

La charge héroïque des Elfes s'arrête un peu brutalement dès le premier stratagème d'Adar. L'Elfe Rian dardée et hérissée de multiples traits orcs qui arrive à faire éclater un trébuchet avec sa dernière flèche explosive quitte l'épique pour aller d'un coup vers la farce et une déflagration de clichés presque cartoonesques. 

Je comprends qu'ils aient voulu comprimer toute la chronologie mais là, la chute de Khazad-dûm est accélérée de milliers d'années puisqu'elle devait avoir lieu au XXe siècle du Troisième Âge à peu près à l'époque de la chute de l'Arnor. Et les Nains semblent deviner bien trop vite qu'ils libéreront le Balrog s'ils continuent à creuser pour du mithril. Certes, Durin IV va peut-être simplement réussir à différer l'inéluctable par ses choix cornéliens. 

Captain Popcorn a eu dans sa vidéo une réflexion fine sur la mortalité chez Tolkien et cette série. Les Elfes immortels doivent apprendre à accepter la mortalité en Terre du Milieu et leur quête du mithril paraît ici un substitut peu heureux à leur désir plus métaphysique de demeurer dans le temps sans assumer ses vicissitudes. Tolkien écrit dans la lettre 154 que le tort des Elfes comme des Gondoriens est de trop vouloir "embaumer" ou figer le temps comme un tombeau. Même Celebrimbor comprend qu'Annatar est un usurpateur et pas un envoyé des Valar quand il regrette l'écoulement du temps. 

mardi 24 septembre 2024

4e Fumble

Black Books arrête le vol. 4 de Casus Belli au n°50 qui devrait paraître au début de l'année prochaine, après près de 14 ans de bons services. 

Le vol. 1 avait duré 5 ans de plus avec un rythme à peu près bimestriel au lieu de trimestriel (1980-1999, 122 numéros). Le nombre de pages de la nouvelle formule étant sans doute deux fois plus élevé, on peut se demander si la quantité n'est pas relativement la même. 

Je continuais à l'acheter et à l'admirer (Gianni a souvent mentionné Magistrats & Manigances par exemple) mais mon Trouble de l'Attention, mon vice de paresse pathologique et ma nouvelle myopie depuis une douzaine d'années m'empêche de lire avec beaucoup de sérieux et de concentration. Je le survolais donc au lieu de l'utiliser, de le lire et relire religieusement comme celui de la première version quand j'étais adolescent. 

Deux arguments violents

Avicenne (ibn Sīnā, 980–1037) dans sa Métaphysique du Shifa I.8, 53. 13-15 dit que les obstinés "qui nient un premier principe comme le principe de non-contradiction devraient être plongés dans le feu puisque brûler ou ne pas brûler sont équivalents. Qu'ils soient battus, comme souffrir ou ne pas souffrir sont la même chose. Qu'ils soient privés de nourriture et de boisson puisque manger ou boire sont identique au fait de s'en abstenir. (Source : l'article Contradiction dans la Stanford Encyclopedia). 


Le passage a frappé Duns Scot qui en parle dans son Commentaire sur le Livre des Sentences (Reportatio) I, distinction 39 mais en l'adaptant sur le Futur contingent et les modalités. Via

"Ceux qui nient des choses aussi manifestes ont besoin d'un châtiment et de bon sens car comme le dit Avicenne dans sa Métaphysique "Ceux qui nient un premier principe doivent être frappés ou exposés au feu jusqu'à ce qu'ils concèdent que brûler et ne pas brûler ou être battu pu ne pas être battu ne sont pas la même chose." 

Et de même, ceux qui nient qu'il y ait quelque étant contingent doivent être exposés aux tourments jusqu'à ce qu'ils concèdent qu'il est possible qu'il ne soient pas torturés et qu'il n'est pas nécessaire qu'ils le soient."

Liber I Sententiarum Distinctio 39 (p. 625-626 ou p. 473)
Et ideo negantes talia manifesta indigent poena vel sensu, quia secundum Avicennam 1. Metaph. negantes primum principium sunt verberandi vel exponendi igni, quousque concedant, quod non est idem comburi et non comburi, vel capulare et non capulare. 
Et ita etiam isti, qui negant aliquod ens contingens, exponendi sunt tormentis, quousque concedant quod  possibile est eos non torqueri.

Mais cette dernière utilisation par Scot pour répondre à ce type de nécessitarisme est un sophisme. Si le nécessitarisme était vrai (et je ne sais pas comment on pourrait le savoir), je pourrais être déterminé de toute éternité à nier qu'il soit vrai, je pourrais exhorter quelqu'un à changer en faisant comme si c'était bien possible, bien que cela ne le soit pas, et cet "argument performatif" ne prouverait simplement que nous voudrions alors qu'il soit faux, non pas qu'il l'est. La contradiction n'est qu'entre désir et croyance. Nos désirs présupposent une contingence mais l'argument des nécessitaristes est justement que toute la contingence n'existe que dans nos désirs et représentations et non dans la réalité. 



lundi 23 septembre 2024

Les personnages de Warhammer, 1e édition (1983)


La première édition de Warhammer en 1983 par Rick Priestley (1959- ), Richard Halliwell (1959-2021) et Bryan Ansell (1955-2023) ne prétendait pas trancher entre un wargame et un jeu de rôle, ce qui lui donnait un côté très en décalage avec l'évolution des jeux de rôle depuis qu'on s'était éloigné des débuts de D&D ou Chivalry & Sorcery. (Priestley dit même qu'il avait inventé un style jdr dans ses wargames avant de découvrir D&D). Le jeu fut vite divisé en deux : Warhammer Fantasy Battles (WFB 2e ed., 1985, qui amplifia la base de la première édition uniquement en wargame) et Warhammer Fantasy Role-Play (WFRP, 1986, avec une autre équipe sans Bryan Ansell, équipe qui ajouta un univers avec des règles incompatibles avec WFB). L'évolution entre les premières formes de Warhammer et WFRP a été étudiée très attentivement dans tous ses détails par le blog Awesome Lies

Il est clair que certains aspects n'étaient pas tellement bien adaptés pour le jdr. Je suis parfois étonné que Gygax ait souvent mis des systèmes disparates dans D&D mais ce Oldhammer était encore pire : chaque caractéristique était sur une échelle différente, certaines sont autour de 2-3, d'autres à 7-8, d'autres à 1000. Le jeu de rôle de 1986 passa ensuite en grande partie en d% (ironiquement, Reaper, 1978, l'ancêtre de Warhammer, était fondé sur le d%). WFRP abandonna aussi le monde complètement tolkienien de Firsthammer (avec en plus le Chaos de Runequest) pour un monde Renaissance et un côté plus "cthulhupunk" où l'humour repose sur une sorte de corruption généralisée de fin du monde. En revanche, on trouvait dès cette première édition l'idée (peu développée) de "carrières" qui allait faire la richesse de WFRP

Il n'y a pas que les échelles des caractéristiques qui varient mais aussi la manière dont on les utilise. Par exemple, la compétence à l'Arc (Bowskill) donne ensuite un score où il faut faire au moins (7 - Arc) sur un d6 (avec bonus et malus). N'aurait-il pas été plus simple de faire simplement égal ou moins que le score en Arc ? Et pour le score en Mêlée (Weaponskill), il faut comparer les deux scores sur un tableau qui donne ensuite une valeur minimale à atteindre sur 1d6 pour l'Attaquant. C'est en gros égal à : 

(5 + ((WS du Défenseur - WS de l'Attaquant) / 2 arrondi à l'inférieur)). 

Cela fait beaucoup de jets : jet pour toucher, jet de sauvegarde de l'armure, jet pour les dégâts avec un tableau comparant la Force de l'Attaquant et l'Endurance du Défenseur. 

Voici les caractéristiques, avec d'abord les caractéristiques de combat puis les autres. 

Combat

Weaponskill (WS) & Bowskill (BS) : 1-6

Force : 1-3

Endurance : une lettre, souvent B ou C sur un tableau (C étant MIEUX)

Blessure : 1 (pour tout personnage "normal" débutant)

Initiative 1-5

Psychologie (uniquement pour le jeu de rôle)

Intelligence : 1-12

Cool : 2-12

Willpower : 2-12

Leadership : 1-3

(Leadership devint une caractéristique standard du wargame)

Si je comprends bien la différence, Cool résiste plutôt à sa propre Frénésie furieuse de combat et Willpower résiste au contraire à la Peur. Les Nains ont un malus en Cool. 

Magie

Energie vitale (d'un Magicien) : 200-2 400

On peut comparer un Héros de la partie "Bataille" sans donnée psychologique, et un "PJ". 

Voici un héros nain plus avancé, Thorgrim Branedimm (Vol. 1 p. 33), porteur du marteau de guerre Fléau-des-ennemis (Foebane, qui provoque la Peur sur les Non-Nains et un effet similaire à un Poison, avec jet de sauvegarde égal à 7 - Force à atteindre sur 1d6). Son armure de mithril lui donne un jet de sauvegarde de 4 (3 avec son bouclier). 

MoveMêléeArcForce EnduranceBlessuresInitAttaq
4843C353

Et voici Wulfhand le Guerrier, homme du nord débutant (Vol. 3 p. 8) :

MoveMêléeArcForce EnduranceBlessuresInitAttaq
4442B251

IntellCoolVolontéLeadership
8752

On pourrait aussi comparer Thorgrim le chef nain de WFB1 aux caractéristiques qui ont été données bien des éditions après pour Grombrindal Le Nain Blanc dans White Dwarf #300 (il a eu bien des versions de ce Grombrindal et même dans le jeu sportif Blood Bowl) : 



MWSBSSTWIALd
White Dwarf3744544410

dimanche 22 septembre 2024

Rings of Power Saison 2 Episode 6 "Où est-il ?"

SPOILERS GALORE

Episodes 1-34, 5.

Annatar "le Dispensateur des Dons"


Les +

Sauron a donc de puissants pouvoirs d'Illusion et cela renforce la plausibilité de ses manipulations. On se remet à croire à la chute de Celebrimbor et d'Ost-in-Edhil. 

Il va inclure son propre sang dans le construction des Neuf Anneaux, ce qui accentue l'idée que les Neuf sont encore plus corrompus que les Sept. J'imagine que les Neuf vont être forgés dans le prochain épisode avant la fin d'Eregion et la fondation d'Imladris. 

Adar est toujours un vilain relativement plus intéressant que Sauron et donc la principale bonne idée des scénaristes. Sauron est le tentateur, le corrupteur qui semble vouloir le pouvoir pour le pouvoir, voire le mal pour le mal. Adar a l'air de croire un peu à sa propagande sur la cause des Uruks, même s'il se fait berner par Sauron et croit qu'il pourrait utiliser les Anneaux sans tomber sous sa domination (de même qu'il garde la Couronne de Fer de Morgoth comme une relique de leur libération). On sait bien que cela va mal finir pour lui et qu'il ne fait que servir à rassembler les armées de Mordor pour le Seigneur Ténébreux (tout comme Saruman ne fit qu'en pion de Sauron). Il y a des ambiguïtés réussies dans l'échange avec Galadriel quand il dit que même si les Uruks aidaient la cause des Elfes, ceux-ci voudraient toujours les génocider comme résidus de l'action de Morgoth. 

Le fait qu'Ar-Pharazon fasse condamner Miriel pour avoir utilisé le Palantir elfe et s'en serve ensuite lui-même pour découvrir l'identité de Halbrand crée l'ironie de ce qui va sans doute être la 3e saison avec un changement d'alliance. L'isolationniste Ar-Pharazon va accepter une dernière fois d'aider les Terres du Milieu contre Sauron mais cela ne va faire que hâter la chute de Numenor. 

Eärien commence enfin à devenir un peu plus intéressante, tiraillée entre son affection pour son père Elendil et son ressentiment contre Miriel et l'interventionnisme en Terre du Milieu dont elle croit qu'il a causé la mort d'Isildur. 

Arrondir va sans doute rejoindre l'intrigue en Eregion (ce qui veut peut-être dire qu'on ne verra plus trop Théo à Pelargir !). 

Les -

L'épisode précédent se centrait sur Eregion, Khazad-dûm et Numenor et on savait que les bonnes choses ne pouvaient durer. 

Les Hobbits, toujours aussi sans intérêt. Les origines secrètes de la Comté au Second Âge restent une des idées ratées. 

Pseudo-Gandalf qui part en quête d'un Bâton et Tom Bombadil représenté sans son insouciante légèreté comme un Sensei Zen austère (ou comme dit Captain Popcorn, en Yoda demandant à Luke de sacrifier ses amis). C'est dommage que cette intrigue soit si mauvaise, l'acteur qui joue l'Etranger (Daniel Wayman) est plutôt un de mes favoris. Mais ce jeu sur son identité est agaçant : on ne cesse de donner des indices très visibles que c'est Gandalf et soit (1) la révélation n'en sera donc pas une, soit (2) si c'est un Mage bleu, le jeu précédent paraîtra ridicule. 

Le test de la Mer. Le Serpent de Mer semblait obéir à Sauron et maintenant il est censé servir les Valar. La religion numénoréenne est censée être la plus proche des Valar et maintenant elle pratique l'Ordalie et le sacrifice humain avant même l'arrivée de Sauron ? La Maison d'Elros est censée être corrompue depuis peu de temps au fur et à mesure que le passage du temps a fini par les rendre amers et déçus, pas depuis ses traditions anciennes. 

Je ne suis pas convaincu par l'idée de projeter sur Celebrimbor une maladie dégénérative d'Alzheimer au lieu de la simple hubris. C'est trop traiter Celebrimbor comme Theoden et Durin III. 

On comprend pourquoi Galadriel peut se dire qu'une alliance avec Adar contre Sauron est défendable. On ne comprend pas comment elle pourrait dire aussi bêtement à Adar qu'Elrond porte sur lui Nenya. Les scénaristes gâchent toujours l'itinéraire de Galadriel. 

Disa réussit à faire peur à Narvi juste avec quelques chauve-souris ? Certes, cela joue sur un lien entre le Chant de la Montagne et le sonar dans les ténèbres. 

Adar semble s'être douté que Halbrand était Sauron. Pourquoi a-t-il alors accepté si vite de le libérer ?? Cela rappelle à nouveau à quel point toute cette scène où Sauron s'était livré était absurde. 

samedi 21 septembre 2024

Sauvés pour un vers d'Euripide

Pendant la Guerre du Péloponnèse, les Athéniens sont vaincus lors de la désastreuse expédition sicilienne en 413 av. JC. Les 12 000 hommes de l'expédition furent tous tués, brisés dans les carrières ou réduits en esclavage. Mais Plutarque ajoute cette anecdote sur certains qui furent ensuite rescapés grâce à la poésie : 

"Quelques-uns des prisonniers durent leur salut à Euripide ; car, de tous les Grecs qui habitent l'intérieur de la Grèce, il n'en est point qui aiment, autant que les Siciliens, les ouvrages de ce poète ; et quand les étrangers qui abordaient dans leur île leur en apportaient des fragments, et leur en faisaient pour ainsi dire goûter quelques essais, ils les apprenaient par cœur, et se les communiquaient les uns aux autres. 

Aussi dit-on que dans cette occasion plusieurs de ceux qui retournèrent dans leur patrie allèrent voir Euripide, et le remercièrent avec beaucoup d'affection, les uns, parce qu'ils avaient été mis en liberté, pour avoir appris à leurs maîtres ce qu'ils avaient retenu de ses pièces ; les autres, parce que errant dans la campagne, après le combat, ils recevaient de la nourriture de ceux à qui ils chantaient ses vers. 

Il ne faut pas s'en étonner, après ce qu'on raconte d'un vaisseau de la ville de Kaunos, qui, poursuivi par des corsaires, s'était réfugié dans un port de Sicile : les habitants refusèrent d'abord de le recevoir, et voulurent le chasser; mais ensuite, ayant demandé aux passagers s'ils savaient des vers d'Euripide, sur leur réponse affirmative, ils laissèrent entrer le vaisseau."

Plutarque, Vie de Nicias, 50.

Euripide était déjà âgé (environ 65 ans) lors de ce désastre et il n'avait gagné le Premier prix qu'une seule fois, pour Hippolyte, ce qui laisse penser qu'il était moins populaire à Athènes que chez les Syracusains. Il venait de gagner un 2e prix pour les Troyennes et après cet épisode un autre 2e prix pour les Phéniciennes

Un récit dit qu'Euripide serait mort dans l'isolement sur l'île de Salamine et une autre tradition qu'il serait partir vivre chez le Roi de Macédoine Archelaus (25 ans avant la naissance de Philippe). Il aurait offert un cycle de pièces macédoniennes à son nouveau protecteur avant de mourir vers l'an -405, un an avant la fin de cette longue Guerre du Péloponnèse et la capitulation de sa Cité athénienne.  

άλλ’ ήδύ τοί σωθέντα μεμνήσθαί πόνων
Il est doux, dans la sécurité, de se souvenir des peines passées
(Andromède, -412) 

φρονῶ δ’ ὃ πάσχω, καὶ τόδ’ οὐ σμικρὸν κακόν· 
τὸ μὴ εἰδέναι γὰρ ἡδονὴν ἔχει τινὰ 
νοσοῦντα, κέρδος δ’ ἐν κακοῖς ἀγνωσία.
J'éprouve que je souffre et ce n'est pas un moindre mal
car ne pas savoir apporte un plaisir
à l'affligé, c'est un avantage dans nos maux que l'ignorance
(Antiope, -410)
 
γέροντες οὐδέν ἐσμεν ἄλλο πλὴν ψόφος
καὶ σχῆμ’, ὀνείρων δ’ ἕρπομεν μιμήματα·
Nous les vieux ne sommes rien qu'un son
et une esquisse et nous nous mouvons comme des imitations des songes
(Eole)

τὸ σοφὸν δ’ οὐ σοφία
La sagacité n'est pas sagesse
(Bacchantes, joué en -405 après sa mort)

vendredi 20 septembre 2024

Humour écossais : Reid sur l'humour humien

Monsieur Thomas Reid (1710-1796) d'Aberdeen se moquant amicalement de son contemporain David Hume (1711-1776) d'Edinburgh : 

It seems to be a peculiar strain of humour in this author, to set out in his introduction, by promising, with a grave face, no less than a complete system of the sciences, upon a foundation entirely new, to wit, that of human nature ; when the intention of the whole work is to show that there is neither human nature nor science in the world. 

It may perhaps be unreasonable to complain of this conduct in an author, who neither believes his own existence nor that of his reader; and therefore could not mean to disappoint him or to laugh at his credulity. Yet I cannot imagine, that the author of the Treatise of Human Nature is so sceptical as to plead this apology. He believed, against his principles, that he should be read, and that he should retain his personal identity till he reaped the honour and reputation justly due to his metaphysical acumen. Indeed, he ingenuously acknowledges, that it was only in solitude and retirement that he could yield any assent to his own philosophy ; society, like daylight, dispelled the darkness and fogs of scepticism, and made him yield to the dominion of Common Sense. Nor did I ever hear him charged with doing any thing, even in solitude, that argued such a degree of scepticism as his principles maintained. Surely if his friends apprehended this, they would have the charity never to leave him alone. (...)

It is a bold philosophy that rejects, without ceremony, principles which irresistibly govern the belief and the conduct of all mankind in the common concerns of life ; and to which the philosopher himself must yield, after he imagines he hath confuted them. Such principles are older and of more authority than Philosophy: she rests upon them as her basis, not they upon her. If she could overturn them, she must be buried in their ruins ; but all the engines of philosophical subtilty are too weak for this purpose ; and the attempt is no less ridiculous than if a mechanic should contrive an axis in peritrochio to remove the earth out of its place ; or if a mathematician should pretend to demonstrate, that things equal to the same thing are not equal to one another.

Zeno endeavoured to demonstrate the impossibility of motion ; Hobbes, that there was no difference between right and wrong ; and this author [Hume], that no credit is to be given to our senses, to our memory, or even to demonstration. Such philosophy is justly ridiculous, even to those who cannot detect the fallacy of it. It can have no other tendency than to show the acuteness of the sophist,at the expense of disgracing reason and human nature, and making mankind Yahoos.

Thomas Reid, An Inquiry into the Human Mind on the Principles of Common Sense, 1764, Chapitre I Introduction, sect. 5 De l'évêque Berkeley, du Traité de la Nature humaine et du scepticisme

Bien sûr, Reid exagère complètement le scepticisme de Hume alors que ce dernier n'avait cessé de se défendre d'un pyrrhonisme extravagant sur nos impressions. Reid l'accuse de douter même du raisonnement alors que Hume est un logiciste en même temps qu'un empiriste. 

Mais c'est écrit dans un style assez délicieux, qui évoque déjà celui de Bertrand Russell par la suite. Cette première phrase est un trait d'esprit piquant mais assez frappante sur l'étrangeté du naturalisme humien (prétendre fonder toutes les sciences sur la nature humaine tout en réduisant toute nature à une régularité contingente). 

On remarque que Reid n'utilise jamais dans ce chapitre le nom de Hume mais seulement la description définie "l'auteur du Traité de la nature humaine" (ouvrage dont Reid disait aussi avec admiration comme un certain Prussien qu'il l'avait sorti de son propre sommeil dogmatique). Il le cite quand même dans la dédicace, dans les chapitres VI et VII. Cette réticence est-elle une sorte de convention sur un contemporain encore vivant ? Reid est Professeur à Aberdeen (et ancien Pasteur) alors que Hume a été refusé à Edinburgh pour son athéisme. Ou est-ce une sorte de courtoisie parce que Hume est chargé d'affaires à l'ambassade du Royaume-Uni à Paris à cette période ? 

En tout cas, dès 1760, Reid a déjà une histoire de la philosophie qui est la même que celle qui nous vient ensuite de Victor Cousin, une généalogie rationaliste-empiriste où l'occasionnalisme de Malebranche conduit à l'idéalisme empirique de Berkeley et celui-ci à l'empirisme radical de Hume. 

jeudi 19 septembre 2024

Des suites de Monte Cristo

Alexandre Dumas semble avoir compris assez vite que son héros n'appelait pas de suite convaincante (contrairement à ses suites du cycle des Mousquetaires, des Guerres de religion ou de Joseph Balsamo). 

Mais cela n'a pas empêché d'autres d'essayer. 

Le site Abbreviated Monte Cristo a étudié de nombreuses suites (en les jugeant toutes atroces) mais en français le site Pastiches de Dumas est un peu plus indulgent avec certains volumes comme ceux de Jules Lermina. Ce site a aussi constitué cet arbre généalogique du Comte dans les différentes suites

1 Edmond Dantes (1849) d'un certain "George Noble" aux USA mais signé Dumas. Dantès est devenu un député socialiste de Marseille et soutient la révolution de 1848. Il se marie avec Mercedes. Ils ont un enfant. Cette version ne semble pas avoir circulé en France mais 35 ans après, Edmund Flagg va parasiter ce livre pour en faire une autre suite du même titre. 

2 La Main du défunt (1854) d'Alfredo Hogan. Voir aussi le développement plus long chez Pastiche de Dumas. C'est un texte portugais, traduit ensuite en français qui fut souvent attribué à tort à Dumas (qui ne meurt qu'en 1870) et celui-ci nia avec véhémence tout lien avec ce roman "exécrable". Hogan, catholique traditionaliste, inverse la vengeance avec Benedetto (le fils illégitime de Villefort) qui devient le personnage central qui va se venger de Dantès et contribuer à détruire tous les personnages, dont Haydée et son enfant. Benedetto est exécuté mais Dantès finit moine pénitent. 

Le Seigneur du monde (1856) d'Adolf Mützelburg. Dans cette version, Edmond, qui est devenu "Lord Hope", marié avec Haydée, est encore victime de Benedetto, qui lui tue à nouveau leur enfant (cliché qu'on va retrouver dans de nombreuses suites). Il finit en révélant à tous les personnages du roman qu'il a continué à manipuler toutes leurs vies dans l'ombre. 

4 Les filles de Monte-Cristo (1876) roman américain de Louisiane, sans aucune diffusion. Haydée et Monte-Cristo ont eu deux filles, Merces et Gemma et après la mort de Haydée, il s'est remarié avec Mercedes. 

Le fils de Monte-Cristo (1881) par le journaliste socialiste libertaire Jules Lermina (1839-1915) : Benedetto a tué sa mère Mme Danglars. Villefort (qui a recouvré la raison) révèle à Maxime & Valentine que cette dernière n'est pas sa fille mais qu'elle avait été enlevée à un chef hindou luttant contre les Anglais (Vingt mille lieues sous les mers est de 1870 et L'île mystérieuse de 1875, Docteur Mystère sera de 1900). Monte-Cristo vient aider (avec son fils, Espérance) des nationalistes italiens (menés par une cantatrice qui n'est autre qu'Eugénie Danglars) contre le Comte de San Pietro (qui n'est autre que Benedetto). Puis après cette aventure italienne, Mercédès demande à Monte-Cristo de sauver son fils Albert en Algérie. Monte-Cristo et Espérance sont capturés par des Bedouins et seront sauvés par "Fanfar", un colon français créé par Lermina qui devient le héros de toute une partie du cycle colonial en Algérie. Des années plus tard, Danglars et Benedetto assassinent Espérance et Monte-Cristo va se réfugier sur son île. 

Le trésor de Monte-Cristo (1885) de Jules Lermina : Le Comte Sergeï Soïloff, noble russe et révolutionnaire, a été livré à la police tsariste et envoyé en Sibérie pour lui voler son argent. Evadé, il retrouve une bouteille contenant le testament de Monte-Cristo et le plan du trésor. Il s'allie à Valentin Morrel (fils de Maximilien et Valentine, qui avait découvert ses origines indiennes comme Nemo et sont morts en 1858 pendant la Révolte des Cipayes) et doivent lutter contre Benedetto pour retrouver le trésor. Le Comte Monte-Cristo réapparaît toujours vivant et les aide. Les suites de Lermina insistent plus sur le contexte révolutionnaire. 

Edmond Dantès (1884) d'Edmund Flagg (1815-1890) reprend en entier la version de 1849 ci-dessus mais y ajoute de nouveaux éléments en plus de la Révolution de 1848. Monte-Cristo et Haydée ont eu deux enfants, Zuleika et Espérance et on suit surtout les enfants. Albert de Morcerf épouse Eugénie Danglars (qui n'est donc plus homosexuelle). 

La fille de Monte-Cristo (1885) d'Edmund Flagg. Zuleika, la fille d'Edmond et Haydée, veut épouser un noble italien mais celui-ci est accusé de crimes qu'il n'a pas commis. Monte-Cristo et ses amis comme Valentin Morrell découvrent la preuve que le vrai coupable est Vampa, le bandit italien. 

Il y a de gros problèmes de dates entre les différentes versions mais on voit des influences mutuelles qui constituent un peu une sorte d'univers (certes incohérent) du "Monte-CristoVerse". 

Et les suites sont obsédées par quelques clichés récurrents : Haydée et son fils "Espérance" meurent souvent pour causer une nouvelle tragédie, Mercédès et Albert aussi. Le Nemesis devient souvent Benedetto, fils de Villefort, qui a rarement une rédemption. 

Matthias Sandorf (1885) de Jules Verne, dédié à Alexandre Dumas, est clairement une "réécriture" de Monte-Cristo où Sandorf, noble hongrois persécuté par la répression, revient pour se venger. Il va devenir le Docteur Antikerrt (il est nommé pour l'île d'Antikythera comme le Comte est nommé pour son île) et retrouver sa fille, Sava, qui ignore son identité. 

10 Monte-Cristo & his Wife (1887) : Danglars & Benedetto (qui tue sa mère) tentent de se venger des amis de Monte-Cristo, Maximilien, Albert... 

Au XIXe siècle, la plupart de ces prétendues "suites" ou "fanfic" circulaient sous le nom d'Alexandre Dumas, ce qui peut expliquer aussi pourquoi certains ont commencé à prendre certaines des éléments comme des bases communes (comme le fait que le fils du Comte s'appelle "Espérance"). 

Il y a aussi des variantes parfois du roman d'origine. En cela, Monte-Cristo est un mythe avec de nombreuses variantes. J'aime bien par exemple l'idée étrange d'une des adaptations sans copyright qui révèle que Fernand Mondego était en réalité... le fils de l'abbé Faria (Dantès ne le découvre qu'après la mort de Morcerf). 

mercredi 18 septembre 2024

Stomp! (Chaosium, 1978)


Stomp!
de Tadashi Ehara (le rédacteur en chef de Different Worlds) est un petit wargame asymétrique très simple (deux pages de règles) opposant un Géant de 12 mètres nommé Thunderpumper et 18 petits "elfes" (qui possèdent aussi deux pions "corde" qu'ils peuvent transporter, laisser à un endroit ou se jeter). Le Géant est le gardien d'un jardin entouré d'un mur de 6 mètres et les Elfes font pousser des "lances" pour bloquer le Géant. Les dessins sont de William Church. 

Le terrain est un jardin de 15 x 15 hexagones (avec un petit bassin de 8 hex, quelques hex de marais et de bois). La carte est reproduite en illustration sur BGG

Il ne peut y avoir qu'une pièce par hex (sauf la corde). Les elfes peuvent aller dans les arbres mais pas le Géant. Le Géant est représenté par trois pièces : le pied gauche en sandale (L) et le pied droit en sandale (R, chaque pied est un rectangle qui couvre 2 hex) ainsi que sa massue : les pieds et la massue commencent sur des hex adjacents. 



Conditions de victoire : 

Le Géant gagne dès qu'il a écrasé au moins 15 elfes sur les 18. 

Les elfes gagnent s'ils arrivent à immobiliser le Géant (immobiliser les deux sandales par des lances et en ayant ensuite attaché le Géant au lasso). 

Ordre de jeu

1 Le Géant bouge, écrase puis donne un coup de sa massue. 

2 Les elfes bougent et peuvent jeter une corde. 

3 Si on n'est pas au tour 1 ou 2, les elfes peuvent aussi donner des coups de lance et attacher au lasso. 

Mouvement du Géant

Chaque pied du Géant (si la sandale n'a pas été bloquée par une lance) bouge jusqu'à deux hexagones (mais seulement un hex si c'est un hex de marais ou un arbre). Si une sandale a une lance (talon/orteil), elle peut seulement tourner sur l'axe de cette lance. Si une sandale a deux lances (talon + orteil), ce pied ne peut plus bouger du tout. 

Le Géant peut mettre les talon d'un pied sur les orteils de l'autre. Il ne peut jamais mettre un talon sur un talon. Mais dès qu'il croise les pieds (si l'extérieur d'un des deux pieds est plus proche d'un autre extérieur ou si un petit orteil est plus proches de l'autre que des gros orteils de l'autre, il tombe et perd le jeu. 

Attaques du Géant

Ecraser est automatique : il suffit de marcher sur un elfe. 

A la fin de son mouvement, le Géant peut retirer UNE Lance du Tour précédent. 

Ensuite, le Géant peut donner un coup de massue. La massue (Club) part toujours de l'hex adjacent à l'un des pieds et peut aller jusqu'à 3 hex dans un sens, puis autant d'hex dans le sens opposé. Si la massue touche un elfe, il est envoyé d'autant d'hex que le chemin parcouru : si l'elfe était sur un arbre, il est poussé d'un hex, si l'elfe est envoyé sur un arbre ou un mur du jardin, il est éliminé. Si un elfe tombe dans un hex où se trouve un autre elfe, celui-ci est poussé d'un hex. S'il tombe dans une autre situation, il est évanoui (Stunned) jusqu'à la fin du Tour. 

Mouvement des Elfes

Les Elfes peuvent se mouvoir jusqu'à leur valeur de mouvement (3-5) s'ils ne sont pas évanouis. Ils ne peuvent pas bouger dans une case occupée. Ils peuvent laisser une corde ou la jeter à un nombre d'hex égal à leur capacité de mouvement. 

Attaque des Elfes

A partir du tour n°3, les Elfes ont des lances (en fait ils ont fait pousser des pieux végétaux) pour bloquer les sandales. Un Elfe ne peut le faire que s'il est sur un hex adjacent à un côté de la sandale (orteil ou talon). La chance de réussir est proportionnelle au nombre d'Elfes autour de la sandale : c'est 25% s'il n'y a qu'un Elfe, 33% s'il y a deux Elfes,  50% s'il y a trois Elfes, 100% s'il y a 4 Elfes (en réalité le livre originel n'utilisait pas de dé et demandait que les deux joueurs choisissent chacun un certain nombre de doigts dans leur main et c'était un succès si les deux joueurs avaient choisi le même nombre, avec respectivement 4 doigts, 3 doigts ou 2 doigts). 

Lasso

Si un Géant ne peut plus bouger, un Elfe peut tenter de le capturer au Lasso s'il tient une des deux Cordes et s'il est à 4 hex ou moins. Il a 50% de chance de réussir. 

A la fin du tour, les Elfes évanouis se relèvent. 

Fin du jeu : on vérifie si les conditions de victoire sont réalisées. 

Voici les pions, mais dans la version rééditée dans Starry Wisdom n°3 (1997) qui proposait une variante d'Eric Rowe de remplacer le Géant par Cthulhu. Je ne sais pas pourquoi un Elfe devient un Ygg ou un Cerveau à part comme gag pour faire allusion aux autres jeux de Chaosium. 



dimanche 15 septembre 2024

"Attendre et espérer"


Cette formule écrite par Alexandre Dumas & Auguste Maquet comme devise finale du Comte de Monte-Cristo paraît curieusement quiétiste pour un roman sur l'énergie et la force de la volonté (un Stoïcien dirait plutôt qu'il faut s'abstenir et soutenir, se forcer à agir sans rien espérer). La fin du livre reprend un ton assez chrétien sur la nécessité de l'espérance, alors que le personnage du Vengeur avait semblé remettre en cause toute idée de Providence divine. 

Le nouveau film de Matthieu Delaporte et d'Alexandre de La Patellière est efficace et reprend même les tropes habituels du superhéros, ce qui rappelle la thèse d'Umberto Eco selon laquelle Le Comte de Monte-Cristo a créé le genre du superhéros en 1844 (60 ans avant Arsène Lupin ou The Scarlet Pimpernel). Le père d'Alexandre, Denys de La Patellière, avait réalisé une adaptation TV assez fidèle en 4 épisodes du roman en 1979 avec Jacques Weber (elle est sur le site de l'INA). 

L'erreur principale à mes yeux dans cette version, qui doit relever du montage, est sur Maxilimien Morrel

Dans le film, on insiste pour nous montrer Morrel et son fils Maximilien encore enfant, puis on raconte que Morrel est le seul à avoir tenté de sauver Dantès avant de mourir dans la misère (ce qui n'est pas le cas dans le livre) et Dantès oublie complètement Maximilien (alors qu'il en fait un de ses principaux héritiers dans le roman). 

La scène avec le petit Maximilien doit venir d'une étape dans le scénario où le petit Morrel devait encore jouer un rôle alors que ce Pistolet de Tchekhov est complètement oublié dans le film, ce qui retire un mécanisme de satisfaction, oubli facile à corriger. S'il y a une version longue, j'espère qu'il y aura au moins une scène avec Maximilien adulte ou bien un testament en sa faveur, cela changerait pas mal de chose. 

Autres changements dans l'adaptation : 

Le nouveau personnage d'Angèle de Villefort (la soeur du procureur Gérard de Villefort) remplace dans ce film le personnage de Noirtier : on a changé le père bonapartiste en une soeur et on ajouté une scène d'action où Edmond sauve Angèle. Et Noirtier va jouer un rôle plus durable dans le roman avant de finir tué lui aussi, sans que ce soit la faute de Villefort. 

Fernand Mondego ou Mercedes Herrera n'étaient pas (encore) nobles au début, il n'y a donc pas de mésalliance si Dantès épouse Mercedes (alors que dans le film, ils sont déjà les cousins Morcerf et Danglars est le seul à être roturier). Mondego est bien plus coupable dans le livre (c'est lui qui envoie la lettre de dénonciation, pas Danglars) et Danglars est un comptable, pas un marin. 

Le Trésor de Faria n'a rien à voir avec les Templiers dans le roman. Mais je trouve que c'est plutôt une bonne idée qui relie toutes les théories du complot du XIXe. 


Ils ont retiré la scène où Dantès se lie d'amitié (juste après son évasion) avec le marin Jacopo, qui va devenir un de ses associés. 

La scène où Monte-Cristo sauve Albert de Morcerf (le fils de Fernand et Mercedes) a lieu en Italie, pas à Paris et il y a plus de transitions pour faire accepter Monte-Cristo dans la bonne société parisienne. 

UN : Villefort

Le personnage du Prince Andrea de Cavalcanti (le bâtard abandonné, fiancé à la fille Danglars) dans le film est le bandit Benedetto dans le roman. En revanche, Villefort est aussi puni par une autre intrigue dans le livre où sa femme (qui a empoisonné plusieurs membres de sa famille dans l'espoir d'enrichir leur héritier) se tue et tue leur fils légitime Edouard en même temps. Villefort devient fou, il n'est pas tué par son fils (mais Dantès a plus de doutes sur les conséquences que sa vengeance a eu pour toute la famille). Mais Villefort a aussi une fille, Valentine, qui sera sauvée et épousera Maximilien Morrel (qui avait failli se suicider en croyant Valentine morte). 

DEUX : Morcerf

Le fait que Fernand de Morcerf ait trahi le Pacha de Janina est rendu public dans le roman (grâce au journal contrôlé par Monte-Cristo, l'intrigue qui est dans le film contre Danglars) et il finit par se suicider, sans ce duel à l'épée assez ridicule du film. Albert de Morcerf tentera de sauver son honneur en se faisant engager en Algérie. 

TROIS : Danglars

Danglars sera ruiné (sans cette histoire de flotte), puis capturé par les bandits, forcé de jeûner en châtiment pour le père de Dantès qui était mort en cessant de se nourrir. Mais Monte-Cristo lui laissera la vie sauve. Il est sous-entendu qu'Eugénie Danglars (Emilie dans le film, si je me souviens bien) est lesbienne mais ce n'est pas affirmé aussi clairement que dans le film. 

Le film a donc redistribué sur Haydée (jouée par la franco-roumaine Annamaria Vartololomei dans le film) et Albert de Morcerf ce qui arrivait en fait à Valentine de Villefort et Maximilien Morrel qui sont tous les deux retirés (et toute l'histoire de l'épouse de Villefort aussi). 

Dans le livre, Haydée est amoureuse de Monte-Cristo, pas du tout d'Albert et c'est sans doute un des changements majeurs du film qui semble avoir craint cette happy end. Et Monte-Cristo ne finit donc pas seul, comme dans le film (comme si le film avait voulu mettre un peu de Jean Valjean sur lui, avec Haydée en Cosette et Albert en Marius Pontmercy). 

Cela dit, je suis plutôt d'accord avec l'idée que la relation Haydée-Edmond ne marche plus bien pour nous en raison de son statut de fille adoptive. C'est assez difficile à dépasser. 

Il y a 6 ans, j'avais déjà parlé d'Edmond Dantès. Mais à l'époque, je ne connaissais pas le délire absurde qui se demande si Pouchkine n'aurait pas pu survivre à son meurtre par d'Anthès en 1838 avant de changer d'identité et de devenir... Alexandre Dumas (alors qu'on a tant de données sur ce Dumas avant 1838). Sans doute une sorte de blague russe, en fait. 

Si vous voulez comparer entre elles les différentes adaptations du Comte de Monte Cristo, il y a ce très utile site : 1 les films de 1918 à 1959, 2 les films de 1960 à 2002, et une amusante synthèse de tous. Il dit que la version de 1979 est la plus fidèle de toutes (à part l'ajout obligatoire d'une scène de duel d'escrime) mais que hélas Jacques Weber est trop froid en Dantès et que Haydée n'a aucune "chimie" avec lui. La version Disney de 2002 est, elle, allée jusqu'à faire d'Albert le vrai fils d'Edmond Dantès et non de Fernand (!!!). 

samedi 14 septembre 2024

Rings of Power Saison 2, épisode 5 "Halls of Stone"

SPOILERS abondants, variés et violents.


Episodes 1-34 (j'avais en revanche peu détaillé la saison 1)

Il n'y a pas de secret : c'est meilleur quand on n'a que les intrigues d'Eregion & Khazad-dûm et Númenor sans les histoires sans grand intérêt de Gandalf-Bis-à l'est et Legolas-du-sud, ce qui est le cas ici (même si on a hâte qu'Isildur revienne en Númenor).

Pourtant, même dans cet épisode, l'esthétique du Prequel me paraît souvent peu réussie, nous donnant la gratification de l'origine des scènes qu'on attend mais d'une manière tellement maladroite que le plaisir de l'analepse est un peu décevant. 

Prenons la scène de dévoilement de la Porte Ouest de Narvi.


Mon fils Mellon devant les Portes de Durin
Expo Tolkien de la Bibliothèque nationale

Depuis qu'on avait vu le constructeur Narvi, on s'attendait à cette scène et ces magnifiques Portes de Durin, dites "Portes Occidentales de la Moria" ou Porte d'Eregion (ou de la "Houssaie" en français) fournit à Tolkien l'une des plus belles scènes de tout le Seigneur des Anneaux en contenant en puissance toute la force de l'imaginaire "liminal" du jeu de rôle (et je regarde presque la série rien que pour avoir cette scène). Ici, la scène est expédiée comme un remerciement pour l'Anneau de Durin, sans aucun lien d'amitié réelle entre Celebrimbor et Narvi, sans aucun travail commun avec Celebrimbor et j'imagine que ce dernier va y ajouter ensuite les runes lunaires en ithildin de tengwar féanoriennes qui disent le célèbre texte :  

"Ennyn Durin Aran Moria. Pedo Mellon a Minno.
Im Narvi hain echant. Celebrimbor o Eregion teithant i thiw hin." 

Le fait que le siège d'Ost-in-Edhil par les Orcs d'Adar commence déjà me fait hésiter sur la possibilité d'avoir cette scène.

Les nombreuses scènes de manipulation avec Annatar ont au moins l'avantage de jouer sur la perversité où Sauron prêche le vrai pour mieux tromper (comme lorsqu'il s'amuse à accuser Celebrimbor d'être le seul responsable de la corruption des Sept Anneaux Nains). Mais s'il n'utilisait pas la magie, son Verbe seul ne nous impressionnerait pas tellement. Il tente de séduire Mirdania (une Noldo des Gwaith-i-Mírdain, les Orfèvres d'Eregion) en jouant sur son ressentiment contre Celebrimbor et en la comparant à la chevelure de Galadriel (chevelure magique qui contient encore, telle les Silmarils, un reste de l'éclat des Deux Arbres de Valinor). Mirdania va-t-elle même jouer un rôle dans la construction de l'Anneau Unique (que Sauron construira seul dans les Monts Orodruin) ? 

Malgré toute l'hubris des Orfèvres noldor, on a du mal à croire à ces manipulations mais c'est une idée de scénario intéressante que Sauron réussisse toujours à s'en sortir en projetant sur d'autres la cause réelle de sa propre corruption ou que ses mensonges favoris reposent sur le fait de dire la vérité sur ce que va faire un certain "Sauron". 

Je n'ai rien contre la chronologie compressée (c'était inévitable) ou contre certaines des modifications importantes. Adar, par exemple, me paraît être une très bonne idée pour avoir un adversaire ambigu, Père des Orcs, elfe corrompu mais en même temps ennemi de Sauron qui a créé le Mordor sans deviner qu'il ne fait que servir involontairement la cause du Seigneur Ténébreux. Et dans cet épisode, l'idée qu'Adar puisse vraiment devenir un allié contre Sauron est plutôt attirante dans sa source de complexité : Galadriel, malgré toute sa haine des Orcs, est-elle prête à s'allier à l'ennemi de son Ennemi ? 

Mais d'autres modifications continuent à poser des problèmes qui s'accumulent. Comme tout le monde l'a déjà dit, c'est le cas de l'ordre de construction des Anneaux. 

Dans la série, Celebrimbor fabrique d'abord les Trois sans Sauron puis fabrique à la chaîne les 7 puis les 9 avec lui (ainsi que divers anneaux d'invisibilité plus mineurs). Mais les 3 sont censés être plus puissants que les 16 autres, ce qui veut dire qu'il a donc bâclé les 16 en les fabriquant ensuite avec Sauron . De plus, les scénaristes doivent regretter d'avoir révélé l'identité de Sauron ainsi dès le début à Galadriel : elle a prévenu Celebrimbor mais maladroitement et il décide quand même de ne pas l'écouter. On a toujours envie de revenir en arrière pour corriger cette scène pour que la corruption de Celebrimbor soit plus crédible. L'interprétation plausible est que les scénaristes ont choisi de suivre l'ordre croissant du poème alors que ce n'était pas un ordre chronologique : "Trois pour les Rois elfes sous le ciel, // sept pour les seigneurs des Nains dans leurs demeures de pierre"

Dans les livres, tous les Elfes (sauf en partie Gil-Galad, Elrond et Galadriel) sont trompés par Annatar. Annatar et Celebrimbor forgent d'abord les 16 ensemble puis Celebrimbor commence à avoir des doutes sur Annatar et il se retire pour créer son chef d'oeuvre, les Trois (mais même sans l'intervention de Sauron, les Trois restent potentiellement corrupteurs et Cirdan, Gandalf et Elrond s'en méfient comme d'une arme de dernier recours). Cela aurait donné une meilleure progression si Celebrimbor s'était ainsi rédimé en créant les Trois Anneaux des Elfes comme un remède atténuant le poison auquel il avait contribué. 

Disa a retrouvé sa lucidité et comme Durin IV elle ne croit plus du tout à l'Anneau (mais la scène où elle suit une boule pour descendre jusqu'aux profondeurs sombres est ridicule, les scénaristes n'avaient aucun autre moyen qu'une boule qui roule ?). La corruption de Durin III est ultra-rapide et facile à remarquer, comme si le Roi des Nains était ivre. Le rythme de cette série est parfois très curieux, trop lent dans certains épisodes (les Hobbits) et soudain très précipité pour arriver brutalement au but attendu. Relier si vite le don des Anneaux et quelques jours plus tard déjà l'arrivée du Fléau de Durin compresse tout le Second Âge et les 2000 premières années du Troisième Âge. La Moria n'est censée tomber qu'après la chute finale d'Arnor-Arthedain et là, Arnor n'est pas encore prête d'être fondée puisque cela devrait être à la fin de la série ! 

Gil-Galad refuse d'intervenir en Eregion, prétextant qu'ils sont seuls. Cela annonce l'alliance future mais précaire avec le Numenor d'Ar-Pharazon. Mais le Haut-Roi des Elfes de Lindon a l'air encore une fois assez ridicule (mais c'est un problème général de quasiment tous les Elfes des films et de cette série, sauf Legolas, Arwen et Galadriel). 

En Numenor dans la cité d'Armenelos, il y a une scène que même moi (qu'on accuse à raison de ne pas toujours assez se soucier de ne pas trop divulgâcher) je ne voudrais pas spoiler ici comme c'est une surprise et je n'en vois pas vraiment l'utilité (si ce n'est que le choix d'Isildur pour les noms de ses enfants va prendre un sens nouveau, le nom de "Valandil" étant à la fois le nom d'un oncle et d'un fils d'Isildur et non d'un de ses amis dans les livres). 

Le personnage du Prince Kemen (le fils d'Ar-Pharazôn) est très caricatural parmi les "Hommes du Roi" quand il brise la statue de Nienna. Mais après tout, le pauvre Kemen est destiné par son père de toute éternité à échouer et les scénaristes ont choisi de gommer les mères pour n'avoir que deux veufs, Pharazon et Elendil. J'aimerais bien un jour que l'école des scénaristes apprenne d'autres intrigues que les Daddy Issues

Après cet épisode, j'imagine qu'on aura enfin une scène de rédemption d'Eärien, la fille d'Elendil qui aurait un peu l'arc de Sansa dans GoT (passant de l'alliée de Joffrey à son ennemi), même si Captain Popcorn propose dans sa vidéo que Kemen et Eärien pourraient devenir des Nazgûls au cours de la future Saison 3 ou 4. 

Je ne sais pas s'il était possible de rendre la cause des Numénoréens anti-elfes un peu plus ambiguë. La scène où Pharazon regarde avec une envie dévorante l'île de Tol Eressëa est assez bien faite. Le seuil du Paradis était censé être un signe d'espérance et de confiance, une arche d'alliance, et devient une source d'amertume : le peuple des mortels au seuil de l'immortalité n'y voit que le fardeau de sa mort et non pas le présent des Valar

L'idée d'avoir fait démocratisé Elendil en en faisant un simple officier capitaine de Numenor et non pas un des cousins de la famille royale me paraît toujours aussi discutable dans une adaptation : je préférerais aussi un imaginaire plus démocratique comme les scénaristes mais on sait bien que ce n'est pas ce que Tolkien utilise. Elendil est censé être l'héritier fidèle qui va restaurer la monarchie, pas un fonctionnaire en résistance. C'est un roi Arthur ou peut-être Moïse, pas Jean Moulin.